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Rechercher : Rémi Hugues. histoire

  • SOUTENEZ, PARTICIPEZ ! ACTIVITÉS DES ROYALISTES ET/OU DU PAYS RÉEL DANS TOUTE LA FRANCE...

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    Cette page est ouverte à tous, lafautearousseau se voulant "la maison commune" de tous les royalistes, de toute obédience (RN/CRAF, NAR, GAR, DEXTRA, indépendants/"électrons libres"...)

    Aux deux seules conditions que l'on soit dans la double fidélité à l'école de pensée de l'Action française et à notre Famille de France, à laquelle nous sommes particulièrement attachés...

    Mais elle est aussi ouverte à d'autres groupes, pas forcément royalistes, ou exclusivement royalistes, qui mènent des actions allant dans le sens de la défense du Bien commun : SOS Éducation, le Collectif Némesis / La Cocarde étudiante /Jeunesse, si tu savais-Poussières d'étoiles / Baguette Musette / le Cercle d'Artagnan / Les Chemises blanches / Défendons notre Patrimoine...

     

    Envoyez-nous les annonces et/ou les visuels de réunions de rentrée, Cercles d'études et de formation, Cafés politique/actualité/histoire, manifestations diverses etc...

    • Conférences, Réunions, Cercles de formation, Manifestations diverses... dans la France entière...

     

     

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    Vendredi 17 Septembre à 19h, l'Action Française Rennes vous convie à son Cercle Chateaubriand pour une conférence dont le thème sera introduction à l'histoire des idées animée par Edouard Lavreau.

    Pour se former et rejoindre la jeunesse rennaise MP.

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    Vendredi 17 Septembre à 19h, l'Action Française Vendée vous convie pour une conférence dont le thème sera les nationalismes français et allemand animée par Amaury de Perros, le responsable de la fédération Bretagne.

    Contactez nous en mp pour plus d'informations.

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    Vendredi 17 Septembre à 20h, la Fédération Royaliste d'Île de France vous convie à sa Réunion de Rentrée Militante.

    Soirée conviviale. Buffet dinatoire.

    Sympathisants, simples curieux ou futurs militants, cette rentrée est l'occasion de venir échanger avec les membres de la fédération et de découvrir les activités des sections pour l'année à venir !
    10 Rue Croix-des-Petits-Champs 75001 Paris
     
    PAF : 10€ - 5€ pour les étudiants et chômeurs
    À vendredi prochain !

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    Vendredi 17 Septembre l'Action Française Évry ainsi que toutes les autres sections d'Île-de-France feront leur rentrée militante !
    Occasion de créer un premier contact avec ceux qui militent pour la France au plus près de chez toi ! La présentation des objectifs de l'année sera suivie d'un buffet et d'une soirée conviviale.
    N'attends plus rejoins-nous !
     
     
     
    Vendredi 24 Septembre à 20h, l'Action Française Vannes vous convie à sa Réunion de Rentrée.
    Elle est déjà mobilisée depuis fin Août contre le Passe Sanitaire.
    Venez nombreux pour nous découvrir, invitez toutes les bonnes volontés autour de vous !
    Lieu et détails en MP
    "A l'Action Française, une seule place libre... la tienne" !

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    Ile de France : Cercle d'Aumale

     

     

    Samedi 25 Septembre à 18h, l'Action Française Bordeaux vous convie à sa Réunion de Rentrée.

    Au programme : bilan de l'année militante passée, projets, stands, conférence, banquet, sports, camaraderie,... !
    Nous vous attendons nombreux pour lancer comme il se doit cette nouvelle année de militantisme.
    Plus d'informations en message privé !

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    Demandez le programme de notre réunion de rentrée !
    Pour vous inscrire contactez-nous par message privé.

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    Samedi 25 Septembre à 19h, l'Action Française Metz/Nancy vous convie à sa Réunion de Rentrée pour les militants, sympathisants et curieux.

    Plus d'informations en message.

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    Samedi 02 Octobre à 18h30, l'Action Française Le Mans organise sa Réunion de Rentrée.
    Que tu sois militant, sympathisant ou simple curieux, contactes nous pour nous rencontrer et pour venir découvrir nos idées !
    Tu pourras venir prendre connaissance des projets militants prévus pour cette année 2021/2022 tout en passant un bon moment de convivialité !

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    https://www.facebook.com/events/435289054685183/?ref=newsfeed

     

     

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    • CERCLE DE FLORE PARIS

     

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    Site Officiel : https://www.actionfrancaise.net/recherche/cercle+de+flore

    Page FBhttps://www.facebook.com/cercle.de.flore/

     

     à 20h,

    10 rue Croix des Petits Champs, 75001 Paris, Metro 1 et 7 : Palais Royal - Musée du Louvre.

    PAF : 5€ (conférence) 10  (conférence + buffet)

     

     

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    • CERCLE DE FLORE LYON

     

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    Page FB : https://www.facebook.com/cercledeflorelyon/

     
     
     

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    • URBVM

     

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    Jeudi 16 Septembre, l'Action Française Bordeaux vous convie à son Cercle Léon de Montesquiou pour une conférence dont le thème sera le quadrilatère maurrassien animée par Jocelyn Limbert.

    Informations et inscriptions en message privé.

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    Jeudi 16 Septembre à 20h, l'Action Française Vannes vous convie pour une audio-conférence dont le thème sera l'équilibre entre libertés et sécurité en politique animée par Erwan Boreau sur Discord.

    Au coeur des préoccupations aujourd'hui, l'équilibre des libertés et de la sécurité sera abordé lors de notre Cercle d'études de rentrée : venez nombreux, invitez toutes les personnes qui pourraient être intéressées !
    Lien Discord en MP.

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    • CERCLE DE FLORE PARIS

     

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     à 20h,

    10 rue Croix des Petits Champs, 75001 Paris, Metro 1 et 7 : Palais Royal - Musée du Louvre.

    PAF : 5€ (conférence) 10  (conférence + b

  • Veuillez cacher cette inflation que je ne saurais voir !, par Jean-Baptiste Giraud.

    Hommes politiques et banquiers jurent leurs grands dieux que les prix n’augmentent pas, qu’il n’y a pas d’ et, donc, aucune menace pour le pouvoir d’achat et, accessoirement, l’épargne des Français. La réalité est malheureusement tout autre et les signaux faibles sont de moins en moins… faibles.

    6.jpgÇa va commencer par se voir et se savoir. Depuis des mois et, en réalité, même des années, on nous assure que l’inflation, qui a ruiné tour à tour les Français sous la Révolution, les Allemands avant l’apogée du nazisme, les Argentins plus récemment et, en ce moment, ruine les Libanais, n’est qu’un lointain souvenir.

    La liste n’a évidemment rien d’exhaustif et, en bien d’autres périodes de notre histoire, pour se cantonner à la seule France, l’ a fait des ravages. Mais aussi des heureux. Eh oui ! Car il faut rappeler cette vérité absolue et incontestable : si l’inflation ruine inéluctablement les épargnants, elle fait au contraire la joie de ceux qui ont emprunté.

    La preuve ? Au lendemain de la guerre, la France était à genoux, croulant sous les dettes. Mais avec 48,5 % d’inflation en 1945, 52,6 % en 46, 49,2 % en 47, 58,7 % en 48 et « seulement » 10 % en 49, la dette n’était plus un problème, puisque intérêts et principal étaient devenus quasi-monnaie de singe en quelques années…

    C’est, dans une moindre mesure, ce qui se produit en ce moment déjà en France. L’inflation (mesurée) dépasse les 2 % ? Les intérêts servis aux détenteurs de Livret A restent à 0,5 %, foi de Bruno Le Maire. Un enfant de 5e comprend pourquoi c’est embêtant. Enfin, un enfant en 5e il y a trente ans aurait tout de suite compris pourquoi…

    Le problème de l’inflation, c’est le thermomètre. Or, pour plein de bonnes et de mauvaises raisons, celui-ci ne mesure pas vraiment l’inflation ! L’explication la plus simple de son évidente incapacité à refléter la réalité vient de la quasi-absence du logement dans le calcul de l’inflation. Les loyers ne « pèsent », en effet, que 6,1 % au sein de l’indice des prix. Et les achats d’appartements ou maisons sont carrément exclus de l’indice, alors même que les prix ont doublé voire triplé par endroits en moins de vingt ans ! L’INSEE tente de se justifier ici sans convaincre grand monde.

    +25 % pour les carburants à la pompe depuis le début de l’année. +57 % pour le gaz depuis janvier. +50 % pour le fioul domestique. +10 % annoncés pour l’électricité l’an prochain. Les fruits, les légumes la viande, les céréales, la farine… Tout augmente, et pas de quelques chiffres après la virgule. Il s’agit, le plus souvent, d’augmentations à deux chiffres.

    Comme l’inflation fait peur, car elle rappelle à certains les-heures-les-plus-sombres-de-notre-histoire, on tente de la cacher sous le tapis, mais certains mécanismes automatiques se déclenchent malgré eux. D’où la hausse obligatoire du SMIC de 2,2 % au 1er octobre, qui entraînera dans son sillage 80 % des salaires des Français, puisque 4 Français sur 5 sont payés un peu plus que le SMIC, mais pas beaucoup plus. Ce n’est pas un hasard si SOS Médecins était en grève, lundi 27 septembre : c’était pour qu’on augmente les tarifs des consultations à domicile. Comme le patron a le chéquier facile en ce moment, ça va défiler sous ses fenêtres dans son bureau. Ce n’est pas un hasard s’il promet, le cœur sur la main, des pourboires exemptés de charges sociales et d’impôts aux métiers de l’hôtellerie et de la restauration, même avec la carte bancaire !

    Tout cela nous annonce un retour prochain de l’inflation (mesurée, la réelle étant bien supérieure pour une majorité de gens !) que les banques centrales, dont c’est la mission principale, vont tenter de maintenir autour de 4 ou 5 %. Au-delà, et c’est le risque de la spirale inflationniste, avec une belle petite et financière à la clef.

    Mais dans tous les cas, le retour de l’inflation, c’est beaucoup de soucis pour beaucoup de monde. Sauf pour ceux qui sont endettés jusqu’au cou à 1 ou 2 %, et encore plus pour ceux qui sont endettés à 0 %, voire à taux d’intérêt négatif, et qui rêveraient que plusieurs années d’inflation successives remboursent tout ou partie de leurs dettes à leur place. Et devinez qui est endetté à zéro ou à taux négatif ?

