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  • La Monarchie royale, garantie d'une transition démocratique apaisée ?, par Jean-Philippe Chauvin.

    La démocratie n’est pas toujours un long fleuve tranquille, et les récents événements survenus aux États-Unis autour et au sein même du Capitole en sont une preuve indéniable, du moins pour ceux qui cherchent le sens des choses plutôt que l’écume des seuls faits.

     jean philippe chauvin.jpgLa difficulté de M. Trump à accepter de quitter la Maison Blanche et les émeutes du 6 janvier (qui ressemblaient plus à un mouvement de colère qu’à une conjuration réfléchie) nous rappellent que la transition démocratique dépend aussi d’un contrat politique dans lequel la défaite est possible et le pouvoir issu de l’élection remis en cause à chaque nouvelle élection, deux éléments constitutifs des régimes démocratiques et, a priori, non négociables. Or, ces éléments doivent être intégrés autant par les dirigeants désignés par le suffrage (appartenant au « pays légal » sans en être toujours les véritables maîtres) que par les électeurs eux-mêmes (issus du « pays réel » sans en incarner toutes les dimensions et diversités). Dans le récent cas états-unien, c’est l’ancien président qui, bien que défait par le suffrage de façon assez nette (malgré les fraudes possibles, qui semblent néanmoins s’équilibrer de part et d’autre), a brisé le consensus autour de la nécessaire acceptation du sort des urnes, laissant souffler l’esprit de suspicion sur l’ensemble du scrutin et risquant de ruiner ses possibles chances d’un nouveau mandat dans quatre ans, tout en donnant raison à ceux de ses détracteurs qui, pour certains d’entre eux, avaient jadis contesté le résultat de novembre 2016 favorable à M. Trump. Bien sûr, la déception devant un résultat qui ne correspond ni à vos attentes ni à ce qui semblait promis par les sondages dans certains cas (Mme Clinton avait remporté tous les sondages sans emporter les suffrages suffisants…) peut entraîner des réactions d’émotion que la raison recouvre généralement le lendemain. Dans le cas de M. Trump, l’émotion est restée intacte jusqu’au 6 janvier, au point de menacer la transition démocratique et de fragiliser durablement ce processus et ce consensus d’acceptation parmi la population des États-Unis qui, désormais, seront peut-être moins certains lors des prochains scrutins.

     

    Ce qui est vrai aux États-Unis peut-il l’être en France, aujourd’hui profondément déchirée entre des camps qui, depuis la révolte des Gilets jaunes, ne se parlent plus et se côtoient à peine et, en tout cas, ne se comprennent pas, leur langage et leurs principes étant de moins en moins communs ? Un indice inquiète : lorsqu’un sondage de la semaine dernière a placé Mme Le Pen à courte distance de la victoire à la prochaine présidentielle de 2022, les réactions (beaucoup moins nombreuses qu’attendues, au regard de ce qu’avait déclenché la qualification de M. Le Pen père en avril 2002) n’ont guère rassuré les tenants de la légitimité démocratique, nombre de citoyens (en particulier fonctionnaires d’État) annonçant qu’ils ne se soumettraient pas à un tel résultat et qu’ils entreraient en résistance active, sans que l’on sache exactement jusqu’où cette résistance autoproclamée pourrait aller… Le même discours est régulièrement tenu par nombre d’artistes, prêts à s’exiler d’une France « lepeniste » tel Victor Hugo se réfugiant à Guernesey pour ne pas avoir à saluer le nouvel empereur issu à la fois de l’élection (1) et, plus tard, du plébiscite démocratique à défaut d’être très régulier (2) ! L’on semble oublier que, lors de l’élection de Nicolas Sarkozy au poste suprême en mai 2007, de nombreuses grandes villes avaient assisté à des manifestations de protestation et de non-reconnaissance du résultat du scrutin, avec quelques dégâts à la clé, et que, après celle de François Hollande, un mouvement « Hollande n’est pas mon président » avait rapidement émergé et fait florès au cœur des manifestations hostiles au mariage homosexuel avant que de muer, avec une base élargie dès l’automne 2018 par le mouvement des Gilets jaunes, en mouvement « anti-Macron ».

     

    Ce mouvement n’est sans doute pas inédit au regard de l’histoire de la démocratie en France, mais il semble prendre, depuis quelques temps, une ampleur nouvelle, au risque de fragiliser, non seulement les bases de la démocratie elle-même, mais aussi et surtout toute possibilité d’une transition paisible d’un président à un autre, la minorité électorale se sentant lésée et non plus seulement perdante « à la régulière ». Or, la démocratie et toute vie politique équilibrée nécessitent une reconnaissance de la défaite comme de la victoire, non pour s’en féliciter forcément (en particulier dans le premier cas…), mais pour permettre la possibilité d’une « revanche » (non pas dans le sens d’une vengeance mais, au contraire, d’une alternance ou, mieux, d’une alternative qui puisse satisfaire le camp du vainqueur sans humilier inutilement le camp du vaincu). Vaille que vaille, c’est ce modèle qui prédomine en France sous la Cinquième République, et il faut s’en féliciter, en particulier en tant que royaliste attaché à l’unité du pays et au concert des libertés. Ce qui ne signifie pas qu’il faille s’en contenter, bien évidemment !

     

    Mais les remises en cause contemporaines de la légitimité démocratique doivent inciter à réfléchir aux meilleurs moyens (3) d’assurer une transition politique entre deux parties différentes (au regard de leurs propositions et pratiques institutionnelles, économiques ou sociales) de la nation sans menacer l’ordre et l’unité du pays. La virulence des débats dans la Cinquième République, virulence qui n’est pas toujours une mauvaise chose si la passion alimente la vie politique sans la détruire, s’explique aussi et peut-être principalement par la volonté de conquérir la « première place », ce faîte de l’État qui, dans une République centralisée comme la française et « monocratique » (certains diraient « monarchique ») comme la Cinquième, est parée de tous les attributs du prestige et de la puissance et, donc, attire toutes les convoitises et, parfois, les prédations… En libérant la « première place », cette magistrature suprême de l’État aujourd’hui livrée au Suffrage et à cet éternel combat des chefs qui transforme la vie politique en une « présidentielle permanente », la Monarchie royale remet les ambitions au niveau inférieur mais aussi nombre de pouvoirs indûment détenus par l’État (aujourd’hui trop envahissant) aux collectivités locales, professionnelles ou universitaires, ce que l’on pourrait nommer « les républiques françaises ». En fait, la Monarchie assure à la fois la continuité (voire la perpétuité) de l’État « par le haut » sans empêcher les transitions démocratiques entre des gouvernants d’obédiences différentes, voire adverses : le Royaume-Uni, au-delà de ce qui peut séparer son régime monarchique de celui, éventuel, de la France, montre bien tout l’intérêt de cette magistrature suprême qui ne doit rien aux querelles politiciennes et les surplombe sans renoncer à ce qu’elle est historiquement et traditionnellement, capable d’écouter et, dans le secret du salon royal, de conseiller le chef du gouvernement en exercice. Si la Monarchie royale « à la française » accorde plus de pouvoirs au souverain, elle n’en reste pas moins, une fois instaurée et enracinée (4), ce système institutionnel qui permet la continuité et l’arbitrage, ce trait d’union permanent entre les gouvernements qui se succèdent et les générations qui se suivent, sans empiéter sur les libertés « à la base » qui, garanties sans être livrées à elles-mêmes, assurent la libre circulation et l’équitable confrontation des idées…

     

    Notes : (1) : Louis-Napoléon Bonaparte a été élu à la première élection présidentielle au suffrage universel masculin, en décembre 1848.

     

    (2) : Après son coup d’État du 2 décembre 1851, le président « putschiste » l’a fait approuver par un plébiscite (nom ancien du référendum) qui a eu lieu du 14 au 21 décembre 1851, et qui l’a confirmé électoralement.

     

    (3) : « Meilleurs » ne signifiant pas forcément « parfaits », la logique humaine étant parfois bien éloignée de la notion de perfection…

     

    (4) : Le grand enjeu d’une instauration monarchique prochaine sera de réussir à s’établir et à s’enraciner, et il y faudra sans doute deux à trois générations de monarques (la durée de chacune pouvant varier sous l’effet de nombreux facteurs) pour s’assurer d’une continuité « perpétuelle ». Les échecs précédents, sur ce point particulier, de la Restauration et de la Monarchie de Juillet, tout comme le succès de la Cinquième République depuis le général de Gaulle, doivent servir de leçons et permettre d’envisager la suite avec humilité mais sans crainte pour qui saura appliquer un sage empirisme organisateur…

    Source : https://jpchauvin.typepad.fr/

  • Jean-François Chemain : “La laïcité est impuissante à lutter contre le séparatisme islamique à partir du moment où elle

    C’est l’assassinat de Samuel Paty qui a décidé Jean-François Chemain à reprendre la plume pour publier : Non, la France ce n’est pas seulement la République ! Le coup de gueule d’un enseignant. Un ouvrage qui nous renvoie à cette question : qui sommes-nous ? Quelle est la place de la République et de la France ? Réflexions et retour sur la construction de la France à travers son


    Non, la France ce n’est pas seulement la République ! le coup de gueule d’un enseignant est le titre de votre essai paru aux Éditions Artège. On a envie de dire que la thèse du livre est dans le titre. Pourquoi avoir voulu écrire cela et dans quel contexte ?

    Tout simplement parce qu’après l’assassinat sordide de mon collègue Samuel Paty, j’ai été frappé comme beaucoup de Français d’entendre le président Macron, lors de l’ rendu à Samuel Paty, dire que le rôle d’un enseignant est de faire des républicains. J’aurais préféré entendre, en faire des Français éventuellement même des hommes et des femmes bien dans leur peau et accomplis. Au lieu de cela, il a martelé que sa mission était de faire des républicains. J’ai donc voulu réfléchir pour quoi toujours parler de République plutôt que de parler de France.

     

    Pourquoi cet effacement de la nation au profit de celle du régime qui régit tout simplement nos vies ?

    La République est un régime politique synonyme de l’État. Ce phénomène de substituer l’État à la France est relativement ancien. L’historienne, Colette Beaune a montré que dès la fin du moyen-âge, les textes d’iconographie commencent à substituer le roi à la France. On commence à mourir pour le roi et non plus pour la doulce France. Ce phénomène ne date donc pas de la révolution. La République l’a simplement poussé à son terme. Aujourd’hui, elle a clairement tendance à se substituer à cette nation à laquelle elle devrait se contenter de se superposer. On devrait considérer que l’État est au-dessus de la France et au service de la France. En réalité, il a tendance à considérer qu’il se suffit à lui-même et à effacer cette notion de France. Michelet disait que la France est une personne. Je crois qu’aujourd’hui on a tendance à oublier cette personne.

     

    Cette affirmation nous plonge à la base : Qui sommes-nous ? Sommes-nous des Français, des républicains ? La République agit-elle dans l’intérêt de la France ou contre la France ?

    Force est de constater que la France est largement antérieure à la République. Le général de Gaulle lui-même disait qu’il faisait remonter l’ au baptême de Clovis. La France a au moins 15 siècles, dont 13 antérieurs à la Révolution française. Le peuple de France est resté d’une remarquable stabilité depuis le 10e siècle. À l’époque de la Révolution, la France avait à peu près atteint ses frontières actuelles. La Révolution a ajouté à la République, le perfectionnement de l’État absolutiste. Il faut bien comprendre que République n’est pas synonyme de démocratie, mais synonyme depuis Rome et depuis les écrits de Jean Bodin, penseur de l’absolutisme, d’un État fort qui n’a de comptes à rendre à personne et notamment pas à l’Église. A priori, la République est compatible avec tout système politique. D’ailleurs, lorsque Jean Bodin parlait de République, il parlait de la monarchie absolue. Il n’y a pas du tout de synonymes entre République et démocratie. Encore une fois, la République est synonyme d’État fort. Ce que la révolution a apporté à l’absolutisme, c’est d’abord la suppression de tout un tas d’institutions et de corps intermédiaires qui faisaient obstacle au bon fonctionnement de l’absolutisme et surtout de supprimer la personne royale. Le roi qui est faillible. Le règne de Louis XV a été assez catastrophique de ce point de vue-là, notamment de la vie dissolue qu’il a menée. Il a été favorable au renforcement du courant qu’on appelle le jansénisme politique qui a contribué à la désacralisation de la personne royale.

    La République a apporté une dépersonnalisation, une abstractisation de l’État qui ne repose donc plus sur une personne faillible et entravée par des corps intermédiaires, mais qui a les mains totalement libres et qui par définition est pur. Il ne s’incarne pas, mais devient une idée.

     

    D’où vient cette impuissance de la République à lutter contre l’ennemi de l’extérieur qu’est l’islamisme radical ?

    Je crois qu’il faut remonter assez loin et partir de son origine révolutionnaire. Selon moi, la République consiste à l’absorption de l’Église par l’État. D’une part de l’absorption de sa mission moralisatrice, éducatrice et de sa mission qui doit conduire le peuple à la vertu, mais également de son mode de fonctionnement clérical, reposant sur des clercs qui sont des intellectuels dotés d’un statut protecteur et d’un magistère intellectuel et moral. Ils sont finalement là pour guider le bon peuple sur le chemin de la vertu. Je pense que la République, encore aujourd’hui, s’est donnée comme mission de nous moraliser. De ce point de vue-là, elle est de plus en plus impitoyable. On la voit s’insérer dans tous les espaces grâce à des nouveaux moyens de . Elle s’insinue dans les moindres espaces de nos vies pour nous moraliser et nous faire la leçon de manière totalement impitoyable. Elle entreprend de lutter contre nos haines, nos phobies et notre peur de l’autre. Je pense qu’il est faux que la République est de plus en plus faible.

    Là où on dit qu’elle recule et qu’elle est impuissante, c’est sur des problèmes comme l’immigration et la délinquance. Si on le remarque, ces sujets contribuent à la moralisation des Français. Le Français est appelé pour sa propre sanctification à accueillir l’autre.

    Dire que la République ne défend pas bien nos frontières ne fait que conduire le Français à se remettre en question dans la douleur pour mieux accepter l’autre.

    Une lutte inefficace contre la délinquance amène peut-être les Français à constater qu’ils ont les moyens. Il y a une sorte de mansuétude à l’égard de ceux qui infligent en toute illégalité ce de aux Français. La leçon qu’en retire la République c’est bien souvent de faire la morale aux Français plutôt que de lutter contre les incivilités en question.

    Je ne crois pas que la République soit laxiste à l’égard des Français, mais au contraire, elle est selon moi de plus en plus impitoyable.

     

    La question derrière cette notion de séparatisme est la question de la laïcité. La République laïque est-elle armée contre l’islamisme ? La France s’ampute-t-elle de l’arme qui pourrait repousser cette menace ?

    La laïcité est impuissante à lutter contre le séparatisme islamiste à partir du moment où elle refuse de reconnaître ses racines profondément chrétiennes. La laïcité ne peut pas impliquer de totales neutralités religieuses de l’État dans la mesure où elle est issue de notre Histoire chrétienne et pluriséculaire qui est passée par un certain nombre d’étapes.

