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  • Un désastre annoncé pour l’histoire-géo à l’école et au collège ... Charabia et inanité, par Laurent WETZEL

    Réforme des collèges ? Laurent Wetzel revient ici sur le cas spécifique - mais non isolé - de l'histoire-géo. Cette note parue dans Boulevard Voltaire nous rappelle que, peu après la parution de son ouvrage Ils ont tué l'histoire géo, Laurent Wetzel avait été l'invité de l'un de nos Cafés poliques de Lafautearousseau à Marseille (15.12.2012). Nous avons plaisir à reproduire ici la vidéo de ce Café où son intervention avait été très appréciée et dont les participants ont conservé un excellent souvenir. Il n'est pas interdit à ceux qui le souhaiteront de l'écouter ou de le réécouter ! LFAR   

     

    77fa10fd2eaf9bec1bd6247871c0add5 vvvvv.jpgEn 2013, Vincent Peillon a installé en grande pompe le Conseil supérieur des programmes (CSP) à l’Institut de France. Il a désigné, pour le présider, le fameux recteur Alain Boissinot, qui a toujours servi simultanément le gouvernement en place et le gouvernement suivant. Auquel a succédé le grand géographe Michel Lussault, auteur de L’homme spatial (sic). Le CSP serait nécessairement compétent et efficace puisqu’il devait comporter, paritairement, neuf hommes et neuf femmes. Pour rédiger les projets de programmes à mettre en œuvre, à la rentrée 2016, à l’école et au collège, dans le public et le privé sous contrat, il a fait travailler une armée de spécialistes et d’experts, tous choisis pour « leur excellence dans leur domaine et leur connaissance du système éducatif », avec deux objectifs : la promotion du « vivre ensemble » et « le succès scolaire pour tous ». Pas moins.

    Ces projets viennent d’être publiés avec l’approbation de Najat Vallaud-Belkacem, après le feu vert donné par l’Élysée et Matignon.

    Quant à l’histoire et à la géographie, ce qui les caractérise, c’est le charabia et l’inanité.

    En 2014, le CSP s’était engagé à « présenter les programmes de façon compréhensible par les non-spécialistes, qu’il s’agisse des professeurs, des parents et des élèves eux-mêmes ». Engagement non tenu. Le charabia sévit plus que jamais dans ces nouveaux programmes. Quelques perles pour illustrer mon propos : « Convoquer régulièrement les repères géographiques, les faire manipuler et réinvestir dans différents contextes et à différentes échelles », « S‘approprier un lexique spécifique en contexte », « Produire des messages à l’oral et à l’écrit », « Questionner la périodisation de l’histoire et pratiquer de conscients allers-retours au sein de la chronologie », « Pratiquer un espace de vie », « Mettre en relation les faits étudiés dans une démarche synchronique et/ou diachronique »…

    Ce charabia extravagant va de pair avec l’inanité des programmes proposés. Quelques observations non exhaustives à ce sujet :

    – Le mot « date » y est interdit de séjour, tandis que le vocable « repère » y pullule. Seule y figure la date 1892 : c’est en CM2, dans le cadre de l’expression « 1892 : la République fête ses cent ans » (sic).
    – Si « l’histoire du fait religieux » et « l’histoire des premières grandes migrations de l’humanité » durant la préhistoire et l’Antiquité doivent être étudiées, c’est uniquement pour « permettre à l’élève de mieux situer et comprendre les débats actuels » et l’« amener à voir autrement le monde d’aujourd’hui ». La politique politicienne n’y trouvera rien à redire.
    – Si « Charlemagne, roi et empereur » est mentionné en CM1, c’est parce que, faute d’incarner les « valeurs de la République », « sa figure est l’occasion d’observer les dynamiques territoriales d’un empire qui relèvent plus d’une logique européenne que française ». Il est vrai qu’Aix-la-Chapelle n’est pas bien loin de Maastricht.
    – Quatre rois de France sont cités en CM1, mais ensuite, plus aucun chef d’État ou de gouvernement n’est nommé, sauf Jules Ferry en CM2. On y cherche vainement Napoléon Ier ou Napoléon III, Georges Clemenceau ou Léon Blum, le général de Gaulle ou Georges Pompidou.
    – La « question du génocide juif doit être abordée » en CM2, mais seulement « dans le cadre de la France », comme si ce n’était pas essentiellement l’Allemagne hitlérienne qui avait conçu et mis en œuvre le massacre des Juifs d’Europe.
    – Les programmes de géographie sont corrompus par l’obsession du « développement durable » et celle de la « mondialisation ».

    L’UMP a délégué deux de ses plus brillants parlementaires pour siéger au CSP, la députée Annie Genevard, professeur de lettres, et le sénateur Jacques Grosperrin, professeur agrégé d’éducation physique et sportive. Ils ont approuvé ces projets. Ils représentent tous deux le département du Doubs et j’en suis personnellement affecté : la branche Wetzel de ma famille s’était installée à Morteau, il y a plus de deux siècles, en 1814… 

     

    Normalien de la rue d’Ulm, agrégé d’histoire, inspecteur d’académie – inspecteur pédagogique régional d’histoire-géographie honoraire

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    Café politique de Lafautearousseau, à Marseille, le 15.12.2012. Invité : Laurent Wetzel
     
     
  • SOCIETE • Kermesse en Corse : ces parents qui refusent de faire chanter leurs enfants en arabe, par Fabrice Robert*

     

    Fabrice Robert est président du bloc identitaire et n'appartient pas à notre école de pensée, dont chacun sait qu'elle est, à Lafautearousseau, dans la suite et l'esprit de l'Action française. Cela implique un corps de doctrines défini auquel n'adhèrent ni le bloc identitaire ni Fabrice Robert. Mais nous n'avons pas la religion de l'ostracisme qui est la méthode du Système pour exclure du débat public qui n'entre pas dans ses catégories. Quand l'un quelconque de nos compatriotes s'élève contre le fait que sous couvert d'intégration, on nous demande plutôt, chaque jour, de nous intégrer aux autres et se demande si le vivre ensemble est synonyme de reniement de soi, si l’intégration est un concept destiné à favoriser la désintégration de l’identité française, alors, dans le contexte actuel, nous partageons son souci, nous sommes solidaires. LFAR   

     

    4073fe4d4d950765a22034c7136ec4ff.jpegÀ Prunelli-di-Fiumorbu, en Corse, deux enseignantes ont eu une bien curieuse idée pour la fête de l’école : les élèves devaient chanter « Imagine » de John Lennon en cinq langues, dont l’arabe. C’était sans compter sur la réaction salutaire de certains parents qui ont manifesté, de manière virile, leur désaccord. Pour eux, hors de question que leurs enfants puissent chanter ne serait-ce qu’un couplet d’une chanson en arabe. Le recteur d’académie, Michel Barat, a alors dénoncé une « attitude inqualifiable contre les valeurs que représente l’école ». Dominique Sopo, le président de SOS Racisme, a, pour sa part, dénoncé « le racisme au quotidien dans toute la splendeur de sa bêtise et de sa violence ».

    Considérant qu’ils ne peuvent plus exercer leur métier sereinement, les enseignants de l’école primaire ont déploré – dans un communiqué – « l’amalgame entre langue et religion » (sic). Sauf que ce type d’initiatives démontre, avant tout, que le Grand Remplacement est tout sauf une théorie. Il s’agit d’une réalité insupportable pour de très nombreux Français de souche qui vivent et constatent le Grand Remplacement dans leur immeuble, dans leur quartier, dans l’école de leurs enfants… Surtout lorsqu’on découvre la déclaration de cette enseignante : « Des parents ont précisé qu’ils ne voulaient pas que leur enfant parle arabe. Nous étions prêts à l’entendre. Sauf que certains ne voulaient même plus qu’ils viennent à l’école lors de cette demi-heure dédiée à la prononciation en arabe. Et ça, ce n’est pas possible. » La vocation de l’école républicaine est-elle donc d’enseigner à nos enfants comment prononcer des phrases en arabe ? Quoique dans certains quartiers, cela pourrait malheureusement s’avérer bien utile…

    Il faut surtout avoir conscience que tout ceci rentre dans une stratégie plus globale. Ainsi, nombreuses sont aujourd’hui les écoles élémentaires qui proposent à nos enfants de suivre des cours d’arabe gratuits. Dans une circulaire diffusée par la Direction générale de l’enseignement scolaire, on apprend que l’enseignement de l’arabe dans les écoles françaises fait partie d’un programme national du ministère de l’Éducation nationale.

    Mais ce n’est pas tout. Au nom du vivre ensemble, certaines écoles décident aussi de faire découvrir les joies de l’islam aux enfants. Récemment, à Chalon-sur-Saône, les élèves de CM2 de l’école du Devoir se sont rendus en visite à la mosquée du centre-ville, où ils ont été reçus par l’imam Ahmed Belghazi. Pour la presse locale, « cette rencontre a été riche d’échanges, d’écoute et de partage. Pour ces jeunes, les mots connaissance, respect et tolérance ont pris un sens encore plus fort. » On appréciera, au passage, cette logorrhée en mode Bisounours qui tend à nous faire croire que l’islam est compatible avec les valeurs de la société française. D’ailleurs, lors de la première réunion de l’instance de dialogue avec l’islam en France, qui s’est tenue le 15 juin, Manuel Valls a été très clair : « L’islam est en France pour y rester. Il faut donc mener le combat des consciences, et faire jaillir au grand jour ce qu’est la réalité de l’islam de France. » Message reçu par Amar Lasfar, le président de l’UOIF (Union des organisations islamiques de France), qui a demandé, dès le lendemain, que l’Aïd el-Fitr et l’Aïd el-Adha soient fériés en France.

    Ils nous parlent d’intégration mais on nous demande plutôt, chaque jour, de nous intégrer aux autres. Le vivre ensemble est-il donc synonyme de reniement de soi ? L’intégration est-elle un concept destiné à favoriser la désintégration de l’identité française ?

    En Corse, des enseignants avaient prévu de faire chanter un couplet d’une chanson de John Lennon en arabe. Et demain, va-t-on leur demander d’interpréter un appel du muezzin ? 