    Au passage, les banques commerciales françaises, qui ont distribué des centaines de milliards d’euros de prêts à taux fixe, très faibles, sont elles aussi très très inquiètes…

     

    Jean-Baptiste Giraud

    Journaliste, directeur de la rédaction d’Economie Matin et Politique Matin. Il médiatraine chefs d’entreprises et personnalités politiques depuis plus de vingt ans.
  • Sérotonine, de Michel Houellebecq. Le Oui et le Non à la vie

     Par Javier Portella

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgJusqu'ici Javier Portella nous avait remarquablement éclairés sur les événements d'Espagne, nous permettant d'ajouter ses réflexions très documentées aux nôtres. Mais nous constatons qu'il a bien des cordes à son arc. Voici en effet qu'il vient de produire un article superbe et profond [Boulevard Voltaire, 13.01] sur le dernier livre-événement de Michel Houellebecq. Nous avons déjà dit que nous reviendrions sur ce dernier opus. Et nous n'en avons pas fini car son importance n'est pas - si l'on peut dire - seulement littéraire. Lisez donc !    LFAR

     

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    Il m’a laissé à la fois heureux et accablé, le dernier roman d’Houellebecq. Heureux ? Non. Quel bonheur peut apporter une histoire qui, aussi réjouissants que soient ses sarcasmes à l’encontre des bobos, baigne dans une tristesse si épaisse ? Oublions le bonheur, le plus usé (et faux) des mots. Ce que cette histoire m’a apporté, c’est la plénitude déchirée – ce n’est pas pareil : c’est infiniment mieux – qu’apporte tout grand chef-d’œuvre.

    Et celui-là en est un. C’est peut-être la plus grande des œuvres qu’Houellebecq nous a offertes. C’est, en tout cas, la plus déchirée et décharnée, la plus nihiliste et désespérée. Nul espoir n’y est permis. Cent ans de solitude, disait García Márquez. Pas cent ans, cent siècles, semble dire Houellebecq, en songeant surtout au nôtre : au siècle dont les hommes tombent plus seuls et plus nus que jamais dans l’abîme où halètent échec, ruine et décomposition.

    Et pourtant…

    Si ce n’était que cela ; si Houellebecq se bornait à cela ; si tout se réduisait à un plaidoyer sur la noirceur du monde et le non-sens de la vie, ni ce livre n’aurait rien à voir avec l’art, ni je ne m’y serais plongé à fond. C’est toujours la même chose qui m’arrive avec Houellebecq – et avec Céline aussi, cet autre génie auquel il ressemble à tant d’égards.

    En un sens, je suis profondément en désaccord avec ses idées. Ma sensibilité, si différente, ne peut que se soulever face à une vision tellement désolée du monde. Comment pourrais-je y adhérer quand, tout en souffrant et tout en combattant cette désolation, je fais mien l’amor fatinietzschéen : l’acceptation – non résignée : offensive – des desseins du sort ; le grand vitalisme qui conduit Nietzsche à s’exclamer : « Je veux en toute circonstance être celui qui dit Oui »« le grand Oui à toutes les choses élevées, belles, téméraires, le grand, le sacré Oui à la vie ».

    2051844117.jpgEt face à cela, le grand Non à la vie que balbutient les personnages d’Houellebecq, notamment ce Florent-Claude Labrouste dont les actions… ou non-actions charpentent Sérotonine. Ce qui se passe, c’est que le Non d’Houellebecq n’est jamais univoque. Il l’exprime avec un tel humour et un tel art qu’à travers lui grouille toute la contradictoire complexité d’une vie qui, avec ses mille tendresses et mesquineries, ses mille amours et désamours, ses mille bontés et méchancetés, souffle et se débat face au grand Néant qui prétend l’engloutir.

    À l’occasion – et elle est cruciale –, la vie souffle même en prenant la hauteur d’un combat politique où Houellebecq manifeste toutes ses sympathies. Elles vont à l’ancienne et aujourd’hui dépossédée aristocratie rurale, ainsi qu’aux paysans – les seuls à se sauver du grand désastre postmoderne – en butte à la spoliation entreprise par Bruxelles et par les grandes entreprises du capitalisme mondialisé.

    Non, le désarroi qui anéantit les personnages d’Houellebecq n’est pas seulement un désarroi psychologique, intime, individuel. Ou, s’il est individuel, c’est dans la mesure où il est individualiste. Ce qui les accable, c’est le désarroi qui fait chavirer les hommes dépourvus d’amour érotique, et d’attaches familiales, et des liens d’un peuple, et de l’enracinement dans des traditions, et de la fermeté d’un ordre donnant un sens à la vie vouée à la mort.

    S’il en est ainsi, si se déploient dans l’œuvre les deux moteurs qui, s’affrontant, poussent le monde – le Oui et le Non, la vie et la mort –, qu’importe alors que la littéralité de l’œuvre privilégie celui des deux moteurs qui ne serait peut-être celui qu’on tendrait à privilégier ? ■  

    Écrivain et journaliste espagnol

  • Quand l’islam 2.0 fascine les Latino-américaines [1]

    Jeunes femmes autochtones priant à San Cristobal de Las Casas, État du Chiapas, Mexique, 2016

    Par Sylvie TAUSSIG

    Islam Sudamérique.jpgNous proposons (...) à nos suiveurs un article fouillé de S. Taussig paru récemment dans la revue internationale en ligne The Conversation. Créée en 2011 en Australie, ce site est vite devenu le rendez-vous de la fine fleur de l’intelligentsia universitaire mondiale, et il dispose maintenant d’une version francophone, d’où nous avons ramené cet article. Bonne lecture !  Péroncel-Hugoz 

     

    AVT_Sylvie-Taussig_4260.jpgLes réseaux sociaux jouent un rôle considérable dans tous les domaines de la mondialisation, y compris la spiritualité, la religion et la foi. Le pape s’exprime par tweet, le dalaï-lama donne des cours en ligne, et le phénomène des imams sur le web est bien étudié. 

    Il existe cependant une réalité musulmane encore peu étudiée pour l’Amérique latine, mais bien vivante, et qui prospère d’autant plus que la population musulmane y est clairsemée. De fait l’implantation musulmane est faible dans la plupart des pays (voir l’étude du Pew Research Center pour une estimation totale) mais structurée par les grands courants prosélytes depuis les années 1980. Nous sommes dans bien des cas dans un islam de deuxième génération, qui prétend à une certaine visibilité. Je me limite ici aux pays principalement hispanophones, le Brésil présentant un cas particulier d’islam plus local.

    Documentaire de Vice sur les musulmans mexicains. 

    La structuration de ces musulmans en Amérique hispanophone passe le plus souvent par une connexion forte soit avec les pays d’origine, soit avec des groupes très actifs aux États-Unis (et l’un n’empêche pas l’autre), et donc par la circulation de prédicateurs et de biens symboliques. En marge de ces connexions transrégionales, il existe de façon surprenante des sites de rencontre spécifiquement musulmans, spécialement conçus pour mettre en contact des hommes vivant dans des pays musulmans avec des femmes latino-américaines, dans le but de contracter un mariage temporaire ou permanent, via l’immigration. 

    Dans certains cas, Internet réalise la projection de la sociologue marocaine Fatima Mernissi, à savoir que l’amour, facilité par Internet, permet de dépasser le fossé entre islam et occident ; dans d’autres cas, l’abus de confiance est caractérisé. 

    Habibi latino 

    Alors que les courants musulmans orthodoxes remettent en question le caractère haram (illicite) des relations virtuelles entre hommes et femmes non mariés, et argumentent moins sur la dimension éthique que sur des concepts de légalité islamique et de relation entre les sexes. Certains sites Web (où les usagers communiquent en espagnol et parfois en anglais) et pages Facebook, parfois des « groupes secrets » et réservés aux femmes (Musulmanas latinas por un matrimonio halal, Enamorada De Un Musulman, CUÉNTANOS TU HISTORIA (TENGO PAREJA MUSULMANA), Amor Arabe Enamorada, Casada de un Arabe o Musulman, Quien es mi habibi) ont spécifiquement ouvert un nouvel espace de réflexion sur la violence contre les femmes.

     

    Enamorada de un musulm

    Un mariage religieux plutôt que laïque 

    Ces pages poursuivent différents types d’objectif – soit facilitation de la rencontre en vue du mariage, soit expression de doléances, soit vérification que le « habibi » en vue n’est pas déjà le « habibi » d’une autre, soit enquête informelle sur la sincérité du galant –, et elles ont souvent une durée de vie limitée car elles sont à un moment ou un autre « trollés » et investis par des officines prosélytes ou des individus voulant vendre tel ou tel type de services. 

    Les pages Facebook de femmes latino-américaines – interdites aux hommes sur la base d’un questionnaire d’entrée- racontent leurs terribles histoires de tromperie et désillusion, où se font jour de nombreux éléments de la violence faite aux femmes. Les femmes racontent comment elles ont été abusées par leur habibi, qui parfois en drague plusieurs à la fois ; parfois elles leur ont envoyé de l’argent pour qu’il vienne les rejoindre et n’en ont jamais vu la couleur ; certaines se sont même rendues dans le pays du habibi, où elles se sont vu retirer leur passeport et ont vécu des choses qui relèvent du crime. Elles viennent raconter, informer, dissuader, conseiller ou simplement pleurer pour se reconstruire par l’écoute. On constate que ces hommes s’attaquent plus facilement à des personnes fragiles (par leur âge, leur physique, leur situation de famille, etc.) 

    C’est particulièrement le cas lorsque les mariages ne sont célébrés que par religion et non sous une forme civile. Ces sites ouvrent aussi une fenêtre sur des pratiques moralement douteuses, soit des hommes qui draguent plusieurs femmes en même temps, soit des femmes qui tâchent de s’emparer des « habibis » des autres, dont elles savent tout via l’indiscrétion virtuelle. 

    Dans ce cas, alors que les pays d’Amérique latine exigent, comme en France, un mariage civil, cette problématique montre comment les exigences religieuses peuvent s’opposer à la normativité juridique laïque. Ainsi certains religieux en font même un instrument prosélyte. 