    La première étape étant le gallicanisme. Dès l’époque de Philippe le Bel, l’État français a prétendu avoir des prérogatives sur l’Église. Ensuite, il y a eu l’étape de l’absolutisme. A partir de François Ier et a fortiori Louis XIII et Louis XIV, l’État ne tient plus sa dimension sacrée de l’Église, mais il l’a tient directement de Dieu. Il peut se passer du jugement moral de l’Église.

    Et enfin, il y a une troisième étape issue des Lumières, ce qu’on appelle le despotisme éclairé qui est que l’État a le droit et le pouvoir de rationaliser la et de la fonctionnariser. C’est ce qui a été fait par la première étape de la révolution en 1790. La laïcité s’inscrit dans ce cadre-là.

    Il s’agit pour l’État, de s’approprier la mission de l’Église, que ce soit sa mission moralisatrice et éducatrice, mais également une posture cléricale tout en marginalisant l’Église catholique qui est sa concurrente. Tout cela n’empêche pas que le fond anthropologique de notre laïcité est chrétien et que l’ordre public de notre République laïque est d’essence chrétienne. Lorsqu’on vient expliquer à des musulmans qui ont une autre anthropologie et une autre conception des relations entre la religion et l’État, ils ont le sentiment que l’on se fiche d’eux. Je pense que la laïcité serait beaucoup plus opératoire si on avait l’intelligence et le courage de dire que la laïcité est d’essence chrétienne et même catholique. Que l’on soit croyant ou non, que l’on soit pratiquant ou non, lorsqu’on adhère aux valeurs républicaines, on adhère aux valeurs issues du christianisme. Je pense que lorsqu’on tient un discours de vérité, on tient un discours apaisant. En revanche, lorsqu’on tient un discours intellectuellement erroné et qu’on adopte une posture d’autorité pour essayer d’enfoncer le clou qui ne rentre pas parce qu’il est tordu, cela suscite une violence.

     

    Jean-François Chemain

    Professeur d'histoire en banlieue
  • La guerre des monnaies, par Olivier Pichon.

    Yuan contre dollar : la monnaie, valeur d'échange, a conquis une dimension politique. L'extraterritorialité abusive du dollar va-t-elle aboutir à donner aux Chinois un outil légitime de contrôle interne et externe, au détriment des États-Unis ?

    5.jpgCette guerre a commencé dès le XXe siècle au lendemain de la Grande Guerre quand le jeune dollar des années 20 commençait à tailler des croupières à la vieille lady, la livre sterling que Churchill, alors chancelier de l’Échiquier, voulut rétablir dans son antique splendeur en la rendant convertible en or (convertibilité suspendue à cause de la guerre) : il ruina consciencieusement l’industrie britannique devenue trop chère mais fit les beaux jours de la City.

    Le temps du roi dollar

    La suprématie du dollar fut affermie à Bretton Woods, en 1944, lorsque la thèse américaine l’emporta au cours de cette fameuse conférence à laquelle assistait Keynes, qui recommandait une monnaie internationale, le bancor. La thèse adverse, émise par un certain White, voulut avec succès opposer le dollar à ce bancor. Il est vrai que les États-Unis représentaient l’offre de production et que le reste du monde, ravagé par la guerre, représentait la demande. Quoi de plus facile alors que de faire de la monnaie américaine la devise mondiale ? De surcroît convertible en or sur demande des états participants (l’URSS n’en faisait pas partie) à condition de dégager des excédents de leur commerce extérieur, lesquels, payés en dollars, pouvaient donc être convertibles en or (70 % du stock d’or monétaire mondial en 1945). Ce que fit le général de Gaulle, la prospérité revenue, avec les excédents du commerce extérieur, conseillé en cela par Jacques Rueff.

    « Notre monnaie, votre problème »

    L’émission inconsidérée de dollar (commerce extérieur, guerre du Vietnam, euro-dollars) conduisit à la rupture du lien avec l’or au cours de l’été 71. On sait que cette rupture entraîna la hausse de l’énergie et provoqua la fin de la période des Trente Glorieuses. Dès lors, la valeur des monnaies devint fonction de leur demande ou leur offre sur les marchés, on appela cela les changes flottants ou flexibles (si on était optimiste). Mais, si l’on sait assez bien que cette rupture fut une cause de la crise, on voit moins qu’elle ouvrait aussi la page redoutable de la financiarisation de l’économie mondiale et l’invention de produits dit dérivés dont le caractère spéculatif n’avait d’égal que leur dangerosité financière. Paradoxalement, c’est au moment où la monnaie ne vaut plus rien que se vérifient les intuitions de Marx et de Weber sur la monnaie comme bien en soi et objet de marché. Néanmoins le privilège de l’Amérique devenait exorbitant puisqu’il n’y avait plus l’obligation de l’assise métallique : « le dollar est notre monnaie et votre problème » pouvait dire John Connally, secrétaire au Trésor de Nixon (août 1971), dans ce qui restera une date majeure de l’histoire monétaire. Perturbée par les changements erratiques de parité (le système de Bretton Woods avait établi une parité fixe des monnaies), une délégation européenne était venue se plaindre auprès de John Connally, en vain. Il restait aussi un autre privilège, beaucoup moins connu, que nous avions évoqué dans Politique Magazine d’octobre 2019 : le privilège d’extraterritorialité que s’octroie l’oncle Sam. Tout utilisateur du dollar est soumis à la loi américaine mais plus précisément, c’est moins connu, au FCPA : Foreign Corrupt Practice Act[1]. Cette loi date de 1977, à la suite de l’affaire du Watergate et surtout l’affaire Lockheed. Sous couvert de lutte contre la corruption, elle va devenir une véritable machine de guerre ciblant principalement les grandes entreprises européennes. C’est ainsi que l’Amérique (General Electric) pourra s’emparer d’Alstom.

    Guerre économique USA-Chine

    La question d’une alternative à cet ordre dollarisé a été posée un temps par l’euro, qui s’est néanmoins avéré incapable de rivaliser ; il est douteux d’ailleurs que celui-ci ait été voulu comme tel, même si une partie de l’opinion le souhaitait comme instrument d’une Europe-Puissance, la vassalisation étant trop prononcée dans le personnel européen. L’euro est une monnaie d’échange intra-européenne, mais il ne sert pas assez à acheter du pétrole, du blé, du cacao ; des pays se sont essayé à commercer en euro, mais la matraque étatsunienne était là pour les en empêcher.

    La Chine n’entend pas se laisser dominer par l’Amérique et vise le premier rang mondial, mais les États-Unis disposent encore d’une arme redoutable, le dollar, avec son cortège de sanctions, taxes, droits de douanes, et interdictions, copiés par les Chinois. Il s’agit donc pour la Chine de tailler à son tour des croupières à son rival, tâche difficile puisque tout le monde veut encore du dollar, les banques surtout, et que l’Amérique peut interdire à toute entreprise qui utilise le dollar de commercer avec un pays déclaré ennemi (Corée du Nord, Iran). La Chine a donc tenté d’imposer le yuan comme monnaie d’échange international.

    Modalités de la guerre monétaire

    Mais qui veut des yuans ? Pour l’heure, assez peu de monde, en vérité. Le yuan ne représente que 4 % des transactions mondiales. Seule peut-être la Russie vend ses hydrocarbures et achète en yuan des produit manufacturés (accords de Shangaï). Mais cela ne pèse guère pour faire du yuan une devise. La dévaluation compétitive (déprécier sa monnaie sur les marchés) permet de stimuler les exportations et de préserver le marché national puisque les prix des marchandises importés enchérissent (Trump ayant intelligemment utilisé les droits de douane pour freiner ces très importantes importations de produits chinois). Mais la contrepartie de cette dépréciation pèse sur le prestige de la monnaie, son attractivité. Nous sommes là dans une guerre qui n’est pas sans rappeler la crise des années 30, dévaluations en chaîne et protectionnisme.

    Pour sortir de l’impasse, la Chine a donc choisi une autre solution : le yuan ne parvient pas à s’imposer comme devise, qu’à cela ne tienne, il sera numérique : l’e-yuan est né !

    Cyber monnaie pour une cyber guerre

    Il s’agit d’échapper à l’étau du dollar mais aussi à ses circuits, soit le produit et le moyen de sa circulation, en créant une monnaie numérique, comme le bitcoin et toutes les monnaies numériques libres qui échappent à cette tutelle. Mais – et la différence est énorme –, ces monnaies ne sont pas discrétionnaires, elles sont le produit du seul marché. La Chine reste une dictature et, si elle a fait ses preuves numériques dans la surveillance de ses citoyens, elle ne saurait renoncer à son monopole d’émission de l’e-yuan, dont elle est en train d’accélérer le programme d’émission. Celui-ci lui permettrait de surcroît de contrôler immédiatement toutes les transactions faites par les Chinois, plus de contrôle a posteriori, coûteux et laborieux. Celui qui s’avise de ne pas traverser dans les clous est déjà fiché par reconnaissance faciale, il le sera aussi pour toute transaction suspecte, un vrai bonheur pour les banquiers et les politiques. L’e-yuan DCEP (Digital Currency Electronic Payment) doit donc remplacer le yuan, sous sa forme physique. Les deux monnaies ont la même fonction. Elle est distribuée par les banques nationales à leurs clients, sous contrôle de la banque centrale chinoise. Les premiers tests se déroulent depuis ce mois d’avril dans des villes choisies par le gouvernement. L’e-yuan pourrait donc aider Pékin à renforcer sa position sur la scène internationale, notamment en Afrique où la Chine gagne du terrain et où des dirigeants et des gouvernements subissent de plus en plus des sanctions économiques (pas toujours infondées, il est vrai) de la part de Washington. Pour Linghao Bao, analyste chez Trivium China, la principale raison de création de l’e-yuan est « d’égaliser les règles du jeu », entendez avec les Américains. Les chances de réussite internes sont grandes pour cet e-yuan. Une application pourrait permettre le paiement avec les téléphones portables, qui joueraient une fois de plus le rôle de portefeuille.

    Il reste qu’on ne voit pas encore cet e-yuan assurer les paiements sur les marchés internationaux et être recherché pour les achats en Chine, mais la technologie va vite et l’histoire aussi. Le dollar a néanmoins encore de belles années devant lui et ne doutons pas que son pays saura prolonger le « In God We Trust » pour quelque temps encore.

     

    [1] .  Wikipedia : « Le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) est une loi fédérale américaine de 1977 pour lutter contre la corruption d’agents publics à l’étranger. […] Elle concerne l’ensemble des actes de corruption commis par des entreprises ou des personnes, américaines ou non, qui sont soit implantées aux États-Unis, soit simplement cotées en bourse sur le territoire américain, ou qui participent d’une manière ou d’une autre à un marché financier régulé aux États-Unis. […] Par extension, le simple fait d’avoir établi une communication téléphonique ou envoyé un courriel transitant via le territoire américain permet l’application du FCPA. »

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Sécurité globale : quelle politique pour notre pays ? Le terrorisme islamiste (Partie 4), par Philippe FRANCESCHI (Consu

    OPINION. 2022 approche et les attentes et inquiétudes des Français en termes de sécurité sont immenses. Conseiller en sécurité, notre contributeur présente les mesures à prendre, selon lui, pour redresser la barre. Troisième défi : la lutte contre le terrorisme islamiste.

    6.jpegLa guerre que nous a déclarée l’islam radical est un terrorisme de masse et durable qui doit être combattu farouchement. Il nous faut être capables de ne plus subir, pressentir l’ennemi de demain et revoir notre posture à l’offensive. La politique menée visera à :

    Instaurer la perte de la nationalité française pour les djihadistes binationaux

    Les Français qui sont partis ou partiraient pour le djihad combattre contre la France se mettent eux-mêmes d’office en dehors de la communauté nationale et engagent leur responsabilité individuelle. Leur dangerosité nécessite d’interdire leur retour sur le territoire national en instaurant une perte de la nationalité française pour les binationaux entraînant leur expulsion du territoire national et un crime d’indignité nationale pour les nationaux assortie d’une interdiction administrative du territoire à temps.

    Expulser tous les étrangers inscrits au FSPRT

    Cette mesure est nécessaire à la fois sur le plan préventif, mais aussi afin de réduire le volume des personnes à surveiller inscrites au FSPRT (Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste). Le ministère de l’Intérieur ne s’intéresse qu’aux étrangers en situation irrégulière. En ce début d’année 2021, la France compte 231 étrangers en situation irrégulière suivis pour « radicalisation », dont une soixantaine de Tunisiens, autant de Marocains et un peu plus d’Algériens qu’il est indispensable d’expulser. 83 d’entre eux ont été placés en assignation à résidence ou centre de rétention administrative, ce qui n’est pas acceptable, car l’assassin du père Hamel était aussi assigné à résidence, ce qui ne l’a pas empêché de passer à l’action.

    Instaurer une rétention de sûreté judiciaire pour les détenus pour des faits de terrorisme

    Larossi Aballa, le tueur du couple de policiers de Magnanville, était sorti de prison en 2013 après trois ans de détention. Il n’y a pas eu de débat national sur le sujet de la rétention judiciaire pour les condamnés terroristes. Selon Gérald Darmanin, depuis 2015, 150 détenus condamnés pour terrorisme pour avoir été liés à des terroristes sont sortis. 95 ont été libérés en 2020. Il y a ensuite 64 libérations prévues en 2021, 46 en 2022 et 33 en 2023. Même si des mesures judiciaires et administratives d’assignation à résidence existent, elles sont provisoires, peu contraignantes et ne permettent pas une surveillance étroite de la DGSI. Des mesures plus contraignantes proposées par LREM, prévoyant que l’autorité judiciaire pourra imposer durant cinq ou dix ans aux personnes condamnées pour terrorisme un certain nombre de mesures, ont été retoquées par le Conseil constitutionnel qui a considéré que ces obligations « portent atteinte » à plusieurs libertés fondamentales. Dès lors, il faut revenir à l’hypothèse d’instaurer une rétention de sûreté à l’issue des peines effectuées, à l’instar de ce qui a été institué pour les faits sexuels et en élargissant cette mesure aux condamnations de moins de dix ans.

    Alourdir les peines pour les faits de terrorisme

    La question de l’instauration d’une législation spécifique se pose afin, entre autres, d’alourdir les peines et l’« assiette » des faits concernés et d’éloigner les dates de sortie de prison. Il apparaît également justifié d’élargir au terrorisme l’infraction d’intelligence avec l’ennemi qui existe dans le Code pénal (art 411-4 du Code pénal).

    Créer un délit spécifique de départ pour le djihad

    Le protocole additionnel à la convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme préconise l’incrimination de certains actes liés à des infractions terroristes, comme le fait de « se rendre à l’étranger à des fins de terrorisme », ou de « tenter de s’y rendre » (art 4). Il sera donc créé un délit spécifique de « départ pour le djihad », assorti d’une mise en détention provisoire automatique, permettant de judiciariser systématiquement la situation des candidats au djihad dès leur retour sur le territoire national, voire même avant leur départ, sans attendre les conclusions de l’enquête sur leur participation au djihad. L’interdiction administrative de sortie du territoire sera donc supprimée.