     

    - Boulevard Voltaire
     
     
  • « Vu du Kremlin, la France n’a plus de politique étrangère… » L'analyse d'Alain de Benoist *

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    En matière de politique étrangère, nous sommes, de façon générale, en accord avec les analyses toujours pertinentes d'Alain de Benoist. Celle qui suit relève tout à fait de cette convergence. Précisons simplement que cet effacement de la France qu'Alain de Benoist constate à juste titre, nous ne le considérons pas comme irréversible. LFAR 

     

    1530443371.jpgPlusieurs vidéos tournent actuellement en boucle sur Internet. L’une du général Wesley Clark, ancien patron de l’Otan, l’autre de George Friedman, président de Stratfor, une société privée de renseignement basée au Texas et notoirement liée à la CIA. Le premier est bouleversé par le cynisme de la Maison-Blanche, l’autre le revendique fièrement. Difficile dans ces conditions de savoir quelle politique les États-Unis entendent mener en Europe…

    Elle a pourtant le mérite de n’avoir jamais changé. Depuis 1945, l’objectif des États-Unis est de favoriser l’Europe-marché au détriment d’une Europe-puissance qui pourrait devenir leur rivale. À cela s’ajoute, depuis la dislocation du système soviétique, un autre objectif vital : empêcher l’Europe occidentale d’établir un partenariat avec la Russie. George Friedman l’a rappelé après Brzezinski : en tant que grande Puissance de la Mer, l’intérêt primordial des États-Unis est d’empêcher l’unification de la grande Puissance de la Terre, c’est-à-dire de l’ensemble géopolitique eurasiatique. Les USA contrôlent tous les océans du monde, ce qu’aucune puissance du monde n’avait fait avant eux (« Maintenir le contrôle de la mer et le contrôle de l’espace est la base de notre pouvoir »), mais ils n’ont pas la capacité d’occuper l’Eurasie. Ils doivent donc diviser pour régner.

    Dans un premier temps, ils ont suscité en Europe de l’Est toute une série de « révolutions colorées » à la faveur desquelles ils ont tenté d’étendre l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie. Aujourd’hui, ils cherchent créer un “cordon sanitaire” tourné contre Moscou, coupant l’Europe en deux depuis la Baltique jusqu’à la mer Noire. Ce projet de “zone-tampon” a le soutien des États baltes, de la Pologne, de l’Ukraine et de la Bulgarie, mais se heurte aux réticences ou à l’opposition de la Hongrie, de la Serbie et de l’Autriche. L’instrumentalisation du coup d’État intervenu à Kiev en février 2014 entre évidemment dans ce cadre, tout comme l’actuelle tentative albano-islamo-mafieuse de déstabilisation de la Macédoine, qui vise à mettre en échec le projet « Turkish Stream », déjà approuvé par le nouveau gouvernement grec, qui permettrait aux Russes d’acheminer leur gaz vers l’Europe occidentale sans avoir à passer par l’Ukraine.

    C’est également dans cette optique qu’il faut situer le projet de Traité transatlantique, dont le but principal est de diluer la construction européenne dans un vaste ensemble inter-océanique sans aucun soubassement géopolitique, de faire de l’Europe de l’Ouest l’arrière-cour des États-Unis et d’enlever aux nations européennes la maîtrise de leurs échanges commerciaux au bénéfice de multinationales largement contrôlées par les élites financières américaines.

    La grande inconnue, c’est l’Allemagne. La plus grande hantise des Américains est l’alliance de la technologie et du capital allemands avec la main-d’œuvre et les ressources naturelles russes. « Unies, dit Friedman, l’Allemagne et la Russie représentent la seule force qui pourrait nous menacer, et nous devons nous assurer que cela n’arrive pas ». Pour l’heure, l’Allemagne semble s’incliner devant les diktats de Washington. Mais qu’en sera-t-il demain ?

    Au Proche-Orient, les choses se sont tellement compliquées depuis quelques mois que beaucoup de gens n’y comprennent plus rien. Là encore, quel est le jeu des Américains ?

    Les États-Unis ont de longue date mis en œuvre au Proche-Orient une « stratégie du chaos », visant à abattre les régimes laïcs au bénéfice des mouvements islamistes, afin de démanteler des appareils étatico-militaires qu’ils ne pouvaient contrôler, puis à remodeler toute la région selon des plans arrêtés bien avant les attentats du 11 Septembre. L’État islamique (« Daesh ») a ainsi été créé par les Américains, dans le cadre de l’invasion de l’Irak, puis s’est retourné contre eux. Les USA ont alors commencé à se rapprocher de l’Iran, ce qui a suscité l’inquiétude des monarchies du Golfe qui redoutent par-dessus tout l’influence régionale de Téhéran (d’où l’opération actuellement menée au Yémen contre les rebelles chiites). On a donc aujourd’hui trois guerres en une seule : une guerre suicidaire contre la Syrie, dans laquelle les Occidentaux sont les alliés de fait des djihadistes, une guerre des Américains contre l’État islamique, et une guerre des dictatures du Golfe et de la Turquie contre l’axe Beyrouth-Damas-Téhéran-, avec la Russie en arrière-plan.

    Et la France, dans tout ça ?

    Elle ne compte plus pour grand-chose. Elle se réclame de la laïcité, mais privilégie ses relations avec les pétromonarchies les plus obscurantistes. Concernant les migrants qui affluent par milliers depuis la Méditerranée – fuyant, non pas la misère ou la dictature, comme on le répète ici et là, mais la guerre civile et le chaos que les Occidentaux ont apportés chez eux –, elle se soucie plus de les empêcher de se noyer que de ne pas faire naufrage elle-même, plus de la façon des les accueillir que de les empêcher d’entrer. Les Allemands la regardent désormais de haut, les Espagnols et les Italiens n’en attendent plus rien, et les Anglais continuent à considérer le French bashing comme un sport national.
    Quant au Kremlin, il ne se fait plus d’illusions : la France ne peut plus avoir de politique étrangère digne de ce nom, puisqu’elle s’est aujourd’hui couchée devant les Américains. En témoignent de manière éloquente le refus de la France de livrer aux Russes les navires « Mistral » que ceux-ci avaient déjà payés, et le scandaleux boycott des cérémonies qui se sont déroulées à Moscou pour le 70e anniversaire de la défaite du Troisième Reich. De ce point de vue, la continuité de Sarkozy à Hollande est parfaite. L’UMP va devenir « les Républicains », tandis que le PS n’est déjà plus qu’un « parti démocrate » à l’américaine. Il n’y a plus qu’à rebaptiser « Maison blanche » le palais de l’Elysée, et tout sera parfaitement clair ! 

    * Entretien réalisé par Nicolas Gauthier - Boulevard Voltaire

  • ”LA” question de fond ? La République a ruiné la France

    Ce fut la première note de lafautearousseau.

    Publiée le 28 février 2007, il y a plus de sept ans, souvent reprise, y compris tout récemment, par tout un ensemble de sites amis, nous n'avons, malheureusement, rien à y changer.

    La situation de notre pays n'a fait qu'empirer; la responsabilité de notre régime politique n'est que plus patente. Combien de temps encore aurons-nous à subir ce système mortel ? C'est la question que nous posions, que nous posons en republiant, après sept ans, ces réflexions, hélas, lucides.

    Lafautearousseau  

    la-republique-dettes-crises.jpgComment en sommes-nous arrivés là ? La République a pris une France en bon état, elle nous laisse une France au plus mal.... nous étions le pays le plus peuplé d'Europe sous Louis XV et Louis XVI, nous avons été rattrapés puis dépassés par les autres, notre vitalité démographique a été brisée par les saignées effroyables directement liées à la Révolution et à la République: 800.000 morts (Révolution); 1.500.000 morts (folles guerres napoléoniennes); 500.000 habitants perdus en 1815 à cause des 100 jours, dernier mauvais coup porté à la France par l'orgueil délirant de Napoléon; I.5OO.000 morts en 14/18 et 600.000 en 39/45; total: 4.900.000 français "évaporés", disparus, sortis de l'Histoire par les conséquences directes ou indirectes de l'irruption des idées révolutionnaires et des politiques aberrantes des différentes républiques. Quel pays pourrait-il supporter de tels traumatismes à répétition ? La France y a perdu une part importante de sa substance, au sens fort du terme (physique, pourrait-on dire)...

    Et que dire du rayonnement de la France, de l'attrait universel que sa culture, ses Arts, sa civilisation exerçaient sur l'Europe entière, et bien au-delà: tout le monde nous enviait et nous imitait sous Louis XV et Louis XVI: le Roi de Prusse commandait ses armées en français; Mozart commençait ses lettres à son père par "Mon cher père"; les écrivains russes parsemaient leurs ouvrages de mots français, et parfois de phrases entières; on construisait Washington (symbole d'un pays nouveau) en s'inspirant ouvertement du classicisme architectural français; presque tous les dirigeants européens se sont fait construire leur petit Versailles; dans tous les domaines, c'était la France qui donnait le ton, c'était vers Paris que convergeaient tous les regards: la France royale avait su amener la société à son plus haut degré de raffinement, et nous connaissions alors ce qu'était "la douceur de vivre"... : la France en est-elle toujours là aujourd'hui ? Séduit-elle toujours autant ? Tient-elle la même place, ou d'autres que nous donnent-ils le ton...?

    Comment ne pas être frappé par la dégradation effarante du moral des français, de leur "mental"? Nous étions optimistes sous Louis XV et Louis XVI, car avec nos 29 millions d'habitants nous étions le mastodonte démographique de l'Europe, dont nous étions également, et de très loin, le pays le plus étendu: cette double sécurité nous rendait foncièrement optimistes, et c'est de cette époque que date ce dicton selon lequel "en France, tout finit par des chansons": aujourd'hui nous sommes un peuple frileux, qui doute, et qui est le champion d'Europe incontesté de la consommation d'anti-dépresseurs; et que dire de notre situation économique et de notre richesse: entre le quart et le tiers de notre patrimoine artistique a été détruit par la Révolution; notre pays ne cesse de reculer au classement mondial des performances, cependant que l'appauvrissement et la précarité ne cessent de s'étendre parmi nos concitoyens; la violence et l'insécurité (dans tous les domaines) ont littéralement explosé et sont devenus des réalités tristement quotidiennes; la classe politique est très largement discréditée - même si un grand nombre d'élus ne méritent pas de reproches particuliers - et l'opinion publique se détache de plus en plus de la "chose publique", n'ayant plus d'espoir en l'avenir et se laissant aller à un pessimisme nouveau dans notre Histoire...