    Le wali pakistano-péruvien que j’ai rencontré affirme que l’islam constitue une meilleure protection pour les femmes que l’État de droit qui, pour un croyant, crée une culpabilité morale intérieure et génère une loyauté divisée (tension par rapport à ce qu’on doit à Dieu). En effet, le mariage « islamique » où la femme est nécessairement accompagnée de son témoin garantirait selon lui une protection supérieure au mariage civil. 

    L’Arabe glamour de la télénovelas 

    Le vaste travail de terrain que j’ai mené, principalement au Mexique, au Pérou et au Chili met d’abord en lumière la manière dont se constitue et se véhicule une image de l’Arabe idéal, à travers les telenovelas et sur la série el clon et son succès au Brésil et les réseaux sociaux, sur la base d’un goût « oriental » déjà ancien. 

    Trailer de « El clon » (le clone) série diffusée depuis 2010. Met en scène une histoire d’amour entre Lucas, son clone et une belle jeune femme exotique car « arabe », Jade.

    Prince sur son cheval, émir du pétrole, bellâtre caractérisé par son romantisme et sa douceur avec les femmes, par opposition au machiste latino – la violence conjugale est effectivement un thème majeur – l’arabo-musulman jouit d’une représentation favorable (à côté de formes non moins certaines de xénophobie). 

    Cette dernière est encouragée par les réussites spectaculaires d’un Carlos Slim et autres hommes d’affaires d’origine du Levant, que l’on retrouve d’un pays à l’autre, en politique ou dans le mécénat. Ceci est aussi répercuté par les sites musulmans. 

    La valorisation, qui part d’une ambivalence liée à la mise en avant d’une source arabe de l’identité espagnole des Latinos, va jusqu’à la « glamourisation ».   [Série suite et fin demain].

    Sylvie Taussig
    Chercheuse, CNRS, Institut français des études andines

    Voir dans Lafautearousseau ...

    De Péroncel-Hugoz : Sylvie TAUSSIG, de Gassendi à l’islamisation via le roman moderne et Richelieu…
  • Patrimoine cinématographique • La révolution française

    Le procès du Roi 

    Par Pierre Builly

    La révolution française de Robert Enrico et de Richard T. Heffron (1989)

    20525593_1529036520490493_4184281983923317414_n.jpgLes buveurs de sang 

    C’est la Mission de commémoration officielle de 1789 qui, deux siècles après La révolution française a commandé à deux réalisateurs, le français Robert Enrico (Les aventuriers, Le vieux fusil) et plus bizarrement à un Étasunien, Richard T. Heffron une longue fresque en deux époques, Les années lumière et Les années terribles. 

    71MtHt8N3SL._SY445_.jpgCraignant que le film soit un panégyrique bêlant, je ne l’avais pas vu à l’époque. Je l’ai enregistré un jour par hasard sur une chaîne de télévision et, le regardant, j’ai été tout de suite heureusement surpris. Mais – malédiction ! - mon enregistrement s’arrêtait malencontreusement au milieu des Années terribles avec le départ de la Reine vers l’échafaud le 16 octobre 1793. Autant dire que je n’avais pu voir, après cette immolation, ce qui m’aurait fait plaisir : le découpage sur ce même échafaud de toutes les canailles dont trop de nos places et nos rues portent le nom. Car il y a, en France des rues Danton, Robespierre et même Marat (oui, des rues Marat : à Ivry sur Seine et à Decines, dans la banlieue lyonnaise ; pourquoi pas des rues Alfred Goebbels ou Heinrich Himmler du côté de Stuttgart et de Munich ?)… 

    Heureusement, le DVD existe qui permet de rattraper les balourdises et de découvrir un film de six heures qui, sans être une œuvre de propagande me paraît montrer assez bien la logique implacable du déroulement des événements, de l'entraînement vers la Terreur des apprentis sorciers. Sans doute le film, qui aurait dû alors s’enfler dans des dimensions trop importantes, ne peut naturellement pas évoquer les vingt dernières années de l'Ancien régime, marquées par l'effort désespéré de briser les rigidités et les blocages du pays (réformes Maupéou de 1771) et la coalition contre nature de la bourgeoisie, classe montante et de la noblesse, classe figée. (On voit bien avec le regard d’aujourd’hui que réformer la France a toujours été aussi compliqué). C'est dommage, d'une certaine façon, parce que la Révolution paraît surgir ex nihilo d'un mécontentement presque conjoncturel (les très mauvaises récoltes des années 87/88/89), alors qu'elle émerge des fariboles idéologiques des Encyclopédistes et de l'avidité des marchands. 

    Dès la mise à sac des Tuileries, en août 1792 et le carnage de la garde suisse, on voit bien qu'il y a de la part des Révolutionnaires une course effrénée vers l'effusion de la plus grande quantité de sang : Faites tomber 100.000 têtes, et la Révolution sera sauvée comme dit plaisamment Marat (Vittorio Mezzogiorno). 

    desmoulins_robespierre.jpgLe deuxième segment du film montre de façon très convaincante l'engloutissement, la course à l'abîme de tous ces fous furieux qui ont déchaîné les enfers et qui seront tous, ou presque, avalés par leur folie. Si la terreur cesse, tout ce que nous avons construit s'écroulera ! assène Robespierre (Andrzej Seweryn) à Camille Desmoulins (François Cluzet) (photo) qui commence - bien tard ! - à s'inquiéter des flots de sang versés. Et Desmoulins, brusquement conscient, éveillé du cauchemar Peut-être n'avons-nous rien construit : c'est juste un rêve... 

    Un rêve d'épouvante : horreur des Massacres de septembre, des prisonniers égorgés, éventrés, poignardés, saignés dans les cellules qui en portent encore aujourd'hui la marque comme à la prison des Carmes, rue de Vaugirard à Paris ; horreur des exécutions publiques place de la Concorde, de l'échafaud en perpétuel fonctionnement devant la foule avide, béate d'admiration devant le spectacle (ne noircissons pas trop le tableau : je gage qu'elle le serait à nouveau, ravie et complaisante, si ces holocaustes étaient à nouveau pratiqués).

    revolution-francaise-1989-15-g.jpgHorreur du sang, horreur de la haine : le chef des Enragés, Hébert (Georges Corraface) tentant d'accuser la reine Marie-Antoinette (Jane Seymour) d'avoir perverti et pollué le Dauphin Louis-Charles (Sean Flynn)... Abomination de ces gens... Au fait je lis sur Wikipédia que Dans les années 1980, la municipalité (alors socialiste) d'Alençon (...) a discrètement nommé en l'honneur de Hébert une cour piétonnière donnant accès à un groupe de maisons anciennes rénovées au centre du vieil Alençon, entre la Grande-Rue, la rue des Granges et la rue de Sarthe. Cette cour Jacques-René Hébert n'est signalée sur aucun plan de la ville. Il y a des canailles qui n'ont pas le courage de leurs immondes fiertés. 

    Des apprentis sorciers, donc. Des envieux et des aveugles qui ouvrent la boîte de Pandore et, pour le bonheur d'un peuple mythique (ce brave populo qui marche à tout et qui se fera consciencieusement massacrer pendant les guerres sanglantes de l'Empire) inventent, à la fin du siècle le plus civilisé de notre histoire, la loi des suspects et le premier génocide systématique, celui des Vendéens. 

    original-12598-1434028659-6.jpgLa révolution française fait malheureusement un peu l'impasse sur ce dernier point et ne l'évoque qu'allusivement, ce qui est bien dommage. Mais comment ne pas se féliciter de voir enfin évoqués les massacres de Septembre (92) leur sauvagerie, les bandes de canailles et de poissardes assassinant des prisonniers et demandant toujours plus de sang, le procès du Roi, ses dernières paroles d'apaisement couvertes par le roulement des tambours ordonné par l'infernal Santerre (Marc de Jonge), encore une de ces canailles dont une rue de Paris porte le nom ; et la merveilleuse, lumineuse idée d'avoir confié à Christopher Lee (photo) le rôle de Sanson ! Qui d'autre pouvait mieux incarner le bourreau que le plus grand des buveurs de sang du cinéma, immortel Dracula ? 

    Au fait, comment ne pas s'interroger sur l'esprit de cette Révolution française, financée dans les cadres du bicentenaire de 1789 ? Manifestement, compte tenu de l'éclat et de la qualité de la distribution, les moyens n'ont pas manqué à Robert Enrico et Richard T. Heffron (au fait, pourquoi cet inconnu ?). Et personne, au sommet de l'État, n'a lu le scénario, si manifestement contre-révolutionnaire ? 

    À moins que le président François Mitterrand, dont la jeunesse fut proche de L'Action française et qui avait pour la monarchie l'inclination de tous ceux qui connaissent un peu notre Histoire, n'ait voulu, en pied-de-nez qui lui ressemblerait assez, montrer le peu de goût qu'il avait pour l'affreuse période de la Terreur…   

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    Le coffret DVD est d'un prix abordable, autour de 20 € et il vaut la peine de le posséder, de le diffuser, de le recommander, de le prêter pour que chacun puisse voir les affreuses origines de notre bel aujourd'hui, les crimes sur quoi il s'est constitué et les impostures sanglantes qui le fondent.......

    Retrouvez l'ensemble des chroniques hebdomadaires de Pierre Builly sur notre patrimoine cinématographique, publiées en principe le dimanche, dans notre catégorie Culture et Civilisation.
  • LE FAVORI IMPORTUN ET LE FAUX ROI

    PAR JACQUES TRÉMOLET DE VILLERS

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    Benalla défie Macron. L'affaire ne cesse de rebondir. Jusqu'où ?

    0ù est le problème Benalla ? Cette petite histoire de favoritisme ou d'égarement dans le choix d'un confident risque de devenir une affaire d'État, alors que, pour la chose judiciaire, les faits sont bien minces. Il se serait couvert d'un brassard de police pour mener une action de police, au demeurant justifiée... Il aurait conservé des passeports diplomatiques, mais qui lui avaient été remis régulièrement. Peut-être a-t-il encore les clefs des résidences privées de notre Jupiter à Brégançon, à La Lanterne, et au Touquet,... et même les batteries des vélos électriques ?