    Rapprocher police et gendarmerie dans le cadre du renseignement territorial « radicalisation »

    Le risque terroriste islamiste endogène sur notre territoire est devenu le risque le plus probable et celui capable de terroriser la population par sa réitération. La détection des signes faibles de radicalisation islamiste sur l’ensemble du territoire est donc devenue une priorité absolue du renseignement territorial. Il est grand temps de repenser l’organisation Police/Gendarmerie afin de rechercher une plus grande efficacité dans ce domaine. Sur le plan policier : Le rattachement du SCRT à la Direction générale de la police nationale (DGPN, sous-direction de la sécurité publique) constitue le principal problème de l’architecture actuelle comme l’indiquait un rapport du Sénat de 2015 sur les moyens consacrés au renseignement intérieur, « les intérêts et les priorités des directeurs départementaux de la sécurité publique (DDSP) et du renseignement territorial sont souvent contradictoires ». Sur le plan de la gendarmerie : il n’est pas rare que le commandement de terrain de la gendarmerie (groupement) ne soit pas informé de la présence de fichés S pour terrorisme islamiste ou du contenu des notes du renseignement territorial local, alors que ces notes sont établies sous le double timbre police/gendarmerie. Il faut aujourd’hui développer un état d’esprit particulier consistant à passer du « besoin d’en connaître » au « devoir de partager ».

    Il est donc nécessaire de rapprocher, sans les fusionner, les entités « radicalisation » du SCRT (Service central du renseignement territorial) police et de la SDAO (Sous-direction de l’anticipation opérationnelle) gendarmerie comme le suggérait déjà le rapport final de la commission d’enquête parlementaire sur les attentats de 2015 ou encore le rapport de la Cour des comptes de mai 2021 sur le bilan du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’Intérieur qui précise que « la répartition actuelle des compétences et des moyens de la gendarmerie et du service central du renseignement territorial ne favorise pas l’optimisation des moyens et des actions. Une réorganisation du renseignement territorial par le regroupement de l’ensemble de ces moyens dans un service unique permettrait de résoudre cette difficulté ».

    Enfin, il nous faut aussi restaurer notre capacité d’anticipation et de gestion des crises

    La crise du Covid a montré combien notre capacité d’anticipation et de gestion des crises était délabrée. La fin de la guerre froide a marqué une rupture profonde dans le rapport de la société française à la situation de crise. Nous avons ramassé les « dividendes de la paix » en négligeant nos capacités de réaction. Paradoxalement, les dispositifs de prévention des risques majeurs se développaient. Le sentiment de la disparition de toute menace a imprégné les esprits des élites politiques, de la technostructure, des intellectuels et finalement des masses, imposant une vision court-termiste de rentabilité et de résultat, une satisfaction de l’instantané. Nous avons donc baissé la garde et réduit nos capacités en gestion de crise tant au niveau militaire que de notre sécurité intérieure, mais aussi de notre système de santé. Nous devons réagir par l’instillation d’un état d’esprit d’anticipation et des capacités de réaction dans l’administration. Afin de faciliter son travail, nous mettrons en œuvre en interministériel une Garde nationale dont le concept d’emploi reste à créer, issue des réserves et d’un Service national universel (SNU) rénové, permettant de quadriller le territoire en cas de crise. Ce nouveau SNU obligatoire remettra à l’honneur des valeurs telles que le patriotisme, l’entraide, l’esprit d’équipe et facilitera le phénomène d’assimilation par son brassage des classes.

    Cette politique nécessitera un réarmement moral et une remise à niveau de nos forces de sécurité, de notre armée et de notre Justice. Il faut redonner confiance et fixer le cap à la nation. La gauche, la droite depuis 40 ans et maintenant Emmanuel Macron ont échoué par manque de volonté et de vision. Décider, faire et obtenir des résultats doit être le maître mot de notre action. Osons la fermeté.

     

    Philippe FRANCESCHI
    Consultant en sécurité
    Philippe Franceschi, ancien officier supérieur de gendarmerie et ex-responsable du projet "contre-terrorisme Sahel" de la Commission européenne, est consultant dans le domaine de la sécurité.
     
  • Zemmour et Macron : même combat ?, par Charles Saint-Prot.

    L’Action Fran­çaise est un espace de débat et c’est la rai­son pour laquelle nous publions ce brû­lot contre Eric Zem­mour de notre ami Charles Saint-Prot. D’aucun trou­ve­ront injustes, exa­gé­rées voire inexactes cer­taines des accu­sa­tions conte­nues dans ce texte. Mais au sein du mou­ve­ment monar­chiste, ont tou­jours exis­tées les contro­verses, notam­ment sur les ques­tions d’actualité poli­tique.

    2.jpgIl est pro­bable qu’une réponse sera appor­tée dans un pro­chain article, car aujourd’hui, l’attitude de l’AF est d’observer avec inté­rêt ce phé­no­mène des pré­si­den­tielles qui semblent voir un réveil des par­ti­sans de l’indépendance natio­nale qui ne trouvent pas d’issues dans les vieux par­tis pré­exis­tants. Pour autant, sur la ques­tion de l’Islam, la ques­tion n’est pas de juger une reli­gion, mais de mesu­rer son impact sur une socié­té sécu­la­ri­sée dont la reli­gion fon­da­trice est deve­nue hon­teuse et repen­tante. Si le trop plein d’Islam nous menace, c’est sur­tout à cause de l’absence de France. (NDLR)

    M. Zem­mour se qua­li­fie volon­tiers de néo-conser­va­teur, on ne voit pas pour­quoi il ne s’affirme pas tout sim­ple­ment conser­va­teur (« un mot qui com­mence mal » disait Phi­lippe d’Orléans, pré­ten­dant au trône de France, vers 1900). Sans doute cède-t-il à la détes­table manie de tra­ves­tir les mots pour se dis­si­mu­ler, comme de pré­ten­dus esprits sub­tils tentent d’expliquer que le terme de natio­na­lisme serait « démo­dé », trop conno­té avec une époque révo­lue, bref « poli­ti­que­ment incor­rect », il fau­drait plu­tôt par­ler de « sou­ve­rai­nisme » ou on ne sait quoi. En sui­vant cette démarche assez lâche, on pour­rait aus­si rem­pla­cer le mot de nation par celui de com­mu­nau­té et le mot État par celui de pres­ta­taire de services.

    En véri­té le conser­va­tisme est le vieux réflexe petit-bour­geois de ceux qui n’aiment pas le peuple et veulent un sys­tème ultra­li­bé­ral ne pro­té­geant que leurs inté­rêts par­ti­cu­liers. Bien enten­du les par­ti­sans de Zem­mour adhèrent à toutes les bille­ve­sées à la  mode. Voi­ci res­sur­gir le mythe de l’unité des droites, celui de la des­truc­tion de l’État confon­du avec une bureau­cra­tie tatillonne qui est pré­ci­sé­ment le contraire de l’État juste au ser­vice du bien com­mun et , bien sûr, la poli­tique d’hostilité à l’Islam oubliant la magni­fique leçon de Fran­çois 1er allié du Sul­tan otto­man. Il faut le dire et le répé­ter le pro­blème est l’immigration pas l’Islam.

    Les par­ti­sans de Zem­mour adhèrent à la finan­cia­ri­sa­tion de l’économie et trouvent très sub­til leur idole qui pré­tend ne pou­voir « ouvrir tous les chan­tiers à la fois » parce qu’il veut sur­tout mener son com­bat contre les musul­mans du monde entier plu­tôt que s’occuper de l’économie au sujet de laquelle il affirme que « ce ne  sera pas la révo­lu­tion » (Marianne du 10 au 16 sep­tembre 2021) , ce qui signi­fie qu’il se sou­cie des petits comme d’une guigne.

    On remar­que­ra éga­le­ment que ce soi-disant défen­seur de la France ne dit rien de la néces­saire sor­tie de notre nation d’une Otan qui n’est que le bras armé de l’hégémonisme amé­ri­cain. Il se tait sur les innom­brables aban­dons de sou­ve­rai­ne­té com­mis par le régime (le der­nier en date étant l’incroyable mise à mort du « cloud sou­ve­rain » au pro­fit des GAFAM, les cinq grandes firmes amé­ri­caines domi­nant le mar­ché du numé­rique). Zem­mour est déses­pé­ré­ment muet sur la néces­si­té impé­rieuse de quit­ter l’Union euro­péenne, machin au ser­vice de l’impérialisme alle­mand ; de recou­vrer notre sou­ve­rai­ne­té juri­dique ou de sor­tir de l’euro. Il y a pour­tant une impos­ture à se pré­tendre à la fois  gaul­liste et euro­péiste (comme Bar­nier), comme si on peut être à la fois natio­na­liste et anti-fran­çais, gaul­liste et pétai­niste, bona­par­tiste et monarchiste…

    De fait, tout le pro­gramme de M Zem­mour se réduit à une haine obses­sion­nelle  de l’Islam. Pour le reste, il est l’homme des grandes banques. Jona­than Nader son conseiller finan­cier est pas­sé chez Roth­schild avant d’être chez Mor­gan .  Julien Madar qui s’occupe de lever des fonds est aus­si un ancien de la banque Roth­schild. Tous ont connu Macron dans cet antre de la « finance ano­nyme et vaga­bonde ». Un ancien publi­ci­taire macro­niste, Frank Tapi­ro, sou­tient main­te­nant Zem­mour « sans avoir rom­pu avec Macron » Et, c’est encore un ancien diri­geant des « jeunes avec Macron », Nico­las Zyser­mann qui est tré­so­rier de l’association des Amis de Zemmour.

     Comme l’écrit Jérôme Sainte-Marie dans le quo­ti­dien L’Opinion du 30 sep­tembre 2021  la pré­sence de Zem­mour ren­force Emma­nuel Macron. Il éloigne de Marine Le Pen l’électorat de Fillon et la droite de l’argent ; celle de la bour­geoi­sie égoïste la plus bête de monde, nos­tal­gique d’Adolphe Thiers, le mas­sa­creur de la Com­mune et chantre de cette répu­blique bour­geoise et  conser­va­trice  ne res­pec­tant que les inté­rêts des pos­sé­dants, qui décla­rait le 13 novembre 1872 devant les dépu­tés : « La Répu­blique sera conser­va­trice ou ne sera pas »

     

    Charles Saint-Prot

    Essayiste, notam­ment auteur de L’État-nation face à l’Europe des tri­bus aux édi­tions du Cerf

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • La Banque centrale européenne et la bulle du crédit

     

    Par François Reloujac  

    Il est des esprits perspicaces qui prévoient un éclatement dramatique des bulles du crédit. Pas seulement avec le bitcoin ! Il ne suffit pas de prédire ; il faut encore comprendre pourquoi et comment. Des politiques insensées sont poursuivies de manière mécanique pour n'avoir pas à renoncer à des chimères de pouvoirs supranationaux ! Alors, tout est fait pour sans cesse les renforcer. 

    La Banque centrale européenne (BCE) est-elle responsable de la création d’une bulle du crédit ? comme l’écrit Jacques de Larosière, ancien Gouverneur de la Banque de France et ancien Directeur général du Fonds monétaire international, dans son ouvrage au titre évocateur Les lames de fond se rapprochent ? Et pourquoi ?

    Selon lui, la Banque centrale européenne fonde ses décisions sur un instrument de mesure insuffisant et utilise comme moyen d’action un outil inadapté. De ce fait le résultat de ses actions ne peut être que la création d’une bulle du crédit qui menace à tout moment d’exploser. Cependant, il omet (volontairement ?) dans son analyse de se poser les questions politiques fondamentales, comme celle de l’indépendance des banques centrales et celle de l’imposition d’une monnaie unique pour des pays qui n’ont aucune volonté politique commune ni en matière sociale ni en matière fiscale.

    Le taux d’inflation est un instrument de mesure insuffisant

    Officiellement, la Banque centrale européenne a comme but premier d’assurer la stabilité des prix. N’ayant jamais véritablement donné une interprétation valable des observations issues de la « courbe de Phillips », – cette étude statistique de l’évolution du taux de chômage par rapport à celle des prix dans l’Angleterre de l’immédiat après-guerre –, elle considère malgré tout que le taux de l’emploi est optimal si le taux d’inflation est autour de 2 %. Pour cela elle garde l’œil rivé sur l’indice des prix à la consommation. Tant que celui-ci ne dépasse pas 2 %, elle peut pratiquer une politique de baisse des taux d’intérêt pour inciter les entreprises à investir et donc à embaucher. Tel est le raisonnement ! Il convient, pourtant, de préciser qu’à toutes les époques, depuis 1958, on a cherché à justifier et non à expliquer cette relation observée pendant une dizaine d’années entre l’inflation et le chômage : la dernière en date fut établie en 2016 et fut signée d’Olivier Blanchard, l’économiste français du FMI.

    Ce taux d’inflation est un outil de mesure insuffisant et les résultats de la « courbe de Phillips » ne permettent notamment pas d’expliquer l’évolution de l’économie française : c’est pendant les Trente Glorieuses, où le taux d’inflation était très largement supérieur à 2 %, que le taux de chômage a été le plus faible. Que cette période de croissance fut exceptionnelle, certes, mais cette constatation ne signifie pas qu’il faille l’ignorer complètement lorsque l’on veut utiliser le taux d’inflation comme indicateur unique de la santé économique du pays !

    L’instrument que constitue le taux d’inflation des prix à la consommation est aussi insuffisant parce qu’il ne prend pas en compte de nouvelles et violentes réalités : ni l’évolution démographique car la « courbe de Phillips » a été observée au début du baby boom et non dans une période de vieillissement de la population et de déclin démographique ; ni la suppression du système monétaire issu des accords de Bretton Woods ; ni l’abolition des barrières douanières dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce – permettant aux pays à faible coût de main-d’œuvre comme la Chine de concurrencer les productions des pays plus anciennement industrialisés – ; ni l’instauration des quatre prétendues libertés fondamentales des traités européens que sont la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux, lesquelles favorisent les délocalisations et donc le chômage national. Sans compter que cet instrument ne tient pas compte non plus du développement des transports, des facilités d’accès aux matières premières et aux nouvelles sources d’énergie, ni de la pollution qui peut en résulter.

    La manipulation des taux est un outil inadapté

    Les gouvernements se sont défaussés sur la banque centrale du pilotage de l’économie, pensant que la baisse des taux permet de rendre rentable de nouveaux projets économiques et donc de pousser les entreprises à embaucher. Macron, comme Hollande avant lui, ne peut évidemment que s’en féliciter. Pour atteindre le but qui lui est fixé, la banque centrale n’utilise qu’un seul instrument : « le taux directeur ». Tant que le niveau d’inflation ne dépasse pas les 2 % fatidiques, la banque centrale peut laisser les taux baisser sur les marchés financiers afin de faciliter le recours au crédit. Mais la banque centrale n’a aucune responsabilité dans l’usage des crédits accordés ! La seule limite à sa politique de pilotage par les taux est le fait contraignant que lorsque les taux tombent à zéro, elle n’a plus aucune marge de manœuvre. Elle constate alors sa totale impuissance, ce qui est le cas aujourd’hui.