    Comment se fait-il donc, qu'en partant du pays le plus riche et le plus puissant d'Europe on en soit arrivé à un résultat aussi catastrophique et aussi désolant? Puisqu'on a appliqué à ce pays la plus merveilleuse des constructions intellectuelles qui soient, puisqu'on l'a régi en fonction des meilleurs principes qui aient jamais été inventés, en toute logique ce pays n'a pu que passer du stade de super puissance qui était le sien à celui de super puissance démultiplié! Nous devons donc nager dans le bonheur...sinon: cherchez l'erreur! Il est vrai qu'avec le conformisme que fait régner la république, un conformisme qui n'a jamais été aussi fort chez nous et qui confine à l'étouffement de la pensée, nos concitoyens ont du souci à se faire: dire que nous vivons sous le règne du politiquement correct, de la police de la pensée, du conformatage de l'opinion ne relève même plus du constat mais de la banalité...Qu'on se souvienne de la grande liberté de ton, de parole, d'action dont nous jouissions sous Louis XV et Louis XVI, et une seule question vient à l'esprit: tout ça, pour ça? Avec, si rien n'est fait, l'effacement continu, la disparition progressive de la France, sa sortie prochaine de l'histoire, du moins en tant que grande puissance, voire puissance tout court...

     

  • 9 septembre 1914 ... Un fait certain, c'est que le Nord et le Nord-Est de la France sont dévastés

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    La grande bataille continue de se livrer sur l'Ourcq et sur la Marne, et - l'imagination se refuse encore à le croire - l'on se bat de Nanteuil-le-Haudouin à Verdun, en pleine France. Notre centre résiste, et c'est l'essentiel : qui qu'il arrive, dit-on ce matin, nos armées ne peuvent plus être cernées. Fussent-elles battues, elles ont la voie libre derrière elle et pourraient se retirer vers Lyon ou la Franche-Comté. Di omen avertant... Au gouvernement, on respire, on est sans craintes quant à l'issue de la bataille. On eût peut-être mieux fait de ne pas quitter Paris si vite, car ce départ est sévèrement jugé dans le pays et, si les pouvoirs publics doivent regagner bientôt la capitale, ce sera sous les risées sinon sous les sifflets de Bordeaux.

    Un fait certain, c'est que le Nord et le Nord-Est de la France sont dévastés. Ce matin, La Dépêche de Toulouse annonce que Valenciennes est aux mains des Allemands, et que le député socialiste de l'endroit, un certain Henri Durre, pris par l'ennemi comme otage est allé sur parole à Paris demander de l'argent. On dit que Senlis est en cendres, que nos troupes ont brûlé la forêt de Compiègne, où elles aveint cerné une division allemande, et que, par représailles, les Allemands ont incendié la ville de Compiègne. Tous ces bruits sont, pour le moment, invérifiables, mais il n'est pas douteux que la partie la plus riche et la plus industrieuse de la France a été dévastée, de sorte que la ruine et la faillite menacent l'Etat français, si, à l'issue de la guerre, et après la victoire, nous n'obtenons pas de l'Allemagne une énorme indemnité.

    Quoi qu'il arrive, le gouvernement de la République aura la responsabilité de l'envahissement et de la dévastation de toute la partie la plus peuplée et la plus opulente de la France. Et c'est une responsabilité lourde à porter. Dans la bibliothèque de l'hôte qui a bien voulu m'accueillir et me reçoit avec la bonne grâce bordelaise, j'ai pris Montesquieu, comme il sied à Bordeaux. L'Esprit des lois se donne bien du mal pour définir le meilleur des gouvernements. En vérité, la définition est aussi simple que celle du véritable Amphitryon, d'après Molière : le meilleur des gouvernements, c'est celui qui agit en sorte que le territoire ne soit pas envahi. Hier, au café, je causais avec Parsons, un ancien secrétaire de Briand, demeuré le confident du garde des Sceaux. Je lui ai dit : "La République n'avait qu'un seul titre à la reconnaissance des esprits sérieux : c'était d'avoir conservé la paix et de ne s'être pas lancée dans les entreprises guerrières pour lesquelles elle n'est pas faite. Elle n'aura même plus cela." Mon interlocuteur m'a répondu : "Mais, si la République n'avait pas soutenu la Russie, elle ne trouvait plus d'alliances en Europe. - Croyez-vous, ai-je repris, qu'elle en trouve beaucoup après qu'elle a laissé écraser la Belgique ?"

    Nul n'ignore plus, en effet, qu'Albert 1er a fait les plus violents reproches au gouvernement de la République pour n'être pas intervenu plus vite et pour avoir laissé ravager son royaume. La scène avec Klobukowski (1), notre ministre à Bruxelles, a été pénible.

    On apprend à l'instant que, des cinq armées qui se proposaient d'envahir la France, une seule est entrée jusqu'au cœur du territoire, celle du général Von Kluck, un roturier anobli. Une autre a réussi à avancer sérieusement : celle du général Von Hausen. Les trois armées qui restent à peu près contenues à nos frontières sont celle du Kronprinz, du prince héritier de Bavière et du prince héritier de Wurtemberg (2). Toutefois, Von Kluck n'est pas une figure bien marquante. Ce qui frappe, dans cette vaste bataille des nations, c'est la médiocrité persistante des protagonistes. Ni parmi les chefs d'Etat, ni parmi les militaires, ni parmi les diplomates - Albert 1er, presque un jeune homme, excepté - on ne voit se lever de génie. Nulle part on n'entend une voix qui domine les autres, nulle part on ne sent une intelligence ni une volonté directrice. Les hommes de 40 à 70 ans qui gouvernent le monde ne sont peut-être pas tout à fait les imbéciles dont Oxenstiern (3) parlait à son fils, mais c'est en tout cas une génération très ordinaire. Il me semble tous les jours plus évident que les gouvernements ont été entraînés, les uns comme les autres, par leurs systèmes d'alliances, qu'ils n'ont plus été les maîtres de la mécanique qu'ils avaient montée. "A la fin nous devenons les esclaves des créations que nous avons faites." Goethe l'a dit. Et son mot s'applique à l'alliance austro-allemande, à l'alliance franco-russe, à l'Entente cordiale.      

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    (1) : Antony Wladislaw klobukovski, né en 1855, à al tête de la légation de France à Bruxelles depuis 1911, suivit le gouvernement belge en exil à Sainte-Adresse près du Havre. En 1918-1919, il créa au ministère des Affaires étrangères le "commissariat général à la propagande". 

    (2) : La bataille de la marne dura du 6 au 9 septembre suivie d'une poursuite jusqu'à une stabilisation du front le 17 septembre. Les cinq armées allemandes de la bataille de la Marne, d'ouest en est, de l'Oise à la Marne, étaient conduites par le général Von Kluck (Ière), Von Bülow (IIème), Von Hausen (IIIème), Albrecht de Wurtemberg (IVème) et le Kronprinz Frédéric-Guillaume (le prince impérial, fils aîné de l'empereur) (Vème). La VIèma armée commandée par le prince Ruprecht de Bavière, et la VIIème par Von Heeringen étaient en Lorraine. Le chef d'état-major général, le général Helmut von Moltke junior, neveu du vainqueur de la guerre de 1870, fut limogé après l'échec de la Marne.

    Côté français, les chefs avaient été changés après les revers initiaux : d'est en ouest, de Verdun à Meaux, se trouvaient également cinq armées : les IIIème (Sarrail), IVème (Langle de Cary), IXème (Foch), Vème (Franchet d'Esperey), VIème (Maunoury), les Vème et VIème étant reliées devant Paris par le corps expéditionnaire britannique commandé par sir John French.     

    (3) : Oxenstiern, chancelier du roi de Suède Gustave-Adolphe (tué en 1632) puis de la reine Christine, signataire pour la Suède de la palx de Westphalie de 1648 qui mit fin à la guerre de Trente Ans. 

  • Alain de Benoist : « Nous faisons la guerre chez eux, ils font la guerre chez nous »

     

    Nous voici de nouveau d'accord avec Alain de Benoist. D'accord avec les fines et pertinentes réflexions qu'il expose dans Boulevard Voltaire. (Entretien du 28.11.2015). Comme Michel Onfray - au moins en partie - Alain de Benoist se montre critique à l'égard de l'interventionnisme des « Occidentaux » dans l'ensemble du monde musulman. Sans doute faut-il y voir surtout une remise en cause des guerres inconséquentes que nous y menons depuis des décennies. Et nous en avons, en effet, les résultats tragiques aujourd'hui. Nous retiendrons aussi de cet entretien les deux derniers paragraphes de conclusion où il y a une forte critique tout à fait justifiée de ce leitmotiv sans cesse mis en avant depuis le 13 novembre selon lequel la société française se composerait de citoyens consommateurs et festifs, seulement voués à se « distraire ». Sur l'indéniable décadence de l'Occident, sur le rôle irremplaçable de la Nation, sur les méfaits mortels du déracinement français et européen, Alain de Benoist rappelle ici des vérités essentielles. Lafautearousseau 

         

    1530443371.jpgAprès les attentats commis à Paris en janvier dernier, des millions de gens avaient défilé dans les grandes villes en hurlant « Je suis Charlie ». Dans les jours qui ont suivi les attentats du 13 novembre, on a seulement vu quelques rassemblements sporadiques, auxquels s’est ajouté l’« hommage national » présidé par François Hollande dans la cour d’honneur des Invalides. Pourquoi cette différence ?

    Les attentats de janvier et ceux de novembre sont très différents. En janvier dernier, les terroristes islamistes avaient massacré des journalistes auxquels ils reprochaient d’avoir « blasphémé » contre Mahomet, puis ils avaient tué des juifs au seul motif qu’ils étaient juifs. Il était alors facile pour les manifestants, qui dans leur grande majorité n’étaient ni juifs ni journalistes, de se dire solidaires de « Charlie » ! Le 13 novembre, au contraire, les terroristes n’ont pas visé de cibles particulières. Au Bataclan, ils n’ont pas demandé aux spectateurs de décliner leur origine ou leur religion. Ils ont massacré tous ceux qui étaient là sans distinction d’âge, de sexe, de croyance, d’appartenance ou de profession. On a ainsi compris que tout le monde est devenu une cible potentielle. L’équivalent d’une douche froide.

    Même si dans les deux cas les auteurs des attaques étaient les mêmes (de jeunes délinquants « radicalisés »), les motifs étaient également différents. L’attaque contre Charlie Hebdo était de nature « religieuse », celle contre le Bataclan de nature politique. Le 13 novembre, les terroristes voulaient sanctionner notre engagement militaire en Syrie : c’est la politique étrangère française qui était visée. Hollande l’a bien compris, puisqu’il a immédiatement ordonné à l’aviation française d’intensifier ses frappes, tandis qu’il s’engageait lui-même dans une vaste tournée diplomatique. Comme l’a écrit Dominique Jamet, « nous ne pouvons faire la guerre au loin et avoir la paix chez nous ». Nous faisons la guerre chez eux, ils font la guerre chez nous. C’est aussi simple que cela.

    Plusieurs familles de victimes ont refusé de participer à la cérémonie des Invalides, parce qu’elles considèrent le gouvernement actuel comme le premier responsable des attentats. Une réaction exagérée ?