    800px-Henri_IV_par_François_Quesnel.jpgL'histoire de notre pays est remplie de Benallas, féminins ou masculins, favoris ou favorites, que le peuple détestait dans la mesure où il avait l'impression qu'ils - ou elles - lui volaient leur Roi. Car le Roi est donné au royaume et ses infidélités sont insupportables au peuple de ce royaume. On lui passe des maîtresses et des jeux de dés à condition qu'on le sache occupé au bonheur de ses sujets. « La violente amour que je porte à mes sujets » disait Henri IV, « m'a fait trouver, pour eux, tout agréable ». En réponse, la violente amour que le peuple portait au bon roi Henri l'a rendu très indulgent, voire complice, voire admiratif pour ses incartades conjugales.

    Le problème est chez Macron

    Le problème Benalla n'est pas chez Benalla. Il semble un garçon brillant, ambitieux, courageux physiquement, décidé, que les scrupules n'encombrent pas et qui peut rebondir en se servant de son passage près du Prince depuis que le Prince a choisi de ne plus le connaître. Non, le problème Benalla n'est pas chez Benalla. Il est chez Macron.

    Macron, qui a une haute idée, non seulement de lui-même mais de sa fonction, a compris que le Peuple de France a besoin d'un roi, que, dans nos institutions, le Président de la République était ce roi - « ce monarque élu et provisoire » et que, à l'inverse de ses prédécesseurs, il saurait lui, être ce Roi.

    Il faut se rappeler qu'il n'est pas le premier à avoir effectué ce transfert. De Gaulle disait « incarner la légitimité » ; Giscard se prenait pour un descendant de Louis XV ; Mitterrand à Versailles, dès son élection, recevant les chefs d'État étrangers, prenait des allures de souverain ; Chirac, Sarkozy et Hollande, selon la prédiction du même Mitterrand « après moi ce sera Chirac, et, en deux ans, il aura déconsidéré la fonction », ont renoncé à cette allure de magistrature suprême, ce qui a rendu plus net encore son retour avec Macron, au Louvre, le soir de son triomphe.

    Mais il est un attribut de cette fonction royale qui, chez nous, en France, est fondatrice et primordiale : c'est la justice. Le Roi est le grand Juge. Le modèle est Salomon, puis saint Louis. Quand le dictateur, le président, le monarque ... n'exerce pas, en plénitude et face au peuple, pour le peuple, cette fonction de justice, il devient vite, quelles que soient ses autres qualités, un tyran. 

    Le tyran est celui dont on croit qu'il profite du pouvoir, de ses avantages, de sa facilité, de l'argent, pour lui-même et non pas au service du premier des biens qu'il doit au peuple : la Justice.

    800px-SaintLouisSainteChapelle.jpgLa Justice veut un certain apparat, pour elle-même d'abord, afin de ne pas perdre de vue la hauteur de sa fonction. Au sommet, cet apparat se résume à saint Louis sous un chêne, à Vincennes, accueillant « les plaids des justiciables ». Il faut être saint Louis pour se permettre cette bonhomie et cette simplicité. La pauvreté est le seul luxe qui convient à Dieu et à ses saints. Pour les autres, les convenances sont nécessaires.

    Macron n'est pas saint Louis, et, de surcroît, la justice ne l'intéresse pas. Ses préoccupations sont ailleurs, dans l'Europe qu'il voudrait gouverner, dans le Monde multilatéral qu'il voudrait inspirer, et, peut-être aussi - pourquoi pas ?- gouverner, dans la transition écologique... dans cet univers nouveau qu'il veut faire éclore, en se débarrassant de ces fardeaux que sont la grogne et l'incompréhension de ces Gaulois qui, pourtant, l'ont élu.

    Le favori

    Alors Benalla devient un symbole. Il est le favori, le parvenu, l'étranger, le corrompu, celui dont la seule présence insupporte ceux qui sont appelés, à participer, de près ou de moins près, à l'oeuvre de justice : les magistrats, les policiers, les services de sécurité.

    Sa présence signe le mépris du Prince pour ces hommes de service, qui remplissent leur charge, en portent les devoirs et se voient défiés, dépassés, ridiculisés par un jeune homme sorti de nulle part et que « la faveur du roi élève en un rang » qu'ils ne pourront jamais atteindre.

    De Benalla, la colère se reporte sur celui qui l'a élevé, et les commerçants de la rumeur en font leur produit préféré. Sans Macron, Benalla n'était rien. Il a existé par la faveur de Macron. Il continue d'exister dans la défaveur de Macron, il devient l'un des instruments de cette défaveur.

    Jusqu'où ira le feuilleton ? Les mécaniques les mieux réglées, les plans les mieux pensés, achoppent toujours sur un imprévu, heureux ou malheureux. Le soleil d'Austerlitz au matin du 2 décembre, le nez de Cléopâtre qui détourne Antoine de ses devoirs de chef de guerre... mais n'allons pas si loin, ni si haut.

    La fonction royale que semble occuper Macron n'est pas pour lui, comme elle ne l'était pas non plus pour ses prédécesseurs. Benalla sert de révélateur. Il y en a d'autres, et plus importants.

    « Pour une fonction régalienne », aurait dit Monsieur de La Palice, « il faut un Roi ». Et un Roi, cela ne s'invente pas, ne s'élit pas, ne se choisit pas, ne se désigne pas. Un Roi est donné, par Dieu, et reconnu par le Peuple.

    Chacun alors peut trouver sa vraie place, selon sa chance ou son mérite... Benalla comme les autres.   

    Jacques Trémolet de Villers

  • Mathieu Bock-Côté parle d'or : « À propos de la Ligue du LOL »

    Par Mathieu Bock-Côté 

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    CHRONIQUE - Ce ne sont plus seulement de jeunes abrutis qui se sont comportés en harceleurs numériques, mais de jeunes mâles blancs, ce qui rendrait apparemment leur comportement encore plus grave. [Le Figaro, 15.02]. Qu'ajouter à la chronique de Mathieu Bock-Côté qui est aussi, in fine, un coup de gueule, même s'il est fortement motivé ? Lisez ce texte malgré tout jubilatoire car l'on y pressent que la réaction du « mâle blanc » reste possible. S'il ne continue pas à s'adonner inconsidérément à la sauvagerie décérébrante des réseaux sociaux.  LFAR 

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    L'étrange affaire de la Ligue du LOL a quelque chose d'ubuesque.

    À ce qu'on en comprend, pour l'instant, une petite bande de journalistes parisiens s'est comportée de la plus goujate des manières pendant des années sur Twitter, en intimidant virtuellement des internautes, souvent des femmes. Avec un total sentiment d'impunité, ils insultaient et pouvaient même s'amuser à défaire les réputations. L'histoire demeure encore nébuleuse et certaines parties du récit demeurent difficiles à comprendre et à valider. Les témoignages sont souvent contradictoires.

    Sermonneurs de métier

    On ne peut pourtant s'empêcher de le noter: les journalistes et personnalités médiatiques impliqués appartiennent pour l'essentiel à la presse de gauche la plus sermonneuse, qui n'aime rien tant que combiner snobisme et sentiment de supériorité morale au nom de la dernière cause progressiste à la mode. Dans les médias, le progressisme n'est pas qu'une philosophie, c'est aussi un plan de carrière. Obligés de s'expliquer, ils paniquent et multiplient les excuses grandiloquentes et piteuses. Comment ne pas voir derrière cela des garçons apeurés à l'idée de disparaître socialement et médiatiquement ?

    carron-glad-doucet-ligue-du-lol.jpgUn peu plus et on les entendra parler de leur double maléfique, comme autant de Mehdi Meklat à demi-schizophrènes, tiraillés entre leur vertu affichée d'un côté et leur désir d'injurier de l'autre. Ils font penser à ces politiciens américains ultraconservateurs faisant campagne sur leur moralité supérieure et dont on découvre ensuite une double vie en contradiction radicale avec ce qu'ils prêchent. Il faudrait toujours se méfier des sermonneurs de métier.

    La controverse pourrait s'arrêter là. Mais une mouvance idéologique qui verse dans le féminisme intersectionnel et l'antiracisme indigéniste entend récupérer cette minable histoire de cyberintimidation à son avantage. L'occasion est trop belle pour ne pas sortir la carte victimaire. Ainsi, ce ne sont plus seulement de jeunes abrutis qui se sont comportés en harceleurs numériques, mais de jeunes mâles blancs, ce qui rendrait apparemment leur comportement encore plus grave. On a vu des militantes qui se prennent pour des journalistes soutenir, dans une tribune publiée sur le site Internet du Monde , que cette crise serait révélatrice de la « domination masculine fondée sur la cooptation et l'entre-soi entre hommes, blancs et hétérosexuels ».

    Il serait même nécessaire de mettre en place des « formations sur le traitement médiatique des questions de genre et des minorités sexuelles ». Autrement dit, la mauvaise conduite des petites canailles de la Ligue du LOL devrait justifier une autocritique de toute la profession pour la convertir aux exigences de la pensée correcte. La chasse au mâle blanc est même lancée. « Il est plus que temps de casser les “boys club” […] et d'embaucher, en masse, des femmes, des personnes racisées, des personnes LGBTQ+ aux postes clés des rédactions. » En somme, le lobby diversitaire veut transformer la bêtise des uns en occasion de rééducation des autres.

    Ce lobby n'est pourtant pas étranger lui-même aux cabales médiatiques. Il suffit par exemple de suivre de près ou de loin la campagne de harcèlement permanente dont un Laurent Bouvet est la cible pour s'imaginer à quel point il peut être pénible de participer à la vie publique sous la surveillance mesquine d'inquisiteurs scrutant les moindres détails de son existence dans l'espoir de l'épingler et de le mettre à mort socialement. Étonnamment, les coups qu'il reçoit n'indignent pas autant que d'autres. Il est vrai qu'en tant que défenseur de la laïcité républicaine, il est classé parmi les suspects.

    Sauvagerie des médias sociaux

    ligue-du-lol-la-mairie-de-paris-aussi-touchee-1327761.jpgQue Twitter soit par excellence le lieu où une coalition de brutes qui carbure à l'humiliation harcèle et cherche à détruire des réputations ne fait pas de doute. La sauvagerie des médias sociaux n'est plus à démontrer et ceux qui la subissent savent à quel point elle est pénible. On trouve sur les réseaux sociaux une meute toujours à la recherche de sa cible du jour, et qui s'ennuie lorsqu'elle ne lynche pas. C'est l'utopie de la conversation démocratique désinhibée qui se retourne contre elle-même. Il arrive que le peuple s'exprime sur les réseaux sociaux. Il arrive aussi que la foule s'y défoule.