    N’ayant pas à surveiller l’usage qui est fait des crédits nouveaux résultant de cet effet d’aubaine que constituent des taux anormalement bas, la banque centrale n’a pas pris la mesure des effets pervers de cette politique de laxisme monétaire. Les crédits, au lieu de financer des projets industriels nouveaux a conduit à une explosion de la valeur des actifs économiques : valeurs mobilières, ce qui incitent les sociétés anonymes à racheter leurs propres actions pour accroître leurs bénéfices financiers, matières premières, biens immobiliers, ce qui conduit à un coût insupportable des logements pour l’ensemble de la population jeune qui cherche à s’installer et à un « effet richesse » pour les propriétaires anciens…. Au lieu d’aider les consommateurs à stimuler la production nationale par leurs achats, les crédits nouveaux leur ont permis d’acquérir des produits importés, satisfaisant plus souvent un désir impulsif plutôt qu’un besoin réel et concourant au déséquilibre de la balance des paiements. Le « Toujours plus », cher à François de Closets, a conduit à nourrir une véritable bulle du crédit. La banque centrale a laissé faire.

    Comme la politique de la Banque centrale européenne suit pratiquement la même logique que celle de la Réserve fédérale américaine, la Banque nationale d’Angleterre ou celle du Japon, la dette globale a fini par atteindre en 2015 plus de 225 % du PIB mondial, selon les chiffres publiés par le FMI en octobre 2016. Depuis, elle a continué à croître du fait de la politique dite d’assouplissement quantitatif pratiquée par les banques centrales tant américaine qu’européenne.

    Une Europe fédérale comme réponse à la bulle du crédit ?

    Partant de ces constatations, Jacques de Larosière relève cinq principaux défis qu’il propose de relever pour permettre à la Banque centrale européenne d’avoir une action efficace tout en restant indépendante et sans toucher à l’euro. Ce sont la faiblesse de la croissance, les divergences entre les économies européennes, la financiarisation à outrance, l’absence de discipline monétaire collective et un taux de chômage insupportable. Et, pour y arriver, il propose naturellement des « réformes structurelles », selon le maître-mot des élites d’aujourd’hui.

    Comme, il ne conçoit la solution que dans le cadre de l’Union européenne actuelle, ces « mesures structurelles » ont pour but de « réduire les dépenses publiques lorsqu’elles pèsent exagérément sur le pays », comme c’est le cas en France, en Belgique ou en Italie, de « favoriser l’emploi par une plus grande flexibilité du marché du travail », d’« augmenter la concurrence », de « permettre une titrisation » qualifiée de « prudente et transparente » pour que personne ne se souvienne du rôle majeur joué par cette technique dans la propagation et l’aggravation de la crise des subprimes, de « favoriser la convergence des politiques économiques dans l’Union », etc.

    En fait, ces « solutions » ne sont que la poursuite de la fuite en avant dans laquelle les élites européennes précipitent les peuples qui n’en veulent pas, faute de remettre en cause les dogmes sur lesquels elles ont construit leur pouvoir. Pourtant l’ancien Gouverneur de la Banque de France est bien conscient du fait qu’il est nécessaire de « donner une réponse à quelques questions clés », comme le vieillissement de la population, la sécurité et l’immigration…, ce qui, d’après lui, suppose que l’on envisage « de faire élire le Parlement européen sur une base européenne et non nationale et de faire voter directement pour le président de l’Europe ».

    Bref, toujours la même chose : moins ça marche et plus il faut que ça marche ! Jusqu’à l’explosion ! On se demande, à la lecture de ces propositions si la Banque centrale européenne, en laissant se développer une inimaginable bulle du crédit qui détruit l’économie, n’a pas simplement pour unique but politique que d’imposer une Europe fédérale. Et le président Macron n’est que l’élève de cette « géniale » pensée politique et s’en pense et s’en veut le réalisateur.   

    Les Lames de fond se rapprochent
    Jacques de Larosière – Odile Jacob 256 p, 19,90€.

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    La Grèce, modèle de l’Europe de demain ?

     François Reloujac

  • Dépendance ou indépendance

     

    Par Mathieu Épinay*

     

    Moyen-orient. Notre président ne croit pas aux souverainetés nationales. Pourtant, elles seules subsistent aujourd’hui. Il lui faudrait penser à une politique française. 

    Le 14 mai dernier, l’armée israélienne tuait 50 palestiniens pendant les festivités de l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem ; sa reconnaissance comme capitale d’Israël avait pourtant encore été condamnée tacitement le 18 décembre par une résolution du Conseil de sécurité. La France a appelé au « discernement et à la retenue » et désapprouvé « cette décision qui contrevient au droit international et en particulier aux résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale des Nations unies. » 

    ONU ou pas ONU

    Monde5.jpgUn mois plus tôt en totale violation du droit international et des résolutions de ce même Conseil, trois de ses membres permanents, dont la France, bombardaient la Syrie parce que des rumeurs signalaient des odeurs de chlore et des vidéos sur internet suggéraient une attaque chimique syrienne dans une banlieue de Damas. On en attend toujours les preuves. Macron avait ensuite rencontré Trump à Washington avec des démonstrations d’affection aux limites de la décence mais n’avait rien obtenu sur le dossier iranien où il croyait pouvoir peser. Dans un tel contexte, l’appel de la France « à la retenue », suite aux événements de Jérusalem, est totalement inaudible pour beaucoup d’Orientaux.

    Jérusalem serait une concession de Trump à la partie sioniste de son « état profond ». Le tropisme juif des évangélistes américains qui le soutiennent n’y est pas non plus étranger. Ils attendent une seconde venue du Christ qui établira le royaume de Dieu sur terre. Dans cette vision apocalyptique, les Juifs doivent rétablir celui de David et reconstruire le temple avant l’affrontement final contre l’Antéchrist et… avant leur conversion. Tout un programme qui coïncide avec l’intervention de deux prédicateurs évangéliques qui firent les vedettes à l’inauguration de l’ambassade américaine.

    C’est probablement aussi dans cette ligne que s’inscrit le retrait par Trump de l’accord entériné par le conseil de sécurité en 2015 où l’Iran renonçait à ses recherches dans le nucléaire militaire en contrepartie de la levée d’un embargo. L’Amérique vient ainsi contenter Israël et l’Arabie Saoudite, alliés improbables face à leur ennemi commun. Le but est vraisemblablement de dégager les frontières israéliennes et saoudiennes de la pression des implantations iraniennes.

    La question nucléaire

    La non-prolifération est l’exercice délicat par lequel des puissances nucléaires essaient d’empêcher les autres de le devenir. Sur le plan du droit international et de la morale, les premières n’ont aucune légitimité véritable à interdire ce qu’elles ont fait plus tôt. L’argument selon lequel ces États seraient terroristes, est un peu court. À ce compte-là, les bombardements de Dresde, Hambourg, Londres et Nagasaki, sans objectif militaire, n’étaient-ils pas terroristes ? C’est alors qu’il faut veiller à rassurer par le respect d’un ordre international auquel tout le monde a droit et qu’il convient de faire prévaloir.

    La non-prolifération ne peut donc fonctionner que dans un contexte diplomatique policé, où les États tiennent leurs engagements et où le droit des nations, même des plus faibles, est respecté.

    Quand des membres permanents et nucléaires du Conseil de sécurité s’affranchissent de ses avis et se permettent des frappes par missiles de croisière pour d’inavouables raisons de politique intérieure ou pour satisfaire des pulsions idéologiques primaires, alors la course au nucléaire s’accélère. Suite logique. Les fantômes de Saddam Hussein et de Kadhafi hantent toutes les chancelleries ; le sauvetage in extremis d’Assad par les Russes et l’impunité de Kim Jung-un y font réfléchir.

    Sans approuver le régime de Téhéran et sans nier de possibles connivences avec le terrorisme où les Saoudiens n’ont pas de leçons à donner, on peut imaginer que le patriote iranien, qui réfléchit, souhaite une défense forte. L’Iran est cerné par deux puissances nucléaires, Israël à l’ouest, le Pakistan à l’Est ; son réflexe le plus légitime dans cet Orient déstabilisé est de se protéger de la même façon, de tout faire pour acquérir sa bombe. En signant l’accord de 2015, il n’y avait probablement pas renoncé ; le retrait américain en mai dernier va le gêner puisqu’il rétablit les sanctions avec une violence inégalée dont le secrétaire d’État Mike Pompeo s’est fait l’interprète, mais il ne change rien sur le fond. En revanche il dégrade la confiance dans les accords conclus, accroît l’instabilité dans la région et stimule donc la prolifération nucléaire.

    Enfin il compromet les avancées possibles avec la Corée du Nord qui observe qu’un traité de portée internationale qui aurait pu l’inspirer a été signé par Obama en 2015 puis déchiré sans vergogne par Trump en 2018. Telle est sans doute la raison des décisions contradictoires prises coup sur coup par les partenaires de la rencontre au sommet États-Unis et Corée du Nord.

    Le diktat

    Monde6.jpgL’affaire fait ainsi apparaître deux visions, celle des partisans du traité de 2015, la ligne Obama, plutôt internationaliste, et celle que Trump est en train d’adopter, l’unilatéralisme sous influence israélienne. Ici, les récentes déclarations du conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, ne laissent pas d’inquiéter : les nouvelles conditions qu’il veut imposer à l’Iran après la dénonciation du traité de 2015 sont inacceptables par un pays souverain. L’Amérique, poussée par Israël, cherche- t-elle le conflit ? Va-t-elle faire subir à l’Iran le même sort qu’à l’Irak ? il est peu probable que les Russes laissent faire et Trump n’a vraisemblablement pas l’intention de déclencher une guerre. En revanche, il va utiliser tous les moyens possibles pour rétablir des sanctions draconiennes et les imposer aux autres signataires du traité de 2015, en particulier la France, l’Allemagne et l’Union européenne. Or, l’Iran leur vend ses hydrocarbures et constitue en retour un marché considérable pour les entreprises européennes.

    L’unanimité affichée par les pays de l’Union au sommet de Sofia n’est pas et ne sera pas suffisante pour contrer le diktat américain. En s’appuyant sur l’utilisation universelle du dollar, Washington s’est arrogé le pouvoir exorbitant d’interdire les échanges commerciaux avec les ennemis qu’il a désignés. Les contrevenants sont poursuivis par la justice américaine et lourdement taxés. En 2014, la BNP avait dû payer une amende de 8 milliards pour ses relations bancaires avec l’Iran. Dans ces conditions, Total, qui avait de grands projets en Iran, jette l’éponge, à cause de ses implications aux États-Unis : pas les moyens de faire face à l’hyper-puissance ! Macron, après quelques coups de menton, laisse entendre qu’il n’ira pas à l’affrontement avec notre « meilleur allié » et Merkel qui exporte beaucoup d’autos en Amérique ne dit rien d’autre et même acceptera encore bien davantage.

    Cette crise aura au moins le mérite de souligner l’insupportable dépendance de nos échanges commerciaux libellés en dollars qui confère à la justice américaine un pouvoir dont elle n’a pas manqué de se servir dans le rapt d’Alstom par General Electric. Les Russes et les Chinois ont déjà abandonné le dollar pour certaines transactions. L’Iran propose maintenant à l’Union européenne de commercer en euros. Cela ne sera pas simple ! Et l’Europe n’existe pas souverainement, en dépit des désirs de Macron.

    En 2003, après un sursaut d’honneur mémorable de la France au Conseil de sécurité contre l’invasion de l’Irak, les Américains avaient décrété un « french bashing » ; ils ne voulaient plus rien nous acheter : se priver de champagne et de bons vins était dommage ; mais parallèlement se passer du logiciel de conception CATIA de Dassault Système pour développer les sous-marins nucléaires de la NAVY était impossible. La France a donc survécu à cette crise. Après 15 ans d’alignement servile, sommes—nous encore capables d’une telle résistance ? D’abord être fort !   

    Mathieu Épinay

    * Collectif de spécialistes des questions de Défense
  • Bock-Côté : « Pour peu qu'on souhaite restaurer la souveraineté populaire, il faut en convenir : la question du régime

     

    2293089609.14.jpgC'est une analyse importante - sous l'angle politique, juridique et institutionnel - que Mathieu Bock-Côté a publiée hier - mercredi 11 juillet - dans Le Figaro. Le grand quotidien du matin l'a fait précéder de la mention suivante : « Pour notre chroniqueur québécois, le Canada constitue l'avant-garde d'un gouvernement des juges hostile à la souveraineté populaire ». Mais, on le verra, Mathieu Bock-Côté parle tout aussi bien pour la France, notamment lorsqu'il mentionne pour la critiquer avec pertinence « la récente décision du Conseil constitutionnel de supprimer le délit de solidarité au nom du principe de fraternité, en limitant considérablement pour l'avenir la possibilité d'œuvrer contre l'immigration clandestine. » Lorsqu'il conclut : « Pour peu [...] qu'on souhaite restaurer la souveraineté populaire, il faut convenir d'une chose : la question du régime vient de se rouvrir », nous savons bien que cette remise en cause du régime n'a pas le même sens pour lui que pour nous, qui sommes monarchistes. A nous de faire valoir nos arguments !  Lafautearousseau

     

    tile00x02.jpgDepuis une dizaine d'années, le Québec a amplement débattu du meilleur encadrement possible des accommodements raisonnables. Mais un rappel revenait en boucle: toute tentative de se dégager des contraintes du multiculturalisme fédéral ne passerait pas le «test des tribunaux» qui démonteraient la loi québécoise au nom de la Constitution canadienne. C'est en partie pour cela que le présent gouvernement québécois s'est contenté, avec la récente loi 62, d'un cadre minimaliste rendant obligatoire le fait d'offrir et de recevoir les services publics à visage découvert sans pousser plus loin la quête de la laïcité. Mais c'était encore trop.

    Fin juin, un juge de la Cour supérieure du Québec a invalidé pratiquement le cœur de la loi sous prétexte qu'elle serait discriminatoire à l'endroit des musulmanes en niqab. Cette décision n'est pas surprenante, toutefois, si on tient compte de la transformation de la culture politique canadienne depuis le milieu des années 1980, qui a basculé dans une dynamique de judiciarisation du politique.

    La logique est la suivante : dans une société pluraliste, la souveraineté populaire serait frappée d'obsolescence: elle ne serait rien d'autre que le masque de la tyrannie de la majorité. La figure du peuple elle-même est remplacée par celle de la diversité : la société se présente plutôt comme un rapport de force entre une majorité qu'il faut contenir et des minorités qu'il faut émanciper. La formule est répétée religieusement : on ne saurait soumettre les droits des minorités aux caprices de la majorité. Prises pour elles-mêmes, les revendications minoritaires, traduites en droits fondamentaux, pourraient se déployer sans entraves.

    À l'abri des passions populaires, qui pousseraient toujours au populisme, les juges pourraient librement délibérer de la chose commune et des questions les plus sensibles. Cette forme de sagesse suprême prêtée aux tribunaux réactive le fantasme du despotisme éclairé. Pour emprunter le vocabulaire de l'époque, on dira que le Canada a accouché du régime démophobe par excellence.