    Pas vraiment. Le 13 novembre, il a fallu plusieurs heures, durant lesquelles des dizaines de spectateurs du Bataclan ont été tirés comme des lapins, avant que l’on voie arriver les hommes de la BRI. Cela pose déjà un problème. Mais ce sont avant tout les failles du système français de renseignement qui doivent être montrées du doigt. Sur le plan intérieur, le « renseignement territorial » (recueil et analyse des données) est en effet vital, les plans Vigipirate ou Sentinelle, qui font patrouiller dans les rues des soldats réduits à l’état de vigiles, se bornant à créer une présence visible qui a pour seul but de rassurer la population sans vraiment la protéger.

    La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a succédé, l’an dernier, à la DCRI, née en 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, de la fusion de la Surveillance du territoire (DST) – service à vocation avant tout judiciaire et opérationnelle – et des Renseignements généraux (RG) – service d’information sans aucune attribution judiciaire. Cet organisme hybride, qui a cumulé les défauts de ses deux composantes, a rapidement accumulé les échecs et les erreurs (voir le rapport Verchère-Urvoas de 2013). Plus douée pour espionner les journalistes que pour lutter contre le djihadisme, la DGSI dispose de beaucoup de renseignements sur des milliers d’individus dangereux mais, par manque de formation criminologique sérieuse, elle peine à trouver les moyens d’identifier ceux qui sont véritablement prêts à passer à l’acte. Elle n’a, en outre, toujours pas compris que les terroristes ne sont plus aujourd’hui des Ben Laden mais des jeunes bandits des « quartiers ». Les attentats de ces dernières années en sont le résultat. En Tunisie, après l’attentat du musée du Prado, tous les responsables du renseignement ont été démis de leurs fonctions. On peut regretter qu’il n’en soit pas allé de même en France.

    L’État islamique ne se cache pas de mépriser une civilisation occidentale qu’il estime « décadente et dépravée ». Que lui répondre ?

    Que l’Occident soit aujourd’hui décadent est un fait – et c’est également un fait que les interventions occidentales au Proche-Orient n’ont abouti, depuis 1990, qu’à généraliser la guerre civile et le chaos. Mais la pire des réponses serait de se faire gloire de nos tares. C’est, au contraire, la décadence qui nous rend incapables de faire vraiment face au djihadisme, dans la mesure où elle est toujours le prélude à une dissolution. Après les attentats de janvier, François Hollande exhortait à se remettre à « consommer ». Ces jours-ci, il appelait à continuer à « se distraire ». La cérémonie des Invalides donnait elle-même envie de pleurer, pas de se battre. Ce n’est pourtant pas avec des chansons de variétés que l’on stimule le courage et la volonté, ou que l’on recrée les conditions d’une amitié nationale. Comme l’écrit Olivier Zajec, « ce sont les nations, et non la consommation ou la morale, qui redonnent forme et sens au monde ».

    La guerre est une forme de rapport à l’autre qui implique aussi un rapport à soi. Cela signifie que, « pour savoir ce que sont nos intérêts, il nous faut d’abord savoir qui nous sommes » (Hubert Védrine). Dans L’Enracinement, Simone Weil constatait que « des êtres déracinés n’ont que deux comportements possibles : ou ils tombent dans une inertie de l’âme presque équivalente à la mort, ou ils se jettent dans une activité tendant à déraciner toujours plus, souvent par les méthodes les plus violentes, ceux qui ne le sont pas encore ou qui ne le sont qu’en partie ». Face à l’universalisme qui conduit au déracinement, l’Europe n’a d’autre alternative que d’affirmer ce qui la constitue en propre. 

     

    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier - Boulevard Voltaire

  • Démographie française et inconséquence républicaine

     

    par Jean-Philippe Chauvin

     

    arton8470-7b8cd.jpgLa démographie est une science éminemment politique, et cela est encore démontré par le cas français, aujourd’hui évoqué par Le Parisien-Aujourd’hui, sous le titre peu rassurant « La France en panne de naissances » : « Jamais depuis 1999 on n’avait fait aussi peu de bébés les neuf premiers mois d’une année. Près de 16 000 manquent à l’appel », soit une baisse de presque 3 % par rapport à l’an dernier (environ 2,75 %), ce qui est considérable, même s’il faut être prudent sur la suite, l’année n’étant pas terminée. Mais il y a peu de chances (sauf miracle) que la tendance actuelle s’inverse, malheureusement. 

    L’explication classique est d’évoquer la difficulté des temps présents, la crise et ses conséquences sur l’emploi : alors qu’il y a près de 6 millions de chômeurs, que « près d’un jeune sur quatre se retrouve au chômage, quand même le diplôme commence à ne plus être un sésame pour décrocher un emploi », comme le souligne l’économiste interrogé par le quotidien, « les familles s’interrogent ». Pourtant, la crise ne date pas d’hier, et, jusque là, cela n’avait pas empêché la démographie française de rester l’une des plus dynamiques d’Europe, atteignant, il y a quelques années, un taux de fécondité de plus de 2 enfants par femme en âge de procréer… 

    En fait, au-delà des explications économiques ou sociologiques (qui ne sont pas inintéressantes mais qui ne sont pas les plus déterminantes), c’est bien l’explication politique qui est, en ce domaine, la plus crédible et la plus importante. Le Parisien-Aujourd’hui évoque « les errances des politiques familiales conduites depuis 2011 » : or, « ce qui semble compter (…), c’est davantage la stabilité de la politique familiale que sa générosité. En France, depuis la guerre, cette politique a été sanctuarisée par tous les gouvernements de droite et de gauche. Jusqu’à récemment. » En fait, depuis quelques années, la République, soucieuse de faire des économies « faciles », n’a pas hésité à remettre en cause cette stabilité jusque là « heureuse », même s’il était encore possible d’améliorer la politique de protection familiale, en particulier en renforçant les capacités d’accueil des nourrissons et des enfants en bas âge, mais aussi en instituant (ce que les gouvernements successifs n’ont pas osé, pour des raisons parfois plus idéologiques que logiques…) le « salaire maternel », que je préfère appeler, au regard des nouvelles réalités sociologiques françaises, le « salaire familial ». 

    Dans cette remise en cause de la politique familiale traditionnelle, droite et gauche sont également coupables, et M. Fillon tout autant que MM. Ayrault et Valls : quand le premier ministre de Nicolas Sarkozy, en faisant sa réforme des retraites en 2010, supprimait cette possibilité pour les fonctionnaires mères de trois enfants de partir à tout âge après quinze ans de bons et loyaux services, il cédait aux injonctions de l’Union européenne qui y voyait une discrimination envers les pères, la Commission de Bruxelles oubliant dans sa folie égalitaire que, jusqu’à preuve du contraire, ce sont bien les femmes, et elles seules, qui peuvent enfanter et y sacrifient, au-delà même de l’accouchement et pour les jeunes années de leur progéniture, de nombreuses années et de précieuses (et heureuses tout autant que bienveillantes…) énergies. J’avais, à l’époque, signalé à mes collègues et à mes élèves, que cette mesure apparemment anodine, ouvrait la porte à une déconstruction de la politique familiale et à des conséquences négatives sur la démographie de notre pays car elle envoyait un mauvais signal aux femmes (mais aussi à toute la société) qui n’avaient plus cette reconnaissance de leur statut particulier quand elles étaient mères de famille dite nombreuse.

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    Une famille de France... 

    La gauche, en remettant en cause l’universalité de la solidarité publique par la baisse des allocations familiales versées aux familles dites aisées (mesure entrée en vigueur cette année), mais aussi et surtout par la réforme du congé parental qui, en définitive, a fait des économies sur le dos des familles (environ 860 millions d’euros, dit-on, pour l’ensemble des mesures) et particulièrement des mères elles-mêmes, obligées de « donner » une part de leur temps de congé à leur conjoint pour des motifs qui se veulent, là encore, d’égalité… 

    En tout cas, les (mauvais) résultats sont là et certains s’inquiètent de la fin d’un « miracle démographique français » qui risque d’avoir des conséquences sur le système même des retraites par répartition : moins d’enfants à naître c’est des retraites plus difficiles à financer, en définitive… Là encore, la France risque de payer d’un prix lourd l’inconséquence d’une République qui navigue à vue et ne sait ni prévoir ni préparer « l’avenir que tout esprit bien né souhaite à sa patrie », selon la fameuse formule du maître de Martigues… 

    le blog de Jean-Philippe Chauvin

     

  • Pour une réaction de fond !

     

    Hormis la vision concrète de l'horreur, la vague terroriste qui vient de submerger Paris ne nous a rien appris que nous ne sachions déjà. Rien, ni sur le nombre des victimes, ni sur le mode opératoire des terroristes, qui n'ait été prévu, analysé, annoncé. L'on savait que de nouveaux attentats se préparaient. On le sait aujourd'hui aussi pour demain, ou après-demain... Qu'ils puissent prendre une encore plus grande ampleur, mettre en œuvre des moyens plus terrifiants encore que ceux utilisés hier, on le sait aussi. Et que cette guerre, fût-elle asymétrique, ou précisément parce qu'elle l'est, soit faite pour durer, qu'elle ait la possibilité d'enrôler pendant longtemps encore de nouveaux combattants à travers le vaste monde islamique, qu'elle puisse donc s'étaler sur plusieurs décennies, n'est hélas pas une hypothèse absurde.

    La France est-elle humainement, moralement, intellectuellement, techniquement, militairement et politiquement - nous voulons dire institutionnellement - armée, pour la mener, la soutenir, y triompher ? Comment ne pas se poser ces questions de fond lorsqu'on observe la société française, la vie politique française ? C'est à dire, en bref, lorsqu'on constate notre extrême fragilité ? Quelques jours de sursaut, quelques discours martiaux, lorsque tout semble s'effondrer, ne peuvent cacher le vide sidéral du continuum politique et social français.

    Si l'on n'a pas conscience de cette question de fond, rien n'est possible. On pourra toujours attendre et réclamer de nos dirigeants des actes forts, un regain d'autorité, une inflexion majeure de notre politique étrangère, ou de notre politique d'immigration, comme Nicolas Sarkozy l'a fait hier matin, le passage à l'acte se fera attendre, sera d'apparence, sera fait de demi-mesures.

    Réclamons donc sans illusion cette réaction de l'immédiat. Acceptons-en l'augure improbable. Tout ce qui pourra être décidé de positif pour la sécurité de la France et des Français sera malgré tout bon à prendre.

    Mais tentons surtout d'envisager ce que pourrait, devrait être une réaction de fond. Sur le double plan moral et politique.