    Mais ce qu'on constate aujourd'hui, c'est que même les individus qui devraient être les plus sensibles à la civilité démocratique peuvent se comporter de la plus vile manière. Comme quoi le fait d'être socialement privilégié n'immunise pas contre la bêtise. Que cette affaire soit l'occasion de méditer sur les bonnes manières dans le débat public, tous en conviendront. Mais qu'elle justifie, comme d'habitude, le procès du grand méchant homme blanc hétérosexuel, on repassera. Il y a des limites à soumettre le réel à la monomanie idéologique.    

    Mathieu Bock-Côté 
    Le-nouveau-regime.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Ses derniers livres : Le multiculturalisme comme religion politiqueaux éditions du Cerf [2016] et le Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).   
     Lire aussi dans Lafautearousseau ...

    Éric Zemmour : « La Ligue du LOL ou Tartuffe chez les bien-pensants »

  • Grandes manœuvres pour 2022 : si le mot ”journalisme” a encore un sens..., par Natacha Polony.

    "Soixante-dix pour cent des Français ne veulent pas d’un second tour Macron-Le Pen. Ils révèlent par là qu’ils ont parfaitement compris en quoi la fixation d’une part de l’électorat protestataire du côté du Rassemblement national fige l’échiquier politique." © Hannah Assouline

    "Le tollé provoqué par la une de Libération sur ces électeurs de gauche qui ne voteront plus Macron a eu une vertu : mettre au jour les mécanismes qui vont faire de cette année préélectorale un cauchemar pour tout citoyen ayant encore un peu foi en la res publica, la « chose publique »", analyse Natacha Polony, directrice de la rédaction de "Marianne".

    Un peu plus d’un an avant la prochaine élection présidentielle. Certes, les Français s’en brossent le nombril avec le pinceau de l’indifférence. Dans l’immédiat, la seule chose qui pourrait éveiller leur intérêt serait l’annonce de la fin de cette pandémie, une date de réouverture des restaurants et des bistrots, et l’autorisation d’enfin retirer leur masque. Pourtant, les grandes manœuvres ont commencé. Comme tous les cinq ans, le nombre de candidats putatifs ou déclarés pourrait remplir une de ces salles de concert qui restent désespérément fermées. Comme tous les cinq ans, les médias sont en ordre de bataille pour commenter la course de petits chevaux et faire monter la cote des uns et des autres – d’un Michel Barnier auréolé de son combat contre la perfide Albion et de ses affreux brexiteurs à une Anne Hidalgo ainsi délivrée des polémiques sur l’échec de ses Sanisette écolo-moches.

    Le tollé provoqué par la une de Libération sur ces électeurs de gauche qui ne voteront plus Macron a eu une vertu : mettre au jour les mécanismes qui vont faire de cette année préélectorale un cauchemar pour tout citoyen ayant encore un peu foi en la res publica la « chose publique », et plus particulièrement pour celui qui aurait dans l’idée que les médias ont leur part dans le processus de délibération démocratique. En l’occurrence, quand le journal Libération (qu’on peut difficilement soupçonner de faire la promotion du Rassemblement national) se contente de constater un phénomène et d’en rendre compte, il est accusé de « faire le jeu de… ». Même plus besoin de poursuivre la phrase, tant l’expression est usée. À vrai dire, elle guide depuis des années les choix de nombre de rédactions, très loin de toute réflexion sur le rôle véritable du journaliste. Cette fois, c’est pis : la photo de une semble « renvoyer dos à dos » les deux protagonistes. Crime inexpiable. Au fait, qui avait reproché à Jean-Luc Mélenchon son « silence écrasant » durant l’entre-deux tours de 2017 ? Ah oui, Libération…

    "Faire le jeu de…"

    La question qui se pose est finalement de savoir quels sont les ingrédients pour être bien certain de faire d’une campagne électorale une pantomime pathétique. Il y a l’option 2017 : une affaire croustillante qui focalise sur la nécessaire « transparence » et les promesses de grand nettoyage. Exit les sujets de fond, la désindustrialisation, l’éducation, les inégalités, l’intégration, le terrorisme (un an et demi après les 130 morts du Bataclan, il fallait le faire…). Il y a l’option 2007 et les éditoriaux du Monde pour expliquer que la candidature Bayrou, quand il faut absolument un second tour UMP-PS, flirte avec le fascisme (oui, François Bayrou, l’homme de l’UDF puis du MoDem…). Il y a l’option référendums sur l’Europe et sa version 1992, en pleine guerre de Yougoslavie : « Voter non, c’est choisir l’épuration ethnique. »

    Il y a déjà longtemps que les médias se sont prêtés à ce genre de jeu, oubliant que leur rôle est d’apporter aux électeurs les informations et analyses qui leur permettront de choisir en connaissance de cause, mais, surtout, de mettre en avant les débats qui devraient être au cœur d’une campagne digne de ce nom. Sauf qu’à chaque instant resurgit la question en forme de soupçon : « Mais vous, Marianne que ferez-vous en cas de second tour Macron-Le Pen ? » Traduction : le plus important n’est pas de travailler à éclairer les citoyens mais de donner des gages.

    Echiquier politique figé

    Soixante-dix pour cent des Français ne veulent pas d’un second tour Macron-Le Pen. Ils révèlent par là qu’ils ont parfaitement compris en quoi la fixation d’une part de l’électorat protestataire du côté du Rassemblement national fige l’échiquier politique et empêche que surgissent des propositions permettant un véritable changement qui ne soit pas le chaos ou le déchaînement des passions identitaires.

    Voilà déjà plusieurs années que le pays est à la croisée des chemins, et que tout esprit lucide sait que la France ne peut se permettre de passer une fois de plus à côté de l’Histoire. La crise ouverte par l’épidémie de Covid-19 nous confronte à l’éventualité d’une perte de maîtrise de notre destin à échelle d’une génération. Hélas, l’un des risques est que nous passions cette année à commenter la stratégie vaccinale et les choix de reconfinement à géométrie plus ou moins variable. Au lieu de nous projeter dans l’avenir, une telle campagne nous plongerait dans le jeu pervers des coups de billard à trois bandes, où il s’agit avant tout d’expliquer qu’on aurait épargné des vies, puisque, avec des « si », on refait le monde et l’Histoire. Il faudra alors des trésors de persévérance aux journalistes encore soucieux de leur mission pour mettre en avant des débats aussi austères et complexes que l’indépendance énergétique, la survie des filières agricoles, les méthodes d’apprentissage, le retour d’un véritable aménagement du territoire, la politique du logement…, tous sujets dans lesquels nul ne peut se prévaloir d’être dans le camp du « bien » face à celui des salauds. C’est pourtant ce que les médias doivent à la démocratie.

    Source : https://www.marianne.net/

  • ”Cessez d’emmerder les Français” ! (Georges Pompidou) bis, par Christian Vanneste.

    Les questions du rôle de l’Etat et de sa place dans un pays sont au cœur de la réflexion politique. On pourrait en fixer les limites avec d’un côté la célèbre formule assassine de Frédéric Bastiat : “L’Etat, c’est la grande fiction sociale à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde”, et de l’autre, celle de Mussolini : ” Tout dans l’État, rien hors de l’État, rien contre l’État !”.

    christian vanneste.jpgLe libéralisme du premier conduirait aux idées des libertariens américains  comme Murray Rothbard qui pensent que l’initiative privée peut répondre à tous les besoins sociaux, et le fascisme du second au totalitarisme d’ailleurs revendiqué par celui-ci. Entre les deux, on pourrait placer le marxisme-léninisme qui juge l’Etat totalitaire, la dictature du prolétariat comme nécessaire à l’avènement d’une société sans classe et sans Etat. En abandonnant ce tour de passe-passe dialectique au grenier de l’histoire où ses contradictions sanglantes l’ont conduit, on peut penser que les choix politiques raisonnables ont toujours abouti à fixer un rôle et une place définis à l’Etat par rapport à la société civile, intermédiaires entre le tout et le rien. Le choix lui-même a été conditionné par la réalité de la société, c’est-à-dire le plus souvent de la nation au sein de laquelle il a été progressivement opéré. Ce sont des colons entreprenants, des propriétaires conquérants qui ont fondé les Etats-Unis et l’on ne s’étonnera pas de l’attachement de ce pays aux libertés individuelles, comme par exemple le droit au port d’armes. La France a été construite à partir d’un Etat monarchique centralisé autour du fief de la dynastie capétienne, l’Île-de-France, et on ne sera donc pas surpris du poids considérable de l’appareil étatique dans le fonctionnement du pays et de l’appel lancinant des Français à son intervention.

    Au cours de l’Histoire, en France comme ailleurs, l’importance de l’Etat a oscillé autour de cette position déterminée par le passé. On aurait pu penser que la Révolution allait être “libérale”, avec la fin des corporations, par exemple. Elle s’est achevée dans l’Etat napoléonien hypercentralisé. En revanche, le gaullisme dont René Rémond a fait à tort la continuité du bonapartisme avait voulu réaliser un équilibre conforme à la tradition française : un Etat stratège chargé des fonctions régaliennes qui assurent la sécurité intérieure et extérieure du pays, mais aussi appelé à intervenir dans les domaines économique ou culturel pour maintenir la France dans la course internationale. La loi Debré avait permis à l’enseignement privé, essentiellement catholique, de se développer. L’idée que l’initiative privée pouvait remplir une fonction de service public de manière plus souple et plus efficace au sein du pays a fait partie des options retenues par la majorité des gouvernements de la Ve République, y compris ceux de gauche qui, par ailleurs, après des réticences initiales, n’ont pas hésité à privatiser des entreprises détenues par l’Etat. On remarquera toutefois que cette conversion de la gauche à un certain libéralisme économique s’est accompagnée de deux travers : d’abord un poids financier et fiscal de l’Etat sans cesse alourdi, et d’autre part une tendance idéologique à envahir des domaines de liberté extérieurs à l’économie.

    La société civile n’est pas en effet restreinte à la seule économie : elle cumule tout ce qui dans l’activité des citoyens ne relève pas de la politique. Le véritable libéralisme consiste à respecter ce vaste domaine privé, celui de la vie des vraies gens, pour autant que rien n’y contredit le bien commun de la société dans son ensemble. L’excellent film allemand de Florian Henckel von Donnersmarck “La vie des Autres” montre à quel point la vie privée peut être envahie et détruite par un Etat totalitaire comme celui qui existait en RDA et souligne le risque d’y voir disparaître la liberté bien au-delà de celles d’entreprendre ou de posséder.