    On l'aura compris, le gouvernement des juges ne repose pas seulement sur une extension exagérée du contrôle de constitutionnalité. Les juges ne se voient plus eux-mêmes comme les interprètes, mais comme les producteurs du droit, au nom d'une interprétation créative de ce dernier, ayant peu à voir avec ce qu'on appelait traditionnellement l'intention du législateur. Ils le font au nom de la Charte des droits et libertés inscrits au cœur de la Constitution canadienne, considérée comme une sorte de texte révélé, qui porte une conception radicalisée du droit-de-l'hommisme. On constate aussi qu'ils font reposer leur compréhension de la société sur la sociologie antidiscriminatoire - c'est en son nom qu'ils entendent remodeler les rapports sociaux selon les exigences de l'égalitarisme multiculturel.

    Au rythme où les enjeux collectifs remontent vers eux, les juges étendent leur empire. Les questions les plus fondamentales sont évacuées de la délibération publique. On assiste à un rétrécissement du domaine de la décision politique légitime, désormais condamnée à une forme de réduction gestionnaire. La rhétorique des droits fondamentaux permet ainsi de prendre des décisions politiques majeures sans avoir à les confronter aux préférences populaires, réduites à des humeurs mauvaises. Quel que soit le gouvernement en place, la Cour suprême le surplombe et peut le rappeler à l'ordre, et toujours, le programme diversitaire se déploie.

    Des enjeux liés à la diversité aux salles de shoot en passant par la question du suicide assisté et la reconnaissance de la famille à trois parents, ce sont les tribunaux qui ont le dernier mot et qui exercent la souveraineté. Certains commentateurs ont prétendu que les tribunaux étaient particulièrement activistes dans la mesure où les politiques ne savaient pas suivre le rythme des évolutions sociétales. L'argument est bancal : on postule alors que ce sont les mutations sociétales qui doivent commander le droit, et le politique se disqualifie s'il ne sait pas suivre à bon rythme. Le droit devient dès lors un instrument privilégié d'ingénierie sociale pour forcer la transformation d'une société qui, sans les juges, se refermerait et réactiverait les systèmes discriminatoires qu'ils prétendent combattre.

    On notera toutefois, comme on vient de le voir aux États-Unis avec la nomination de Brett Kavanaugh à la Cour suprême par Donald Trump, que lorsque l'activisme judiciaire change de camp, une partie du camp progressiste peut se montrer inquiète. On l'a souvent répété ces jours-ci: l'équilibre idéologique de la Cour suprême vient possiblement de basculer. L'histoire des idées nous le rappelle : si une certaine gauche mise sur la supériorité morale des tribunaux lorsqu'elle désespère d'un peuple jugé réactionnaire, elle peut se montrer méfiante devant l'aristocratie juridique quand le gouvernement des juges risque de se retourner contre le progressisme.

    sans-titre  C C.pngSans plaquer la situation française sur celle du Canada, on constatera que la tendance au gouvernement des juges a depuis un bon moment traversé l'Atlantique, comme en témoigne la récente décision du Conseil constitutionnel de supprimer le « délit de solidarité » au nom du « principe de fraternité », en limitant considérablement pour l'avenir la possibilité d'œuvrer contre l'immigration clandestine. D'ailleurs, les souverainetés nationales sont déjà très limitées, pour ne pas dire neutralisées, par la Cour européenne des droits de l'homme, qui croit porter une conception transcendante du droit, alors que sa légitimité semble plus incertaine que ne le croient ses partisans.

    Le gouvernement des juges correspond à une forme de régime post-démocratique et diversitaire qui repose sur un transfert de souveraineté dissimulé derrière les apparences de la continuité institutionnelle. Le théâtre électoral est maintenu, mais les élus disposent d'un pouvoir de plus en plus fictif. Le gouvernement des juges représente moins la nouvelle étape de la démocratie libérale que son dévoiement. Au nom du déploiement sans fin de la logique des droits, il condamne la possibilité pour un peuple de s'autodéterminer. Il programme l'impuissance du politique, qu'on maquille ensuite en forme supérieure d'humanisme. Pour peu qu'on refuse de naturaliser son avènement et qu'on souhaite restaurer la souveraineté populaire, il faut convenir d'une chose : la question du régime vient de se rouvrir.  

    Mathieu Bock-Côté        

    XVM7713ddbc-9f4e-11e6-abb9-e8c5dc8d0059-120x186.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politiquevient de paraître aux éditions du Cerf [2016].

  • Livres & Histoire • Le Roi ou l’incarnation du pouvoir

     

    Par Anne Bernet

     

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    Depuis la mort de Louis XVI, la France, en dépit des apparences républicaines, n’aura cessé de rechercher un remplaçant à la figure royale. En vain. Deux études historiques, complémentaires, permettent, en dépit de leurs défauts, de comprendre pourquoi aucun homme prétendu providentiel n’est jamais parvenu à remplacer le Très Chrétien.

    Un pouvoir sacré indépendant

    Que cela plaise ou non, à la différence de la plupart des modèles monarchiques à travers le monde et le temps, la royauté française relève héréditairement du sacré ; le pacte de Reims n’est pas un accord opportuniste conclu en 496 entre l’Église des Gaules et Clovis, puis renouvelé avec les dynasties successives, mais une réalité spirituelle unissant le royaume de la terre à Celui du Ciel. Perdre cela de vue, c’est se condamner, sous prétexte de rationalisme ou de dénonciation d’une « pensée magique » que notre époque éclairée ne saurait admettre, à ne rien comprendre à notre passé et aux façons d’être et de penser de nos ancêtres. Voilà sans doute, aujourd’hui, le pire écueil auquel se heurtent des historiens plus ou moins étrangers à la foi catholique et qui ont tendance à en parler comme ils le feraient des croyances de l’Égypte pharaonique. S’ils refusent d’admettre ce particularisme français, et que la Fille aînée de l’Église puisse avoir une place à part dans les plans d’un Dieu auquel il est de mauvais ton de se référer, toute leur vision de la longue geste royale s’en trouve d’emblée faussée. Voilà sans doute pourquoi, chacun à leur manière, Stanis Perez, qui signe Le corps du Roi (Perrin) et Marie-Claude Canova-Green, auteur de Faire le Roi ; l’autre corps de Louis XIII (Fayard), malgré d’impressionnantes recherches, restent à la surface des choses et passent à côté de l’essentiel.

    Un premier mystère, dans une société strictement matérialiste comme la nôtre, est d’admettre que le Roi « sacré », ce qui veut tout dire, entre dans une autre dimension et que, tout en restant un homme à part entière, car il ne s’agit pas, à l’instar du Pharaon, voire même du Principat romain dans certaines de ses manifestations, de diviniser le souverain, il devient cependant un lien, un intermédiaire entre ici-bas et En-haut, dimension qui comprend une part hautement sacrificielle, celle-là même que Louis XVI assumera jusqu’à l’échafaud. Faute de le comprendre – tout comme, d’ailleurs, notre époque devient incapable de saisir ce que sont les grâces du baptême ou le sacrement de l’Ordre – l’historien se focalise sur des points de détail ou pose de mauvaises questions. Vouloir réduire les rois de France à une « incarnation du pouvoir », ce que les juristes royaux au demeurant, savaient bien, c’est s’arrêter à mi-chemin de la réalité et perdre de vue ce rôle de « Lieutenant de Dieu » qui était le leur. C’est l’idée même d’un pouvoir chrétien procédant du divin, non de la volonté populaire, ou prétendue telle, qui heurte. Dès lors, les deux universitaires se perdent dans l’étude de ce qui leur semble relever de bizarreries dépassées.

    Le corps du Roi

    Qui dit pouvoir incarné dit fatalement corps. Le Roi est homme, avec ses défauts, ses faiblesses, ses passions, ses maladies, et sa condition mortelle qui, cependant, n’altère pas l’immortalité du système monarchique, ou du royaume, ou de l’État, conception plus compréhensible à nos contemporains.

    Stanis Perez scrute cet homme qui reste ancré dans son humanité, ne revendique nulle essence « divine » ; il le suit, de Philippe Auguste à Louis-Philippe, dans son quotidien le plus prosaïque. Pour lui, mais là encore, ce n’est que partiellement exact car le postulat de base de la sacralité du pouvoir reste la même à travers les siècles, l’image du Roi, ou celle du corps du Roi, se serait construite puis déconstruite au fil des siècles, de sorte que saint Louis n’aurait pas appréhendé son rôle et sa personne comme pouvaient les appréhender Henri III ou Louis XIV. Cette image renvoyée au peuple, cette propagande auraient pareillement fluctuée. Reste que le Roi demeurait le Roi, tant à ses propres yeux qu’à celui de ses peuples et que porter sur cela un regard « moderne », fausse fatalement l’objet de l’étude …

    Ce qui est intéressant, néanmoins, dans ce livre, relève du sociologique et de l’anecdotique. Si le Roi est un homme, et nul ne le nie, il naît, il grandit, il se forme, il mange, il prend soin de son corps, de son apparence, de sa santé, il engendre, et il meurt. Comment ?

    L’autre paradoxe est de parvenir à en imposer à ses sujets ou à ses ennemis tout en assumant son humanité et sa mortalité. Le cas extrême est celui de Charles VI, rongé par sa maladie mentale jusqu’à en perdre sa dignité humaine, mais jamais sa dignité royale, au point que le peuple a aimé son pauvre roi fou bien plus qu’il ne l’eût aimé sain d’esprit, dans la certitude mystique que le souverain expiait dans sa chair les péchés de la France. L’on touche là, une fois encore, à la dimension christique du pouvoir royal que nos contemporains ne savent plus appréhender. Elle est pourtant infiniment plus importante que de savoir si Louis XI jugeait indigne de se baigner en public ou que le contenu de l’assiette royale.

    Dans l’imaginaire, et dans l’idéal, il faudrait que le Roi soit toujours jeune, beau, en pleine santé, doté de toutes les vertus du corps et de l’esprit. Cela peut parfois arriver, cela ne dure jamais. Comment, sauf à imiter ces peuplades qui sacrifiaient le roi vieillissant ou malade, continuer d’en imposer ?

    Le roi est une incarnation

    Louis XIII n’était pas séduisant, il souffrait d’un sérieux défaut d’élocution, son caractère était difficile et angoissé, sa santé mauvaise depuis l’adolescence. Dans ces conditions, alors qu’il n’avait pour lui que son droit d’aînesse, comment a-t-il incarné son rôle ?

    Spécialiste du « spectacle de cour » dans l’Europe moderne, Marie-Claude Canova-Green voit, et, jusqu’à un certain point, elle a raison, Louis XIII, – mais ce serait vrai de tous les rois, – comme un acteur presque continuellement sur scène, obligé de jouer un rôle qu’il n’a pas choisi mais qui lui colle à la peau et dont il n’a pas le droit de se dépouiller.

    L’on en arrive ainsi à une vision quasi schizophrénique du monarque, pris entre son personnage royal qu’il doit assumer, et sa personne privée dans l’impossibilité de s’exprimer puisque la sphère intime lui est presque interdite. Faut-il vraiment supposer la coexistence, peu apaisée, de Louis de Bourbon et de Louis XIII dans un même corps ? Ne vaut-il pas mieux admettre que le Roi était un, même si, au siècle suivant, Louis XV, et Louis XVI plus encore, rechercheront, ce qui s’avérera une faute, les moyens d’échapper à cette épuisante et constante représentation ?

    Reste une analyse étonnante, et dure, de ce que l’historienne considère comme une sorte de dressage ou de conditionnement d’un enfant qui, né mâle et premier de sa fratrie princière, est destiné au trône, quand même ses qualités propres ne l’appelleraient pas spécialement à l’occuper.

    Les études de « genre » étant l’une des grandes préoccupations actuelles, il est beaucoup question ici, trop peut-être, d’« apprentissage de la masculinité », notion qui aurait sans doute laissé pantois nos aïeux du XVIIe siècle. Louis XIII ne s’est sûrement jamais demandé s’il devait assumer sa condition masculine, parce qu’il a toujours su et admis qu’il était un homme, et pas une femme …

    C’est parce qu’il était homme, et prématurément roi après l’assassinat de son père, qu’il s’est donné, sans pitié pour lui-même, les moyens d’assumer son destin. En toute conscience.

    Louis XIII ne s’est jamais pris pour Jupiter, pas plus que son fils ne se prendrait pour Apollon. Seulement pour ce qu’il était : l’homme, avec tous ses défauts et ses péchés, que les lois de dévolution de la couronne, et la volonté de Dieu, avaient fait roi de France et qui devait s’en rendre digne.

    Ne pas admettre cela, c’est renoncer à rien comprendre à la monarchie française.   

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    Le corps du Roi, Stanis Perez, Editions Perrin, 475 p, 25 € 

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    Faire le Roi, L’autre corps de Louis XIII, Marie-Claude Canova-Green, Editions Fayard, 372 p, 23 € 

    Anne Bernet
  • L’islam français, otage des Frères musulmans et d’Erdogan, par Abdelrahim Ali.

    Abdelrahim Ali, islamologue et PDG du groupe de presse "Al Bawaba" au Caire.© D.R

    Une tribune libre d’Abdelrahim Ali, islamologue et PDG du groupe de presse “Al Bawaba” au Caire.

    Pendant les vingt dernières années, la France a vu de nombreuses initiatives visant à organiser l’islam sur son sol.

    Cela a commencé en 1999 par la création de la fédération représentant les musulmans de France suite à une suggestion qui n’a pas vu le jour du ministre français de l’Intérieur de l’époque Jean-Pierre Chevènement. C’est sous le mandat de Nicolas Sarkozy que ce projet a pris corps en 2003 par la création du Conseil français du culte musulman, pour finir avec le dernier discours du président Emmanuel Macron dans lequel il a déclaré que l’islam traversait une crise mondiale. Pour empêcher ce qu’il a appelé le séparatisme, le président a appelé à redéfinir le lien entre l’État et cette religion. Cette initiative a provoqué la colère de nombre de chefs et penseurs du monde musulman ainsi que des musulmans de France.

    Outre l’action politique, diverses écoles d’analyse sociologique, islamologique, et géopolitique dominèrent les médias ces dernières années. Ainsi, on a vu des dizaines de tentatives de présenter des solutions possibles selon l’orientation idéologique de l’analyste. Mais malheureusement, tous ces projets ont été voués à l’échec, parce qu’ils n’ont pas abordé le fond du problème. En réalité, l’islam et les musulmans en France sont « littéralement » les otages de l’organisation internationale des Frères musulmans. Ces derniers ont remis récemment les rênes de leur mouvement au service des ambitions de l’actuel président turc. Un bref retour en arrière est nécessaire pour comprendre l’ampleur de la crise actuelle.

    L’arrivée de la troisième génération des Frères en Europe

    Le vrai drame de l’Europe avec l’islamisme a commencé avec l’arrivée de la troisième génération des Frères sur le continent européen dans les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix du siècle dernier. Jusqu’à ce moment-là, l’islam ou les musulmans ne représentaient pas un fardeau ni un problème dans la société française. Les musulmans ordinaires se sont succédé en Europe depuis plus d’un siècle: commerçants, savants ou étudiants échangeant leurs compétences en les transmettant à leur pays ou s’intégrant dans ces nouvelles sociétés. Les problèmes ne vont pas tarder à apparaître avec l’arrivée d’un groupe politique islamique croyant que le musulman doit tenter de créer l’État de l’islam partout où il vit sur Terre. Un groupe qui considérait que les pays européens étaient un butin dont il fallait convertir progressivement les habitants et en devenir, in fine, les maîtres.