    Au lendemain des attentats de janvier, la préoccupation du pays légal tout entier - politique et médiatique - fut d'abord de préserver la communauté musulmane de toute réaction hostile. On s'est dits Charlie et l'on ne s'est pas battu pour la France, pour le peuple français, mais pour une très contestable et, au sens plein, dérisoire liberté d'expression. La réaction nationale qui était possible fut ainsi fourvoyée. Ce fut l'esprit Terra Nova qui nous a valu presque un an de matraquage permanent, multiculturaliste, universaliste, antiraciste (c'est à dire anti-blancs), immigrationniste, sansfrontiériste, etc. Ce corpus idéologique, utopique et destructeur, où l'identité nationale est moquée, la fierté nationale tournée en ridicule, l'Histoire de France oubliée, la repentance, la culpabilisation érigées en méthode pédagogique, ce corpus idéologique omniprésent doit être pourchassé, combattu, abandonné, si l'on veut avoir quelque chance de gagner la guerre qui nous est faite. On ne mène pas à la bataille, encore moins à la victoire, un pays dont on sape le moral, les racines, la fierté, l'identité. Nous savons que toute identité évolue, s'approprie, s'enrichit d'apports extérieurs pour les incorporer à ce qu'elle a de substantiel et de pérenne. Il sera temps, secondairement, de chanter les louanges des dits apports extérieurs. L'urgence est aujourd'hui, prioritairement, de rendre aux Français le sens et la fierté de leur identité pérenne. Ce pourrait être la mission, d'ailleurs déjà heureusement entreprise, de ce courant d'intellectuels qui s'opposent aujourd'hui avec  pertinence - mais encore trop faiblement - à la déconstruction du pays, de sa culture, de son essence. Nous pensons en particulier à ce courant de journalistes, écrivains, historiens, universitaires et politiques, que l'on nomme néo-réacs ou néo-conservateurs.  De nombreux Français, aujourd'hui, attendent beaucoup de leur action.   

    Au delà de la lutte idéologique pour le moral français, pour l'identité française, la seconde question essentielle qui se pose est celle de la validité ou non de notre Système politique et institutionnel, de son adaptation ou inadaptation aux temps dangereux dans lesquels nous sommes entrés. Quelques jours d'union nationale cèderont vite la place dans le monde politicien aux obsessions électorales, à l'esprit de parti. Aux grands enjeux nationaux, oubliés aussitôt le danger passé, vite oublié lui aussi, succèdera l'obsession des échéances électorales, les régionales, qu'elles aient lieu ou non à la date prévue, la présidentielle de 2017 et, pourquoi pas ?, de 2022. L'existence de la nation se retrouvera sacrifiée aux intérêts de parti et à l'ambition des personnes. L'activité politique se ramènera à leurs jeux et à leurs luttes. La question du régime a été posée à de multiples reprises ces derniers mois dans la presse, dans le débat public. Par de nombreuses personnalités. Y compris par un ministre de la République en exercice. L'un des principaux. Le plus jeune et le plus brillant. Oui, notre devoir de Français responsables est de poser, de rouvrir la question du régime qu'il faudrait à la France.

    C'est cela qu'en d'autres temps eût proposé la grande voix de l'Action Française. C'est cela qu'à notre plus modeste échelle, nous proposons aujourd'hui.

     

    Lafautearousseau

     

  • Immigration massive, cette invasion dont on refuse de dire le nom

     

    C'est un fait important que Gabriel Robin signale judicieusement dans un billet pour Boulevard Voltaire : selon un sondage Eurobaromètre, les Européens estiment, désormais, que l’immigration est le problème numéro 1 auquel ils sont confrontés. Et c’est un sujet de conflit supplémentaire, un fossé de plus, entre l'idéologie européo-mondialiste qui prévaut à Bruxelles en matière d'immigration - souhaitée, encouragée, présentée comme positive - et ce qu'en pensent les peuples eux-mêmes de plus en plus fortement. Cette conjonction des opinions européennes finira-t-elle par produire une sorte de politique migratoire unitaire, une réaction coordonnée au phénomène migratoire ou, au contraire, sera-ce du chacun pour soi ? Ou, pire encore, les peuples européens, comme on commence à le voir, vont-ils s'opposer pour la répartition de la charge des contingents d'arrivants dont ils ne veulent plus ? Ce peut être le tout ensemble. La France, quant à elle, n'a pas de politique de l'immigration. Ni de doctrine, ni de discours sur l'immigration. Elle ne fait qu'y réagir par des mesures ponctuelles. Des mesures de circonstance, la plupart du temps pelliculaires et souvent contradictoires. Or, sans une politique de l'immigration de grande ampleur, à la hauteur des mouvements migratoires de notre époque, qui ne font peut-être que commencer, la société française, en la matière comme en d'autres, va droit dans le mur.  LFAR      

     

    cdc9be8916225c6864b6c7e7cfd715c7.jpegL’an dernier, au moins d’août, Le Figaro révélait l’existence d’une note confidentielle de la police aux frontières, alertant sur l’entrée en France, par la frontière italienne, de nombreux immigrés illégaux originaires d’Érythrée. Les services de la police aux frontières, le préfet des Alpes-Maritimes et des responsables locaux de la gendarmerie, des douanes ou de la SNCF avaient alors tenu une réunion exceptionnelle. Leur conclusion était sans appel : le flux de l’immigration clandestine devenait insoutenable pour la France et l’Italie (entre le 1er janvier et le 30 juin 2014, 61.951 migrants irréguliers avaient débarqué en Italie, quand ils n’étaient « que » 7.913 en 2013).

    Où en sommes-nous un an après ? Rien n’a changé. La situation s’est même aggravée. Le gouvernement n’a pas pris les mesures nécessaires pour régler ce problème gravissime et, osons le dire, ce fléau qui met en péril l’avenir des Français. Au contraire, le gouvernement a multiplié les mesures pour aspirer l’immigration, notamment en passant une loi accordant des privilèges exorbitants aux étrangers, lesquels bénéficiaient pourtant déjà des largesses d’un système très accommodant.

    C’en est presque désespérant. Récemment, Bruno Julliard, premier adjoint à la mairie de Paris, disait tout haut ce que François Hollande pense tout bas : « La vague migratoire subsaharienne va s’intensifier dans les mois à venir, je demande la réquisition des bâtiments vides. Nous n’envisageons pas d’expulsion, même si les locaux ne sont pas adaptés. » En somme, la mairie de Paris appliquera la préférence étrangère. Etudiants, familles pauvres et travailleurs précaires : perdez vos papiers et déclarez-vous « migrants » ! Ainsi, peut-être, bénéficierez-vous d’une aide de la mairie de Paris pour vous loger dans cette ville hors de prix. Bruno Julliard s’apparente à Jean-Claude Juncker : privilégier le peuple revient, pour eux, à s’abandonner à la « pensée populiste ».

    Nos dirigeants gouvernent à rebours des aspirations populaires et s’en font une fierté. Parfois, les débats politico-médiatiques sur cette question fondamentale semblent n’opposer que des immigrationnistes acharnés à des immigrationnistes forcenés. Le phénomène migratoire n’est présenté que sous un angle mensonger et sentimentaliste. Le peuple n’est néanmoins pas aveugle, il n’a pas besoin de sociologues et de statisticiens pour constater les conséquences dramatiques qu’entraîne cet exode africain vers l’Europe. Selon un sondage Eurobaromètre, les Européens estiment, désormais, que l’immigration est le problème numéro 1 auquel ils sont confrontés. C’est une première. C’est logique. C’est heureux.

    Quelques esprits avisés semblent désormais sortir de leur torpeur et emprunter le chemin du « bon sens populaire ». C’est le cas, par exemple, de Jean-Pierre Chevènement, qui a récemment déclaré dans la presse : « La menace pour l’Europe n’est pas à l’Est, mais au Sud. » Oui, la menace qui pèse sur l’Europe, et au premier chef sur la France, est celle de l’invasion migratoire. Il faut avoir le courage de le dire, et de le répéter sans cesse. 

    - Boulevard Voltaire

     

  • Philippe Bilger : Hollande, Sarkozy et les autres sont usés jusqu'à la corde

     

    Pour Philippe Bilger, l'argument du candidat à la présidentielle qui y va par sacrifice car il est le seul à pouvoir sauver la France est hypocrite et urticant. Il a raison. Selon lui, « Hollande, Sarkozy et les autres sont usés jusqu'à la corde ». Il a deux fois raison.

    Philippe Bilger nous apparaît comme un homme d'esprit éminemment honnête et de bon sens. Mais si son constat ne va pas au delà de l'usure trop évidente des hommes, des politiciens qu'il cite, et des autres, nous craignons fort que l'essentiel soit raté. Et cet essentiel est l'usure extrême du Système même, dont il décrit bien les vices et leur malfaisance : la compétition permanente, les clans, les ambitions, la France reléguée au second plan, avec l'aval des élites et, sinon des intellectuels, du moins des médias. De sorte que la compétition pour le poste suprême est un poison permanent dont la France fait les frais. Parfaitement surprenant, dans des déclarations à tous égards extraordinaires, Emmanuel Macron - qui n'a sans-doute pas encore eu le temps de s'user - a pointé « l'incomplétude » non des hommes mais de notre démocratie elle-même. Et, pour comble d'audace, il a ajouté qu'il manque un Roi. Telle est, ici, notre conviction.

    Il y a quarante-cinq ans de cela, le Comte de Paris avait écrit ceci qui à notre sens n'a rien perdu de sa valeur, tout au contraire et que nous livrons à la réflexion de nos lecteurs, dont, peut-être, Philippe Bilger lui-même : « Dans la démocratie formelle, l'accession à la charge suprême est le fait de la compétition dans le style individualiste du siècle dernier; toutefois, il est permis d'espérer qu'un jour, pour en finir avec l’escalade permanente du pouvoir, le moyen sera trouvé d'instituer dans la République une autorité qui ne soit pas seulement légale mais légitime: ce peut être l'exigence naturelle de la société véritablement organique qui doit naître des réalités de ce temps. » Voilà qu'à près d'un demi-siècle de distance, Emmanuel Macron dit à peu près la même chose. De quoi faire réfléchir ! LFAR

     

    6830bcccdd66568bec1c72c800487f2b lfar.jpgLe 14 juillet, le président de la République s'est posé en bouclier de la «patrie» et on voit bien ce qui se dessine pour l'avenir: il sera de plus en plus candidat avec l'exigence de rassemblement et d'unité comme programme, en cherchant à faire oublier qu'il avait promis la concorde aussi en 2012 et qu'on en a été loin au cours de ses trois premières années.