    Certains pensent que le pouvoir français actuel serait “libéral”. C’est évidemment faux en raison du niveau des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires, mais cela pourrait paraître vrai à cause de quelques mesures fiscales ou de privatisations, d’ailleurs contestables comme celle d’ADP. En revanche, ce qui est très inquiétant, ce sont les atteintes de plus en plus marquées à la vie privée, à cet espace qui doit être raisonnablement préservé des interventions de l’Etat. Le covid a bon dos : sous prétexte de protéger la vie, l’état d’urgence sans fin la restreint sans cesse davantage. Un Etat n’a pas à intervenir dans la vie des familles, pour fixer la jauge des repas, ni dans la participation des croyants à la célébration de la fête religieuse la plus importante de l’année, comme l’avait rappelé fort opportunément le Conseil d’Etat.

    En fait, on assiste à une curieuse inversion des rôles de l’Etat en France. Faute d’avoir été stratège, d’avoir réuni les moyens de lutte contre une pandémie, manquant de masques, puis de tests, puis de lits et de personnel de réanimation, puis enfin de ces vaccins que notre pays n’est pas parvenu à produire, l’Etat a enfermé les Français dans des mesures contraignantes qui touchent prioritairement les domaines qui ne lui appartiennent pas : la vie familiale, associative, culturelle et cultuelle, les activités économiques qui entretiennent la convivialité sociale, les cafés, les restaurants, les commerces indépendants. C’est un gaulliste, libéral comme on peut l’être en France, Georges Pompidou, qui avait dit “Arrêtez donc d’emmerder les Français ! ”

    Source : https://www.christianvanneste.fr/

  • Le cinquantenaire de la Nouvelle Action Française, par Jean-Philippe Chauvin.

    C’était un dimanche du printemps 1974 : nous étions dans un autocar qui nous amenait, mes camarades escrimeurs et moi, à Vannes ou à Lorient pour une compétition de fleuret. Quelques semaines auparavant, le président Pompidou était mort ;

    jean philippe chauvin.jpgdésormais, les affiches électorales vantaient les noms de ses potentiels remplaçants, débordant largement des panneaux officiels dédiés aux joutes présidentielles et s’étalant sur les murs, les placards d’affichage publicitaire ou les portes des universités. Une affiche, à la sortie de Rennes, nous intrigua : il était question d’un candidat royaliste, et nous pensâmes alors que c’était un héritier des rois, ou quelque chose comme cela, et je crois que, amusés, nous avons alors crié « vive le roi ! », sans penser ni à mal ni à la République… J’avais 11 ans et la politique, alors, se confondait avec l’histoire et le monde des adultes, et je fréquentais assidûment la première sans m’intéresser vraiment au second.

     

    Bien des années plus tard, je repensais à ce souvenir dominical sans vraiment savoir s’il était inaugural de mon royalisme. Et c’est dans l’été 1980 que je faisais connaissance avec l’Action Française dont j’allais ensuite devenir un militant passionné et, parfois, irraisonné malgré toute l’importance attribuée, dans ce « mouvement-école de pensée », à la raison raisonnante. Mais le candidat royaliste avait bien existé et j’appris alors qu’il s’appelait Bertrand Renouvin : tout en étant à l’AF dès l’automne 1980, je suivais avec sympathie les tentatives d’icelui pour se représenter à l’élection présidentielle du printemps 1981 et je repérais, dans le même temps, les nombreuses peintures de son mouvement, la NAF ou Nouvelle Action Française (devenue NAR, Nouvelle Action Royaliste, en 1978), qui parsemaient toute la Bretagne, de Quimper à Dinard, en passant par Rennes et les campagnes des environs de Dinan (entre autres). C’était une époque où la bombe à peinture appartenait à l’équipement de tout militant politique « des périphéries », et j’en devins moi aussi un adepte non moins fervent que l’était mon royalisme, l’une devenant serviteur de l’autre…

     

    Je n’ai jamais adhéré à la Nouvelle Action Royaliste, même si j’ai eu l’honneur d’être le rédacteur en chef d’une de ses publications, Lys Rouge, et que je suis fidèle lecteur et abonné de Royaliste depuis la fin de l’année 1980 ; j’avoue même avoir été, un temps, brouillé avec les militants rennais de la NAR. Comme le temps passe, puis-je murmurer en me remémorant ces souvenirs qui s’étalent sur presque la moitié d’un siècle… Et justement, voilà que c’est, déjà, le cinquantenaire de ce mouvement royaliste issu de l’Action Française et émancipé de cette dernière : le 31 mars, la NAR a 50 ans… et cela même si son nom de baptême n’est plus celui de sa maturité. Alors, bon anniversaire !! Un cinquantenaire, même sous couvre-feu, cela se fête !

     

    Cet anniversaire est aussi l’occasion d’une brève réflexion sur ce qu’est et ce que peut être le mouvement royaliste en général. En sortant de la Restauration Nationale qui représentait une Action Française historique, traditionnelle et fidèle, d’ailleurs autant à Maurras qu’au comte de Paris, les fondateurs de la NAF pensaient la « refonder » et, très vite, c’est l’identité royaliste qui va l’emporter sur d’autres parts de l’identité de l’AF : le nationalisme ou, du moins, son vocabulaire, va peu à peu laisser la place à un attachement à la nation française que l’on pourrait qualifier, à la suite de Pierre Boutang, de « nationisme ». Mais la NAF, y compris après sa transformation en Nouvelle Action Royaliste (un changement de nom qui montre clairement la mutation du mouvement né en 1971 vers un royalisme détaché des polémiques et d’une grande part de l’héritage maurrassien qui, pourtant, n’est pas totalement absent de l’actuelle NAR…), perpétue la méfiance à l’égard de la construction européenne telle qu’elle se déroule dans les années 1970-80, avant que de se rallier, très temporairement, à la vision européenne de François Mitterrand et d’appeler à voter « oui » au référendum sur le traité de Maëstricht. En révisant ensuite son jugement de l’époque ou en le nuançant par une opposition vive à la politique monétaire de l’Union européenne, la NAR montre là un bon usage de l’empirisme organisateur que n’aurait pas désavoué Maurras.

     

    Il y a, au-delà de l’actuelle NAR dont le bimensuel Royaliste est le principal moyen d’expression, un héritage de la Nouvelle Action Française que se partagent nombre de militants royalistes, y compris de groupes qui se rattachent plutôt à la « vieille maison » de l’AF : l’idée d’une « Monarchie populaire », que le Groupe d’Action Royaliste, par exemple, traduit en « Monarchie sociale », reste forte et trouve même nombre d’adeptes nouveaux dans une mouvance qui lui accordait une place jusqu’alors plutôt réduite malgré les efforts de Firmin Bacconnier ou de Georges Valois au début du XXe siècle ; la volonté de rompre avec les seules commémorations de souvenirs glorieux et parfois factieux, mais trop souvent mal compris du grand public, au profit d’une histoire plus vivante, plus active même, renouant avec l’impertinence des Camelots du Roi d’Henri Lagrange et de Georges Bernanos ; un style militant qui manie aussi bien le tract argumenté que la peinture combative ou la banderole revendicative ; etc. La lecture des anciens numéros du journal de la Nouvelle Action Française, homonyme avant que de s’appeler simplement « NAF » puis Royaliste, est parfois fort instructive et motivante, avec sa « nouvelle enquête sur la monarchie » ou ses entretiens avec Pierre Boutang et Maurice Clavel, entre autres.

     

    Bien sûr, il n’y aurait aucun intérêt à copier exactement ce qui a été fait en un temps désormais lointain : mais la NAF peut servir, sinon de modèle, du moins d’inspiratrice, pour dépasser les préjugés, y compris ceux qui traînent parfois dans les milieux royalistes eux-mêmes, et pour nous rappeler que le combat pour la Monarchie n’est pas un dîner de gala, mais bien une recherche intellectuelle permanente et une action politique raisonnée sans être toujours trop raisonnable. La passion qui anima les « nafistes » et qui poursuivait celle des Camelots du Roi est, elle, toujours d’actualité et, plus encore, nécessaire. « Pour ne pas mourir royalistes, mais pour faire la Monarchie »…

    Source : https://jpchauvin.typepad.fr/

  • Demain, c'est Pâques : pas de notes sur lafautearousseau...

    Ce dimanche, jour de Pâques, pas de notes sur lafautearousseau, qui fait "relâche", comme les jours de l'Assomption et de Noël...

    christianisme.jpg"A la Grèce, nous devons surtout notre raison logique. A Rome, nos maximes de droit et de gouvernement. Mais à l’Evangile nous devons notre idée même de l’homme. Si nous renions l’Evangile, nous sommes perdus !" disait avec raison Jean de Lattre de Tassigny.

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    Et Chateaubriand écrivait "...Après Alexandre, commença le pouvoir romain; après César, le christianisme changea le monde; après Charlemagne, la nuit féodale engendra une nouvelle société; après Napoléon, néant : on ne voit venir ni empire, ni religion, ni barbares. La civilisation est montée à son plus haut point, mais civilisation matérielle, inféconde, qui ne peut rien produire, car on ne saurait donner la vie que par la morale; on n'arrive à la création des peuples que par les routes du ciel : les chemins de fer nous conduiront seulement avec plus de rapidité à l'abîme..." (Mémoires d'Outre-tombe, tome II, p.261). 

    Pourquoi ce "néant" dont parle, avec raison, Chateaubriand, après Napoléon, le sabre, l'héritier, le continuateur de la Révolution ?

    Parce que la Révolution est d'abord et avant tout anti chrétienne; qu'elle s'est pensée, voulue et accomplie, en dehors, sans et contre l'héritage millénaire de la France chrétienne; un héritage qu'elle a voulu effacer et qu'elle prétend remplacer par elle-même, puisqu'elle se conçoit comme une nouvelle Religion, la Nouvelle Religion Républicaine.

    Mais cette Nouvelle religion est inféconde : elle n'a su qu'affaiblir considérablement - sans le détruire  complètement - le christianisme et avec lui l'âme, l'esprit Français. Et, aujourd'hui, les Français - des-éduqués par une Ecole sectaire qui les a voulus "sans Dieu et sans Roi" - pour reprendre le mot de Jules Ferry - se retrouvent désemparés face à un Islam conquérant - lui - ou alors face au "vide", au "néant" dont parlait Chateaubriand.