    La réalisation de ce plan est conçu en six étapes théorisées par le fondateur de la confrérie Hassan al-Banna et que chaque membre des Frères musulmans a le devoir de réaliser dans le pays où il se trouve. Le plan comporte ces six étapes : L’homme musulman > La famille musulmane > La société musulmane > Le gouvernement islamique > Le gouvernement du monde. La dernière étape exprime l’ambition du fondateur d’instaurer un régime de califat mondial, autrement dit de dominer le monde. Des programmes éducatifs intensifs sont imposés aux membres actifs, aux cadres mais aussi aux sympathisants du groupe. Cette doctrine est considérée par eux comme un « Coran Frériste » à la place du Coran de Dieu auquel croient les musulmans ordinaires.

    Les Frères ont appris dans leurs écoles de pensée que ces six étapes s’obtiennent de plusieurs façons, en commençant par la prédication et l’enrôlement pour former le système des familles fréristes, proches du modèle d’une cellule d’organisation idéologique ou de l’unité partisane dans les partis politiques. Puis vient la réorganisation de la société en faisant tomber ses piliers civils ou laïcs, qu’il s’agisse d’associations, de syndicats, de fédérations professionnelles ou estudiantines, pour s’inspirer des principes de l’État religieux qui adopte des apparences religieuses dans toutes ses formations, et qui adopte aussi la fraternité issue de la seule appartenance à l’islam en lieu et place de la fraternité citoyenne de la nation. À cela se rajoute la préférence de la pensée du Guide par rapport aux autres obédiences au sein de l’islam. Vient enfin l’utilisation de la démocratie comme moyen, et non pas comme une fin et un choix fondé sur des valeurs fondamentales telles les libertés d’opinion, d’expression et de croyance. La démocratie devient ainsi un outil pour la conquête du pouvoir, un pont qui ne permet qu’une seule traversée vers l’autre rive sans pouvoir revenir.

    Les recours à la violence

    Viennent enfin les concepts de recours à la violence, en fonction de ce que permettent les rapports de force dans le pays concerné, ou la diffusion du chaos ou, le cas échéant, la formation d’alliances de circonstance, même avec le diable. Cette stratégie en toile d’araignée a pris en otage l’islam en France. Elle profite de toutes les initiatives des autorités visant à la reconnaître, ainsi que ses dirigeants et représentants, de façon officielle. C’est ainsi que cela s’est passé avec le projet de Sarkozy en 2003 qui a octroyé aux représentants du groupe le droit de représenter des musulmans de France auprès des autorités françaises, par le biais du libre choix à travers les mosquées et fédérations. C’est ainsi qu’ils ont réalisé des transactions avec des pays étrangers pour financer la construction de grandes mosquées en tant que voie d’accès à la direction et la représentation des musulmans de France, de même qu’ils ont formé des associations leur permettant à travers leurs représentants le contrôle total sur l’organisation nouvelle, qui est devenue le seul organe légitime représentant les musulmans de France. L’ancien président Nicolas Sarkozy a ainsi donné à l’organisation des Frères l’outil légal pour prendre en otage l’islam et les musulmans de France, et reformer leurs cadres organisationnels, pour devenir ainsi un Etat dans l’État. C’est là que commença le séparatisme.

    La preuve en est que lorsque l’organisation internationale des Frères a remis les rênes de sa direction à Erdogan après la chute de leur régime en Égypte et leur échec dans nombre de pays arabes, ils ont choisi un Turc, Ahmet Ogras pour la présidence du Conseil français du culte musulman, en 2017, malgré le faible nombre de Turcs et la domination des Marocains et Algériens sur le Conseil depuis sa création en 2003. C’est pourquoi toute solution à la crise de ce qu’on appelle l’islam français doit commencer par combattre cette organisation frériste et sa branche en France, à savoir l’Union des musulmans de France. Cela doit commencer également par le démantèlement de sa structure, l’assèchement de ses sources de financement, et l’interdiction de ses associations, sinon cela reviendra à tourner en rond, pour revenir à la case départ à chaque fois. C’est ce qui s’est passé avec les expériences que j’ai mentionnées plus haut, et peut-être aussi avec celle qui n’a pas encore commencé.

    Réfuter la matrice idéologique des Fréristes

    Le démantèlement de cette organisation qui prend en otage, on l’a dit, l’islam et les musulmans de France ne se fera pas seulement en interdisant ses structures et ses associations ou en asséchant ses sources de financement. Il faut aussi réfuter les idées utilisées pour recruter ses membres, en révélant au grand jour les manœuvres utilisées par ses dirigeants dans des débats sérieux, tournant autour des bases idéologiques auxquelles ils croient et qui conduisent finalement au concept de séparatisme.

    Pour réussir cette stratégie, le décideur doit respecter trois principes fondamentaux, le premier: ne pas confondre l’islam comme religion avec l’organisation en question. Il faut également traiter la crise par le prisme de l’influence étrangère et non pas comme un problème intrinsèque à la religion musulmane elle-même. Un tel traitement éviterait le discours victimaire de la persécution et de l’islamophobie auquel recourront aussitôt les cadres et ténors de l’organisation des Frères dans les médias du monde entier. Le second: que cette nouvelle politique se fasse sur le terrain du consensus national. Car le problème touche d’abord la sécurité nationale notamment par le problème du terrorisme. Enfin, il faut cesser de traiter le problème de la construction de l’islam en France comme on a traité avec le modèle de l’émancipation des juifs sous Napoléon Ier. Ce sont deux modèles différents. Nous y reviendrons ultérieurement.

     

    Islamologue et PDG du groupe de presse "Al Bawaba" au Caire.
     
  • Patrimoine • Versailles ou le Soleil à la fête [III]

    Pierre Paul Rubens (1577-1640), La Chute de Phaéton, c. 1604-1608 

     

    « Les plaisirs ont choisi pour asile, ce séjour agréable et tranquille » : l’apparition d’une spécificité culturelle

    La cour de la seconde moitié du XVIIe siècle voit plusieurs expressions artistiques bien à elle se développer, parmi lesquelles le ballet pour la danse, et la tragédie classique pour le théâtre et les arts lyriques quand elle est mise en musique. Le spectacle a dès lors une vocation : une mise en ordre symbolique, s’effectuant par le biais de constructions savantes et complexes, d’ordre artistique, esthétique et idéologique.

    L’opéra français résulte des premières tentatives de Mazarin d’importer les opéras italiens à la cour. Pour le jeune Louis, il fait jouer La finta pazza de Francesco Sacrati, précurseur de l’opéra-ballet. En avril 1659, la Pastorale d’Issy, comédie française en musique, est jouée dans la maison de campagne de René de la Haye, sieur de Vaudetart, orfèvre du roi. Elle est composée sur un livret de Cambert d’après les Poèmes de Perin. Son succès est tel qu’il permet, un peu plus de dix ans plus tard, la fondation de l’Académie d’opéra qui deviendra, en 1669, l’Académie royale de musique. Après quoi, le genre est saisi par les grands maîtres déjà en grâce à l’intendance des plaisirs du roi. À Versailles, les représentations données sont le fruit d’une étroite collaboration entre Lully et Molière, composant entre autres Le Mariage forcé, George Dandin, Monsieur de Pourceaugnac, Le Sicilien ou l’Amour peintre… On s’efforce d’y inscrire des moments musicaux et chorégraphiques dont l’exemple le plus célèbre est celui du ballet turc du « grand mamamouchi » dans Le Bourgeois gentilhomme. En 1673, naît Cadmus et Hermione, tragédie lyrique de Jean-Baptiste Lully composée sur un livret de Philippe Quinault. La première est jouée en présence du roi qui, selon la chronique, s’est « montré extraordinairement satisfait de ce superbe spectacle. » Dès lors, de nombreux « opéras à la française » puis « tragédies en musique » sont composés : Alceste, Atys et Armide deviennent les pièces maîtresses étalons de la musique du roi, synthèses des genres précédents que sont le ballet de cour et la comédie-ballet. On chante l’action dramatique suivant le modèle de la tragédie classique : cinq actes d’une intrigue suivie et d’un ton soutenu. Le récit y prend une place capitale, dramatisé par la musique de la déclamation tragique de Corneille et Racine. Le spectaculaire se renforce d’autant plus à l’heure des ballets qui entrecoupent les actes pour y adjoindre leur part de festivité.

    Issu du balletto italien, c’est en France que le ballet gagne ses lettres de noblesses. Le Ballet comique de la reine, chorégraphié par Balthazar de Beaujoyeulx, est présenté à Paris en 1581 et inaugure la tradition du ballet de cour qui donnera, au XVIIe siècle, les opéras-ballets et les comédies-ballets de Lully et Molière. Le ballet, comme la musique ou le théâtre, répond au service d’un message politique. Dans le Ballet royal de la nuit, sont liées thématiques astrologiques et astronomiques, parées des vertus et des insignes du pouvoir, gravitant autour du Soleil. La danse permet alors, par le mouvement et contrairement aux arts plastiques, d’incarner véritablement, de manière organique, l’astre qui luit. En 1661, l’un des premiers actes de gouvernement de Louis XIV est la fondation de l’Académie royale de danse, où l’on forme les danseurs et codifie l’art chorégraphique. Pierre Beauchamp, danseur et chorégraphe à la cour, codifie les cinq positions classiques et met au point un système de notation de la danse. Il s’agit de développer une pédagogie du langage des images compréhensible et reproductible. Le jésuite Claude-François Ménestrier, qui rédige deux ouvrages d’anthologie entre 1681 et 1682 sur la question : Des représentations en musique anciennes et modernes puis Des ballets anciens et modernes selon les règles du théâtre, pose ainsi cette réflexion : « Les spectacles publics font une partie de la Philosophie des Images que je me suis proposée comme la fin de mes études. »
    Ces médias artistiques entrecroisés s’expliquent en partie par la recherche d’un art total, mêlant musique instrumentale, vocale, poésie, danse, décors et images, issu de l’humanisme de la Renaissance, à l’heure où érudits et artistes redécouvrent l’Antiquité.

    La fondation d’une mythologie française

    Le Grand Siècle brille par la volonté de Louis XIV à faire de la France une nouvelle Rome. Avec Phaéton, tiré des Métamorphoses d’Ovide, le dieu Jupiter endosse son soc fleurdelisé et déploie les « vertus alliées de la force » pour reprendre saint Thomas : Magnificence et Magnanimité, apanages des grands monarques, face à l’orgueil démesuré de Phaéton qui, désireux de s’approcher du soleil, se brûle les ailes. La première est donnée sur une scène éphémère, dans la Salle des Manèges. Les machines absentes sont compensées par l’abondance et le luxe des costumes dessinés et conçus par Bérain. Les sujets développés après Phaéton tels que ceux d’Amadis, de Roland ou d’Armide, abandonnent progressivement les thématiques ayant trait aux dieux pour représenter des héros à visage humain. Après l’Antiquité, force est donnée aux légendes médiévales et à leurs mythes chevaleresques. À travers son répertoire mêlant sujets à l’Antique et hauts faits baroques, Louis XIV domine le temps et l’espace. Dans Amadis, composé en 1684, l’intérêt est porté au héros du même nom très en vogue dans la littérature du XVIIe siècle. Plus encore, on appelle cet Amadis de Gaule « la Bible du Roy » sous Henri IV. Dans ses Chroniques secrètes et galantes, Georges Touchard-Lafosse écrit : « Le roi se croyait quasi auteur du poème ; l’incitation de l’amour propre domina quelque peu chez lui le sentiment de la bienséance : un poète par métier n’eût pas fait plus. La pièce était remplie d’allusions à la louange de Sa Majesté, et Lully fit chanter, le mieux qu’il put, ce panégyrique obligé. » [1] D’abord issu de la littérature portugaise, de l’auteur Garci Rodriguez de Montalvo, Louis XIV s’approprie cette histoire d’amour mettant en scène Amadis, chevalier courageux surmontant mille obstacles pour Oriane, fille de Lisuarte, roi de Bretagne. L’épopée retrace la conquête de ce héros baroque à travers l’Europe, triomphant tour à tour en Bohème, en Allemagne, en Italie et en Grèce. La figure du roi est désormais une figure bien humaine, capable de dépasser sa faiblesse et de conquérir le monde malgré son être mortel.

    Roland, dont le thème est emprunté à l’Arioste, est joué à Versailles le lundi 9 janvier 1690. Comme pour Amadis, la trame est au sujet guerrier. Le Prologue est chanté par Démorgon, roi des fées, chantant les louanges de Louis XIV sur son trône car « le plus grand des héros » a ramené la paix. Pour Philippe Beaussant, « avec ces œuvres qui abandonnent la mythologie et les images traditionnellement chargées de transmettre la symbolique royale, nous sommes plus près que jamais de la personne et de l’esprit du roi. » Ce goût du roi consiste en cette appropriation transversale de légendes, de contes et de mythes européens, forgeant l’être-même du souverain comme image inaliénable destinée à sa descendance et à la postérité. Louis XIV est résolument ce « maître absolu de cent peuples divers » que chante la Sagesse dans le Prologue d’Armide. Un sauveur, à l’instar du Renaud de la tragédie, libérant peuples comme amours de la barbarie par la « douceur de ses lois. »

    Epilogue

    Au fil des années, les deuils qui frappent la famille royale, l’âge du roi, le déficit des caisses de l’Etat et les guerres imposent des divertissements plus intimes. Au crépuscule de sa vie, Louis XIV réserve le faste aux baptêmes et aux mariages princiers, avec le souci toujours prégnant d’impressionner ambassadeurs et souverains en visite officielle. Les jardins achevés, ils ne peuvent plus accueillir les grands dispositifs éphémères qui ont marqué la vie des bassins, des parterres et des bosquets. Pour autant, l’héritage qu’il a légué à la France s’incarne toujours avec vivacité dans les pages des tragédies que l’on continue de mettre en scène et de la musique que l’on continue de jouer. Louis XIV, en monarque soucieux de léguer à sa descendance un royaume en plus bel état qu’il ne l’avait trouvé, a également transmis sa passion des fêtes toute française à l’ensemble de ses sujets d’aujourd’hui. Mieux encore : au monde entier, que le mythe du Roi-Soleil fascine et continuera de fasciner pour la révolution culturelle qu’il lui a donné. Si Louis XIV vit encore derrière chaque vers de Molière ou Corneille déclamé, chaque note de Jean-Baptiste Lully ou de Marc-Antoine Charpentier pincée, l’on pourrait aisément pasticher le mot fameux : « Je m’en vais, mais la fête demeurera toujours. » (FIN)   

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    Les Quatre Vertus, Balet comique de la Royne, faict aux nopces de Monsieur le Duc de Joyeuse & madamoyselle de Vaudemont sa sœur. Par Baltasar de Beaujoyeulx, valet de chambre du Roy, & de la Royne sa mere, Gallica, p. 40  

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    Le Rouge et le Noir

  • Anticipation ? L’avenir de l’intelligence contre les Nations

    Par Pierre Carvin

    Société. Les technologues numériques favorisent la constitution d’une petite élite intellectuelle, volontairement coupée du reste de la société – le quotient intellectuel des nations ayant, lui, tendance à diminuer. La mondialisation va-t-elle faire émerger deux humanités divergentes ? 