    Il me semble qu'on accepte beaucoup de nos responsables publics et que sans illusion sur eux le citoyen ne peut pas faire autrement que de tolérer avec une ironie désabusée les propos conventionnels, la comédie des sacrifices et le rite obligé du devoir comme impératif suprême.

    Il n'empêche qu'il y a des limites. Entendre le président déclarer: «S'il n'y a pas de baisse du chômage, je ne me représenterai pas» constitue une véritable provocation démocratique.

    Il est le premier à n'être pas dupe de cet engagement puisqu'il en a déjà formulé d'autres et qu'à l'évidence il n'a jamais été ligoté par eux.

    Par rapport à l'échec de ses gouvernements dans la lutte contre le chômage, sous son autorité, on devine bien qu'il parviendra à hypertrophier une embellie même minime pour justifier une candidature renouvelée. 

    Même si de telles promesses pieuses sont tellement traditionnelles de la part de nos présidents - Nicolas Sarkozy en 2007 n'en avait pas été avare - qu'on ne s'en indigne plus, elles sont pourtant révélatrices d'un jeu de rôles qui ne montre pas notre République et ses piliers sous un bon jour. Il y a, en effet, une sorte de connivence entre le pouvoir et les médias pour que les seconds fassent semblant de prendre au sérieux les promesses du premier.

    Pourtant, dans la structure permanente du discours de conquête du pouvoir et de celui de son exercice, on retrouve les mêmes invocations: on n'aspire pas à présider par volupté ou pour abuser mais par ascèse parce que le souci du bien public est si enraciné qu'on ne s'imagine pas un autre destin, aussi éprouvant qu'il soit. On n'a absolument pas l'intention de durer pour durer et il va de soi que si les objectifs fondamentaux ne sont pas atteints, on se retirera avec une modestie exemplaire pour laisser la place à un successeur qui fera peut-être mieux que nous.

    Tout cela est tellement usé, grotesque et cousu de fil trompeur que je ne m'explique pas pourquoi les médias, avec rage, sarcasme ou colère, ne contraignent pas le pouvoir à arracher le masque et à reconnaître sa supercherie.

    Et, qui sait, à lui faire perdre l'habitude de ce simulacre et de cette fraude politique et humaine.

    Il va de soi qu'un président, d'abord qui promettrait dans sa campagne moins qu'il ne tiendrait dans sa pratique, et qui ensuite afficherait sa seule envie de ne pas trop mal faire sans nous faire croire à une pureté impossible, aurait mes suffrages.

    Ce qui crée le cynisme, ce n'est pas l'ambition ni de demeurer quand on a failli. C'est de prétendre qu'on ne se représentera pas quand on sait évidemment que sa décision est prise et qu'on fera comme tous ses prédécesseurs: on s'estimera, pour la France, plus important que la France elle-même.

    Je déteste cette gauche présidentielle déjà en campagne et qui se moque de ses concitoyens. Elle nous prend pour des imbéciles.

    François Hollande fera passer les intérêts supérieurs de la nation derrière des compromis qui lui assureront le soutien de son camp et lui permettront peut-être d'être présent au second tour et d'être réélu.

    Pourquoi pas ?

    Mais, de grâce, qu'il ne joue pas au vertueux et ne nous fasse pas prendre des vessies tactiques et opportunistes pour des lanternes magiques.

    Philippe Bilger - FigaroVox

     

  • Royaliste, Emmanuel Macron ? Ce qu'en pense Bertrand Renouvin

     

    Bertrand Renouvin a donné dans son blog une analyse pertinente des déclarations d'Emmanuel Macron. « Royaliste, Emmanuel Macron ? » Sa réponse n'est naturellement pas en tous points ce que serait la nôtre. Notamment sur quelques points d'histoire. Mais son commentaire est tout à fait intéressant pour qui persiste à croire - comme lui, sans doute, et comme nous - en un avenir du royalisme français. La conclusion de son billet est, au fond, une forme d'interrogation : « Il sera du plus haut intérêt d’observer comment Emmanuel Macron mettra sa carrière personnelle en accord avec ses conclusions politiques. » Mais n'est-ce pas là l'enfermer dans une sorte de gageure ? Pour réaliser cet accord entre ses conclusions politiques et sa carrière personnelle, sans-doute faudrait-il qu'il en sorte ... Mieux vaut, peut-être, faire confiance à l'avenir : qui nous dit quelles conséquences plus larges qu'elles n'ont aujourd'hui ces déclarations, cette réflexion, pourraient faire germer si les circonstances d'une hypothèse monarchique venaient à se créer, à se réunir ? Dans ce sens, en effet, Renouvin a raison : elles sont à prendre au sérieux. LFAR 

     

    Renouvin.jpgLes propos d’Emmanuel Macron sur « la figure du roi » suscitent maints commentaires narquois ou indignés. Elle est à prendre au sérieux. Emmanuel Macron dit fort justement que la démocratie ne se suffit pas à elle-même : « Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. »

    Un entretien accordé à la presse n’est pas aussi médité qu’un écrit théorique et je m’en voudrais de reprocher à Emmanuel Macron ses raccourcis. Sans doute reconnaîtrait-il sans difficulté que Napoléon n’a rien à voir avec de Gaulle pour cette simple raison que l’Empire n’a pas comblé ce qui manque à la démocratie mais s’est établi sur sa négation. Sans doute reconnaîtrait-il également que Louis XVIII et Louis-Philippe ont rempli leur fonction symbolique (incarner la nation, garantir paisiblement le lien social) en permettant l’institution progressive du régime parlementaire. Il aurait pu ajouter que le général de Gaulle comprenait si bien l’absence de roi qu’il souhaitait que le défunt comte de Paris puisse lui succéder à la présidence de la République dès lors que cette solution serait acceptée par le peuple souverain.

    Ces précisions ne diminuent en rien la force du propos d’Emmanuel Macron : en référence aux théorèmes d’incomplétude de Gödel*, il affirme que le système démocratique a besoin pour fonctionner d’un principe extérieur à lui-même : le thème du « roi absent » ne signale pas un royalisme de regret mais un point décisif de la logique politique qui porte à considérer la monarchie royale comme puissance instituante de la démocratie – ce qu’elle fut effectivement dans maintes nations européennes.

    Plus surprenant : la manière dont Emmanuel Macron actualise sa réflexion. Après avoir constaté que la démocratie française ne remplit pas l’espace, il poursuit : « On le voit bien avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu. » Bon lecteur de Pierre Rosanvallon, de Marcel Gauchet, de Jean-Pierre Dupuy, de Claude Lefort, le ministre de l’Economie et des Finances affirme donc que le président de la République n’existe pas. En d’autres termes, François Hollande, homme de chair et d’os, est un néant politique comme le fut Nicolas Sarkozy. Nous avons fait ce constat depuis belle lurette mais ce qui pouvait apparaître comme une impudence militante est aujourd’hui magistralement attesté.

    Il sera du plus haut intérêt d’observer comment Emmanuel Macron mettra sa carrière personnelle en accord avec ses conclusions politiques.

    * Une théorie qui permet de démontrer les théorèmes de base de l’arithmétique est nécessairement incomplète car elle utilise des énoncés ni démontrables, ni réfutables ; une théorie est cohérente si elle utilise des énoncés qui n’y sont pas démontrables. Gödel a fait l’objet de débats nourris dans les années quatre-vingt, auxquels participèrent Jean-Pierre Dupuy et Régis Debray.

    Le blog de Bertrand Renouvin

     

  • Du krach boursier chinois au chaos mondial

     

    Une analyse d'Yves de Kerdrel

    Ces justes réflexions d'Yves de Kerdrel confirment - à l'autre bout de l'échiquier politique, au moins théorique -  l'analyse alarmiste de Jacques Atali que nous avons publiée vendredi dernier. Kerdrel rappelle à juste titre que le Chinois est joueur et qu'il saura plus ou moins s'accommoder de ses pertes. Ce n'est pas là, en principe, la psychologie française ni européenne. Il pointe aussi les lourdes conséquences sociales et politiques, voire géostratégiques, qui peuvent résulter de cette situation. Nous dirons quant à nous qu'après avoir longtemps eu peur que la Chine s'éveille, les nations développées, dont la France, ont sans-doute été bien légères de placer tout à coup en elle, tant de confiance, de se faire sur elle tant d'illusions. L'idéologie libre-échangiste et ultralibérale de nos milieux politico-économiques, l'appétence très court termiste des dirigeants d'entreprise pour des profits industriels et commerciaux accrus par des importations à bas prix, l'illusion que la Chine pouvait devenir sans dommages l'atelier du monde, les délocalisations massives qui s'en sont suivies, et, peut-être, au fond des choses, une certaine lassitude envers le travail, la facilité consistant à le transférer, tout cela compose, face à la situation présente, un tableau que l'on ne peut observer sans beaucoup d'esprit critique. Les désillusions peuvent être très grandes et les conséquences très graves. Il serait à souhaiter que nos sociétés en reviennent en matière d'activité et d'espace écomiques à des notions plus sages et, en un sens, plus modestement réalistes.  LFAR               

     

    1038351-investisseurs-pas-confiance-retour-proche.jpgLe lecteur me pardonnera, je l'espère, de lui assombrir ces belles journées d'été. Au-delà du drame humain qui se joue à Tianjin, je voudrais livrer quelques réflexions sur les conséquences du krach boursier qui frappe l'ensemble des marchés chinois depuis le mois d'avril. En l'espace de quelques semaines, ce sont près de 4 000 milliards de dollars de valeur qui sont partis en fumée. Comme pour l'heure cette déroute boursière est circonscrite à la Chine, et que, de surcroît, le régime communiste abreuve la terre entière de communiqués lénifiants pour assurer que la situation est sous contrôle, personne n'y prête plus grande attention, surtout dans la torpeur de l'été. Pire que cela, certains groupes occidentaux continuent même d'investir massivement en Chine.

    La première conséquence de ce krach boursier est bien sûr pour les investisseurs. À commencer par les actionnaires individuels chinois. Ils sont estimés à 90 millions, appartenant pour l'essentiel à cette classe moyenne qui contribue à la croissance du pays. Une grosse partie de son épargne est désormais partie en fumée. Ce que le Chinois peut accepter, parce qu'il est joueur. En revanche la chute des marchés chinois va entraîner un effet-richesse à l'envers. C'est-à-dire que cette classe moyenne va beaucoup moins dépenser. Ce qui va évidemment affecter une grosse partie de l'industrie locale.