    Et cela parce que ses soi-disant "valeurs" ne sont que des mots, des abstractions et des incantations vaines, des formules creuses, qui ne pèsent d'aucun poids devant les réalités. La République idéologique n'a su et pu que détruire, sans rien construire à la place de ce qu'elle effaçait...

    Le 8 novembre 1906, René Viviani prononça un discours fleuve à l'Assemblée (extrait) :

    lfar viviani.jpg"...Nous sommes face à face avec l’Église catholique... La vérité, c’est que se rencontrent ici... la société fondée sur la volonté de l’homme et la société fondée sur la volonté de Dieu... Les Congrégations et l’Église ne nous menacent pas seulement par leurs agissements, mais par la propagation de la foi... La neutralité fut toujours un mensonge.

    Nous n'avons jamais eu d'autre dessein que de faire une université antireligieuse... de façon active, militante, belliqueuse...

    ...Nous nous sommes attachés dans le passé à une œuvre d'irreligion; nous avons arraché la conscience humaine à la croyance...

    ...Ensemble, et d'un geste magnifique, nous avons éteint dans le ciel des lumières qu'on ne rallumera plus...

    ...Nous ne sommes pas seulement en présence des congrégations, nous sommes en face de l'Eglise Catholique, pour la combattre, pour lui livrer une guerre d'extermination..."

    Peu de temps avant ce discours, haineux mais au moins clair, c'est Georges Clemenceau qui, le 29 janvier 1891, avait lui aussi été très clair :

    lfar viviani 1.jpg"...La Révolution française est un bloc… un bloc dont on ne peut rien distraire... C’est que cette admirable Révolution par qui nous sommes n’est pas finie, c’est qu’elle dure encore, c’est que nous en sommes encore les acteurs, c’est que ce sont toujours les mêmes hommes qui se trouvent aux prises avec les mêmes ennemis. Oui, ce que nos aïeux ont voulu, nous le voulons encore. Nous rencontrons les mêmes résistances. Vous êtes demeurés les mêmes ; nous n’avons pas changé. Il faut donc que la lutte dure jusqu’à ce que la victoire soit définitive..."

    Ce combat de titans a donc débuté avec la funeste Révolution de 1789, et, depuis l'instauration de la funeste République en 1875, la France subit ce Régime qui la déclasse inexorablement, du point de vue matériel, en même temps qu'il la "vide" intérieurement de sa richesse spirituelle. Après avoir "changé le peuple" dans son mental, son moral, son imaginaire, par l'école, la République idéologique, devenue Système monstrueux, "change le peuple" par une immigration massive et continue : tout, pourvu que meure la France traditionnelle, lentement surgie du fond des âges àlfar flamme.jpg partir de Clovis et de son baptême.

    Nous, au contraire - qui préférons nous appeler "alter-révolutionnaires" que contre-révolutionnaires... - nous nous inscrivons clairement et fièrement dans cet héritage millénaire, chrétien et royal, écrit par nos ancêtres sur cette terre de France, et nous voulons poursuivre "l'aventure France"  en commençant, d'abord, non pas pas "restaurer" un ordre ancien, mais par "ré-instaurer" l'esprit vivifiant et fécond de cet ordre, rénové et adapté aux exigences de notre temps...

    "Pour moi, l'histoire de France commence avec Clovis, choisi comme roi de France par la tribu des Francs, qui donnèrent leur nom à la France. Avant Clovis, nous avons la préhistoire gallo-romaine et gauloise. L'élément décisif pour moi, c'est que Clovis fut le premier roi à être baptisé chrétien. Mon pays est un pays chrétien et je commence à compter l'histoire de France à partir de l'accession d'un roi chrétien qui porte le nom des Francs" (Charles de Gaulle). 

    Voilà pourquoi - trop rapidement résumé, certes... - lafautearousseau, trois fois par an, manifeste son attachement aux vraies racines de la France, qui sont chrétiennes, plutôt qu'aux malfaisantes nuées d'une Révolution sanguinaire, belliqueuse et génocidaire...

    A Noël, à Pâques et le 15 août, voilà ce que nous voulons dire, en... ne disant rien !

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  • Laideur de la peinture dite moderne, beauté de la peinture classique, par Gilles Lenormand.

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    L’École de danse

     

    Hilaire Germain Edgar de Gas, dit Edgar Degas, est né le à Paris, où il est mort le Artiste peintre, il fut également graveur, sculpteur, photographe, naturaliste...

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    Aux courses en province

     

    Si Degas est un membre fondateur du groupe des impressionnistes, son œuvre est si variée par ses thèmes et sa pratique qu'il ne les rejoint pas dans leurs traits les plus connus. Sa situation d’exception n’échappe pas aux critiques d’alors, souvent déstabilisés par son avant-gardisme, qui fait, encore aujourd’hui, l’objet de nombreux débats auprès des historiens d’art.

    Edgar Degas était un aristocrate, fils d'Auguste de Gas, banquier, et de Célestine Musson, une créole américaine de La Nouvelle-Orléans. Son grand-père maternel, Germain Musson, d'origine française, est né à Port-au-Prince ( Haïti ) et s'est installé à La Nouvelle-Orléans en 1810.

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    Place de la Concorde

     

    Apprentissage entre classicisme et romantisme

    Issu d'un milieu bourgeois cultivé, Edgar Degas dessine sans cesse et se promet de devenir peintre. Au Louvre, il étudie entre autres Andrea Mantegna, le Véronèse, Albrecht Dürer et Rembrandt. En 1855, il entre aux Beaux-Arts ; mais il fréquente plus volontiers l'atelier privé de Louis Lamothe, un élève de Domniques Ingres qui le présente à ce dernier.

    Degas fait ensuite plusieurs séjours en Italie, non seulement à Naples, où il a une partie de sa famille, mais aussi à Florence et à Rome ; il y copie les maîtres de la Renaissance et découvre le mouvement des macchiaioli, qui entend rompre avec l'académisme.

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    Portrait d'Edouard Manet debout

     

    Malgré l'exemple d'Ingres, Degas admire Eugène Delacroix et aspire à conjuguer dans son art le classicisme du premier et le romantisme du second. De cette époque datent plusieurs portraits, comme celui de son grand-père Hilaire René de Gas (1857).

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    Les petites modistes

     

    Une nouvelle esthétique

    L' estampe japonaise, révélée depuis peu au monde occidental, l'enchante également et lui révèle de nouvelles possibilités (composition décentrée, raccourcis elliptiques, gros plans, contre-jours).

    Il s'essaie à la peinture d'histoire, qu'il voudrait rénover (Petites Filles spartiates provoquant des garçons, 1860 ; Scènes de guerre au Moyen Âge [ou les Malheurs de la ville d'Orléans], 1865). Il fait la connaissance du critique Louis Edmond Duranty et celle d' Édouard Manet, qui le qualifie de « grand esthéticien ». Il continue principalement à exécuter des portraits (une cinquantaine de 1865 à 1870), en plaçant ses modèles dans le « cadre de tous les jours » (Femme accoudée près d'un vase de fleurs, 1865).

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    L'Attente

     

    Le mouvement et la vie

    Au lendemain de la guerre de 1870, Degas exécute, en compagnie de Manet, quelques toiles à Boulogne, aux environs de Trouville et de Saint-Valery-sur-Somme. Mais c'est avec celle que l'on connaît sous le titre de Chevaux de course devant les tribunes (1869-1872) qu'il affirme avec le plus d'originalité sa conception du paysage peuplé de figures prises sur le vif. Doué d'une remarquable mémoire visuelle, il organise, à l'atelier, le meilleur des sensations qu'il a recueillies sur place, en s'aidant parfois de photographies.

    Il se sent aussi inspiré par les univers de la musique (Musiciens à l'orchestre, plusieurs versions) et de la danse ( la Classe de danse, 1873-1876 ;le Foyer de la danse à l'Opéra, 1872 ; Répétition de ballet sur la scène, 1874).

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    La Classe de danse

     

    Naturalisme et impressionnisme

    Exceptionnellement, Degas pratique la peinture de genre, qui trahit une influence naturaliste (l'Absinthe, 1876 ;Intérieur, dit aussi le Viol, vers 1868-1869 ; Repasseuse à contre-jour (vers 1874).

    En 1872-1873, il séjourne à La Nouvelle-Orléans, où deux de ses oncles font le commerce du coton. Il en rapporte les Portraits dans un bureau, qui manifestent son goût pour la modernité en art et son aptitude à poétiser les scènes de la vie courante.

    De retour à Paris, il joue un rôle actif dans la genèse et dans l'histoire du groupe impressionniste. Il participe aux expositions de 1874 à 1886 (sauf en 1882) et y présente notamment ses célèbres pastels consacrés à des nus féminins (série des « Femmes à leur toilette », commencée vers 1883). Au Salon des impressionnistes de 1881, il expose une de ses premières sculptures : la Danseuse de quatorze ans en cire.

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    Trois Danseuses

     

    Le « terrible Monsieur Degas »

    Homme d'esprit, Degas a de ces traits qui lui valent d'être surnommé le « terrible Monsieur Degas » : ainsi, un jour où l'on lui demande s'il est fier que l'une de ses deux toiles de Danseuses à la barre ait atteint, lors d'une vente à l'hôtel Drouot, le prix le plus élevé jusque-là pour une peinture moderne, il répond : « À peu près comme le cheval qui vient de remporter le Grand Prix. »

    À propos des adversaires de l'impressionnisme, il dit : « Ils nous fusillent, mais ils fouillent nos poches » ou encore : « Ils volent de nos propres ailes ». Pour entendre ses bons mots, on fait cercle autour de lui au café de la Nouvelle-Athènes, qui avait succédé au café Guerbois, naguère point de ralliement des réalistes.

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    L'Orchestre de l'Opéra

     

    Les derniers chefs-d'œuvre

    D'autres œuvres d'Edgar Degas renouvellent le rendu de l'espace par d'étonnantes audaces dans les cadrages et les jeux de lumière (Café-Concert des Ambassadeurs, 1876-1877). Le peintre travaille alors en toute sécurité matérielle. La galerie Durand-Ruel lui a ouvert un compte d'avances, qu'il rembourse en œuvres qu'il appelle des « articles » (Miss Lola [dite aujourd'hui La La] au cirque Fernando, 1879 ; Chez la modiste, 1882 ; Repasseuses au travail, 1884).

    En 1893, Degas commence à se plaindre de sa vue. Il renonce peu à peu à la peinture à l'huile et se consacre à des techniques qui lui conviennent mieux : surtout fusains et pastels striés à la gouache (Après le bain, nombreuses versions).Il produit encore des chefs-d'œuvre :Danseuses à mi-corps , Danseuses bleues.

    Sur la fin de sa vie, il diversifie ses domaines d'expression artistique : sculpteur avec ses Danseuses (il est considéré par Auguste Renoir comme le premier de son temps) ; graveur à l'eau-forte (Portrait de Manet, Mary Cassatt au Louvre) et même poète.

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    Devant les tribunes

     

    Citations

    « Faire des portraits de gens dans des attitudes familières et typiques, et surtout donner à leur figure le même choix d'expressions que l'on donne à leur corps. »

    Edgar Degas

    « Aucun peintre depuis Delacroix […] qui est son véritable maître, n'a compris, comme M. Degas, le mariage et l'adultère des couleurs. »

    Joris-Karl Huysmans, dans l'article « L'exposition des indépendants en 1880 » (l'Art moderne , 1883).

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    Miss Lala au cirque Fernando

  • Libres ou désenchantées, par Jeanne Estérelle.

    Les désen­chan­tées, « roman des harems turcs contem­po­rains », Pierre Loti, 1906

    Le Sul­tan n’aurait pas humi­lié Ursu­la von der Leyen si le Pré­sident du Conseil euro­péen n’y avait d’avance consen­ti. La veu­le­rie mas­cu­line a cepen­dant moins scan­da­li­sé que la ser­vi­tude volon­taire d’une femme altière dont la beau­té rap­pelle Blan­che­fleur[1] ou Yseult la Blonde[2]

    Née dans un pays colo­ni­sé par les turcs, la Pré­si­dente de la Com­mis­sion euro­péenne fai­sait d’ores et déjà par­tie des désen­chan­tées, mais, dès sa prise de fonc­tion, elle a alié­né sa der­nière liber­té poli­tique à la pro­mo­tion du groupe LGBTQI. Un tel renie­ment du modèle fémi­nin né dans la chré­tien­té l’a défi­ni­ti­ve­ment désarmée.

    En 451, le Maître de l’histoire inno­va en ins­pi­rant la résis­tance d’une jeune femme en face d’Attila. L’énergie qu’irradiait la Curiale convain­quit les pari­siens de demeu­rer impa­vides mal­gré le défer­lage des Huns. Vic­to­rieuse sans avoir com­bat­tu, Gene­viève inau­gu­ra la geste des femmes libres.

    Une foule de figures fémi­nines mar­quèrent l’histoire euro­péenne d’un sceau divin, mais celles dont la liber­té écla­ta avec le plus de nou­veau­té, furent les béguines. A l’aube du XIIIe siècle, elles essaiment spon­ta­né­ment dans les cités où elles tra­vaillent pour vivre, indé­pen­dantes, selon le mode d’une cha­ri­té active, qu’elles demeurent seules ou se ras­semblent « dans l’amour du Christ », comme elles le feront à Hyères et Aix, en 1255, et, l’année sui­vante, à Mar­seille, autour de Dou­ce­line de Digne, sous le vocable des Dames de Rou­baud, ou encore, à Paris, en 1264, grâce à la pro­tec­tion de Louis IX…

    Au cré­pus­cule du bégui­nage, Dieu sus­cite une jeune fille qui, elle aus­si, ne dépend que de Lui seul. « Agis­sez et Dieu agi­ra » dit-elle aux sol­dats qu’elle mène à la vic­toire. L’Université de Paris qui, vingt ans plus tôt, a fal­si­fié un vieux gri­moire[3]pour exclure les filles de la suc­ces­sion au trône de France, la soup­çonne « véhé­men­te­ment de plu­sieurs crimes sen­tant l’hérésie » et veut la faire com­pa­raître, dès sa cap­ture, devant elle « et un pro­cu­reur de la Sainte Inqui­si­tion »[4].

    L’Université retient aujourd’hui cap­tives des mil­liers de fran­çaises. Si nous vou­lons libé­rer ces désen­chan­tées, ne res­tons pas nous-mêmes rivés à la loi salique ! La com­bus­tion de Jeanne dresse à jamais l’épée incan­des­cente[5] d’une femme divi­ni­sée. Intro­ni­sons la Reine !

     

    [1] Per­ce­val ou le conte du Graal, Chré­tien de Troyes

    [2] Tris­tan et Yseult

    [3] L’ar­ticle de la Loi salique est le sui­vant : « Quant à la terre, qu’au­cune por­tion n’en échoie aux femmes, mais qu’elle aille toute au sexe mas­cu­lin » (tra­duit du latin).

    [4] Lettre du 26 mai 1430 au duc de Bourgogne

    [5] Image théo­lo­gique de la divi­ni­sa­tion chez Maxime le Confesseur

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • L’homme nihiliste, par Louis Soubiale.

    Camus et Nietzsche oubliés et incompris

    Avec Albert Camus, nous défendons l’idée selon laquelle la révolte est certainement l’élan humain le plus authentique et fondamental qui fait se lever tout homme contre l’absurde. En ce sens, la révolte est le cri ultime de la liberté (en ce sens, cette dernière se comprenant comme une dignité), elle vise la liberté comme état social premier – elle est donc une aspiration supérieure oscillant, selon les tempéraments et les conjonctures, entre métaphysique et idéalisme.

    7.jpgQui peut se révolter aujourd’hui ? Disons-le tout net : pas grand monde, tant l’absurde, précisément, flanqué de ses outres débordantes que sont la négation – rien ne vaut rien – et le nihilisme – tout se vaut, Dieu comme les hommes, selon un postulat d’indifférence des valeurs –, inhibe toute velléité de révolte. Celle-ci serait une marque de « grande santé », pour parler comme Nietzsche. Au contraire, l’absurde instille dans les cœurs et les âmes le poison acide de la rancune et du ressentiment. La révolte relève de l’ancienne éthique guerrière ou héroïque de l’Antiquité homérique, quand le ressentiment se définit comme une frustration obsessionnelle, une angoisse de l’envie et du désir jamais rassasiés. La révolte est libératrice, le révolté dût-il mourir pour l’objet de sa révolte qu’il place d’instinct au-dessus de sa propre condition. L’homme du ressentiment se place, quant à lui, au-dessus de la cible de ses propres désirs perpétuellement insatisfaits. Cette cristallisation en fait un névrosé. Pourtant, l’homme révolté et l’homme du ressentiment partent d’un semblable point de départ qui est leur distance par rapport au sacré. Mais le premier conservera la vitalité de cette émancipation là où le second nourrira de la désespérance dans ce qu’il concevra comme de l’abandon. De fait, le premier consacrera son existence à être et à vivre, lorsque le second s’encagera dans la surenchère lugubre et la surabondance vaine de l’avoir. Le premier se sublimera dans l’histoire, quand l’autre végètera au stade de la plus insipide médiocrité.

    Apparaît alors le problème de l’enjeu de la révolte. Camus pose que toute révolte est une limite. L’opprimé, en se révoltant, montre au maître la limite ultime en-deçà de laquelle tous les deux s’expulsent de leur humanité. Au regard de l’histoire, toute révolte s’assigne un objectif d’efficacité, sauf à renoncer d’avance au combat considéré implicitement comme inutile. De la sorte, une révolte authentique peut difficilement faire l’économie de cette alternative : la mort ou la liberté. L’homme révolté joue sa vie en la suspendant au sort du combat final. Partant, il accepte de la perdre au bénéfice d’une victoire bien plus grande. Selon Camus, la mort serait une injustice – dans la mesure où l’homme révolté aurait été conduit à l’infliger lui-même – sauf à mourir soi-même pour prix de celle-ci. Le marché paraît d’autant plus honnête, que toute révolte – à moins de dégénérer en sauvagerie – « est protestation contre la mort » (L’Homme révolté, 1951). Telle est sa frontière. La révolte n’a de sens, en effet, que si elle conserve la vie. Mais, avertit encore le philosophe, « son univers est celui du relatif ». Partant, l’homme révolté se heurte à une limite inhérente à la condition humaine, celle du tragique de l’existence. Toute protestation au nom d’un absolu – lequel se situe au cœur même de la révolte – pourra alors sembler dérisoire au point de se retourner contre l’« action révolutionnaire » et en éteindre la flamme. Des cendres, malgré tout encore chaudes, de cette promesse insurrectionnelle, peut renaître l’absurde et, avec lui, sa morbide tentation nihiliste.

    Le nihilisme est justement ce qui oblitère toute révolte. Prenant acte de la mort de Dieu, Nietzsche a validé, par anticipation, à la fois le triomphe de la raison issue des Lumières comme l’assomption des horreurs matérialistes qui ensanglanteraient la modernité techniciste du XXe siècle autant que la postmodernité transhumaniste du XXIe. Son acceptation inconditionnelle – c’est-à-dire, précisément, sans la promesse parousiaque du Royaume des Cieux – du monde – et donc de l’immonde, comme aurait dit Lacan –, aura sans doute été la vertu aristocratique la moins bien comprise et la mieux dévoyée. Nos contemporains assentissent à tout. Nietzschéens involontaires, ils croient chevaucher leur devenir au nom de la rationalité – qu’ils prennent ainsi pour la raison – et de leur individualisme souverain – qu’ils prennent pour une surhumanité émancipatrice. Pourtant, bien loin de la solitude méthodologique prônée par l’imprécateur de Sils-Maria, ils évoluent en un grégarisme rageur, nouveaux esclaves marchant au pas de l’oie d’une propagande qui s’est substituée à toute spiritualité – cosmique ou chrétienne. Consentir à leur servitude est, pour eux, la plus haute conquête de la liberté…

    Assurément, la révolte camusienne est un cri silencieux dans la nuit de tous nos renoncements. Le nihilisme a vaincu, sans avoir épargné Nietzsche lui-même et son exigeante pensée du « grand midi ». Le nihilisme de ce dernier se voulait éthique en tant qu’il imposait, en l’homme, une révolte contre tout ce qui, perpétuellement, l’avilit.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/