    BELLCURV.JPGDans un livre controversé publié en 1994, The Curve Bell, le politologue Charles Murray et le psychologue Richard J. Herrnstein soutiennent une thèse qui va rester dans les annales : le quotient intellectuel, c’est-à-dire l’intelligence, va devenir de plus en plus déterminant pour se situer sur l’échelle sociale.

    Le grand bouleversement en cours s’est accéléré ces dernières décennies pour prendre la forme d’un marché mondial des plus intelligents et des plus compétents entre la Californie des GAFA, l’Inde ou encore la Chine des BATX. Cette nouvelle compétition, qui est aussi une compétition entre puissances politiques, est en train de détruire la cohésion des anciennes nations au profit d’une « élite cognitive » mondialisée dont les faveurs garantissent croissance et prospérité.

    La transformation du capitalisme

    La montée en puissance de cette « élite cognitive » va de pair avec la transformation du capitalisme et les accélérations technologiques qu’elle a provoquées. Pour Edmund Phelps, le passage au XIXe siècle d’un capitalisme essentiellement marchand à un capitalisme moderne a eu pour effet de faire de l’innovation la locomotive du système économique.

    Ce faisant, il a porté une nouvelle classe d’entrepreneurs, de chercheurs et d’expérimentateurs qui a changé la mentalité des élites traditionnelles. Phelps écrit dans son livre La prospérité de masse (2017) : « L’économie moderne transforme toute sortes de gens en concepteurs d’idées, de financiers en savants, de producteurs en distributeurs, des utilisateurs finaux en distributeurs ». Ce sont les idées nouvelles qui mènent le monde et font vivre l’économie de marché, ce cerveau collectif dont les connexions neuronales sont les intellectuels et les chercheurs.

    La hiérarchie des salaires, des postes et des statuts n’est pour l’instant qu’assez marginalement bousculée par la nouvelle place accordée à l’intelligence. L’évolution, jusqu’à présent, était progressive, et même relativement lente, car d’autres facteurs liés aux hiérarchies sociales traditionnelles jouaient au même titre que la cognition dans la course aux postes et aux statuts.

    1_MLwsGzegxKWBKgxDk49wVA.jpgL’accélération technologique de ces dernières décennies change la donne à toute vitesse. Les industries du futur, qu’elles touchent à la robotisation, au Big Data, à l’économie numérique et toutes ses déclinaisons possibles autour de l’intelligence artificielle, ne demandent qu’une petite poignée de spécialistes hyper-intelligents qui, malheureusement, pourraient monopoliser les postes les plus rémunérateurs et ne laisser que des miettes au reste de la population¹.

    C’est l’intelligence des nations qui compte

    L’économie favorise la constitution des plus intelligents en une élite coupée du reste de la société, ce qui a des conséquences sociales et politiques énormes. Elles se font ressentir en particulier aux États-Unis, où la partition cognitive du territoire décrite par l’essai de Charles Murray dans Coming Apart. The state of white America 1960-2010 (2012) est déjà bien avancée. Cette partition provoque à la fois la dégradation de l’environnement des moins aptes (pauvreté, criminalité, désocialisation) et l’indifférence au reste du monde des mieux disposés, enfermés dans leurs nouveaux ghettos de riches progressistes, entre New York et la Silicon Valley. C’est qu’en général, plus on est intelligent, plus on a de facilités à construire des relations sociales durables et bénéfiques.

    L’économiste Garett Jones observe qu’existe un effet « de Vinci » attaché au quotient intellectuel² : en général, l’intelligence ne vient pas seule et agrège à elle d’autres qualités (émotionnelles, sociales) indispensables à la vie en société, ce qu’attestent différentes études scientifiques. Pour lui, ce n’est d’ailleurs pas tant l’intelligence individuelle qui compte que celle de la nation toute entière pour améliorer la coopération entre individus et le degré de prospérité générale.

    QI-élevé-1.jpgPlus les gens sont intelligents, plus ils ont tendance à être patients, à comprendre les règles du jeu social et économique, et à les utiliser au plus grand bénéfice de tous. Inversement, moins les gens sont intelligents, moins ils sont patients, respectueux des règles et plus défiants. Les dix pays les plus riches et les plus productifs sont aussi les pays où le QI moyen est le plus élevé.

    Immigration choisie

    Comment faire pour améliorer le QI d’une nation ? La qualité de l’éducation, de l’environnement, et la nourriture sont souvent évoquées dans les causes de déclin ou au contraire de croissance du QI au sein d’un pays. Une autre variable, moins populaire auprès des médias, pourrait provenir de la sélection de l’immigration.

    13110409lpaw-13127294-article-spainmigrationrescue-jpg_4967799_660x287.jpgLes États pauvres, bureaucratisés et autoritaires, qui sont aussi des terres d’émigration, soumettent en règle générale des populations aux capacités cognitives plus limitées. Or l’Europe est l’objet d’une pression migratoire en provenance d’Afrique, qui, si on en croit le dernier livre de Stephen Smith La ruée vers l’Europe (2018), ne va cesser de s’intensifier dans les années à venir.

    Ceci pourrait participer à creuser l’hétérogénéité cognitive en Europe, tant le QI moyen des populations d’Afrique subsaharienne paraît en dessous des moyennes européennes. La réalité du fossé est assez difficile à entendre pour des raisons évidentes, mais les études semblent concorder³. L’immigration en cours, pour des raisons cognitives, pourrait renforcer l’érosion de la coopération sociale dans son ensemble et enterrer définitivement les gouvernements libres, au profit d’États encore plus autoritaires et redistributifs, si la question migratoire demeure non résolue.

    Spéciation de l’humanité

    La pression grandissante pour la partition cognitive du social et du politique se fait aujourd’hui par le bas, par l’immigration. Pour Yuval Noah Harari, grâce aux progrès biotechnologiques, c’est le sommet qui pourrait faire totalement sécession en transformant l’inégalité économique en inégalité biologique. Les plus riches seraient à la fois les plus intelligents et pourraient, grâce à la technologie, augmenter leur intelligence bien au-delà de celui du citoyen ordinaire.

    Homo-deus-une-histoire-de-transhumanisme-1-940x576.pngLe génie biologique associé à l’essor de l’Intelligence artificielle détruirait en conséquence l’unité de l’humanité elle-même : « (…) loin de favoriser l’unité générale, la mondialisation risque de se traduire par une ‘spéciation’ : la divergence de l’humanité en castes biologiques, voire en espèces différentes4. » Plus de raison commune entre Homo sapiens obsolète et Homo deus transhumaniste, donc plus d’avenir et de politique en commun.

    La fin du modèle politique occidental ?

    Le retrait des nations des « plus intelligents », tout comme le tassement général du QI en Occident pourraient inaugurer une nouvelle ère politique où la démocratie libérale serait obsolète. Comment en effet maintenir sous une même loi des individus aux natures si divergentes ? Pour John Rawls, l’unité de la démocratie est conditionnée au caractère raisonnable du pluralisme politique, moral et social qu’elle réglemente. Et si demain il n’y a même plus de raison commune à toute l’humanité ? Les défis à venir sont immenses.  

    1. Tyler Cowen, Average is over, Powering America beyond The Age of Great Stagnation, Dutton, First Edition, 2013.
    2. Garett Jones, Hive Mind. How your Nation’s IQ Matters much more than your own, Stanford Univ. Press, 2016.
    3. Sur l’état du débat : Wicherts, Dolan, van der Maas, ‘A systematic Literature review of the Average IQ of Sub-Saharan Africans’ in Intelligence, numéro 35, 2010. Rappelons tout de même qu’il ne s’agit que de moyennes statistiques, et qu’il serait absurde, logiquement et moralement, d’en déduire une infériorité cognitive commune à l’ensemble de la population subsaharienne.
    4. Yuval Noah Harari, 21 leçons pour le XXIe siècle, Paris, Albin Michel, 2018, p. 94.
    Pierre Carvin
  • LE DÉBAT PERMANENT ? ET APRÈS ?

    Par Hilaire de Crémiers 

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    Il a beau dire, Macron n'est jamais qu'un politicien comme un autre. 

    Emmanuel Macron s'est engouffré dans son grand débat.

    C'est qu'il s'imagine qu'il trouvera une issue au bout de ce tunnel. Personne n'y voit rien ; et qui sait comment ça va finir ? Lui, il a la foi ; il a même la vision. Tout, dit-il, va se clarifier. Il en vient maintenant à estimer que le tunnel en lui-même est une issue ! Aussi a-t-il déclaré péremptoirement qu'il veut rendre le débat « permanent », le prolonger indéfiniment, mieux encore : « l'institutionnaliser ».

    La France ou le débat ?

    Après l'étape du mois de mars où seront censés mis en ordre et présentés les voeux et les doléances des Français sur les sujets proposés au débat d'aujourd'hui, après même le référendum qui se profile à l'horizon comme hypothèse la plus prévisible, il est dès maintenant question de continuer, de relancer encore et encore le débat. Pas la France, pas le projet national, pas une politique de sauvegarde de notre pays. Non, le débat, vous dis-je !

    Le chef de l'État, l'homme qui en principe décide, c'est-à-dire qui se doit précisément de clore tout débat par sa décision, souhaite donc que la France et les Français soient en débat perpétuel. Car, de là, affirme-t-il, les idées ne cesseront de jaillir qui seront comme autant de solutions à tous les problèmes des Français. Et lui-même alors ? Problème ? Solution ? Pourquoi ne pas en débattre, après tout ? Mais non ; justement non ! Et pas non plus ce qu'il a acté ! Alors ? En fait, dès le départ, Macron a ignoré la France et ses intérêts. Il ne pensait qu'à l'Europe de ses rêves et au monde futur de son imagination. Il a méprisé les attentes et les besoins des Français. Il n'a jamais débattu que pour faire valoir ses conceptions « progressistes », seules acceptables, seules acceptées !

    Ce n'est pas un homme politique, absolument pas. Cet énarque n'a que des idées, aussi vagues que sa philosophie ; et en revanche, ou « en même temps », il a la précision du technocrate qui vous accable de ses combinaisons d'administration et d'organisation aussi implacables que vaines et destructrices. Dans son esprit, le débat conduira au triomphe de telles combinaisons qui s'imposeront par leur caractère nécessaire. Ainsi les logorrhées du débat auront la vertu cathartique d'apaiser les passions ; là crise débouchera d'elle-même sur des solutions, les siennes évidemment !

    Le débat, vous dis-je ! Il suffit d'aller de l'avant, de marcher, de parler, de débattre. N'est-ce-pas la formule même du candidat qu'il fut à l'élection présidentielle avec son En Marche ? E.M. comme Emmanuel Macron, souvenez-vous ! C'était lui déjà qui indiquait le sens, celui du « progrès » à l'encontre de tous les « conservatismes ».

    maxresdefault.jpgAujourd'hui il reprend l'opération, mais avec en plus l'autorité du chef de l'État. Il décide du débat, des termes dans lesquels il est contenu, et s'il en fait nommer des garants en principe indépendants mais inféodés au système, c'est bien lui qui en détermine le sens général dont l'achèvement mènera à des conclusions incluses dans les prémisses. Celles qu'il a lui-même posées. Admirable tour de passe-passe d'un sophiste qui prétend parvenir à ses fins de gouvernement par l'habileté intellectuelle de ses brillants raisonnements dont l'irrémédiable défaut est tout uniment de n'être pas en accord avec la vérité des choses, la simple et si complexe réalité. Tel est Macron, tel il a toujours été. Un moderne Gorgias qui se croit maître de la cité par sa parole toute puissante, créatrice de fictives et futures réalités !

    Le maître d'oeuvre

    Alors, il est vrai - et on le comprend fort bien - qu'il a pris à bras-le-corps ce grand débat qu'il a programmé, tel un jeune lutteur enthousiaste, comme au premier temps de sa campagne électorale d'il y a deux ans. Il l'anime lui-même et presque seul. Son Premier ministre, ses ministres s'y essayent quelque peu ; il les encourage sur sa lancée ; mais en fait ça ne prend pas vraiment. Et ne parlons pas des députés de La REM, tous plus gourdiflots et godichons les uns que les autres.

    Macron en est réduit à faire le chef et la troupe. C'est ainsi qu'il a toujours fonctionné. Il est plus solitaire que jamais. Le voilà donc en bras de chemise devant les maires ; au fond des régions, à l'improviste et en impromptu toujours bien calculés, avec chacun, avec tous, Gilet jaune à ses côtés. La proximité, quoi ! Des heures d'affilée, toute question épuisée jusqu'au dernier iota technique. Il a réponse à tout ; il sait tout ; il prévoit tout. On s'étonne de telles prestations qui tournent à la performance. Les braves gens sont censés en ressortir ébaudis et convaincus.

    Après les territoires qu'il prétend reconquérir, voici le tour des jeunes et, mieux encore, des banlieues. Il ose affronter ; il reste persuadé que sa dialectique qui s'adapte à tous les milieux l'emportera. Il annule des rendez-vous internationaux et le fait savoir pour répondre aux exigences populaires. Ce qui ne l'empêche pas de réunir à Versailles « en même temps » de potentiels investisseurs étrangers, car s'il prend en charge le souci des Français, il n'abandonne pas pour autant sa croyance aux bienfaits essentiels de la mondialisation. Il est à noter que, dans ses réponses, n'est jamais énoncée la pensée que la France, en tant que nation, pourrait reprendre son destin en main. Tout son art consiste à faire croire que ses vastes conceptions ne sont en rien contradictoires avec l'intérêt de chacun des Français ; il se met à parler de « peuple », de « nation », un vocabulaire qui lui était jusqu'à présent étranger, voire odieux. Il ne faut pas s'y tromper : il est toujours ce même homme qui a prononcé le discours de Davos, celui qui a signé le pacte de Marrakech sur les migrations le u décembre dernier et le traité sur la coopération et l'intégration franco-allemande d'Aix-la-Chapelle le 22 janvier. Macron persiste, signe et resigne.

    Il sera le dernier en Europe à toujours miser sur l'Europe de Bruxelles, de Junker et de Moscovici au point de lui remettre à l'avance tous les attributs de la souveraineté. Son discours est ambigu parce qu'il ne renonce à rien de ses visées, tout en étant obligé de composer avec les réactions violentes qu'elles suscitent naturellement dans le peuple français.

    Un référendum ?

    D'où cette idée que Macron laisse germer dans l'opinion pour la reprendre à son profit, celle d'un référendum qui serait la réponse appropriée au grand débat et lierait « en même temps » le problème français et la question européenne.

    Déjà la date du 26 mai est annoncée, malgré la brièveté de l'échéance ; les Français seraient appelés « en même temps » à voter pour les élections européennes et à répondre au référendum proposé et qui porterait essentiellement sur les réformes constitutionnelles en trois ou quatre points, tirés prétendument du grand débat et censés améliorer la démocratie participative : référendums, proportionnelle, non-cumul, nombre de députés, loi de fiscalité...

    ob_d92ffa_gilet-jaune-macron-demission.jpgLe tour serait joué. Il fut prévu dans ces colonnes dès le mois de décembre. Ce n'est pas encore fait, tant c'est énorme. Macron pense ainsi obtenir une plus large participation et, selon sa stratégie éprouvée au cours des deux années passées, être le seul adversaire en face du Rassemblement National, évincer ses autres concurrents, battre le populisme, clore l'épisode des Gilets jaunes, éliminer l'opposition, faire passer sa réforme constitutionnelle sans faire appel au congrès et poursuivre sa politique dite progressiste qui va s'ouvrir bientôt aux questions dites sociétales.

    Il voudrait duper tout le monde, une fois de plus. Cependant, peut-il y réussir ? Les résultats ne sont pas là ; ce n'est qu'un plan et tout s'y oppose, jusqu'aux règles constitutionnelles. L'Europe aujourd'hui est celle de la viande avariée, de la migration continue, du Brexit impossible, de l'Italie qui s'en moque jusqu'à risquer sa survie financière, des pays de l'Est et du Nord qui n'en veulent plus, d'une Allemagne inquiète et fragilisée politiquement et économiquement au point de n'être plus fiable. La France concrètement est un paquet de dettes, une économie poussive qui traîne un chômage de masse, un ensemble de prélèvements qui pèsent près de la moitié de son PIB, les plus lourds des pays de l'OCDE, une société totalement éclatée avec des zones entières irrécupérables où pas un homme politique n'irait se promener, un pays où les services publics se dégradent et qui paye à haut prix des politiques d'État contradictoires où le citoyen se sent continuellement bafoué.

    Non, Macron n'en a pas fini. Et le débat ne saurait être une solution. Le débat n'est pas un sauveur ni un salut. Macron, non plus. La France est orpheline et malheureuse. Les Français l'expriment en quelque sorte confusément. Ils ne se sentent ni gouvernés ni représentés. Jusqu'où faudra-t-il descendre pour qu'ils comprennent ?  

    Hilaire de Crémiers

  • L'Europe, l'Europe, toujours l'Europe..., par la RÉDACTION de L’ASAF.

    Les incer­ti­tudes qui, il y a encore quelques semaines, pla­naient sur l’avenir à moyen terme de l’opération Bar­khane, semblent avoir été levées lors du som­met du G5 Sahel à N’Djamena le 15 février der­nier.

    Pour autant, la ques­tion de la suf­fi­sance des moyens dédiés à ce qui est aujourd’hui l’engagement majeur de l’armée fran­çaise reste posée et ne paraît pas devoir être réso­lue rapi­de­ment d’autant qu’elle revêt une dimen­sion européenne.

    Si l’on s’arrête au pro­blème des héli­co­ptères, vitaux en bande sahé­lo-saha­rienne (BSS) compte tenu des dimen­sions du théâtre et de la nature des opé­ra­tions, l’observateur ne peut que s’étonner de leur faible nombre : seize fran­çais (trans­port et com­bat) et cinq gros por­teurs (trois bri­tan­niques et deux danois). Cela amène à s’interroger sur le rap­port, qui a tout de même une valeur indi­ca­tive, entre le mon­tant actuel des dépenses annuelles de défense des pays de l’Union euro­péenne, soit envi­ron 280 Md€, et le niveau de leur enga­ge­ment au Sahel.

    D’évidence, ce constat reflète, du point de vue des opé­ra­tions en Afrique, une inéga­li­té dans le par­tage du far­deau qui, hor­mis des péti­tions de prin­cipe et des regrets de cir­cons­tance, ne sus­cite en réa­li­té pas grand débat chez nous comme chez nos par­te­naires de l’Union, si ce n’est peut-être dans quelques cénacles experts.

    Or, cette réa­li­té mal­gré tout déran­geante tranche avec les incan­ta­tions sur la Défense euro­péenne dont nous sommes ber­cés depuis très long­temps. À cet égard, il fau­dra suivre avec beau­coup d’attention l’évolution du dos­sier du Sys­tème de Com­bat Aérien du Futur (SCAF). En effet, celui-ci, par les rup­tures tech­no­lo­giques qu’il com­porte, sera un élé­ment essen­tiel de la capa­ci­té aérienne euro­péenne à l’horizon 2040, moment à par­tir duquel devrait s’effectuer le rem­pla­ce­ment des Rafale et des Typhoon. Encore dans ses pré­misses, ce pro­gramme, qui devrait coû­ter à la France de 50 à 80 Md€ selon le Sénat, a vu ces der­nières semaines les deux par­te­naires prin­ci­paux, fran­çais et alle­mand, via leurs indus­triels Das­sault et Air­bus, s’opposer notam­ment sur la ques­tion des droits de pro­prié­té intellectuelle.

    Dans la mesure où la réa­li­sa­tion de ce type de pro­gramme est doré­na­vant hors de por­tée dans un cadre uni­que­ment natio­nal, il y a donc un carac­tère impé­ra­tif à trou­ver un accord, de même que pour les pro­grammes rela­tifs au futur char de com­bat (MGCS), à l’Euro­drone et au Tigre Mark 3, et ce avant l’entrée de l’Allemagne en période pré­élec­to­rale en juin pro­chain, une Alle­magne dont le Par­le­ment s’impliquera dans ces « grandes manœuvres mili­ta­ro-indus­trielles » via le sui­vi régu­lier de la ges­tion des pro­grammes SCAF et MGCS. Compte tenu de la dimen­sion stra­té­gique et éco­no­mique de ces der­niers, il ne serait pas incon­gru d’imaginer que notre repré­sen­ta­tion natio­nale s’inspire de cet exemple d’outre-Rhin et s’investisse dans un sui­vi qui aille au-delà des tra­di­tion­nelles audi­tions en com­mis­sions ou de l’examen a pos­te­rio­ri des docu­ments budgétaires.

    Ain­si, les mois à venir seront déci­sifs pour l’avenir de ces pro­grammes alors même que l’actualisation stra­té­gique conduite par le minis­tère des Armées et que nous évo­quions le mois der­nier fait, avec force, état de la com­mu­nau­té d’intérêts des pays de l’UE et de son impact sur les poli­tiques de défense. Une actua­li­sa­tion dont il faut vive­ment sou­hai­ter qu’elle contri­bue à ali­men­ter les débats qui devraient, dans le pays de l’Union euro­péenne le plus concer­né par les ques­tions mili­taires, accom­pa­gner les pré­li­mi­naires d’une cam­pagne pré­si­den­tielle où il fau­dra bien, enfin, évo­quer sans ambages ni trem­ble­ments la défense de la France et les moyens qu’on doit y consa­crer. Or, force est de consta­ter que si, selon les enquêtes d’opinion, les Fran­çais sont atta­chés à leur armée et la placent haut dans leur estime, ils ne sont pour­tant jamais enclins, dans les mois qui pré­cèdent l’élection à la magis­tra­ture suprême, à trans­for­mer cet atta­che­ment en ques­tion­ne­ment inci­sif et vigou­reux rela­tif à la Défense auprès des pré­ten­dants à l’Élysée. Pour­tant, le vain­queur ne tarde jamais à mesu­rer l’importance de la puis­sance mili­taire dans l’affrontement per­ma­nent des États et de leurs intérêts.

    Dans ce contexte, le pays n’aurait rien à gagner du silence de ceux qui ont direc­te­ment en charge les armes de la France et qui voient mon­ter les risques d’affrontements à haute inten­si­té aux péri­phé­ries de l’Europe. En revanche, en par­ta­geant avec sim­pli­ci­té et luci­di­té les pro­blèmes qu’ils ont à affron­ter, ils pour­raient don­ner à beau­coup de Fran­çais le sou­ci de leur défense.


    La RÉDACTION de L’ASAF
    www.asafrance.fr

    Source : https://www.actionfrancaise.net/

  • Pourquoi il est illusoire de s’obstiner à continuer de croire qu’une « pacification des mémoires » avec l’Algérie et le

    Emmanuel Macron s’obstine à refuser de voir que la France, l’Algérie et le Rwanda ne parlent pas de la même chose quand est évoquée la question mémorielle. Pour Paris, l’histoire est une science permettant de connaître et comprendre le passé.

    bernard lugan.jpgPour Alger et pour Kigali, il s’agit d’un moyen servant à légitimer les régimes en place à travers une histoire « arrangée ». L’incommunicabilité étant totale, les dés sont donc pipés dès le départ. D’où le naufrage du « Rapport Stora » et du « Rapport Duclert ».

    L’Algérie et le Rwanda ne veulent en effet pas d’une « pacification des mémoires » au sens où l’entend la France puisque toute normalisation passerait obligatoirement par des concessions mémorielles qui feraient exploser les fausses histoires sur lesquelles reposent les « légitimités » des deux régimes. Le président algérien Tebboune l’a d’ailleurs plus que clairement reconnu quand il a déclaré que « la mémoire nationale ne saurait faire l’objet de renonciation, ni de marchandage ».
    En définitive, la France recherche une paix mémorielle fondée sur une connaissance scientifique des évènements du passé quand l’Algérie et le Rwanda exigent son alignement sur leurs propres histoires fabriquées.

    Avant de se lancer d’une manière évaporée dans le processus de mise à plat des mémoires, Emmanuel Macron aurait peut-être pu entrevoir la considérable différence d’approche des pays concernés, ce qui lui aurait alors permis de comprendre que sa démarche était vouée à l’échec. Mais, pour cela, il lui aurait fallu demander conseil aux véritables spécialistes de l’histoire de l’Algérie et du Rwanda, aux connaisseurs des mentalités leurs dirigeants. Or, et tout au contraire, pour le dossier algérien le président français a choisi de s’adresser à un historien militant signataire d’une pétition de soutien aux dérives islamo-gauchistes de l’UNEF, et, pour le dossier rwandais, à un historien totalement incompétent en la matière. Benjamin Stora s’inscrit dans la ligne de l’histoire officielle algérienne écrite par le FLN quand la thèse de Vincent Duclert portant sur « L’engagement des savants dans l’affaire Dreyfus », ne fait pas de lui un connaisseur de la complexe alchimie ethno-historique du Rwanda…et ne l’autorise pas à oser parler, contre toute la culture régionale, d’ « absence d’antagonismes ethniques dans la société traditionnelle rwandaise » (!!!).

    Comment Emmanuel Macron pouvait-il d’ailleurs attendre une « avancée » de la part du « Système » vampirique pompant la substance de l’Algérie depuis 1962 quand celui-ci veille avec un soin plus que jaloux à ce que l’histoire légitimant sa domination sur le pays ne soit pas remise en question ? Il en va en effet de sa survie.  L’homologue algérien de Benjamin Stora n’a ainsi fait aucune proposition de révision historique, laissant au chef d’état-major de l’armée, le général Saïd Chengriha,  le soin de faire monter les enchères avec la France en évoquant, contre l’état des connaissances, des « millions de martyrs  de la guerre d’indépendance »… D’une phrase, la pauvre tentative élyséenne de rapprocher les points de vue entre la France et l’Algérie était ainsi pulvérisée. De plus, tout en dynamitant la relation de confiance établie entre les présidents Macron et Tebboune, le général  Chengriha montrait clairement que le président algérien n’est qu’une marionnette et que c’est l’institution militaire qui gouverne et  impose sa loi.

    Maîtres du temps, les généraux algériens vont maintenant faire pression sur Emmanuel Macron, exigeant de lui qu’il livre ou qu’il expulse quelques grandes figures de l’opposition actuellement réfugiées en France…L’éthérée et idéologique recherche d’un consensus historique aura donc abouti à une déroute française.

    Dans le cas du Rwanda la situation est carrément caricaturale car le « Rapport Duclert » va encore plus loin que le « Rapport Stora »  dans la mesure où il s’aligne quasi intégralement sur les positions de Kigali, légitimant ainsi la fausse histoire sur laquelle  repose la « légitimité » du régime du général Kagamé. Une histoire ancrée sur trois principaux postulats :
    - La France a  aveuglement soutenu le régime du président Habyarimana.
    - Ce furent des Hutu qui, le 6 avril 1994, abattirent en vol l’avion du président Habyrarimana afin de faire un coup d’Etat permettant de déclencher le génocide.
    - Le génocide des Tutsi était programmé.

    Or, tout au contraire :

    - Alors que la tragédie du Rwanda fut provoquée par l’attaque lancée depuis l’Ouganda au mois d’octobre 1990 par des Tutsi réfugiés ou déserteurs de l’armée ougandaise, le « Rapport Duclert » affirme, comme le fait Kigali, qu’entre 1990 et 1993, la France a aveuglement soutenu le régime  du Rwanda. Or, chaque intervention militaire française fut subordonnée à une avancée obtenue du président Habyarimana dans le partage du pouvoir avec ceux qui lui avaient déclaré la guerre au mois d’octobre 1990… La différence est de taille.

    - Tournant  le dos à l’état des connaissances et s’alignant là encore sur la thèse officielle de Kigali, le « Rapport Duclert » laisse entendre que ce seraient ses propres partisans qui, le 6 avril 1994, auraient abattu l’avion du président Habyarimana. Une hypothèse que même les juges Jean-Marc Herbaut et Nathalie Poux, en charge de l’affaire de l’attentat, ont estimé n’être étayée par aucun des éléments du dossier. De plus, s’ils avaient pris la peine de s’intéresser véritablement aux travaux du TPIR  (Tribunal pénal international pour le Rwanda), et non d’en parler à travers des lectures de seconde ou de troisième main, les auteurs du « Rapport Duclert » auraient appris que ce tribunal qui a travaillé plus de vingt ans sur la question, a clairement écarté toute responsabilité des Hutu dans l’attentat déclencheur du génocide.

    - Pour les rédacteurs du « Rapport Duclert », tout cela n’a d’ailleurs pas d’importance car, selon eux, et toujours ainsi que le soutient Kigali, comme le génocide était programmé, il aurait eu lieu de toutes les façons, même sans l’attentat …Or, et une fois encore, il a été plus que clairement établi devant le TPIR que le génocide était la conséquence de l’assassinat du président Habyarimana…

    Grâce au « Rapport Duclert», voilà donc désormais Kigali en position de force  pour exiger de la France des excuses officielles qui devront être soutenues par  le versement d’espèces « sonnantes et trébuchantes »… Et si Paris se montrait indocile, comme le « Rapport Duclert » a, contre toute vérité historique, reconnu une part de responsabilité française dans la genèse du génocide, conseillé par l’un ou l’autre cabinet juridique d’Outre-Atlantique, le Rwanda pourrait alors décider de poursuivre la France devant un tribunal international… Un nouveau chantage pourrait donc s’annoncer. Résultat de la faiblesse française et de la volonté du président Macron de mettre à plat le contentieux avec le Rwanda, c’est désormais la France qui est à plat ventre…

    Bibliographie
    - Pour tout ce qui concerne la critique de l’histoire officielle de l’Algérie popularisée en France par Benjamin Stora, on se reportera à mon livre Algérie, l’Histoire à l’endroit.
    - Pour tout ce qui concerne la critique de l’histoire officielle du génocide du Rwanda reprise dans le « Rapport Duclert », on se reportera à mon livre Rwanda, un génocide en questions et à mes rapports d’expertise devant le TPIR intitulés  Dix ans d’expertises devant le Tribunal Pénal international pour le Rwanda (TPIR)

    -Pour tout ce qui concerne la repentance en général, on se reportera à mon livre Répondre aux décoloniaux, aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance.

    Source : http://bernardlugan.blogspot.com/