    Déjà les importations de matières premières, notamment le cuivre et le fer, sont au plus bas. Plusieurs usines commencent à tourner au ralenti. Et, bien que le régime communiste tente de camoufler les chiffres, il semblerait que jamais il n'y ait eu autant de chômeurs déclarés que depuis la fin du mois de juin. Cela se justifie aussi par la perte progressive de la compétitivité de la Chine. Un ouvrier chinois est désormais payé plus cher qu'un ouvrier hongrois. Et un ingénieur informaticien à Shanghaï coûte le même prix que son homologue américain. D'où d'importants mouvements de relocalisation qui se produisent depuis quelques mois. C'est ce qui explique que la Banque populaire de Chine a dévalué trois fois la monnaie chinoise, en une semaine, pour un montant total de 5 %. Un geste inédit depuis plus de vingt ans.

    Il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour affirmer que ces dévaluations ne résoudront pas les problèmes économiques de la Chine. Le pays a épuisé son modèle de croissance par les exportations sur lequel il s'appuie depuis des décennies. En revanche, les dévaluations vont inévitablement accélérer les sorties de capitaux. De plus, ce changement de parité ne permettra pas d'endiguer la crise de surendettement de l'économie chinoise avec un taux estimé à 240 %, et la crise latente du système bancaire local qui a prêté sans compter aux entreprises chinoises quand le rythme de croissance était supérieur à 10 % et qui va devoir s'adapter d'ici un ou deux ans à un taux de croissance compris entre 3 et 4 %.

    De fait, les Chinois qui avaient accumulé d'importants bons du Trésor américain et même des titres en euros vont être amenés à les liquider dans les semaines qui viennent. Ils auraient d'ailleurs commencé à le faire. Ce qui explique le regain de volatilité sur les places occidentales. Le problème, c'est que ces ventes de panique vont venir interférer en septembre prochain avec le désir de la Réserve fédérale américaine de commencer à remonter ses taux. Dans ces conditions, nous pourrions connaître d'ici peu un véritable krach obligataire annonciateur d'un krach boursier de grande ampleur qui ramènera les actions américaines ou européennes aux niveaux de cours plus en phase avec un monde où il n'existe plus de locomotive économique après dix années de croissance mondiale tirée par la Chine.

    Mais au-delà de ces conséquences purement financières, il faut s'attendre à voir la Chine connaître ses premiers troubles sociaux de grande ampleur, dans la mesure où la croissance économique va ralentir très brutalement. Surtout, le président Xi Jinping, qui avait déclaré il y a moins de deux ans, lors de son accession au pouvoir, « vouloir renforcer le rôle du marché dans l'économie chinoise », risque de connaître des heures difficiles. Le mythe de l'infaillibilité du plénum du Parti communiste pourrait bien s'effondrer. Et dans ce cas, ce serait tout le régime chinois qui serait sur la sellette. Ce n'est peut-être pas un hasard si les Japonais, qui surveillent leurs voisins comme le lait sur le feu, ont commencé à se réarmer de manière inquiétante.

    Sept ans après le krach de l'affaire Lehmann, qui suivait de sept ans celui des valeurs Internet, qui suivait de sept ans le krach des pays d'Amérique du Sud, qui suivait de sept ans le gigantesque krach d'octobre 1987, la loi des cycles pourrait bien frapper à la porte de cette rentrée économique. Encore une crise que François Hollande n'aura pas vue venir !   

    Yves de Kerdrel  -  Figarovox 

     

  • Théâtre & Politique • La résistible ascension de… Marine Le Pen ? Les « fils » de Brecht se trompent de cible

     

    Par Jean-Paul Brighelli

    Une critique théâtrale selon Brighelli [Bonnet d'âne, 8.02], ce n'est jamais tout à fait innocent de différentes remarques idéologiques, sociétales ou politiques. Avec son style, sa langue, sa lucidité, son esprit. Tout ce que l'on aime chez lui et qui a toujours grand sens. Même dans les cas où comme dirait Causeur, on n'est pas d'accord.  LFAR  

     

    2304514035.jpgJ’y suis allé pour Philippe Torreton, piètre analyste politique mais très grand comédien, et à la fin, j’ai applaudi tous les acteurs, tous remarquables, quelles que soient parfois les pitreries lourdingues que leur impose le metteur en scène, Dominique Pitoiset. La nécessité par exemple de faire jouer l’Acteur (Gilles Fisseau) à poil pendant 15 minutes ne m’est pas apparue clairement — sinon parce que depuis quatre ou cinq ans, depuis qu’Olivier Py a joué à ça avec un Roi Lear lamentable, tout scénographe qui se respecte doit dénuder au moins un personnage. Le dernier épisode, c’était un Mariage de Figaro pathétique, mis en scène par Rémi Barché à la Criée, le mois dernier, où le Comte exhibait sa chipolatas étique et Chérubin ses œufs sur le plat.

    Les spectateurs en tout cas ont beaucoup applaudi. Reste à savoir quoi. J’ai peur qu’ils aient surtout apprécié le miroir de connivence que leur tendait la mise en scène — des bobos marseillais pratiquant abondamment l’entre-soi, fiers de ne pas appartenir à la majorité qui dans cette ville votera MLP, et d’autant plus confortés dans leurs convictions électorales (Hamon ? Mélenchon ? Le NPA peut-être…) qu’ils sont sûrs que leur candidat ne sera pas qualifié pour le second tour. C’est un vote snob sans conséquence. Il ferait beau voir qu’ils élussent quelqu’un qui menât une vraie politique de gauche… Derrière les Communards de luxe se cachent toujours des Versaillais repus.

    La pièce de Brecht est à l’origine (1941) une allégorie transposant dans le monde d’Al Capone l’ascension d’Hitler au pouvoir. Hervé Briaux, le Président, c’est Hindenburg ; Daniel Martin (Goebbel), c’est Goebbels, dont il affecte la claudication ; P.A. Chapuis (Rom), c’est Ernst Röhm, le chef des S.A. éliminé par les S.S. durant la Nuit les Longs Couteaux, qui conclut presque l’histoire. Dans la pièce originelle, un bateleur passe régulièrement le long du quatrième mur avec un panneau explicitant la correspondance entre la fable et l’Histoire. 

    Dominique Pitoiset s’est voulu plus malin que l’auteur et a déshistoricisé la pièce au maximum, « afin de mettre ses pas dans ceux de Brecht, dit le programme, et de s’attacher à distinguer non seulement Hitler derrière Ui, mais surtout, derrière Hitler, les mécanismes qui rendent possibles — y compris aujourd’hui — une telle prise de pouvoir ». Hello Trump, bonjour Marine. Ou quelque chose comme ça.

    Une Ascension pavée de bonnes intentions, donc, mais à laquelle manquent une giclée de bon sens historique et un doigt d’analyse pour que le cocktail soit digeste.

    En décontextualisant la pièce, on fait d’Hitler une figure ordinaire du tyran : c’est gommer un peu vite la spécificité de l’hitlérisme. Et le recours, au tout début, au « Va pensiero » de Nabucco (le chœur des Juifs en exil à Babylone) est bien tout ce qu’il reste du projet monstrueux du Führer. Le principe de la double historicité, explicité par Brecht dans la conclusion fameuse de la pièce (« Il est encore fécond, le ventre dont est sortie la bête immonde ») d’ailleurs supprimée pour une raison obscure, aurait suffi à un spectateur moyennement intelligent pour tisser des liens avec le présent, si nécessaire. À trop enfoncer le clou…

    Quant à affirmer (c’est le final bleu-blanc-rouge de la mise en scène) que MLP est une dérivation d’Arturo Ui (et Rom, c’est Philippot ?), c’est rater ce qui, en 2017, en plein néo-libéralisme mondialisé, est la vraie tentation fasciste. Non pas tel ou telle candidat(e) de l‘ordre et de la nation (deux gros mots, comme chacun sait), mais justement les représentants si lisses de la barbarie douce (version Le Goff) et de la dérégulation mondialisée. Et croire qu’il vaut mieux une pseudo-démocratie aux ordres du « Consortium » (ainsi a été traduit par Dominique Pitoiset le « trust du chou-fleur » originel de Brecht) plutôt qu’un(e) patriote est une conviction d’une naïveté renversante.

    La bande sonore, très étudiée dans son éclectisme, fournit une illustration éclatante de ce confusionnisme historique. La séquence Nabucco, projetée sur un écran, a été enregistrée le 12 mars 2011 à l’opéra de Rome, avec Riccardo Muti au pupitre profitant de l’occasion, en présence de Silvio Berlusconi, pour demander au public de résister — avec une pluie de tracts tombant du poulailler comme dans Senso. Puis alternent la Toccata et Fugue de Bach (c’est le côté allemand) ou les Carmina Burana de Orff (pour le côté teuton), et en fil conducteur le rock « métal industriel » du groupe Rammstein, vaguement suspect — à son corps défendant, autant que je sache — de sympathies néo-nazies. Avec une jolie séquence sur Bésame Mucho — que Consuelo Velazquez a composé en 1941, l’année même d’Arturo Ui. Clin d’œil qui ajoute à la confusion : la tyrannie n’est pas de toujours, elle n’est pas une tentation inhérente à l’homme, elle est le produit d’un contexte historique et économique. Hitler est sorti du traité de Versailles, Pol Pot de la guerre du Viet-nam, et Goldmann Sachs de la financiarisation mondialisée. Le fascisme actuel n’a pas le visage d’une blonde, mais celui d’un système. C’est d’ailleurs ce qui fait sa force, parce qu’il est plus simple de finir une pièce sur un Torreton éructant en silence que sur l’assimilation de la « bête immonde » à la mondialisation décomplexée qu’incarnent aujourd’hui certains.   

    Jean-Paul Brighelli
    Enseignant et essayiste, anime le blog Bonnet d'âne hébergé par Causeur

  • Mathieu Slama : en Syrie, pour la première fois, Trump a trahi ses promesses de campagne

     

    Analyse par Mathieu Slama         

    En décidant de frapper la Syrie, Donald Trump semble avoir renoué avec un interventionnisme qu'il condamnait pourtant pendant sa campagne. Mathieu Slama expose [Figarovox, 10.04] comment le président américain retombe dans les mauvais travers d'un Occident qui prétend imposer ses valeurs dans le monde entier. On pourra lire [cf. liens en fin d'article] d'autres analyses de Mathieu Slama sur des sujets voisins, nous ayant amenés à signaler l'importance de ses travaux.  Lafautearousseau 

     

    3724_2016-06-22_16-49-56_Slama .jpg - Copie.pngPour la première fois depuis son intronisation, Trump a trahi ses promesses de campagne. Les échecs successifs du « muslim ban » et de la réforme de l'Obamacare étaient le fait des juges et du Congrès et non d'une quelconque trahison de ses électeurs. En revanche, son attaque soudaine visant des bases militaires syriennes est le résultat de sa propre volonté. Voici comment Trump a conclu sa déclaration après l'attaque : « Nous espérons que tant que l'Amérique se dressera en défense de la justice, la paix et l'harmonie finiront par prévaloir ». Conclusion qui succédait à un appel à toutes les « nations civilisées » à s'unir contre Assad.

    Pendant sa campagne présidentielle, Trump avait pourtant tenu une toute autre ligne. Son diagnostic tranchait de façon radicale avec la ligne des néoconservateurs ainsi qu'avec celle de l'administration Obama : « Tout a commencé avec cette idée dangereuse selon laquelle nous pouvions convertir à la démocratie libérale des pays qui n'ont ni l'expérience ni l'intérêt de devenir une démocratie libérale ». Les guerres d'ingérence, la volonté d'imposer son système de valeurs (la démocratie libérale) par la force, l'universalisme belliqueux des néoconservateurs: Trump promettait d'en finir avec une philosophie non seulement dangereuse mais aussi profondément discutable du point de vue moral et philosophique. Sur le plan politique, Trump réveillait l'espoir d'un rapprochement possible (et ô combien souhaitable) avec la Russie et de la naissance d'un monde réellement multipolaire.

    En quelques jours, ces espoirs se sont effondrés - au moins provisoirement. Et on assiste, circonspects, au retour de ce concept clef de la pensée libérale et néoconservatrice, la « guerre juste ».

    Le grand juriste allemand Carl Schmitt a longuement médité cette question dans plusieurs ouvrages majeurs, dont Le nomos de la Terre (1950). Conciliant le commentaire de grands poètes grecs comme Pindare et Homère avec des réflexions juridiques et historiques d'une grande érudition, Schmitt examine dans cet ouvrage l'évolution du droit public européen et l'émergence d'une nouvelle conception de la guerre qui n'a plus rien à voir avec le sens qu'on lui prêtait auparavant. Alors que la notion chrétienne de « guerre juste » (telle que l'a développée le théologien espagnol Francisco de Vitoria) reconnaissait à l'adversaire sa respectabilité et son statut, il en va tout autrement de l'acception moderne du terme, selon Schmitt. « Dans la conception moderne et discriminatoire de la guerre, la distinction entre la justice et l'injustice de la guerre sert précisément à traiter l'ennemi non plus en justus hostis [ennemi respectable] mais en délinquant criminel. » Schmitt précise sa pensée un peu plus loin: « Si la guerre devient d'un côté une action punitive au sens du droit criminel moderne, l'adversaire de l'autre côté ne peut plus être un justus hostis. L'action menée contre lui n'est donc pas davantage une guerre que ne l'est l'action de la police étatique contre un gangster (…). La guerre est abolie, mais seulement parce que les ennemis ne se reconnaissent plus mutuellement comme égaux sur le plan moral et juridique.».

    Ce que dit Carl Schmitt ici résume, de façon prophétique, toutes les guerres d'ingérence menées par l'Amérique et l'Occident depuis des décennies. Schmitt a préfiguré, dès 1950, le concept d' « Etat voyou » né sous la présidence Reagan dans les années 80 et qui connaîtra son heure de gloire sous l'administration Bush, en particulier aux lendemains des attentats du World Trade Center de 2001.

    Il ne s'agit pas ici de défendre le président Assad qui, manifestement, fait lui-même peu de cas des règles de droit international et même du droit de la guerre. Il s'agit de remettre en cause l'action unilatérale et non-concertée du président Trump qui retombe dans les mauvais travers d'une Amérique « gendarme du monde » qui déstabilise des régions entières au nom des droits-de-l'homme et d'une conception purement occidentale de la liberté..

    Beaucoup d'observateurs, y compris aux Etats-Unis, semblent estimer que l'action de Trump n'était qu'un coup de semonce, une manière d'affirmer son autorité et de se démarquer de l'attentisme de son prédécesseur face à une situation similaire en 2013. Il s'agit là d'une hypothèse rassurante, quoique fragile. Il a fallu Vladimir Poutine pour rappeler à Trump cette vérité essentielle : la Syrie est un Etat souverain. A cet égard, on ne peut chercher à trouver une solution politique favorable au peuple syrien en considérant son chef actuel, aussi détestable soit-il, comme un criminel à éliminer, dans un conflit où tous les belligérants ont du sang sur les mains. Ajoutons que ce ne sont pas aux pays occidentaux de décider du régime politique qui sied au peuple syrien. C'est à ce dernier qu'il revient de décider de son propre destin, et c'est à l'ONU qu'il revient de reprendre en main ce dossier et de fixer les conditions de possibilité d'une solution politique à cette crise.

    Dans un ouvrage antérieur au Nomos de la Terre (La notion de politique, 1932), Schmitt explorait déjà cette difficulté essentielle de la guerre menée au nom de l'humanité : « Le concept d'humanité est un instrument idéologique particulièrement utile aux expansions impérialistes, et sous sa forme éthique et humanitaire, il est un véhicule spécifique de l'impérialisme économique. On peut appliquer à ce cas, avec la modification qui s'impose, le mot de Proudhon : ‘Qui dit humanité veut tromper'». Aucune action ne sera légitime tant qu'elle sera menée unilatéralement par des pays occidentaux qui brandissent leurs valeurs comme des vérités universelles - ce qu'elles ne sont nullement.   

    Mathieu Slama        

    Lire aussi dans Lafautearousseau ... 

    Mathieu Slama : « Il y a du Soljenitsyne dans le discours de Poutine »

    Mathieu Slama : « Le grand drame de la modernité »

    Syrie : Perplexité après les frappes U.S. Retour au « monde d'avant » ?

  • « L'insincérité » budgétaire de la République en fin de règne Hollande : un scandale à onze milliards d'euros

     

    Par Jean-Philippe Chauvin

     

    1262631406.jpgUne « insincérité » à 11 milliards d'euros (si l’on en croit la presse économique qui avance ce chiffre), peut-être plus encore : c'est le petit cadeau d'adieu du gouvernement de M. Cazeneuve et particulièrement de son ministre des Finances M. Sapin, révélé par Le Canard enchaîné et la Cour des comptes dans son audit des finances publiques du pays.

    Cela mettrait ainsi le déficit de la France à 3,2 % du PIB quand M. Hollande avait promis qu'il serait à 2,8 % en 2017, pour se conformer aux exigences de l'Union européenne et plus exactement des règles issues du traité de Maëstricht, mais aussi aux promesses faites par la France à ses partenaires européens. Comme le signale dans son édition du 29 juin le quotidien libéral L'Opinion : « Pour la première fois, elle sera le seul et unique pays de la zone euro à être en déficit excessif », alors que les autres pays de la zone euro annoncent des déficits moins élevés, voire des excédents budgétaires comme le voisin allemand qui prévoit environ 15 milliards d'excédent (quand la France est, chaque année, à environ 70 milliards de déficit, qui se rajoutent à la dette actuelle)... Peut-on mieux résumer par ces quelques chiffres le désastre budgétaire de la République française en Europe ? 

    Cette situation, qui complique encore le travail de l'actuel gouvernement, affaiblit la France au moment même où elle cherche à retrouver sa place sur la scène internationale, et elle nous menace d'une situation « à la grecque », même s'il s'agit, pour l'heure, d'une menace plutôt que d'un risque avéré et immédiat. 

    Il serait bon et très pédagogique que les responsables du dernier dérapage budgétaire, de cette « insincérité », soient traduits en justice, au moins pour le principe et pour le symbole : après tout, n'est-ce pas ce qui arrive quand un Kerviel est accusé d'avoir fait perdre « quelques » milliards à la Société Générale ? Sa condamnation à 5 milliards d'euros, remise en cause depuis, avait été applaudie, à l'époque, par certains milieux économiques, alors que sa manœuvre financière ne concernait, à l'origine, que la banque dans et pour laquelle il travaillait. Quant à M. Cahuzac, il a été condamné à deux ans de prison pour une fraude de quelques centaines milliers d'euros qui en a fait perdre à l’État quelques dizaines de milliers, loin des 11 milliards d'aujourd'hui. La politique passée de M. Sapin, elle, affecte le pays tout entier, aujourd'hui, ses finances comme ses contribuables : pourquoi s'en tirerait-il à si bon compte, avec seulement quelques articles vengeurs qui ne l'affectent guère et ne provoquent, jusqu'à cette heure, aucune réaction de sa part, ni contestation ni regret ? Un grand procès qui permette de comprendre les mécanismes des dérives budgétaires et de « l'insincérité » financière serait aussi une occasion de responsabiliser ceux qui nous gouvernent. 

    Bien sûr, il ne s'agit pas de punir toute politique économique gouvernementale qui échouerait à atteindre ses objectifs initiaux et d'empêcher toute prise de risque qui, parfois, peut s'avérer utile, plus à moyen et long termes qu'immédiatement. Mais il s'agit d'en finir avec des pratiques irresponsables et surtout malhonnêtes et fort coûteuses pour les contribuables français. 

    Je suis surpris, je l'avoue, par la discrétion des médias et des politiques devant cette véritable « fraude en bande organisée » dont, à mon sens, les principaux coupables, peut-être plus que le Président ou le Premier ministre, sont le ministre des Finances et, plus encore, un système plus sensible aux quelques dizaines de milliers d'euros acquis immoralement par MM. Fillon et Ferrand (mais légalement, semble-t-il, et jusqu'à plus ample informé) qu'aux milliards pris dans la poche des Français... 

    45658831_p.jpgEn 1934, l'escroquerie de M. Stavisky, favorisée par les milieux politiques de la République et ses usages malvenus, dénoncée par Le Canard enchaîné et L'Action française, avait provoqué une crise de la République qui ne s'en était sortie qu'en faisant tirer sur la foule des indignés du moment et en jetant le discrédit sur les protestataires, qualifiés de « fascistes » ou de « factieux » : « qui veut noyer son chien l'accuse de la rage », dit le proverbe. En 2017, la République, en ses autorités les plus importantes et forcément temporaires, peut voler des milliards aux contribuables, rien ne semble devoir se passer... Où sont les justes colères du pays contre les voleurs ?  

    M. le Président de la République s'honorerait en appelant les protagonistes de « l'insincérité » à assumer leurs responsabilités et leurs fautes. Le fera-t-il ? Il est vrai qu'en République, la morale est brandie plus qu'elle ne règne, en somme... Mais, en ce cas particulier, il s'agit de faire œuvre, plus encore que de morale, de justice. De justice sociale, pourrait-on ajouter...  

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin