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Rechercher : qu'est-ce que le Système

  • Livres & Actualité • Éric Zemmour : Patrick Buisson « La grande illusion »

     

    CHRONIQUE D'ÉRIC ZEMMOUR sur Figarovox du 5.10 : Le quinquennat Sarkozy vu par Patrick Buisson fait grand bruit. Mais n'y a-t-il pas erreur sur l'ouvrage ? C'est ce que Zemmour expose ici avec toute la force, toute la verve de son talent. Des cyniques, des faibles, des inconstants, il y en eut aussi dans l'ancienne France. Ce qu'ils avaient de capacités pouvait néanmoins servir un Roi, qui, lui, par nature et position, incarnait la nation, en servait les intérêts parce qu'ils étaient aussi les siens. La croix de Buisson, c'est aussi, c'est surtout, d'avoir cru pouvoir tirer un bien d'un Système qui ne le permet pas. Il a échoué avec Sarkozy, il eût échoué - peut-être pour d'autres raisons - avec tous les autres. La République à la française est un Système en soi détestable et irréformable. La France ne pourra renaître qu'en en changeant. Peut-être est-ce cette conviction qui manque encore à Buisson et Zemmour pour être de grands politiques.  Lafautearousseau.   

     

    1245093644.jpgLes plus grands livres sont souvent les récits des belles défaites. Le cardinal de Retz gagna l'immortalité littéraire en relatant ses vains exploits face à la rouerie supérieure du cardinal Mazarin ; le duc de Saint-Simon atteignit les sommets en contant, contrit, qu'il ne parvint jamais à remettre son ami le duc d'Orléans dans le droit chemin de la vertu chrétienne. Patrick Buisson, à l'instar de ses inégalables modèles, aime les mots rares et l'imparfait du subjonctif; il a lui aussi la dent dure et l'ironie qui cingle comme une cravache contre le « cynisme d'oligarque décontracté d'Alain Minc » ou « la subtile et distinguée Roselyne Bachelot »; ou encore le récit de ce déjeuner, rencontre revisitée de la belle et la bête, entre NKM et notre auteur, à l'issue duquel la belle demanda à la bête qui en resta coite de la conseiller en vue de la prochaine présidentielle.

    On rit souvent en lisant La Cause du peuple. Il faut dire qu'avec Sarkozy, notre auteur tient un tempérament comique d'exception. On le savait déjà pour avoir lu les livres innombrables que ses ministres se sont empressés d'écrire sur son quinquennat; le magnétophone n'est pas l'apanage exclusif de notre auteur. Sarkozy apparaît bien une nouvelle fois en clone de Louis de Funès, par ses tics, mimiques et grimaces dignes de La Folie des grandeurs (« Je veux mourir riche. Blair me dit qu'il se fait payer 240.000 dollars par conférence. Je dois pouvoir faire mieux ») ou ses flèches acérées contre ses ministres tous transformés en Bourvil dans Le Corniaud. De Funès était un tyran qui devenait tout miel aussitôt que sa « biche » apparaissait. Buisson nous décrit ainsi les entrées de Carla Bruni au cours des réunions de cabinet, lui passant la main dans les cheveux ou l'arrachant à ses devoirs en épouse impérieuse : « La République je m'en fous, la politique je m'en fous, l'Élysée, je m'en fous. Ce que je fais, c'est pour toi et pour toi uniquement parce que franchement, on a de l'argent, on a tout ce qu'il faut pour être heureux, pourquoi donc aller se faire déchiqueter par ces hyènes ? ». Celui que Buisson appelle cruellement « l'époux de Mme Bruni » se révèle alors tel qu'en lui-même: « Le chef né pour “ cheffer ” était en réalité un fragile séducteur subjugué par ses conquêtes, un faux dur submergé par un état permanent de dépendance affective, une âme malheureuse qu'habitait non pas le dur désir de durer, mais celui d'être aimé. Ce mâle dominant vivait sous l'empire des femmes ». Ce n'était pas Bonaparte, mais le général Boulanger. Ce n'était pas du voyeurisme, mais de la politique.

    « L'échec du quinquennat réside dans la dramatique inadéquation entre son fort tempérament instinctif et son irrépressible besoin de reconnaissance médiatique et affective. L'homme public, malgré l'appel qu'il sentait sourdre en lui, fut toujours contraint par l'homme privé, ses passions, ses désordres, ses coupables faiblesses pour l'air du temps et les fragrances de la modernité ». On rit avant que d'en pleurer. « Le sarkozysme n'était au fond que la continuation du giscardisme et du chiraquisme par d'autres moyens. » Sarkozy a été élu parce qu'il a répondu au besoin identitaire d'un peuple qui se sent dépossédé de sa culture, de son mode de vie, de son territoire, de sa nation même. Mais au-delà des slogans de campagne, il n'y aura rien. Toujours plus d'immigrés, toujours plus d'éloges du métissage, du multiculturalisme. Toujours plus de subventions aux associations antiracistes. Toujours pas de référendums, d'appels au peuple, en dépit des suppliques réitérées de notre auteur. Toujours plus de rodomontades, de compromis, de renoncements. « En fait de grand timonier, on a eu un grand timoré. »

    Un mot à droite, un acte à gauche, telle fut la ligne suivie par Sarkozy. « Un ludion : un objet creux et rempli d'air soumis par des pressions successives à un incessant va-et-vient. » Un ludion médiatique. Adoré et honni par les médias. Ses rapports avec ces derniers résument on ne peut mieux l'ambivalence sarkozienne. Un regard acerbe, féroce, et souvent lucide sur la gent journalistique, comme son portrait à la serpe de Jean-Michel Apathie : « C'est un militant de gauche bas de plafond et dépourvu du moindre talent. Il porte la haine sur son visage. Et dire qu'il a osé évoquer l'installation d'une baignoire dans mon nouvel avion ! Pourquoi pas un court de tennis ou un four à pizza ? »

    Mais c'est Sarkozy qui se soumet toujours à la doxa médiatique, cette idéologie dominante libérale-libertaire, faite d'individualisme, d'hédonisme et de victimisme compassionnel. Cette idéologie dominante, héritée de Mai 68, Sarkozy ne peut la défier qu'en paroles, mais jamais en actes, car il en est une des incarnations les plus abouties.

    Il y a méprise. Il y a quiproquo. Il y a maldonne. Le dernier livre de Patrick Buisson est présenté partout comme une charge contre Nicolas Sarkozy; un amour déçu pour les uns, une attaque politique pour les autres. Les médias en profitent pour refaire le sempiternel procès en sorcellerie de l'ancien président. Il y a erreur sur la personne. Les médias devraient élever une statue à Sarkozy: il fait semblant de les affronter pour mieux mettre en œuvre leur idéologie bien-pensante.

    Il y a erreur sur l'ouvrage. L'homme sur lequel s'acharne Patrick Buisson, celui avec qui il est le plus impitoyable, n'est pas Nicolas Sarkozy, mais Patrick Buisson. C'est Sarkozy qui a perdu la présidentielle de 2012, mais c'est Buisson qui a échoué. Échoué à imposer sa fameuse « ligne Buisson » autrement que par quelques discours de campagne; échoué à transmuer un bon candidat en un monarque présidentiel; échoué à faire de l'Élysée une base de reconquête idéologique et politique pour une droite chère à son cœur, mélange de légitimisme traditionaliste catholique et de bonapartisme. Échoué plus profondément à arracher la France aux miasmes de la postdémocratie occidentale qui écarte et méprise le peuple au profit (dans tous les sens du terme) d'une oligarchie financière et juridique.

    Ce fut le drame intime de Patrick Buisson d'avoir été le conseiller politique d'un président « qui n'était pas son genre ». Ce livre est sa confession et sa quête éperdue d'absolution. Ce livre est sa croix. 

    Eric Zemmour

    Patrick Buisson, Perrin, 438 p., 21,80 €.

  • Catalogne : Points d'Histoire et réalités d'aujourd'hui

    Carles Puigdemont hier soir devant le Parlement catalan 

     

    En deux mots.jpgS'il faut rechercher les sources et les responsabilités les plus déterminantes dans les graves événements d'Espagne, il serait léger de ne voir que les apparences. Peut-être un peu de recul n'est-t-il pas de trop et permettrait de les mieux comprendre.

    Ce qui se produit en Catalogne est grave parce qu'une Espagne en ébullition, en convulsion, rejouant les scénarios des années 30 mais dans le contexte postmoderne, n'empoisonnerait pas que sa propre existence. De sérieuses conséquences en résulteraient en France et en Europe. De nombreux et d'importants équilibres nationaux et transnationaux s'en trouveraient rompus. On ne sait jamais jusqu'où, ni jusqu'à quelles situations, sans-doute troublées pour la longtemps.

    L'unité de l'Espagne, on le sait, ne date pas d'hier. Elle est constante au fil des cinq derniers siècles, à compter du mariage d'isabelle la Catholique, reine de Castille, et de Ferdinand d'Aragon, les rois sous le règne desquels l'Espagne acheva de se libérer de l'occupation arabe en prenant Grenade, dernier royaume maure de la Péninsule [1492| ; et où Colomb, cherchant à atteindre les Indes par l'Ouest, découvrit l'Amérique. S'ouvrait ainsi, après le règne de Jeanne la folle, unique et malheureuse héritière des Rois Catholiques mariée à un prince flamand, le règne de Charles Quint, lui-même prince Habsbourg de naissance flamande, sur les terres duquel, après la découverte de Colomb, le soleil ne se couchait pas. Le règne suivant, celui de Philippe II, marque l'apogée de la puissance de l'Espagne et de la dynastie Habsbourg qui y règnera jusqu'au tout début du XVIIIe siècle. Ces règnes couvrent deux premiers siècles d'unité espagnole, et, malgré de multiples conflits et convulsions, deux brèves républiques, dont la seconde sera sanglante et conduira à la Guerre Civile puis au long épisode franquiste, l'unité de l'Espagne, sous le règne rarement glorieux des Bourbons, ne fut jamais vraiment brisée les trois siècles suivants, jusqu'à l'actuel roi Philippe VI.

    Mais si elle fut sans conteste toujours maintenue au cours de cette longue période de cinq ou six siècles, l'unité de l'Espagne, surtout pour un regard français, ne fut non plus jamais tout à fait acquise, tout à fait accomplie. Et si la monarchie a toujours incarné l'unité, la république, effective ou fantasmée, a toujours signifié la division de l'Espagne. Ainsi aussitôt qu'en avril 1931, la seconde république fut instaurée à Madrid, l'Espagne, de fait, en connut deux, l'une à Madrid et l'autre à Barcelone. Ce que vit l'Espagne d'aujourd'hui, l'Espagne d'hier l'a déjà connu.

    L'Histoire - le passé - mais aussi la géographie, liées l'une à l'autre, y ont conservé un poids, une présence, inconnus chez nous. L'Espagne n'a pas vraiment vécu d'épisode jacobin ...

    Bainville a raison, hier comme aujourd’hui, lorsqu’il observe que la péninsule ibérique se divise d'Est en Ouest en trois bandes verticales, définissant trois « nationalités » qui sont aussi zones linguistiques : la catalane, la castillane et la portugaise. Curieusement, le Portugal accroché au flanc Ouest de l'Espagne n'a jamais pu lui être durablement rattaché. Partout ailleurs, les particularismes sont restés vivants, jusqu'à, parfois, l'agressivité et la haine, comme on l'a vu au Pays Basque et comme on le voit encore en Catalogne. 

    De ces particularismes, la langue est le premier ciment ; Dans l’enclave basque, en Catalogne, et, même, dans la lointaine Galice, où l'on parle le galicien en qui se reconnaît l'influence du portugais. Ces langues ne sont pas de culture, ne ressortent pas d'un folklore déclinant à peu près partout, comme chez nous. Elles sont d'usage quotidien et universel, dans les conversations entre soi, au travail comme à l'école, à l'université, dans les actes officiels, la presse, les radios et télévisions, etc. Comme Mistral l'avait vu, ces langues fondent des libertés. Le basque et le catalan sont, mais au sens mistralien, des langues « nationales ». Le catalan, toutefois, est aussi langue des Baléares et, à quelques variantes près, de la région valencienne, jusqu'à Alicante ... 

    A cette liberté linguistique se combine un fort sentiment d'appartenance à des communautés vivantes, vécues comme historiques et populaires, chargées de sens, de mœurs et de traditions particulières très ancrées, parfaitement légitimes et toujours maintenues.

    C'est donc non sans motifs que la monarchie post franquiste institua en Espagne 17 « communautés autonomes » ou « autonomies » qui vertèbrent le pays. On célébra partout ces libertés reconnues, transcription contemporaine des antiques « fueros » concept à peu près intraduisible en français, qui signifie à la fois des libertés et des droits reconnus, que les rois de jadis juraient de respecter, sous peine d'illégitimité.

    Le mouvement donné instituait un équilibre, fragile comme tous les équilibres, et qu'il eût fallu - avec autorité et vigilance - faire scrupuleusement respecter.

    C'est bien ce que Madrid n'a pas fait lorsque les équilibres commencèrent à être rompus en Catalogne. A y regarder de près, le système des partis, des alliances électorales et de gouvernement, n'a fait ici comme ailleurs que susciter et attiser les divisions latentes, tandis qu'à Madrid ce même système jouait en faveur du laisser-faire, autrement dit de l'inaction.

    Les choses, contrairement au Pays Basque longtemps ravagé par le terrorisme, se sont passées en Catalogne sans violence mais, on le voit bien aujourd'hui, avec efficacité. Après un temps de renaissance catalane, libre, heureuse de vivre ou revivre, et satisfaite des nouvelles institutions, est venue l'heure des surenchères, de la conquête progressive des pouvoirs de fait par les catalanistes les plus sectaires. Un exemple suffit pour en juger et c'est, depuis bien longtemps déjà, l'interdiction de fait, quasi absolue, de l'espagnol à l'école et à l'université de Catalogne, privant d’ailleurs la jeunesse catalane du privilège du bilinguisme qui était jadis le sien dès la petite enfance. Madrid a laissé faire et plusieurs générations, toute une jeunesse, élèves et professeurs, ont été formées dans la haine de l'Espagne. Il eût certainement fallu interdire cette interdiction, rétablir partout l'espagnol dans ses droits de langue nationale ; c'est tout spécialement par la culture : école, université, médias, univers intellectuel, qu'un petit clan d’indépendantistes s'est progressivement emparé de quasiment tous les pouvoirs en Catalogne. Les anti-indépendantistes qualifient à juste titre leurs menées de coup d'Etat. Mais, ce coup ne s'est pas déroulé en un jour, il s'étale sur plusieurs décennies.

    En somme, au long des dites dernières décennies, minée par le jeu délétère des partis, paralysée par sa faiblesse, Madrid a tout laissé faire, tout laissé passer, y compris l'inacceptable, y compris l’installation progressive d’une hostilité envers l’Espagne, qui a gagné une petite moitié des Catalans et coupé la société en deux parties adverses. Du beau travail ! Jusqu'à ce qu'à l'heure des échéances, ne reste plus à Madrid comme solution que l'usage de la force et de la violence. La responsabilité du gouvernement espagnol, ses atermoiements, nous semblent indéniables.

    Du côté catalan, les partis révolutionnaires, d’implantation ancienne en Catalogne, ont fait leur travail habituel ; il n’est guère utile de s’en scandaliser. Mais sans-doute est-ce l'engagement indépendantiste des partis de centre-droit qui a rendu possible tout ce à quoi nous sommes en train d'assister.

    Si les choses devaient tourner mal Outre-Pyrénées, et cela est bien possible, il ne faudrait pas oublier que - par-delà le légitime traditionalisme catalan - les présidents de centre-droit qui ont longtemps dirigé et président encore la région - Messieurs Jordi Pujol, Artur Mas et Carles Puigdemont, leurs partis et leurs soutiens - y auront une large part de responsabilité. Au détriment de la Catalogne et de l’Espagne, mais aussi de la France et de l’Europe.  

    Retrouvez l'ensemble de ces chroniques en cliquant sur le lien ci-dessous

    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Catalogne : Points d'Histoire et réalités d'aujourd'hui

    Carles Puigdemont hier soir devant le Parlement catalan 

     

    Publié le 11 octobre 2012 - Actualisé le 20 octobre 2017

    En deux mots.jpgS'il faut rechercher les sources et les responsabilités les plus déterminantes dans les graves événements d'Espagne, il serait léger de ne voir que les apparences. Peut-être un peu de recul n'est-t-il pas de trop et permettrait de les mieux comprendre.

    Ce qui se produit en Catalogne est grave parce qu'une Espagne en ébullition, en convulsion, rejouant les scénarios des années 30 mais dans le contexte postmoderne, n'empoisonnerait pas que sa propre existence. De sérieuses conséquences en résulteraient en France et en Europe. De nombreux et d'importants équilibres nationaux et transnationaux s'en trouveraient rompus. On ne sait jamais jusqu'où, ni jusqu'à quelles situations, sans-doute troublées pour la longtemps.

    L'unité de l'Espagne, on le sait, ne date pas d'hier. Elle est constante au fil des cinq derniers siècles, à compter du mariage d'isabelle la Catholique, reine de Castille, et de Ferdinand d'Aragon, les rois sous le règne desquels l'Espagne acheva de se libérer de l'occupation arabe en prenant Grenade, dernier royaume maure de la Péninsule [1492| ; et où Colomb, cherchant à atteindre les Indes par l'Ouest, découvrit l'Amérique. S'ouvrait ainsi, après le règne de Jeanne la folle, unique et malheureuse héritière des Rois Catholiques mariée à un prince flamand, le règne de Charles Quint, lui-même prince Habsbourg de naissance flamande, sur les terres duquel, après la découverte de Colomb, le soleil ne se couchait pas. Le règne suivant, celui de Philippe II, marque l'apogée de la puissance de l'Espagne et de la dynastie Habsbourg qui y règnera jusqu'au tout début du XVIIIe siècle. Ces règnes couvrent deux premiers siècles d'unité espagnole, et, malgré de multiples conflits et convulsions, deux brèves républiques, dont la seconde sera sanglante et conduira à la Guerre Civile puis au long épisode franquiste, l'unité de l'Espagne, sous le règne rarement glorieux des Bourbons, ne fut jamais vraiment brisée les trois siècles suivants, jusqu'à l'actuel roi Philippe VI.

    Mais si elle fut sans conteste toujours maintenue au cours de cette longue période de cinq ou six siècles, l'unité de l'Espagne, surtout pour un regard français, ne fut non plus jamais tout à fait acquise, tout à fait accomplie. Et si la monarchie a toujours incarné l'unité, la république, effective ou fantasmée, a toujours signifié la division de l'Espagne. Ainsi aussitôt qu'en avril 1931, la seconde république fut instaurée à Madrid, l'Espagne, de fait, en connut deux, l'une à Madrid et l'autre à Barcelone. Ce que vit l'Espagne d'aujourd'hui, l'Espagne d'hier l'a déjà connu.

    L'Histoire - le passé - mais aussi la géographie, liées l'une à l'autre, y ont conservé un poids, une présence, inconnus chez nous. L'Espagne n'a pas vraiment vécu d'épisode jacobin ...

    Bainville a raison, hier comme aujourd’hui, lorsqu’il observe que la péninsule ibérique se divise d'Est en Ouest en trois bandes verticales, définissant trois « nationalités » qui sont aussi zones linguistiques : la catalane, la castillane et la portugaise. Curieusement, le Portugal accroché au flanc Ouest de l'Espagne n'a jamais pu lui être durablement rattaché. Partout ailleurs, les particularismes sont restés vivants, jusqu'à, parfois, l'agressivité et la haine, comme on l'a vu au Pays Basque et comme on le voit encore en Catalogne. 

    De ces particularismes, la langue est le premier ciment ; Dans l’enclave basque, en Catalogne, et, même, dans la lointaine Galice, où l'on parle le galicien en qui se reconnaît l'influence du portugais. Ces langues ne sont pas de culture, ne ressortent pas d'un folklore déclinant à peu près partout, comme chez nous. Elles sont d'usage quotidien et universel, dans les conversations entre soi, au travail comme à l'école, à l'université, dans les actes officiels, la presse, les radios et télévisions, etc. Comme Mistral l'avait vu, ces langues fondent des libertés. Le basque et le catalan sont, mais au sens mistralien, des langues « nationales ». Le catalan, toutefois, est aussi langue des Baléares et, à quelques variantes près, de la région valencienne, jusqu'à Alicante ... 

    A cette liberté linguistique se combine un fort sentiment d'appartenance à des communautés vivantes, vécues comme historiques et populaires, chargées de sens, de mœurs et de traditions particulières très ancrées, parfaitement légitimes et toujours maintenues.

    C'est donc non sans motifs que la monarchie post franquiste institua en Espagne 17 « communautés autonomes » ou « autonomies » qui vertèbrent le pays. On célébra partout ces libertés reconnues, transcription contemporaine des antiques « fueros » concept à peu près intraduisible en français, qui signifie à la fois des libertés et des droits reconnus, que les rois de jadis juraient de respecter, sous peine d'illégitimité.

    Le mouvement donné instituait un équilibre, fragile comme tous les équilibres, et qu'il eût fallu - avec autorité et vigilance - faire scrupuleusement respecter.

    C'est bien ce que Madrid n'a pas fait lorsque les équilibres commencèrent à être rompus en Catalogne. A y regarder de près, le système des partis, des alliances électorales et de gouvernement, n'a fait ici comme ailleurs que susciter et attiser les divisions latentes, tandis qu'à Madrid ce même système jouait en faveur du laisser-faire, autrement dit de l'inaction.

    Les choses, contrairement au Pays Basque longtemps ravagé par le terrorisme, se sont passées en Catalogne sans violence mais, on le voit bien aujourd'hui, avec efficacité. Après un temps de renaissance catalane, libre, heureuse de vivre ou revivre, et satisfaite des nouvelles institutions, est venue l'heure des surenchères, de la conquête progressive des pouvoirs de fait par les catalanistes les plus sectaires. Un exemple suffit pour en juger et c'est, depuis bien longtemps déjà, l'interdiction de fait, quasi absolue, de l'espagnol à l'école et à l'université de Catalogne, privant d’ailleurs la jeunesse catalane du privilège du bilinguisme qui était jadis le sien dès la petite enfance. Madrid a laissé faire et plusieurs générations, toute une jeunesse, élèves et professeurs, ont été formées dans la haine de l'Espagne. Il eût certainement fallu interdire cette interdiction, rétablir partout l'espagnol dans ses droits de langue nationale ; c'est tout spécialement par la culture : école, université, médias, univers intellectuel, qu'un petit clan d’indépendantistes s'est progressivement emparé de quasiment tous les pouvoirs en Catalogne. Les anti-indépendantistes qualifient à juste titre leurs menées de coup d'Etat. Mais, ce coup ne s'est pas déroulé en un jour, il s'étale sur plusieurs décennies.

    En somme, au long des dites dernières décennies, minée par le jeu délétère des partis, paralysée par sa faiblesse, Madrid a tout laissé faire, tout laissé passer, y compris l'inacceptable, y compris l’installation progressive d’une hostilité envers l’Espagne, qui a gagné une petite moitié des Catalans et coupé la société en deux parties adverses. Du beau travail ! Jusqu'à ce qu'à l'heure des échéances, ne reste plus à Madrid comme solution que l'usage de la force et de la violence. La responsabilité du gouvernement espagnol, ses atermoiements, nous semblent indéniables.

    Du côté catalan, les partis révolutionnaires, d’implantation ancienne en Catalogne, ont fait leur travail habituel ; il n’est guère utile de s’en scandaliser. Mais sans-doute est-ce l'engagement indépendantiste des partis de centre-droit qui a rendu possible tout ce à quoi nous sommes en train d'assister.

    Si les choses devaient tourner mal Outre-Pyrénées, et cela est bien possible, il ne faudrait pas oublier que - par-delà le légitime traditionalisme catalan - les présidents de centre-droit qui ont longtemps dirigé et président encore la région - Messieurs Jordi Pujol, Artur Mas et Carles Puigdemont, leurs partis et leurs soutiens - y auront une large part de responsabilité. Au détriment de la Catalogne et de l’Espagne, mais aussi de la France et de l’Europe.  

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    En deux mots, réflexion sur l'actualité

  • Pour réintégrer Maurras dans le paysage politique français...

    lafautearousseau se propose ici de vous faire découvrir Un patriote, nommé Maurras. Maurras est en effet inconnu du grand public, parce que volontairement ignoré par la conspiration du silence, entretenue par le Système pour lequel Maurras n'est pas "dangereux", mais "le seul dangereux", car il en a dénoncé les bases idéologiques et parce qu'il l'a remis en cause dans ses fondements révolutionnaires.

    C'est donc à une sorte de feuilleton, à la découverte de l'homme Maurras, que nous allons vous entraîner, d'ici les prochaines élections municipales.

    Celles-ci, nous l'avons dit, seront peut-être décisives pour l'avenir de la Maison du Chemin de Paradis, fermé aux Français aujourd'hui par le dernier Mur de Berlin d'Europe : celui, invisible, du sectarisme haineux de la Mairie communiste, qui préfère laisser fermée (en attendant qu'elle ne s'écroule ?) une belle demeure qui pourrait être intégrée au réseau des Maisons des Illustres, et devenir un centre national et international de recherches et débats intellectuels de haut niveau sur Maurras, sa vie, son oeuvre; un lieu culturel vivant et rayonnant...

    Du début février au 15 mars (fin de la première partie de notre campagne de sensibilisation pour la sauvegarde de la maison de Maurras) nous présentons divers textes ou documents relatifs à Maurras, sa vie, son oeuvre... 

    Au sujet de la Maison de Maurras, et de son Jardin, libres d'accès jusqu'à ce que la Mairie de Martigues n'en interdise l'entrée, ne les "ferme", aussi sournoisement que brutalement; n'érige autour d'eux comme une sorte de Mur de Berlin, aussi réel qu'invisible, nous demandons :

    1. Des informations claires et précises sur les travaux promis, et un calendrier, même approximatif, concernant le déroulement de ces travaux, qui doivent aboutir à la réouverture de la Maison au public...

    2. Et, en attendant, la remise à disposition du public du libre accès au jardin, sans autres conditions que celles qui prévalent en n'importe quel autre endroit public du pays, selon les règles et normes en vigueur partout...

    Cette semaine est la dernière avant que notre Campagne de sensibilisation ne prenne une autre forme, dès le lendemain du premier tour des élections municipales.

    Aujourd'hui : l'antisémitisme de Maurras ? Une tartuferie bien commode, qui permet d' "évacuer" le seul adversaire dangereux pour le Système...

    On aurait bien du mal à dénombrer tout ce qui s'est dit et écrit sur l'antisémitisme de Charles Maurras en l’année de son cent-cinquantenaire. Et de façon trop systématique pour être pensé et véridique.

     

    Il a été beaucoup moins question de sa philosophie, sa politique, son esthétique, son œuvre littéraire, sa poésie. Et de cette soif d'enracinement qui anime les révoltes d'aujourd'hui et fut à l'origine de son entrée en politique. Au fond, malveillance, ignorance et paresse d'esprit se sont conjuguées pour qu'il en soit ainsi. A la surface des opinions l'antisémitisme a prévalu. 

    On ne sache pas que jamais Maurras ni aucun de ses disciples, ni aucun des membres de l'Action française, hier et aujourd’hui, aient eu quelque jour l'intention de faire le moindre mal physique ou autre à un quelconque Juif, justement parce qu'il eût été juif. 

    Ce que l'on nomme l'antisémitisme de Maurras, que l'on met bien à tort et tout à fait abusivement, au centre de sa vie, de sa pensée et de sa politique, s'apparente en fait à son anti-protestantisme, à son anti-romantisme, à son anti-germanisme, etc. Cet antisémitisme philosophique et politique est parfaitement étranger et parfaitement innocent du sort tragique fait aux Juifs dans les années 30 et 40, par de tout autres acteurs de l'Histoire. Que Maurras et l'Action française avaient du reste toujours combattus.  

    Pour quelles raisons profondes Maurras s'opposait-il au romantisme, ou plutôt à un certain romantisme, au germanisme, au protestantisme, au sémitisme, liés, selon lui, par un fond commun contraire au génie national ? C'est là une suite de grands sujets qui mériteraient des études sérieusement menées et qui ne peuvent l'être qu'à partir d'un ensemble de solides connaissances philosophiques, littéraires et historiques et dans une absolue liberté d'esprit. Notre propos ici est plus modeste. Il n'est que de pointer une injustice et d'en dire les ressorts.  

    De fait, les événements dramatiques des années 30 et 40 ont investi le vieil « antisémitisme » fin XIXe - début XXe siècle d'une résonance nouvelle et d'un sens inédit éminemment tragiques qui, sans-doute, rendent le terme inemployable aujourd'hui, sans pour autant le disqualifier en soi-même. Car est-il ou non permis de critiquer une tradition politique, littéraire, philosophique ou religieuse, que l'on estime contraire ou simplement étrangère à la tradition à laquelle soi-même on appartient et que l'on considère menacée ? Ceux - fût-ce la communauté juive - qui prétendraient imposer un tel interdit, une telle restriction â la liberté de discussion et de pensée, feraient preuve, selon l'expression employée naguère par le président Mitterrand en de  pareilles circonstances, d'une prétention excessive. Et ceux qui s'y soumettraient abdiqueraient tout simplement leur  liberté de penser, discuter, controverser. 

    Antisémite autour des années 1900, au sens que le mot avait alors, Maurras ne fut jamais privé de solides amitiés juives, ni de la liberté de discussion, de controverse ou de polémique, ni des plus cordiales relations, dans le monde et dans la vie intellectuelle française, avec les Juifs les plus illustres de son temps. Proust, Kessel, Halévy*, par exemple. Ils ne prétendaient pas alors à cette sorte de sacralisation ou de sanctuarisation de leurs personnes et de leur cause qu'ils considèrent leur être due aujourd'hui et qui de facto leur est en quelque sorte reconnue.  C'était avant les drames des années 30 et 40 et bien avant le nouvel antisémitisme actuel, agressif et violent, qui ne se loge plus guère que dans les milieux islamistes et d'ultragauche. Maurras pratiquait la polémique en termes qui furent parfois violents, selon le style du temps. Aujourd'hui, on agresse, on torture et on tue. 

    Alors pourquoi cette réduction pavlovienne de Maurras à son antisémitisme,  abusivement confondu avec celui qui prévalut au cœur des années noires ? Alors que sa pensée couvre tant d'autres sujets et domaines essentiels ? Et que la question juive n'y est pas centrale ? Peut-être tout simplement comme utile et commode bouc-émissaire, comme l'antisémite expiatoire à qui l'on fait endosser, porter le chapeau d'un antisémitisme qui fut en réalité celui de toute une époque, toute une société et d'une multitude de personnalités de droite, de gauche ou d'extrême-gauche dont il serait aisé mais gênant pour les intéressés ou leurs successeurs de dresser la liste innombrable. Maurras pour occulter leurs écrits et leurs paroles ? Conjurer leurs hontes et plus encore leur crainte qu'un certain passé collectif, le leur, ne remonte à la surface de la mémoire publique ? Maurras seul responsable, seul désigné pour endosser, prendre sur lui, et occulter cette réalité ? Chargé de tous les péchés d'Israël pour en dédouaner tant et tant d'autres ?  

    Ce n'est pas là qu'une hypothèse. C'est le fait. Ne soyons pas dupes. Et sachons que nous n'avons aucune raison de rougir des maîtres que nous nous sommes choisis ni de plier leur héritage aux impératifs catégoriques de la doxa. Si ces lignes ont une raison d’être, dans le contexte actuel si différent de celui évoqué ici,  c’est pour cette conclusion.   

     

     Daniel Halévy.jpg* Le cas Daniel Halévy est exemplaire.

    Héritier d'une lignée de grands intellectuels français juifs - son père, Ludovic Halévy avait été académicien français, son frère aîné Élie fut un philosophe célèbre en son temps - Daniel Halévy avait pour Maurras une amitié et une admiration qui ne se démentirent jamais.

    Dans Un siècle une vie, Jean Guitton en a dit ceci : « Il avait un culte pour Charles Maurras, qui était pour lui le type de l'athlète portant le poids d'un univers en décadence. ».

    Halévy qui est l'auteur d'ouvrages majeurs (La fin des notables, Essai sur l'accélération de l'Histoire, etc.) mourut en 1962, dix ans après Maurras, dans des dispositions d'esprit et de cœur inchangées à son endroit.

    Ajoutons au titre biographique que la mère de Daniel Halévy était une Breguet (les horlogers et avionneurs) et que ni son maurrassisme profond ni sa fidélité à la personne de Pétain ne l'écartèrent des élites dominantes de son temps. Il fut le beau-père de Louis Joxe, résistant et ministre du général De Gaulle, et le grand-père de Pierre Joxe, le président du Conseil Constitutionnel.  

    lafautearousseau

  • Dans Politique Magazine : Les autorités politiques et la crise économique nouvelle, par François Schwerer.

    Macron et Xi sont sur la même trajectoire : de la minimisation de la crise (phase 1) au retour à la normale (phase 4) annoncé et proclamé, tout est fait pour maintenir l’illusion du contrôle.

    Depuis le début de la crise sanitaire provoquée par l’épidémie venue Chine, les hommes politiques rivalisent avec les journalistes pour s’adresser à la population et lui expliquer comment elle doit se comporter afin de pouvoir retrouver rapidement une vie normale. Devant cette débauche d’informations, pour maintenir l’attention en haleine, on a divisé sans le dire mais à l’image de ce que l’on a imaginé pour la crise sanitaire, la lutte contre le virus économique en trois stades.

    3.jpgStade 1 : Minimiser les conséquences

    Ce premier stade, aujourd’hui dépassé, correspond à la période où la crise n’a pas encore produit des effets statistiquement constatés. Il faut donc montrer que l’on contrôle toujours la situation et en profiter pour entretenir la population dans la bonne voie d’une économie ouverte à tous vents. C’est Bruno Le Maire qui annonce fièrement que, dans la plus mauvaise des hypothèses, la crise coûtera 0,1 points de croissance à la France. Pas de quoi remettre en cause les choix effectués. On continue comme avant. Pas question de fermer les frontières car, comme l’a expliqué Olivier Véran, les frontières n’arrêtent pas les virus ! Les virus, peut-être, mais les porteurs de virus ? À ce stade, le pompon revient aux Italiens : lorsque Mattéo Salvini a demandé cette mesure de protection, il a été traité de « raciste » et de « xénophobe ». De façon à bien contrôler l’information, tous les bruits qui n’ont pas été estampillés par les autorités officielles sont, non pas discutés ou démentis, mais dénoncés comme « fake news » répandus par des « complotistes » hystériques ayant pour but de déstabiliser le système.

    À ce stade il ne s’agit que de protéger le système contre une certaine crainte qui amènerait les agents économiques à freiner leur consommation. Il faut qu’ils puissent continuer à emprunter des métros bondés aux heures de pointe, à voyager dans les airs vers n’importe quelle destination, à assister à des matchs de foot internationaux où ils rivalisent de vociférations et donc de postillons avec les supporters de l’équipe adverse, à visiter les musées, à fréquenter les restaurants et salles de spectacle, à faire leurs courses dans les hypermarchés où ils se bousculent aux caisses… Les entreprises doivent ainsi pouvoir éviter de voir leur chiffre d’affaires baisser.

    Stade 2 : Freiner la propagation

    Ce deuxième stade, lui aussi dépassé, correspond au moment où, les premières statistiques ayant été publiées, on constate que des secteurs entiers de production sont en difficulté et que la Bourse s’effondre. Il faut empêcher l’épidémie de se répandre dans toute l’économie et de toucher tous les secteurs. À ce stade on s’intéresse donc essentiellement aux secteurs infectés. On les considère comme isolés du reste de l’économie réelle de peur qu’ils ne transmettent leur maladie à tous. Mais comme on n’a ni “vaccin” ni traitement spécifique adapté à une crise que l’on n’avait pas vu venir et qui ne ressemble à aucune des précédentes, on a recours à des mesures basiques : une politique monétaire accommodante et une politique budgétaire volontariste.

    Hélas quand la Réserve fédérale américaine a décidé d’abaisser ses taux, au lieu de rassurer les opérateurs sur les marchés financiers, elle les a inquiétés. Si on administre une dose si importante de tranquillisant aussi vite, c’est que le mal doit être plus profond qu’on veut bien le dire. Après un petit mieux passager, dû à cette médecine, le patient, c’est-à-dire la Bourse, a recommencé à sa phase de déprime. C’est que l’on ne corrige pas une crise de la production due à l’arrêt des entreprises par absence du personnel simplement en inondant le marché de liquidités. Bruno Le Maire a aussitôt appelé l’Europe – on ne sait plus rien faire sans les fonctionnaires de Bruxelles – à administrer une politique budgétaire. Mais à quoi servirait-il de donner de la fausse monnaie à quelque secteur de production que ce soit si l’on ne commence pas par décréter la relocalisation des activités stratégiques ? Seulement un tel traitement est long à agir. La guérison se fera attendre et le mieux risque de ne pas se faire sentir avant les prochaines élections démocratiques.

    Stade 3 : Limiter les effets à ce qui maintient l’illusion

    À ce stade, la crise est généralisée. La production manufacturière, première touchée, après avoir inoculé le mal à la Bourse touche désormais le marché des matières premières et celui de l’énergie. Le virus a muté et on est passé d’un simple effondrement financier à une guerre économique. Cette fois-ci, il faut bien sûr, mobiliser toutes les forces vives mais il faut aussi limiter les effets ou au moins soulager provisoirement les malades. Pour cela on communique largement sur les conséquences bénéfiques à court terme et sur l’espoir d’un redémarrage rapide, toutes choses égales par ailleurs

    Le meilleur symptôme de l’entrée dans cette phase de la maladie est la guerre du pétrole déclenchée par l’échec de la réunion des pays de l’OPEP avec la Russie à Vienne. Ces deux protagonistes voulaient-ils ainsi rendre non rentable le pétrole de schiste[1] américain ? En effet, ses producteurs américains indépendants sont tous fortement endettés et avec un prix du pétrole trop faible ils sont menacés de ne jamais pouvoir rembourser leurs dettes. Le 10 mars, l’Arabie saoudite a aggravé cette guerre du pétrole en annonçant sa décision d’augmenter encore sa production pourtant déjà excédentaire de façon à accroître sa part de marché, quitte à faire un peu plus chuter les prix. Avec ces cours artificiellement bas, la Russie considère pouvoir tenir de six à huit ans, d’autant qu’elle a pu aussitôt riposter en laissant le rouble se déprécier de 8 % vis-à-vis du dollar (alors que le riyal est fixe par rapport à ce même dollar). Ceux qui pourraient être les premières victimes de cette guerre économique sont les autres pays producteurs de pétrole : Iran, Irak, Nicaragua, Algérie, Venezuela… Les hommes politiques, qui ont l’œil rivé sur l’horizon électoral, expliquent que cette guerre économique est bonne puisqu’elle va faire baisser le prix du pétrole. Oui, mais à plus long terme, lorsque la Russie – et peut-être aussi l’Arabie saoudite, si elle sort rapidement de sa guerre de succession – aura éliminé ses principaux rivaux, vers quel sommet ne risque-t-on pas de voir grimper le prix du pétrole ?

    La logique sous-jacente : surfer sur la vague

    Quand on examine les trois stades de la crise économique (le stade 4 étant, comme nous le répètent les messages officiels, celui du retour à la situation antérieure, c’est-à-dire du point de vue économique la libre circulation des biens, des services, des hommes et des capitaux), on constate que tous les « éléments de langage » mis en œuvre n’ont qu’un but : montrer que les pouvoirs publics sont à la manœuvre et que l’épidémie ne triomphera pas. De ce point de vue le président chinois a montré l’exemple, en déclarant que le virus était vaincu, juste quelques jours avant l’assemblée annuelle du Part communiste chinois.

    [1] Indépendamment du fait que le pétrole de schiste revient près de deux fois plus cher à extraire, on estime qu’un puits de pétrole de cette nature voit sa production baisser de 70 % au bout d’un an et de 85 % au bout de trois, tandis qu’un puits traditionnel ne voit celle-ci baisser que de 5 % chaque année. Il est bon de rappeler ici que le 10 février 2020, campagne électorale oblige, le président Trump et son équipe avaient suggéré de vendre 15 millions de barils de la réserve stratégique de pétrole dans le but de consolider le budget américain.

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  • Bernanos et la trahison bourgeoise, de Frédéric Winkler.

    « Celui qui défend la France, est toujours celui qui défend le royaume de France » (Charles Peguy, l’argent). La Révolution qui continue par la République est anti-civilisationnelle. Elle diminue, abaisse l’homme, le vide de toute substance qui faisait de lui un être responsable qui tentait de se dépasser pour améliorer sa condition. Désormais la loi écrase les individus créant un monde de fourmis dépourvu de toute dignité et distinctions. Seuls dominent des parvenus, soumis au monde consumériste, sans sève ni personnalité : « Que savez-vous de la Monarchie très chrétienne ?

    frédéric winkler.jpg– Qu’elle a été heureusement détruite vers 1793, par des gens de bien qui en proclamant à coup de canon la Liberté, l’Egalité et la Fraternité, comme l’avait fait d’ailleurs avant eux Notre-Seigneur Jésus Christ, ont été les véritables fourriers de l’Evangile – Très bien. Que désirez-vous ? – Un petit siège de sénateur, ou même un de conseiller général. Au besoin je me contenterais d’un bureau de tabac – Voilà toujours une paire de claques. Allez la renifler plus loin » (La Grande peur des bien-pensants). Bref la bourgeoisie a pris le pouvoir et imposé le règne de l’argent, qui existait bien sûr avant, mais ne dirigeait pas, l’aristocratie du sang contrebalançait ce pouvoir comme toutes les structures sociales et fondamentales du royaume, basé sur l’enseignement chrétien. La conséquence fut : « La corruption de l’intelligence par l’or », comme Maurras l’avait merveilleusement écrit dans « L’Avenir de l’intelligence ». Les conséquences seront terribles pour la France. On mesure aujourd’hui ce vide, lorsque l’on observe ce que notre riche passé a laissé, malgré tant de destructions et disparitions artistiques, comme l’effacement de notre langue si belle. Lorsque conscient des réalités de notre passé par les textes, actes notariés, guildes et traités, organisations et charités vécues, parchemins et héritages, le fossé devient abyssal entre la France d’hier et cette survivance d’aujourd’hui. Le code civil a détruit les familles dans la division des terres et c’est la fin des grandes propriétés privées, là « triomphe le socialisme d’Etat, l’avènement d’un maître mille fois plus impitoyable qu’aucun des tyrans débonnaires » (La Grande peur des bien-pensants). Finalement la bourgeoisie est remplacée par une nouvelle « aristocratie », celle des polytechniciens « dans les bras de laquelle on mettra finalement le sort de notre petit monde et qui montrera bientôt ce qu’elle est en réalité : « la plus inhumaine de toutes, la plus fermée » » (La Grande peur des bien-pensants). Bernanos ne souffre pas le « prêt à penser » comme ceux qui représentent les idées molles : « On met entre les mains de crétins bien-pensant une petite baguette, et il écarte aussitôt les gens du trottoir pour leur éviter de recevoir des briques sur la tête, mais il ne lui viendrait jamais à l’esprit que la maison que l’on est en train de démolir est justement la sienne », le mollasson s’écriant plaintivement : « Tout ce que vous voudrez, mais pas de gifle ! ». Bernanos était encore d’un temps où certaines provocations se terminaient en duel.
    Il n’hésite pas à s’adresser chrétiennement aux anticléricaux qui depuis longtemps vouent une haine au catholicisme : « ces morts-là sont sans vengeance. Pour moi, citoyens, j’avoue que je vis dans le doux espoir de faire payer un jour aux enfants de la famille une petite partie des dettes de leurs pères, mais qui donc retient le bras de tant d’entre nous sinon ces commandements de la conscience et le respect des lois divines que vos entreprises imbéciles tentent de détruire, et sans lequel nous vous aurions déjà balayés du monde ». On retrouve chez Bernanos les mêmes constats sur cette classe « déclassée », comme l’a bien analysé aussi plus proche de nous, Marie Madeleine Martin et bien d’autres. « La « bourgeoisie » moderne n’a plus rien à voir avec la classe bourgeoise traditionnelle. On ne peut guère douter, remarque-t-il, que depuis un demi-siècle elle « semble bien avoir cessé d'exister comme classe pourvu que l'on entende par là le groupe social conscient de ses droits et de ses devoirs ». Néanmoins le mot subsiste et il définit actuellement le ramassis d'individus qui résulte de la dégénérescence des corps sociaux antérieurs. Ainsi, « la presque totalité de l'ancienne aristocratie », les « rognures » du peuple, les éléments dénaturés de l'ancienne classe bourgeoisie, composent-ils cette catégorie de déclassés qui s'intitulent avec modestie : « bien-pensants ». Ces produits de la dissolution des cadres sociaux antérieurs présentent un certain nombre de « tares » qu'il va fustiger avec une particulière férocité. » (Bernanos et la politique, Serge Albouy). La lâcheté, les idées « molles », le conservatisme frileux des « cornichons à l’abri des courants d’air », bref ce « juste milieu » que la décence m’empêche de préciser, ce marécage des pensées frelatées, ce que le Christ vomissait dans la tiédeur des hommes, voilà ce que devient le commun des mortels ! Lors de la décadence de l’Empire romain, des « barbares », envahirent une cité dans le calme, les habitants étaient aux jeux du cirque. Ils n’eurent qu’à s’installer… Cela fait rire aujourd’hui mais ne sommes-nous pas devenues pire ? La République réforme à coups d’Ordonnance notre système social, de ses représentations du personnel aux retraites et personne ne bouge ! Alors que pour le ballon rond, à force de médias permanents, le « peuple » descend dans la rue, pour montrer son enthousiasme et applaudir des joueurs blindés d’argents, sponsorisé par des pays étrangers ? « Ces bien-pensants sont politiquement dépeints comme de craintifs conformistes, timides, apeurés, « obsédés par le péril révolutionnaire » - dont rien ne les préserve car ils croient « désespérément, naïvement, au triomphe inéluctable des idées qu’(ils) abhor(ent) ». Ces « passifs », ces « impuissants », ces « résignés », se caractérisent par une bien suspecte modération. « Qu’on pense ou non du bien de la modération indispensable à la vie en société, accorde le pamphlétaire, il est difficile de s’empêcher de sourire du spectacle de modérés par système qui, de leurs mains diligentes, déplacent et reculent sans cesse le fameux jalon qui doit marquer la limite des concessions possibles ». Avant-hier conservateur, hier opportunistes, libéraux, progressistes, puis républicains de gauche, cette « rage de conciliation » ne s’arrête – provisoirement encore – qu’au parti communiste… Cet opportunisme se double d'un égoïsme social aussi abject. Vouant un véritable culte à l'argent et un immense respect aux apparences de l'ordre, ils n’hésitent pas un instant à mettre les idées qu'ils représentent au service de leurs intérêts. (Serge Albouy. Bernanos et la politique) La Guerre d’Espagne, « l’absurde et horrible histoire de la Commune », Bernanos fustige les « Versaillais » dans leurs répressions, ces règlements de compte des bourgeois apeurés aux ordres de Thiers. Ce seront toujours les mêmes qui réprimeront les révoltes ouvrières, comme Clémenceau et bien d’autres, parce qu’ils veulent dormir tranquilles sur leurs avantages spoliés lors de la fumisterie révolutionnaire de 89 ! « Ces bourgeois « bien-pensants », champions d'un ordre qu'ils confondaient avec la sécurité de leurs biens et devenus « enragés par la peur », ont noyé dans le sang la révolte de ceux qu'ils n'avaient cessé d'exploiter. L'attitude des « bien-pensants » espagnols, bientôt, ne lui apparaitra guère différente de celle de leurs homologues français, 65 ans plus tôt... » (Serge Albouy. Bernanos et la politique)
    Et il nous arrive d’entendre parler de Bernanos quelquefois. Sur les ondes ou dans certains journaux, des hommes se revendiquant de droite, ou libéraux, voir même conservateurs, où d’un nouveau conservatisme, bref toujours d’une bourgeoisie bon teint, tentant de s’accaparer les idées de Bernanos, en ne livrant que ce qui les arrange et en laissant dans les cartons quelques lignes qui dérangent. Rendons à Bernanos son entière personnalité. Il était révolutionnaire, de cette fibre historique et empirique, concluant au Roi. Il détestait les « mous », le capitalisme libéral, car il était entier, c’était un chevalier comme pouvaient l’être les compagnons de Jehanne ou de Baudouin IV de Jérusalem, sans compromissions, d’une fidélité sans faille à la cause essentielle primordiale de la survie française : « Tous les « Français sont royalistes, la différence avec moi, c’est que moi, je le sais ». « Dans le domaine religieux, enfin, leur incurable médiocrité spirituelle, est mise à nouveau en lumière. La même horreur du risque, le même goût de biaiser, le même désir de se rallier au plus fort sont dénoncés. Finalement, ce « Cheptel bigot » qui considère l'Eglise comme une gendarmerie supplémentaire ne peut que décourager les incroyants de bonne volonté. Pourtant conclut-il, « notre malheur commun, la mauvaise fortune de la France veulent que ces déclassés, ces lâches et ces égoïstes - qui illustrent le mieux la décomposition de la société moderne - aient incarné (...) aux yeux du peuple ouvrier la propriété, l'ordre social, la religion, que ces faibles aient longtemps passé pour servir une pensée forte ». Si les choses vont mal dans le monde d'aujourd'hui, « si la France est une nation en décadence, si l'injustice triomphe, s'il n'y a plus de chrétienté, les responsables existent, commente Pierre-Henri Simon, et ils seront partout les mêmes : les bourgeois, la classe d'argent, médiocre par situation et par sentiments...
    La médiocrité bourgeoise n’a cessé à ses yeux de ronger l’édifice social. Il n’existe plus d’aristocratie. Face à cette bourgeoisie médiocre, avide et peureuse, seulement préoccupée des apparences de l’ordre, fait pendant un populisme verbal et un amour des humbles et des pauvres qui ne s’accompagne pas du moindre projet de réforme tendant à améliorer leur situation matérielle. » (Serge Albouy. Bernanos et la politique)
    FWinkler (http://boutique-royaliste.fr/index.php…) à suivre...

  • La droite libre tire 3 conclusions de l’épreuve que la France a subie, par Christian Vanneste.

    La Droite Libre tire trois conclusions de l’épreuve que notre pays vient de traverser avec la pandémie du Covid-19 :

    d’abord, « l’étrange défaite » du meilleur système de santé du monde a été pour beaucoup d’observateurs impartiaux comme la répétition d’une situation déjà connue dans notre histoire. D’excellents médecins, un personnel soignant dévoué et compétent n’ont pas pu affronter l’arrivée annoncée de la vague épidémique dans des conditions dignes d’un pays « riche », moderne et depuis toujours à la pointe de la recherche médicale. L’Etat spectaculaire tente chaque soir de donner l’illusion d’une maîtrise chiffrée qui masque mal l’échec malgré le renfort d’une majorité de médias complices du pouvoir actuel.

    christian vanneste.jpgL’Allemagne fait beaucoup mieux avec quatre fois moins de morts et trois fois moins par rapport aux cas dépistés. Contrairement à ce que la presse laisse entendre en oubliant de rappeler que la population américaine est cinq fois plus nombreuse que la française, les chiffres des Etats-Unis sont moins lourds que les nôtres. La « stratégie » française par rapport à l’allemande explique ce mauvais résultat : en Allemagne, on teste systématiquement, on isole et on soigne les malades. Le confinement a été plus léger, et s’achève plus vite. En France, le pouvoir s’est livré à des palinodies affirmant tour à tour que les tests, ou les masques, « pour tous » n’était pas utiles, puis qu’ils l’étaient au point de devenir obligatoires. Cette gesticulation n’avait qu’une cause : une pénurie généralisée sur laquelle le gouvernement a été aveugle et imprévoyant. Cette première observation conduit a deux conclusions : en premier lieu, l’importance folle de la dépense publique et des prélèvements obligatoires n’est pas justifiée. Elle alimente un Etat obèse au sein duquel se développe une bureaucratie étouffante au détriment des éléments opérationnels. Certains voient dans l’insuffisance de la réponse française la conséquence des coupes budgétaires imposées par le libéralisme. C’est exactement le contraire : la technostructure médicale que symbolise Jérôme Salomon lequel sévissait déjà auprès de Mme Touraine a accru la lourdeur d’un système en décourageant une profession compétente et motivée dont les protestations ont été naguère traitées avec mépris par le pouvoir. En second lieu, en mentant avec constance devant les Français, en prétendant que la maladie n’atteindrait pas la France, puis que notre pays était prêt, en cachant aux Français que le confinement rigoureux était la conséquence des pénuries, et non le meilleur moyen de vaincre le virus, le pouvoir a perdu tout crédit. L’idée de le sauver par une « union nationale » qui conduirait une partie de « la droite » à être à nouveau la bouée de sauvetage d’un gouvernement de gauche, la complice des Macron, Castaner, Belloubet, Veran, Ferrand, avec lesquels elle ne devrait rien avoir en commun, est à proscrire résolument !

    La droite doit plus que jamais s’appuyer sur sa valeur cardinale : la liberté. Or, le triste épisode que nous vivons montre à quel point le pouvoir actuel écrase nos libertés. Il a privé la population de la liberté d’aller et de venir, suspendu autoritairement des activités économiques, réduit encore davantage le rôle du parlement, perturbé gravement le fonctionnement de la justice, au nom d’un état d’urgence qui met l’Etat de droit pendant de longs mois en sommeil. Il a par ailleurs offert le triste spectacle d’une répression excessive des manquements bénins au confinement tandis qu’il vidait les prisons et se refusait à faire régner la loi dans certains quartiers, étalant ainsi son impuissance et sa peur, en somme son incapacité à remplir ses missions essentielles. C’est là une invitation à la délinquance et à la violence. L’agression verbale de Zemmour et les agressions mortelles qui se sont produites, notamment à Romans-sur-Isère, ne sont pas le fruit du hasard. La désinformation qui règne dans notre pays a minimisé ces faits alors qu’elle ne pointait pas systématiquement les défaillances et contradictions du pouvoir. Il est par exemple paradoxal de vider les prisons de condamnés, alors que les détentions provisoires sont prolongées en raison du confinement judiciaire. Or, depuis son installation au lendemain d’une élection présidentielle marquée par une manipulation médiatico-judiciaire, le régime actuel n’a cessé de s’en prendre à la liberté d’expression, notamment sur internet. Il voulait même instaurer une sorte de ministère de la vérité en triant de son point de vue les bonnes et les mauvaises informations. Plus grave sans doute encore est sa tentative de faire passer sans vote du parlement un traçage numérique des Français sous le faux prétexte d’un dépistage de la maladie. Pour être efficace, cette application devrait prendre en compte 60% des Français, or, par exemple, les plus de 70 ans ne sont que 44% a à voir un smartphone. On perçoit mal la possibilité d’atteindre le seuil d’efficacité, mais on mesure évidemment les risques de piratage, de détournement des données, de réidentifications des personnes par recoupement. Le progressisme macronien, c’est le « meilleur des mondes » avec la PMA pour tous, mais c’est aussi « 1984 », avec une surveillance accrue des personnes. Le débat sur la thérapie du Professeur Didier Raoult, à la fois idéologique et sans doute suscité par des intérêts privés liés aux groupes pharmaceutiques étrangers, a été absolument consternant. Non seulement il met en cause gravement la liberté professionnelle du médecin d’utiliser un médicament ancien et bien connu, mais encore il introduit une dimension politique dans une profession et un service public qui devraient être à l’abri de cette dérive. Parce que l’universitaire proposait une solution empirique et peu coûteuse, il est devenu le gilet jaune en blouse blanche de la médecine, le populiste médical. Qu’un tel blocage, qui a sans doute coûté des vies, puisse exister dans notre pays en dit long sur le délabrement de son Etat, sur la corruption qui y règne et, une fois de plus, sur le pourrissement de la sphère médiatique.

    Enfin, le pouvoir a mis le pays en panne plutôt que d’avouer son aveuglement et son impréparation. La liberté économique, celle d’entreprendre, d’acquérir et de vendre, et de le faire sans être taxé de manière abusive, est indispensable à la prospérité d’un pays et au niveau de vie de ses habitants. Le libéralisme ne consiste pas à avoir quelques amis milliardaires qui vous soutiennent par leurs médias, mais à diminuer la dépense publique improductive, à alléger la pression fiscale, pour privilégier l’initiative et le mérite, à réduire la bureaucratie envahissante, au profit des missions prioritaires de l’Etat. La sortie de la crise économique engendrée par le confinement ne devra pas, comme d’habitude, se résumer à une distribution d’aides diverses, financées par un accroissement vertigineux de l’endettement et assorties de contrôles, de sélections, d’obligations et de sanctions. L’encouragement de l’épargne et de l’investissement est aussi important que celui du travail. Les entreprises ont besoin de capital fidélisé comme de travailleurs bien formés. Le choix idéologique privilégiant le travail au détriment de la propriété n’est pas de nature à instaurer la confiance, le vrai moteur de la reprise économique. Une baisse massive de la fiscalité, accompagnée d’un retour à l’indépendance économique et monétaire, c’est pour la France, à terme, le seul moyen d’enrayer son déclin. On a vu où menait la disparition de notre industrie. Il faut à tout prix la reconstituer et pour cela former des ingénieurs plutôt que des bureaucrates sortis de l’ENA ou d’ailleurs, dont on mesure chaque jour la nocivité. Dans l’immédiat, la reprise des activités touristiques, cruciales pour notre pays doit être la priorité. La vague de chômage qui a commencé à recouvrir notre pays ne pourra pas être refoulée en créant des emplois artificiels comme on crée de la monnaie illusoire. Seule une action à long terme fondée sur une politique de l’offre et sur un rétablissement de l’équilibre dans nos échanges avec l’étranger pourra sortir la France de la spirale suicidaire dans laquelle elle s’est engagée depuis longtemps déjà. De même, l’idéologie calamiteuse de la préférence étrangère, avec une immigration incontrôlée dont on mesure chaque jour les méfaits, doit être inversée. Plus que jamais, la France doit retrouver son identité, sur tous les plans, y compris spirituel, cette dimension que le pouvoir actuel méprise totalement. Elle doit retrouver sa souveraineté de nation, la seule qui ait un sens. Loin d’être un obstacle à la liberté, elle est au contraire une condition de son effectivité. Le choc de la période que nous venons de vivre, dramatique pour ceux des Français qui ont perdu un de leurs proches, ne doit pas conduire à un engourdissement du pays, mais au contraire à un sursaut, à une révolution conservatrice… et salvatrice.

    Christian Vanneste, président.

  • Bien heureux Coronavirus ! ! ! (partie II), par Antoine de Crémiers, Pierre de Meuse et Henri Augier.

    A l’approche d’un déconfinement hésitant et étrangement sélectif, sur fond de crise économique justifiant l’opportunité d’unautoritarisme sournois et ciblé, l’Action Française doit prendre la mesure des enjeux en lançant toutes ses forces dans la bataille pour conjurer les dangers graves qui menacent notre pays. On ne saura se contenter de constater l’incurie de l’État «  en marche,  »mais aussi de proposer des alternatives radicales pour le salut de la France. C’est le sens de l’appel de nos camarades.

    Olivier Perceval

    1.jpgCe texte s’inscrit dans le prolongement de l’intervention réalisée lors de la conférence des cadres du mouvement qui s’est tenue le 7 mars. C’est à la suite de nombreuses discussions que les trois signataires pensent à l’urgente nécessité de réaliser ces travaux.

    UN PROGRAMME DE TRAVAIL…

    Le temps presse… La vitesse de dégradation est impressionnante et nous sommes proche du chaos, le système se fracture et semble de plus en plus fragile Mais, nous savons bien que son effondrement sera aussi celui du pays. Que faire alors ? Sachant que le rejet de la politique du pire finit souvent par nourrir le pire… Bien conscient de l’ampleur de la tâche et de l’incroyable complexité à laquelle nous devons faire face, nous voulons lancer un appel à la réflexion de tous les royalistes qui ont en commun d’être dans la même galère. Le temps présent se caractérise par une rupture historique radicale. En conséquence, imaginer un seul instant une transition douce, c’est-à-dire le passage sans douleur de l’état actuel de la France (institutions et société) à une instauration de la monarchie semble absurde. Pour quelques-uns d’entre nous, les analyses du réel sont trop souvent déterminées par une vision de l’histoire rétrécie à la simplicité du toujours le même. Les nouveautés apparentes ne seraient en réalité que des métamorphoses d’une substance historique invariable. En privilégiant les continuités et en négligeant ou en niant les ruptures nous pouvons ainsi réciter le même catéchisme et avancer nos solutions sans nous préoccuper davantage de leur adéquation avec le réel. Trop souvent nous avons continué à faire comme si… Et à marteler indéfiniment : le politique d’abord, trop souvent cantonné, limité à l’institutionnel, ignorant que l’écart croissant entre le souhaitable c’est-à-dire le retour de la monarchie et l’état réel de la société accentue l’aspect utopique de nos propositions. La priorité accordée de manière trop exclusive au changement institutionnel laissant penser que le retour éventuel de la monarchie constituerait en quelque sorte une solution magique, susceptible à elle seule de réparer les dégâts n’est plus tenable. Autrement dit, l’ordre des priorités doit sans doute s’inverser. Dans la royale, nous chantons mais à la France il faut en roi. Oui, mais au roi il faut une France, autrement dit encore il faut d’abord reconstituer la société France sans se cacher qu’elle est, hélas en voie de disparition. Lorsque l’effondrement se produira et si nous voulons apparaître comme un véritable mouvement politique, nous devons préparer le terrain en exerçant un véritable magistère destiné à faire valoir nos idées.

    Lorsque nous voulons parler politique au sens du bien commun à nos interlocuteurs, nous nous heurtons presque systématiquement à une forme d’indifférence et dans certains cas d’hostilité, car, la désaffection générale à l’égard de la politique et de ses pratiques, sans parler de son personnel, est venue polluer toute réflexion politique en la matière, venant voiler l’opposition frontale entre la politique anti-politique et le politique défini comme souci du bien commun. Cette désaffection vient contaminer toute réflexion en la matière et entraîne de facto un éloignement croissant à l’égard de la question politique. Ce qui domine aujourd’hui c’est en fait la résignation causée par un constat d’impuissance qui détermine un retour de la fatalité en l’absence de toute autre hypothèse acceptable. C’est tellement vrai que le système n’est plus contesté fondamentalement, même si personne n’y croit, et nous voilà contraints de résoudre le problème suivant : comment agir politiquement dans un univers où le politique n’est plus pensé et pour beaucoup n’est plus pensable ?

    2.jpgLES GILETS JAUNES : DIVINE SURPRISE ? ? ?

    L’insurrection des gilets jaunes, c’est une révolte dont les causes multiples provoquent colères et souffrances et tiennent pour l’essentiel à des conditions de vie devenues insupportables. C’est celle des oubliés de l’histoire, « du peuple des périphéries » dont chaque membre vient crier « j’existe ! » Ce sont les victimes de la « grande société » mondiale et globale à laquelle ils doivent impérativement s’adapter, dont les composants destructeurs et corrosifs ont transformé toutes les sociétés en champs de ruines : Mondialisation, islamisation, fin des paysans, désindustrialisation, disparition des services publics et privés dans une très large partie du territoire, métropolisation, marchés immobiliers qui fonctionnent comme des centrifugeuses, déserts médicaux, dictature de l’oligarchie financière, chômage massif, précarisation du travail et de la vie… La liste est sans fin et le fossé ne cesse de s’élargir entre les gens « de partout », c’est-à-dire de nulle part et les gens qui se sentent de « quelque part ».

    ALORS ?

    Nous sommes attendus par le peuple français sans plus nous préoccuper de satisfaire la bourgeoisie détachée du destin national, même et souvent quand elle est chrétienne, c’est à lui que nous devons répondre. Ce qu’il veut ce peuple, c’est vivre décemment de son travail, se soigner, se loger, mettre ses enfants dans des écoles de proximité, disposer de libertés locales… Nous devons réapprendre à raisonner à partir du réel et nous en sommes capables.

    Nous devons pour être « crédibles » nous emparer de toutes ces questions afin d’y répondre de manière pratique.

    L’idée serait la suivante, encadrée par quelques principes simples :

    ➢ Dans la mesure du possible, c’est tout le mouvement qui doit se mettre au travail.

    ➢ Les groupes de réflexions devront réunir toutes les générations.

    ➢ Chaque groupe devra, bien entendu, être composé d’un noyau dur de quelques personnes disposant de compétences sur les sujets traités.

    N’étant pas omniscients, il faudra, dans la mesure du possible, faire travailler avec nous, ou à défaut consulter des personnes extérieures à l’AF ayant des compétences reconnues dans telle ou telle matière, ce qui permettra et de nous faire connaître et de faire valoir nos capacités de réflexion sur des thèmes précis.

    Dans un certain nombre de cas, il est possible que des oppositions apparaissent sans possibilité de synthèse. Il n’est pas question de rechercher un accord bancal qui laisserait les participants insatisfaits. Dans cette hypothèse, il y aura lieu d’exposer clairement les positions respectives dans le cadre d’une« disputatio » exposant clairement les arguments avancés.

    Les résultats sont destinés à être publiés le plus largement possible, bref nous devons devenir un Think tank (groupe de réflexion) réservoir d’idées… et prendre les moyens de les faire connaître.

    3.jpgQUELS SUJETS ?

    Ils sont nombreux, et tous les adhérents du mouvement peuvent contribuer à les définir.

    Une idée émise par les grenoblois permettrait d’en grouper un certain nombre sous le « chapeau » de la démographie dont :• L’immigration.• La politique familiale.• Métropolisation et désertification des zones rurales.• La question du grand âge et des maisons de retraite.• Les marchés immobiliers.• L’aménagement du territoire et la nécessaire revitalisation des zones rurales.• Les déserts médicaux.• L’hôpital.• La revitalisation commerciale des petites villes.

    Il serait intéressant, à cette occasion, de recenser les élus locaux susceptibles de nous apporter leur concours.

    Et puis, les grandes questions comme :• La fiscalité.• La financiarisation de l’économie et ses conséquences.• Le budget de la France, (identifier les dépenses inutiles.)• La justice.• La disparition des fonctions régaliennes sous traitées à des instances transnationales.• Comment sortir du libéralisme philosophie et anthropologie de la « sortie du politique »

    Cette liste ne peut être exhaustive, il nous appartient de la compléter.

    AU TRAVAIL !

  • Bioéthique : La France confrontée à une culture de mort (2), par François Schwerer

    Le sénat va connaître dans les jours à venir le projet de loi de bioéthique. Notre ami François Schwerer nous a adressé - avec un message de sympathie - l'ensemble des textes qu'il été amené à écrire sur cette question.

    Cet ensemble constitue une véritable somme, aussi bien par son importance que par son intérêt.

    Nous en avons commencé la publication le vendredi 10 janvier, et nous la poursuivrons du lundi au vendredi inclus, comme nous l'avons fait, par exemple, pour l'étude de Pierre Debray, Une politique pour l'an 2000.

    Et, pour suivre et retrouver ces textes plus commodément, nous regrouperons la totalité de cette étude, vu son importance, dans une nouvelle Catégorie : François Schwerer - Bioéthique : culture de mort : vous pourrez retrouver donc l'ensemble de cette chronique en cliquant sur le lien suivant :

    François Schwerer - Bioéthique : culture de mort...

    Voici le plan de l'étude (hors Annexes et textes divers, qui viendront ensuite); nous le redonnons chaque jour, afin que le lecteur puisse correctement "situer" sa lecture dans cet ensemble :

     

    1. Les étapes de la décadence
    • Un processus téléologique

    1/. « Qui n’avance pas recule »

    2/. De la pilule à la GPA : l’asservissement des femmes

    3/. La révolte des femmes et les mouvements féministes

    4/. Le transhumanisme, stade ultime de la destruction

    • La stratégie progressiste

    1/. La campagne médiatique préalable

    2/. La modification de la loi

    3/. Le recours à une novlangue

    4/. Le discrédit de l’adversaire

    5/. La politique des petits pas

    6/. Le viol de la conscience des enfants

    1. « Pour une nouvelle croisade »

    A - Une faible résistance

    1/. Des hommes politiques sans conviction

    2/. Des manifestations apparemment inefficaces

    3/. Un refus de mettre en danger son propre confort

    4/. Un faux respect de l’apparente liberté d’autrui

    5/. Si le Seigneur ne bâtit pas, c’est en vain que s’agitent les bâtisseurs

    B – Un combat dont l’enjeu dépasse le fonctionnement de la vie sociale

    1/. Il est plus facile de descendre une pente que de la remonter

    2/. Un combat ayant une dimension eschatologique

    lfar espace.jpg

     

    Schwerer.jpg1 Les étapes de la décadence

    L’évolution de la société française s’est faite insensiblement, dans le cadre d’un système individualiste, libéral et matérialiste. Les étapes de cette évolution, qui a commencé sur le plan politique avec la Révolution française – mais qui, d’un point de vue philosophique remonte bien au-delà – s’est ensuite insidieusement développée avec la séparation de l’Eglise et de l’Etat – en fait, l’apostasie de l’Etat –, puis s’est accélérée avec la disparition des élites chrétiennes au cours des conflits armés que la France a connus. Elle a ainsi pris une nouvelle dimension dans la seconde moitié du XXème siècle. En effet, après la destruction des corps intermédiaires qui a laissé l’individu seul face à l’Etat. Celui-ci, pour asseoir définitivement son pouvoir le plus absolu, s’en est pris au fondement même de la société : la famille.

     

    A.- Un processus téléologique

     

    La méthode suivie dans ce processus ne résulte pas d’un mécanisme mis en place uniquement dans ce but. Non ! « Tout est lié » ! Ce sont les fondements même de toute société occidentale qui sont ébranlés. Le processus est bien rodé ; il est utilisé depuis de nombreuses années dans tous les domaines.

    C’est un processus dans lequel l’Union européenne est passée maître : un processus téléologique. D’abord appliqué dans le domaine institutionnel pour détruire la souveraineté des Etats, le processus a été mis en œuvre pour détruire la famille, fondement des nations (1), « barrière contre les idéologies destructrices de l’hédonisme qui éteint la vie », comme le disait le Vénérable Jean-Paul 1er le 27 août 1978 et antidote de l’égoïsme individualiste.

     

    1/. « Qui n’avance pas recule »

     

    Mais, en détruisant les nations, on fait naître les communautarismes car les hommes « ne sont pas comme le voudrait la théorie révolutionnaire, des individus isolés, des atomes séparés les uns des autres, mais les membres de collectivités dont il est vain de vouloir les dissocier ». C’est pourquoi, « l’Etat ne devrait pas se concevoir à partir d’individus libres et égaux, en théorie, mais d’après les réalités : réalité sociale : la famille ; réalités économiques : l’entreprise, le corps de métier ; réalités territoriales : la cité, la province ». (R. Schwerer, « Pour une nouvelle croisade », p. 30, 31).

     

    Le député du Rhône, Cyrille Isaac-Sibille, a confié à La Croix, le 9 septembre 2019 : « A l’occasion des auditions conduites par la commission spéciale bioéthique de l’Assemblée nationale, j’ai été surpris par des propos de plusieurs des intervenants souhaitant « déconstruire » notre modèle familial ». Ce qui l’a amené à conclure : « Il est fort à parier que cette évolution nous entraînerait vers une organisation plus individualiste de la société ». S’attardant plus longuement sur l’autorisation donnée aux femmes seules de recourir à une PMA, il ajoute : « Instaurer par la loi le modèle de « famille uniparentale » transfèrerait directement cette solidarité sur la collectivité. En cas de difficulté rencontrée par le parent unique, l’Etat devra remédier aux dysfonctionnements éducatif, organisationnel ou financier ».

    Le lendemain de cette prise de position, il faisait adopter en commission parlementaire un amendement pour ouvrir le marché de la conservations des gamètes aux établissements privés.

    Le slogan qui le caractérise a été tellement répété qu’il a fini par s’imposer comme une évidence et transformer les mentalités : Qui n’avance pas recule ! Il faut donc « avancer »… mais pas trop vite de peur de déraper et s’arrêter en cours de route.

    Pour justifier le mouvement, les thuriféraires de la méthode ont recours à une analogie, celle du cycliste. Si celui-là ne donne pas un nouveau coup de pédale, il s’arrête et il tombe. Mais une image, aussi claire soit-elle, ne peut tenir lieu de raisonnement ; elle ne peut qu’illustrer pour faire comprendre. Elle ne justifie rien. Quand le slogan devient raison et que l’image se substitue purement et simplement à une analyse intelligente, elle ne fait que contribuer à l’appauvrissement de la pensée et à l’abrutissement du peuple.

    Quand on jette un regard, même rapide, sur le passé pour bien comprendre comment cela est advenu, on constate d’abord combien cette évolution a été progressive ; douce ! Comme s’il avait fallu endormir lentement les citoyens pour qu’ils en arrivent peu à peu, sans s’en rendre compte, à ce nouvel état. Une évolution trop rapide aurait pu les braquer, provoquer leur révolte. En avançant progressivement, en descendant les paliers degré par degré, le mouvement paraît sûr, voire enviable. Personne ne songe à une chute puisque, tous, en se donnant la main, s’enfoncent peu à peu en laissant doucement la torpeur les gagner.

    L’image – que nous allons expliquer – qui illustre le mieux cette méthode est celle de la cuisson de la grenouille ! On met la grenouille dans une casserole d’eau froide que l’on pose sur la cuisinière et peu à peu on augmente la température de l’eau. Au début c’est agréable, puis lentement la torpeur envahit l’animal et quand celui-ci comprend qu’il va finir par cuire et mourir, il est trop tard ; il n’a plus la force de réagir. Ah ! si on l’avait directement plongé dans l’eau bouillante, la grenouille aurait eu immédiatement mal et aurait aussitôt sauté pour échapper à ce piège mortel. Mais le cuisinier expérimenté qui sait combien la chair peut être facile à ramollir du moment qu’on la flatte, a pris son temps pour faire chauffer le liquide. Au bout du compte, la grenouille est bien cuite.

    A quoi, dans cette image, correspond donc le fait de pousser le feu pour faire grimper la température qui finira par devenir mortelle ? Dans le processus téléologique mis en œuvre, c’est-à-dire dans ce système évolutif orienté vers une fin que l’on peut identifier comme étant la destruction de la civilisation chrétienne et au-delà de toute religion, chaque augmentation de température correspond à un nouveau droit qu’il convient de conquérir à tout prix, fut-il pour cela, nécessaire de recourir à une quelconque flatterie mensongère.

    Mais, comme le gouvernement ne se sent pas toujours sûr d’être suivi, qu’il a peur des réactions imprévisibles de la grenouille, il accroît autant qu’il peut la hauteur des parois de la casserole. Autrement dit, il fait en sorte que si l’animal regimbe, il ne puisse en sortir. Ce sont les lois Pleven et, plus récemment Avia qui ont pour but d’empêcher les « réactionnaires » de se faire entendre. Plus la température augmente, plus les dommages deviennent irréversibles, moins il convient de prendre des précautions. On peut brutaliser l’animal ; on peut se montrer toujours plus agressif vis-à-vis des opposants.

    (1) : « La culture de mort est un cercle vicieux qui se nourrit du désespoir et le produit ; tel un parasite, elle vit de nos renoncements à la vie. Ainsi, la meilleure façon de survivre à la culture de mort, c’est de vivre pleinement et de la combattre par les vertus » (Grégor Puppinck, La Nef, septembre 2019, p. 25).

    (A suivre)

  • Bernanos........l'invasion des machines, par Frédéric Poretti-Winkler.

    « Cela va vite, en effet, cher lecteur, cela va très vite. J'ai vécu à une époque où la formalité du passeport semblait abolie à jamais. N`importe quel honnête homme, pour se rendre d'Europe en Amérique, n'avait que la peine d'aller payer son passage à la Compagnie transatlantique. Il pouvait faire le tour du monde avec une simple carte de visite dans son portefeuille. Les philosophes du XVIIIe siècle protestaient avec indignation contre l`impôt sur le sel - la gabelle - qui leur paraissait immoral, le sel étant un don de la Nature au genre humain. Il y a vingt ans, le petit bourgeois français refusait de laisser prendre ses empreintes digitales, formalité jusqu’alors réservée aux forçats. Oh ! oui, je sais, vous vous dites que ce sont là des bagatelles.

    frédéric winkler.jpgMais en protestant contre ces bagatelles le petit bourgeois engageait sans le savoir un héritage immense, toute une civilisation dont l’évanouissement progressif a passé presque inaperçu, parce que l'Etat Moderne, le Moloch Technique, en posant solidement les bases de sa future tyrannie, restait fidèle à l'ancien vocabulaire libéral, couvrait ou justifiait du vocabulaire libéral ses innombrables usurpations. Au petit bourgeois français refusant de laisser prendre ses
    empreintes digitales, l’intellectuel de profession, le parasite intellectuel, toujours complice du pouvoir, même quand il parait le combattre, ripostait avec dédain que ce préjugé contre la Science risquait de mettre obstacle à une admirable réforme des méthodes d’identification, qu’on ne pouvait sacrifier le Progrès à la crainte ridicule de se salir les doigts. Erreur profonde ! Ce n’était pas ses doigts que le petit bourgeois français, l’immortel La Brige de Courteline, craignait de salir, c'était sa dignité, c'était son âme. Oh ! peut-être ne s'en doutait-il pas, ou ne s'en doutait-il qu'à demi, peut-être sa révolte était-elle beaucoup moins celle de la prévoyance que celle de l’instinct. N'importe ! On avait beau lui dire : « Que risquez-vous ? Que vous importe d`être instantanément reconnu, grâce au moyen le plus simple et le plus infaillible ? Le criminel seul trouve avantage à se cacher... »
    C'est le mot de criminel dont le sens s’est prodigieusement élargi, jusqu’à désigner tout citoyen peu favorable au Régime, au Système, au Parti, ou à l’homme qui les incarne. Le petit bourgeois français n’avait certainement pas assez d'imagination pour se représenter un monde comme le nôtre si différent du sien, un monde ou à chaque carrefour la Police d'Etat guetterait les suspects, filtrerait les passants, ferait du moindre portier d’hôtel, responsable de ses fiches, son auxiliaire bénévole et public. Mais tout en se félicitant de voir la Justice tirer parti, contre les récidivistes de la nouvelle méthode, il pressentait qu'une arme si perfectionnée, aux mains de l`Etat, ne resterait pas longtemps inoffensive pour les simples citoyens… Le jour n`est pas loin peut-être où il nous semblera aussi naturel de laisser notre clef dans la serrure, afin que la police puisse entrer chez nous nuit et jour, que d'ouvrir notre portefeuille à toute réquisition. Et lorsque l`Etat jugera plus pratique, afin d'épargner le temps de ses innombrables contrôleurs, de nous imposer une marque extérieure, pourquoi hésiterions-nous à nous laisser marquer au fer, à la joue ou à la fesse, comme le bétail ? L'épuration des Mal- pensants, si chère aux régimes totalitaires, en serait grandement facilitée. » (La France contre les robots) Toutes les formes de totalitarisme sont à bannir et le système actuel, ressemble beaucoup avec son « prêt à penser » à la plus odieuse des dictatures. Bernanos met en garde les hommes contre une orientation sociétale vers la résignation aboutissant à la pire des soumissions. L’idéologie du « prêt à penser », doublée d’une dictature de la technique, assurés d’un consensus complice de « nous-mêmes », amèneront des temps terribles, car l’adversaire est d’abord en nous avant d’être à l’extérieur ! Que le lecteur me pardonne les longues citations, mais celles-ci demeurent essentielles, pour les temps que nous vivons, tellement prophétiques et riches de bon sens, qu’il nous est parfois difficile d’en enlever des lignes comme des paragraphes… « …homme cultivé du XIIIe, du XVe ou du XVIIe la question suivante : « Quelle idée vous faites-vous de la société future ? » il aurait pensé aussitôt à une civilisation pacifique, à la fois très près de la nature et prodigieusement raffinée. C'est du moins à une civilisation de ce type que la France s'est préparée tout au long de sa longue histoire. Des millions d`esprits dans le monde s`y préparaient avec elle. On comprend très bien maintenant leur erreur. L`invasion de la Machinerie a pris cette société de surprise, elle s'est comme effondrée brusquement sous son poids, d'une manière surprenante. C'est qu'elle n'avait jamais prévu l'invasion de la Machine; l'invasion de la machine était pour elle un phénomène entièrement nouveau. Le monde n'avait guère connu jusqu'alors que des instruments, des outils, plus ou moins perfectionnés sans doute, mais qui étaient comme le prolongement des membres. La première vraie machine, le premier robot, fut cette machine à tisser le coton qui commença de fonctionner en Angleterre aux environs de 1760. Les ouvriers anglais la démolirent, et quelques années plus tard les tisserands de Lyon firent subir le même sort à d'autres semblables machines. Lorsque nous étions jeunes, nos pions s`efforçaient de nous faire rire de ces naïfs ennemis du progrès. Je ne suis pas loin de croire, pour ma part, qu'ils obéissaient à l'instinct divinatoire des femmes et des enfants. Oh ! sans doute, je sais que plus d'un lecteur accueillera en souriant un tel aveu. Que voulez-vous ? C'est très embêtant de réfléchir sur certains problèmes qu’on a pris l’habitude de croire résolus. On trouverait préférable de me classer tout de suite parmi les maniaques qui protestaient jadis, au nom du pittoresque, contre la disparition du fameux ruisseau boueux de la rue du Bac... Or, je ne suis nullement « passéiste », je déteste toutes les espèces de bigoteries superstitieuses qui trahissent l`Esprit pour la Lettre. Il est vrai que j'aime profondément le passé, mais parce qu'il me permet de mieux comprendre le présent - de mieux le comprendre, c'est-à-dire de mieux l'aimer. de l’aimer plus utilement, de l'aimer en dépit de ses contradictions et de ses bêtises qui, vues à travers l'Histoire, ont presque toujours une signification émouvante, qui désarment la colère ou le mépris, nous animent d’une compassion fraternelle. Bref, j'aime le passé précisément pour ne pas être un « passéiste ». Je défie qu'on trouve dans mes livres aucune de ces écœurantes mièvreries sentimentales dont sont prodigues les dévots du « Bon Vieux Temps ». Cette expression de Bon Vieux Temps est d`ailleurs une expression anglaise, elle répond parfaitement à une certaine niaiserie de ces insulaires qui s'attendrissent sur n'importe quelle relique, comme une poule couve indifféremment un œuf de poule, de dinde, de cane ou de casoar, à seule fin d`apaiser une certaine démangeaison qu`elle ressent dans le fondement. Je n`ai jamais pensé que la question de la Machinerie fût un simple épisode de la querelle des Anciens et des Modernes. Entre le Français du XVIIe et un Athénien de l’époque de Périclès, ou un Romain du temps d'Auguste, il y a mille traits communs, au lieu que la Machinerie nous prépare un type d’homme… » (La France contre les robots)
    La création des besoins, le progrès pourquoi faire ?
    « Mais la Machinerie est-elle une étape ou le symptôme d`une crise, d'une rupture d'équilibre, d'une défaillance des hautes facultés désintéressées de l'homme, au bénéfice de ses appétits ? Voilà une question que personne n`aime encore à se poser. Je ne parle pas de l'invention des Machines, je parle de leur multiplication prodigieuse, à quoi rien ne semble devoir mettre fin, car la Machinerie ne crée pas seulement les machines, elle a aussi les moyens de créer artificiellement de nouveaux besoins qui assureront la vente de nouvelles machines. Chacune de ces machines, d'une manière ou d'une autre, ajoute à la puissance matérielle de l'homme, c’est-à-dire à sa capacité dans le bien comme dans le mal…Arrêtons-nous sur ce mot de profit, il nous donnera peut-être la clef de l'énigme…Depuis cinquante longues années, les fortes têtes d`Europe, au lieu de se livrer comme jadis à des travaux de luxe où l'essentiel est sacrifié au superflu, c'est-à-dire l`Utile au Vrai, au Juste, au Beau - sur lesquels, d'ailleurs, personne n'est d’accord - auront consacré tout leur génie à des inventions pratiques et pacifiques... »(La France contre les robots)
    FWinkler (http://boutique-royaliste.fr/index.php…) à suivre...

  • Sur le site officiel de l'Action française, Dieu, que la pandémie est jolie, l’éditorial de François Marcilhac.

    LE JOUR D’APRÈS est un de ces films américains, mêlant, comme souvent, catastrophe et science-fiction, l’avenir, surtout inventé, n’étant plus depuis longtemps aux jours radieux. Le film est de 2004. Il avait été assez amusant, en 2007, de voir Sarkozy qui, pourtant, devait s’y connaître en films américains, reprendre le titre comme slogan de campagne. Car ce «  jour d’après  » décrit un monde «  d’après  » bouleversé, anéanti. Que le climat soit responsable, en grande partie, de cette destruction, ne fait que rendre le film toujours plus actuel, du moins auprès d’un certain public. Macron, renouant avec le progressisme, avait, lui, préféré parler, en 2017, de «  nouveau monde  ». Était-ce plus judicieux ?

    françois marcilhac.jpgCar ce « nouveau monde  » pouvait, comme le «  jour d’après  » sarkozyste, se retourner contre son auteur, ce « nouveau monde  » se voulant meilleur, voire le meilleur des mondes…(d’Huxley) Et si le  «  jour d’après  », en raison du coronavirus, réalisait une synthèse réussie avec un autre ouvrage d’anticipation  : 1984…  : l’instauration du meilleur des mondes supposant celle d’un État totalitaire… ?

    Nous ne sommes d’ailleurs pas le premier à faire remarquer que la limite de 100 kilomètres autour de chez soi pour circuler, prévue par le gouvernement, est tirée du roman de George Orwell… Nous ferons également remarquer que le premier texte législatif, en quelque sorte ordinaire, c’est-à-dire qui ne soit plus lié à la pandémie, sur laquelle l’Assemblée se penchera, cette semaine, dans un retour progressif à la normale, est la lecture définitive de la proposition de loi de la macronienne Laetitia Avia visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet, texte qui est à lui seul …un contenu haineux contre la liberté d’expression.

    Et pourtant, nous n’en sommes pas encore au jour d’après. Le gouvernement nous l’a assez répété  : le retour à la normale n’est pas pour sitôt et sa date, encore inconnue, pourrait même être repoussée si nous ne sommes pas sages. Et si, justement, la nouvelle normalité était ce que nous vivons d’ores et déjà  ? Et si le gouvernement, comme il l’a fait pour le terrorisme dès 2017, faisait de l’état d’exception la nouvelle norme ? Et si, s’appuyant sur le sentiment de peur, il en profitait pour brider toujours davantage les libertés publiques ?

    Le comte de Paris, dans son premier journal de bord du dé confinement est la seule voix autorisée à s’en inquiéter, peut-être parce qu’il appartient à une longue lignée dont la préoccupation constante fut d’assurer aux Français en même temps — redonnons à cette expression galvaudée toute sa noblesse —, justice, liberté et sécurité. «  Notre système, note-t-il, s’est appuyé sur la coercition (sommes-nous tous des criminels en puissance  ?) plutôt que sur la responsabilité des personnes ou des corps intermédiaires, avec un contrôle quasi inexistant du Parlement et des ministres adeptes du “faites ce que je dis et non ce que je fais”  ! Nos institutions, par l’absence de tout principe supérieur, poussent chacun à se défausser de sa responsabilité sur d’autres, ou sur des sciences qui sont par définition inexactes. 

    Ce qui m’inquiète encore plus, c’est que je n’ai vu ni entendu quasiment aucun homme politique évoquer cette question des libertés et droits fondamentaux. Si personne ne les défend, pourquoi ceux qui les restreignent se gêneraient-ils  ? Pourquoi n’envisageraient-ils pas demain un état d’urgence environnemental, social, etc.  ? Cette crise a de toute façon déjà changé le sens des mots, puisque jusqu’à maintenant l’état d’urgence n’était employé qu’en temps de guerre alors que nous ne sommes pas en guerre  !  »

    Oui, le sens des mots est changé : on sait même que ce changement est une des bases du système totalitaire anticipé dans 1984. Et malheureusement, cela n’a pas commencé avec le coronavirus, ni même avec Macron. Sur le plan sociétal, comme on dit désormais, le sens des mots a changé depuis plus longtemps encore. Ainsi du mariage dès 2013…

    Il est un fait, en tout cas  : le gouvernement n’a pas chômé depuis deux mois. Qu’il s’agisse de la privatisation accélérée de la Poste ou de l’Office nationale des forêts, de l’aggravation du libre-échange aux dépens notamment de nos agriculteurs, dans le cadre d’un traité européen avec le Mexique, de l’ouverture par l’UE de négociations avec la Macédoine et l’Albanie, de la subvention par l’argent de nos impôts d’entreprises françaises établies dans les paradis fiscaux au prétexte de la pandémie (la liste est loin d’être exhaustive)  : le gouvernement a travaillé, agissant par lui-même ou avalisant ce que l’UE décidait, prenant bien soin, comme à l’accoutumée, que ce soit au détriment des Français, au détriment de l’intérêt national.

    Les discours n’y feront rien : seuls comptent les actes. Nous avons dit dans un précédent éditorial ce qu’il fallait penser de la souveraineté européenne, concept creux ou monstrueux, selon qu’on l’envisage. Dieu, que la pandémie est jolie  ! Voilà ce que doit penser un gouvernement qui, détournant depuis deux mois, grâce à des médias d’une servilité exemplaire, l’attention des Français de sa politique générale, en profite pour l’aggraver à petits traits, sans qu’on y prenne garde, tout en faisant adopter des législations d’exception qui laisseront des traces. Le pire est que cela se fait avec la complicité de Français apeurés ou qui croient encore que le pouvoir est au service de l’intérêt général, ou ne le croient plus, mais accélèrent le mouvement avec cynisme. Des médecins sont prêts à violer le secret médical auprès de l’Etat sans garantie aucune denon-réutilisation et de destruction des données une fois la pandémie devenue un mauvais souvenir — mais on nous fait bien comprendre qu’il faudra «  vivre longtemps avec  », comme on nous l’a déjà dit pour le terrorisme  ; des opérateurs numériques, dont on sait le peu d’appétence pour la liberté réelle et le goût prononcé pour la bien-pensance généralisée, s’apprêtent à aider le pouvoir dans son flicage généralisé de la population, entre deux «  trackings  » de discours haineux sur les réseaux sociaux  ; les banques et Bercy, dans un ensemble émouvant, espèrent quant à eux que la promotion «  sanitaire  » du paiement par carte bancaire finira de convaincre les Français que les espèces, et, surtout, la non-traçabilité des achats et la maîtrise de ses comptes bancaires,  bref sa vie privée et la garantie de son avenir, ce n’est pas seulement ringard, c’est surtout dangereux pour la santé… Petit à petit, le pouvoir et l’ensemble du pays légal redessinent la figure du bon citoyen, du citoyen vertueux, du bon Troglodyte… Qui ne se souvient que, dans un de ces premiers textes totalitaires de notre philosophie politique, Montesquieu justifiait qu’on traitât «  comme des bêtes  » ceux qui ne se conformaient pas au modèle dont il avait lui-même dessiné les contours ? A quand la mise dans des réserves de sauvages des mauvais Troglodytes ? La synthèse de 1984 et du Meilleur des mondes… Sommes-nous déjà au Jour d’après  ?

    François Marcilhac

  • Le coronavirus, une maladie de la mondialisation : bas les masques !, par Georges-Henri Soutou.

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

    La crise pandémique révèle surtout la faiblesse de la position stratégique de l’Union européenne, coincée entre les États-Unis et la Chine.

    Frank Ferrand nous a raconté récemment l’histoire de la peste à Marseille en 1720. Une sage et Très Chrétienne Monarchie avait tout prévu, et mis en place un système de quarantaine très efficace. À l’arrivée d’un bateau suspect mais chargé de soieries, les négociants de Marseille ne voulurent pas interrompre les « chaînes de valeur optimisées » et firent fi des règlements. Même chose à Hambourg en 1892 avec le choléra : là aussi les négociants ne tinrent aucun compte de l’avis des autorités médicales, afin de ne pas rompre les « chaînes de valeur optimisées ».

    2.jpgIl est beaucoup trop tôt pour prédire les conséquences de toute nature du Covid-19. Même pas sur le plan sanitaire (s’agit-il d’une pandémie unique, ou d’une épidémie récurrente, annuelle, voire endémique ?). Les prévisions d’ordre politique, social, économique sont évidemment elles aussi fort aléatoires.

    Deux remarques cependant. D’abord, on était prévenu : dès 1999 plusieurs autorités médicales avaient averti des conséquences dramatiques possibles de certains virus venus d’Asie, affectant les voies respiratoires, très contagieux, et pouvant se répandre rapidement grâce à l’explosion du transport aérien. La CIA, dès 2001, inscrivait les pandémies dans la liste des menaces à la sécurité nationale. La même année l’exercice civilo-militaire américain Dark Winter, qui jouait le cas d’une attaque bactériologique avec un virus du même genre, s’était traduit après 36 heures de jeu par l’écroulement de l’ordre public et l’appel à la Garde nationale, comme l’expliquèrent les responsables à une commission du Sénat. Le Livre blanc de défense français de 2008 inscrivait les pandémies parmi la liste des menaces (« probabilité moyenne ; ampleur moyenne à sévère »).

    Seconde remarque : l’histoire des pandémies montre que généralement elles ne changent rien à la situation relative des pays (la Grande peste anglaise de 1665 n’empêcha pas le démarrage de l’expansion mondiale de la Grande-Bretagne, les multiples attaques du choléra au XIXe siècle n’empêchèrent pas l’Europe de dominer la planète, la grippe dite espagnole de 1918-1919 n’empêcha pas les Alliés de faire ce qu’ils voulaient). Par un processus darwinien, le fort devient plus fort, le faible plus faible. Cela contre la méthode Coué et les incantations qu’on entend en ce moment, selon lesquelles la France et l’UE sortiront renforcées, plus résilientes, plus solidaires, etc., de la crise. On n’en sait rien, mais c’est peu probable. On peut craindre encore plus pour l’Afrique et l’Amérique latine. En revanche l’Amérique du Nord et l’Asie, selon ce schéma historique, ont des chances de s’en tirer mieux, ou au moins plus vite.

    Critique de la mondialisation

    Bien entendu, la crise repose la question de la mondialisation, sous deux aspects : d’abord, l’augmentation géométrique de la circulation des personnes et l’instantanéité de la contamination à cause de l’explosion du transport aérien ; et aussi le fait que les pays occidentaux sont devenus dépendants de l’Asie pour leurs médicaments, masques, etc.

    Mais cela renvoie en fait à deux questions. La première est marxiste : qui a gagné et gagne à la mondialisation dans nos pays européens? Étant admis par les économistes que 30 % de la population perdra à terme son emploi et se retrouvera à la sportule, les nouveaux métiers (informatiques, etc.) censés permettre d’absorber le chômage induit par la mondialisation se développant également, et progressivement davantage, en Asie. Question taboue, certes. Mais on comprend que les partisans de la mondialisation ne vont pas désarmer…

    La deuxième question est celle de Lénine : qui tient qui dans la mondialisation ? Là, la discussion est plus ouverte, et de ce point de vue la mondialisation est davantage critiquée. La Chine « atelier du monde » pose d’évidents problèmes, on s’en rend compte désormais. Les « chaînes de valeur optimisées » sont moins séduisantes, et provoquent de vives réactions dans le monde occidental (par exemple la guerre commerciale sino-américaine).En particulier toute chaîne a deux bouts, et au départ les « chaînes de valeur » étaient en gros contrôlées par le partenaire occidental, à la technologie et à l’expertise supérieures, la Chine assurant le bas de gamme avec une main d’œuvre bon marché. Mais depuis les années 2010 ce n’est plus le cas : ce sont de plus en plus les Chinois qui contrôlent les chaînes.

    À partir de là, on peut certes imaginer un nouveau consensus en Occident, plus critique envers la mondialisation, avec une réduction de la circulation mondiale des personnes. Un rapatriement des chaînes de production vers les pays occidentaux ? Les deux étant indispensables pour limiter les pandémies et mieux lutter contre elles. Mais du coup, avec une régionalisation des échanges, tandis que le commerce mondial stagnerait ou régresserait ? Avec le développement de grands espaces économiques régionaux (tendance déjà perceptible avant la crise actuelle) ?

    Mais si malgré tout la mondialisation repartait, à cause des intérêts que nous avons soulignés ? On peut penser qu’alors, certains pays réorienteront les courants internationaux grâce à leur puissance financière et industrielle (la politique chinoise actuelle vers l’Italie et les Balkans, ou l’Afrique, serait un exemple). Ce serait une forme de mondialisation, mais différente, impériale et sino-centrée.

    Une victime, l’Union européenne ?

    Que va devenir l’Union européenne ? Sortira-t-elle renforcée par la crise ? Ce n’est pas exclu en principe (le premier test serait la mise en place d’une réelle solidarité financière entre ses membres) mais ce n’est pas ce à quoi on assiste en ce moment. Cependant, la Banque centrale européenne rachète désormais sans limite, malgré ses statuts, les emprunts à court terme des États membres : d’une certaine façon cela revient à une solidarité financière de fait, au moins pour les opérations à court terme. Le Mécanisme européen de stabilité (MES) va probablement ouvrir des lignes de crédits, financés par les États membres. C’est utile pour le moyen terme. Mais pour les dettes à plus long terme, il faudrait créer les fameux Eurobonds. Certes l’Allemagne n’en veut pas, pour des raisons de principe, mais le fait nouveau c’est que sa situation économique, déjà compromise depuis l’an dernier à cause des restructurations provoquées et par la mondialisation, et par la réaction climatolâtre contre son industrie automobile, pourrait bien devenir catastrophique. Surcharger ses finances des dettes de l’Europe du Sud pourrait être le coup de grâce, et personne n’aurait intérêt, pas même l’Italie, à l’arrêt de la locomotive de l’Europe.

    Un point précis : quelle sera l’influence de cette crise sur l’évolution du Brexit ? En principe un accord devait être conclu entre Londres et Bruxelles avant le 31 décembre, cela paraît bien difficile, les négociations ont stoppé. Verra-t-on un départ sans accord ? Ou une longue suspension du processus, voire finalement une remise en cause du Brexit lui-même, devant la gravité de la crise?

    Au sud se pose le cas particulier de l’Italie, très frappée par la crise sanitaire, qui a l’impression d’avoir été abandonnée par ses partenaires européens lors de la crise des subprimes en 2008, de la crise des migrants en 2015, et à nouveau maintenant… Comment réagira-t-elle ? Sa sortie de l’Union n’est plus impensable.

    En tout état de cause, l’objectif d’une « Europe-puissance », véritable acteur géopolitique, de toute façon très ambitieux, paraît s’éloigner encore plus. L’UE elle-même joue une très grosse partie dans la crise, si elle sauve son économie et ses finances ce sera déjà beau. Dans trois mois les schémas anciens seront probablement balayés…

    Un acteur géopolitique sortira probablement renforcé : la Chine, qui a semble-t-il mieux maîtrisé cette épidémie que les précédentes, même si son système de nouveau très centralisé sous l’égide du PCC n’inspire pas confiance pour le long terme.

    Reste une grande question, les États-Unis. Comment sortiront-ils de la crise ? Et réussiront-ils à rééquilibrer leurs relations commerciales avec la Chine et à reprendre le contrôle des « chaînes de valeurs » ? À mon avis ils ont une chance d’y parvenir, en fonction de leur potentiel créatif et de la liberté qu’ils gardent de poser justement ce genre de question.

    L’Europe devrait alors choisir entre un Heartland euro-asiatique conduit par Pékin, ou rester membre du Rimland océanique, ce qui est sa situation depuis 1945. Mais dans tous les cas, si elle ne reprend pas le contrôle des processus de mondialisation, elle sera l’une des grandes victimes de la crise.

    Illustration : Travailleurs chinois en train de fabriquer un matériel de protection peut-être défaillant qui sera vendu aux pays de l’Union européenne qui ont détruit leur industrie textile.
    L’Union européenne est devenue dépendante…

  • Allemagne : vers une sortie furtive de l’euro ?

    Un schéma pour mieux comprendre ! Source : Banque de France, direction des Infrastructures de marché et des Systèmes de paiement

    par Olivier Pichon

    C’est l’Allemagne qui risque de quitter l’Union européenne, en sortant d’abord de l’eurosystème qui oblige à assumer les dettes des pays les plus pauvres, dont le risque de défaut est élevé. Ce sont des choses un peu arides, un peu complexes mais déterminantes. Qu'il faut savoir. 

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    Nul n’ignore désormais que l’euro, qui devait « corseter l’Allemagne » dans les vues de Mitterrand, lui a profité au-delà de toute attente.

    Le rapport du think tank allemand d’inspiration libérale Centrum für Europaïsche Politik montre que l’Allemagne, avec l’euro, a littéralement aspiré la richesse du sud (Politique Magazine, n° 179).

    On sait aussi que, du côté italien, la possibilité d’une sortie de l’euro est loin d’être exclue et que des économistes éminents en parlent (Stiglitz, Gave, Delamarche, et, pour le Portugal, Ferreira do Amaral).

    9788807173516_quarta.jpg.444x698_q100_upscale.jpgUn romancier italien en a même écrit le scénario : le président du conseil italien informera le directeur de la Banque Centrale Européenne que son pays a décidé de reprendre sa souveraineté monétaire et de donner naissance à la « Nouvelle lire ». Sergio Rizzo : 02.02.2020. La Notte che uscimmo dall’euro (2 février 2020. La Nuit où nous sommes sortis de l’euro), éd. Feltrinelli.

    Target 2, une cible… atteinte !

    Mais ce scénario, pour spectaculaire qu’il soit, masque une réalité plus subreptice, à bas bruit, et cela nous vient d’outre-Rhin. C’est là qu’intervient une institution, bien hermétique au grand public, Target. Il s’agit des dettes et créances entre banques centrales de l’eurosystème. Dans la zone euro, chaque banque centrale peut créer des euros et s’engage à reconnaître pour siennes les créances sur les autres banques centrales de la zone euro à un euro pour un euro. Target 2 désigne le système qui permet de transférer des sommes importantes entre pays de la zone mais, à la différence d’un transfert international, il n’y a pas de garanties d’or et de devises, les autorités monétaires écrivent ces créances dans un livre justement appelé soldes Target 2, sans nantissement aucun. Un pays qui sortirait de l’eurosystème serait alors tenu de régler ces soldes par l’or et les devises. Comme il n’en aurait pas les moyens, il serait donc contraint de faire défaut sur sa dette. L’Italie, par exemple, dispose de ressources en or très inférieures à sa dette (son stock d’or est de 19,8% de ses dettes Target).

    Or nous savons que l’Allemagne détient près de 1000 milliards de créances sur les pays du « club Méditerranée ». Ce mouvement est un pari, à la fois sur la baisse de la valeur des créances par les détenteurs de capitaux des pays du sud et leur appréciation une fois « logés » en Allemagne. En cas de défaut sur la dette, l’Allemagne ferait payer une partie des 1000 milliards à sa population. Faire payer les moins riches des pays riches pour les plus riches des pays moins riches, il est peu probable que l’Allemagne l’accepte. Mais la dette impayée serait aussi répartie entre les pays restant dans l’euro, la France hériterait donc un supplément de dette d’environ 35% de ces 1000 milliards !

    Sortie furtive* ? L’Allemagne à la manœuvre.

    L’Allemagne pourrait demander désormais que les nouvelles dettes Target ne puissent se contracter que contre une garantie saisissable par le créancier : cela se nomme collatéralisation, ce que nous pratiquons tous dès lors que nous empruntons par hypothèque. Mais, hic jacet lepus, la collatéralisation des Target provoquerait aussitôt l’apparition de cours de marchés variables entre les euros émis par les différentes banques nationales de la zone, certaines créances en euros seraient donc plus recherchées, donc les euros seraient plus chers. Cela signe tout simplement la fin de l’euro, car nous retrouvons la logique monétaire internationale.

    La proposition de garanties pour les dettes (collatéralisation) fut faite dès 2012, par le président de la Bundesbank, Weidman, le piège de la proposition étant qu’une banque centrale transférant des fonds via Target devrait donc nantir ce transfert et, en cas d’impossibilité, le transfert serait refusé. La proposition fut écartée par Draghi, qui avait senti le danger.

    hcp_20150609_150_std.jpgVoilà maintenant que l’IFO (Institut für Wirtschaftsforschung) de Munich, institut de recherche économique responsable du Geschäftsklimaindex, l’indicateur très influent du moral des patrons en Allemagne, et donc du climat des affaires, exige que le gouvernement de Berlin intervienne auprès de la BCE « contre une utilisation illégale et excessive des soldes Target ». L’idée de Weidman suit son chemin, le journal Die Welt s’en est emparé et met les pieds dans le plat. Dans ses colonnes, les deux économistes Sinn et Gerken préconisent un plan de remboursement des dettes Target selon un échéancier… en or, étant entendu qu’on ne peut rembourser des dettes Target avec d’autres dettes Target. Au total 154 économistes allemands ont signé un manifeste préconisant la collatéralisation des dettes. Le conseil économique de la CDU (Wirtschaftsrat) réclame lui aussi la collatéralisation.

    On imagine que le SPD y est hostile, mais il est mal en point. Le grand « parti populaire » de gauche de jadis ne rassemble plus que 13,5 % des intentions de vote, loin derrière l’Union chrétienne (CDU/CSU) ; il est au coude-à-coude avec l’AfD, à 13 %. Bernd Osterloh, le président du Betriebsrat (conseil des salariés) de Volkswagen (290 000 salariés), un personnage central du syndicat de l’industrie IG Metall, traditionnellement proche du SPD, multiplie les attaques contre le parti dont il est membre. Il l’accuse de ne pas suffisamment défendre les intérêts des ouvriers face aux mesures écologiques (diesel et électrique) et face à l’UE, un comble ! On voit mal le syndicat accepter aussi de payer pour les pays du sud. La logique hégémonique allemande pourrait prévaloir, s’il s’agit d’intérêts vitaux, au prix du sacrifice de l’euro.

    France : silence assourdissant sur la question

    Certes le projet allemand se fait à bas bruit et personne, en France, dans les grands médias, ne le répercute, de peur sans doute d’accélérer le processus de décomposition de l’euro, ou par enfermement idéologique. Les médias et les politiciens continuent à réciter le catéchisme de l’euro. Dans cette hypothèse, il n’y aura pas de grand soir, l’union monétaire se mourra en silence par une série de glissements techniques, quelque chose comme la technique du voleur chinois, et personne n’en aura prévenu les Français.

    Sauf si quelques dirigeants français s’apercevaient – contrairement à la plupart des souverainistes qui, en attendant, veulent rester dans l’euro – que la France a tout intérêt à quitter l’euro le plus tôt possible. Si, en effet, la Banque de France est encore membre de l’eurosystème au moment du défaut de l’Italie, ou d’un autre pays, elle devra, comme indiqué plus haut, assumer une partie de leur dette. Dans le cas où elle coupe les ponts avec l’eurosystème, les pertes ne seront partagées que par ceux qui sont restés. On peut imaginer que l’Allemagne ne resterait pas non plus passive.

    400px-Chauveau_-_Fables_de_La_Fontaine_-_02-10.pngAinsi après avoir joué cavalier seul sur la question de l’immigration, eu égard à son vieillissement et à son manque de main d’œuvre, la puissance hégémonique allemande joue aussi la sortie de la « solidarité » monétaire, non sans quelque raison. Alors que, sur le plan politique, l’ère Merkel est en train de se clore, le modèle allemand, fondé sur une orthodoxie budgétaire doublée d’un mercantilisme fort, est arrivé au bout de sa logique, et de sa logique européenne aussi. « C’est assez qu’on ait vu par là qu’il ne faut point agir chacun de même sorte. » La Fontaine, L’âne chargé d’éponges et l’âne chargé de sel.

    Dès 2012, Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, l’avait dit : « Ce sont les premiers qui quitteront l’euro qui s’en sortiront le mieux ! » Les Anglais n’étaient pas dans l’euro, mais le bruit et la fureur qui accompagnent le Brexit dissimulent les véritables enjeux de demain. IIs sont, à la veille de ces élections européennes, d’une ampleur que les peuples sont loin de percevoir. 

    * La formule est de Vincent Brousseau, ancien membre de la BCE et conseiller de F. Asselineau pour l’UPR.

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  • Du communisme de bistrot à la chouannerie populaire ?

    Par Jean-Philippe Chauvin

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    « Le comptoir du café est le parlement du peuple » Balzac

    « Le comptoir du café est le parlement du peuple », affirmait Balzac, et je fais souvent mienne cette célèbre citation du non moins célèbre royaliste, en entretenant discussions et parfois querelles dans les estaminets et restaurants des villes et villages de France que je traverse ou dans lesquels j’habite et vis.

    Ainsi, il y a quelques jours à Versailles : alors que je me régalais d’un mille feuilles aux framboises fait maison (c’est tellement meilleur qu’un surgelé décongelé), deux « communistes » sont arrivés, forte carrure et blouse de travail sur le dos, salués de leur présumée étiquette par le patron des lieux. Aussitôt, évidemment, la discussion, brève et cordiale, s’engagea, m’étant moi-présenté comme royaliste.

    bistrotsdoisneau.jpgLe plus virulent, sorte de Peppone sans moustache, s’engagea dans un discours sur les congés payés, les 35 heures, et les progrès sociaux du XXe siècle, avec le ton déclamatoire d’un Georges Marchais façon Thierry Le Luron, tandis que l’autre me soufflait, d’un air amusé, qu’ils n’étaient pas vraiment communistes… Mais, au travers de sa harangue, le premier évoquait une sorte de nostalgie d’un temps apparemment révolu, celui des « conquêtes sociales » devenus, pour le meilleur mais parfois aussi pour le moins bon, des « acquis sociaux ». Il est vrai que, depuis une quarantaine d’années, notre société est entrée dans une période et un climat d’insécurité sociale, entre chômage structurel et crainte du déclassement. Pendant longtemps, les économistes et les politiques ont, pour la plupart, minimisé ces phénomènes et raillé les sentiments des classes populaires, puis des classes moyennes, arguant que la mondialisation était heureuse, forcément heureuse parce que l’on n’avait jamais autant consommé depuis les débuts de l’humanité. De l’ouvrier producteur et exploité des temps de l’industrialisation, on était passé au consommateur qu’il s’agissait de contenter et d’inciter, toujours et encore, à consommer, non seulement pour son plaisir mais pour le plus grand profit de la Grande distribution et d’un système de « désir infini dans un monde fini », selon l’expression de Daniel Cohen, dont, justement, il s’agissait d’oublier la seconde partie de la formule pour que ce système perdure et garde sa « profitabilité ».

    Aujourd’hui, la France est en fin de désindustrialisation, et les délocalisations spéculatives continuent, pour le plus grand bonheur des actionnaires souvent peu intéressés par les conditions de leurs gains, et notre nation a perdu, dans le même mouvement, son fin maillage de services publics et de cafés, renouant avec un « désert français » que Jean-François Gravier dénonçait à l’orée des années Cinquante et que l’action de la gaullienne DATAR avait cherché à éviter, ou à ordonner pour en limiter les effets délétères. En fait, la répartition des habitants de notre pays était moins déséquilibrée du temps de la rédaction du livre de Gravier, et la « déconcentration » des années de Gaulle puis la « décentralisation » des lois Defferre et des politiques Pasqua et Raffarin n’ont, en définitive, abouti qu’à rendre « plus acceptable » un processus de métropolisation qui a littéralement asséché les territoires ruraux de France et concentré les populations actives autour des grandes cités et au sein des grandes aires métropolitaines. Non que les intentions des uns et des autres fussent mauvaises, mais la République et les féodalités qu’elle préserve et dont elle dépend ont dévoyé le noble mouvement de « retour au local » qui s’ébauchait par la Loi et l’ont transformé en nouvel âge féodal, libéral en principe et égoïste en fait, au profit d’une nouvelle classe dominante globale, mondialisée et nomade tout autant qu’intéressée et hypocrite, peu soucieuse du Bien commun. Suis-je trop sévère dans mes appréciations ? Peut-être est-ce un moyen d’éviter d’être cruel dans la pratique, préférant toujours la juste colère à l’injuste violence…

    Le peuple des cafés ne prend pas toujours des précautions oratoires pour parler des princes sans principes qui nous gouvernent, et il n’est guère sensible aux appels médiatiques et politiques à la raison, considérant que celle-ci n’est plus que la tentative des puissants de se préserver d’une colère populaire qui, désormais, déborde en une crue anarchique mais qui pourrait, hors du Pays légal, s’avérer féconde pour le Pays réel. Est-il « communiste », ce peuple-là ? Non, mais il se sert du « mythe » d’un communisme des travailleurs qui, s’il n’a jamais été qu’un leurre ou une terrible illusion qui s’est payée de millions de morts plus à l’est que Strasbourg et que Calcutta, a permis, par son existence étatique et historique en Russie puis en Chine, d’équilibrer, par la peur qu’il suscitait pour les « capitalistes » occidentaux, le rapport de forces entre les travailleurs et les puissances financières et économiques du XXe siècle : c’était, d’une certaine manière, une « réaction » (et c’est Maurras qui, d’ailleurs, l’évoquera comme telle) à la création et à l’exploitation du Prolétariat permise par le triomphe du modèle anglo-saxon d’industrialisation, mais aussi par la destruction du modèle social corporatif français dans les années de la Révolution et de l’Empire au nom d’une drôle de « Liberté du Travail » qui s’émancipait, d’abord, des droits des travailleurs eux-mêmes.

    euro-vampire.jpgAujourd’hui, la dérégulation voulue par la Commission européenne et la privatisation accélérée de pans entiers de l’appareil français d’encadrement et de services, mais aussi d’équipements et d’infrastructures que les Français pensaient « posséder » par leurs impôts (ce qui n’était pas tout à fait faux…), entretiennent ce fort sentiment de « dépossession » qui nourrit la colère des Gilets jaunes, une colère que nombre de Français « délèguent » aux manifestants fluorescents du samedi et qui anime les émissions et les débats télévisuels depuis plus de quatre mois sans que l’on sache vraiment ce qui pourrait épuiser totalement les troupes contestatrices. Que la République, en son gouvernement du moment, méprise à ce point ceux à qui, si l’on suivait les règles d’une démocratie équilibrée sans être toujours décisionnaire (car ce dernier cas de figure pourrait alors mener à la paralysie ou à la démagogie dictatoriale façon Pisistrate), elle devrait rendre des comptes autrement que par l’élection parlementaire (sans la remettre en cause pour autant, car elle a son utilité, en particulier « consultative » ou « représentative »), apparaît bien comme un affront à la justice civique qui n’est jamais très éloignée, en définitive, de la justice sociale. Les dernières annonces sur l’augmentation prévue du prix de l’électricité pour les mois prochains, sur la mise en place de 400 nouveaux radars destinés plus à rapporter de l’argent qu’à prévenir des comportements routiers dangereux, sur le report de l’âge (plutôt « pivot » que « légal ») de la retraite, sur les nouvelles taxes sur l’héritage ou sur la propriété privée des classes moyennes, etc., apparaissent comme la volonté de « passer en force » pour appliquer un programme « social » (« antisocial » serait sémantiquement plus approprié…)  décidé au-delà des frontières de notre pays, en des institutions qui se veulent « gouvernance » ou « européennes » (ou les deux à la fois), et pour complaire à des puissances qui sont d’abord celles de « l’Avoir » quand il serait préférable que « l’Etre » soit pris en compte avant elles…

    La colère du peuple des comptoirs sera-t-elle suffisante pour remettre à l’endroit un monde politique qui pense à l’envers des classes populaires et moyennes ? Il y faudrait un caractère qui y soit politique sans être politicien ; révolutionnaire en stratégie et en pratique sans être nostalgique d’une Révolution française qui a installé les principes qui gouvernent désormais l’économie ; social sans être étatiste ou sectaire… La République ne craint pas vraiment, passés les premiers émois, les jacqueries qu’elle peut réprimer et discréditer en dressant les Français les uns contre les autres, en « classes ennemies » quand elles devraient être des classes complémentaires et fédérées dans le corps civique, mais elle pourrait bien craindre la cristallisation des mécontentements en chouanneries qui ne se contenteraient pas de contester mais seraient animées par un esprit de fondation et de service nécessaire pour le pays, et pour le pays d’abord, compris comme l’ensemble de ce qui vit et travaille au sein des territoires, de la métropole à l’Outre-mer, de l’usine à la ferme, de l’école à l’épicerie. Il n’est pas alors interdit de travailler dès maintenant à préparer cette alternative qui pourrait donner au peuple des cafés, mieux encore qu’un espoir fugace, une espérance pour longtemps et un débouché politique et institutionnel...    

     Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Sur le Blog de Jean-Philippe Chauvin :  La justice sociale, une exigence politique

    (illustration : le Sceptre et la Main de justice de Charles V)

    Nouvelle chouannerie, le Blog de Jean-Philippe Chauvin

     

    La question sociale mérite que l’on y prête attention et que l’on y réponde, autant que possible et selon les règles d’une justice sociale que nombre de nos concitoyens semblent parfois avoir oubliée : il est vrai que la lecture des manuels scolaires ou universitaires démontrent une certaine négligence sur le sujet, comme on peut le constater dans les manuels de géographie de Première des nouveaux programmes qui n’évoquent la question du chômage en France, par exemple, que par le biais d’une photo ou d’un titre de presse, sans s’y attarder plus longuement, comme si les quelques cinq millions de Français confrontés à ce drame étaient destinés à l’invisibilité ! Comment pourrait-il en être autrement quand la mondialisation, vantée sous tous les angles et couplée avec une métropolisation conquérante, est présentée comme le progrès par excellence, ce progrès obligatoire et « évidemment accepté par tous » (ou presque), désormais un peu verdi par les projets dits de développement durable, un progrès auquel il faut s’adapter pour accroître « l’attractivité », nouveau maître-mot des programmes d’aménagement du territoire ? Du coup, chômeurs et territoires en déshérence ne sont plus vus que comme les « perdants de la mondialisation », formule dont, le plus souvent, on ne retient que le premier mot, péjorativement prononcé et compris comme symbole d’un échec à imputer, non au système économique ou politique, mais aux seuls chômeurs ou aux territoires désertés… Le plus grave est peut-être que cette opinion négative est intégrée par les victimes mêmes de cette situation, un peu de la même manière que lorsque les petits Bretons ou Basques étaient moqués pour leurs langues et coutumes particulières dans l’école de Jules Ferry, au nom d’un progrès qui, à l’époque, se déclinait dans les manuels scolaires sous la formule de « République une et indivisible », et qu’ils en développaient parfois un complexe d’infériorité.

    CHAUVIN 1.jpgLe mouvement des Gilets jaunes a réveillé ce « peuple des perdants » comme le nommait récemment un sociologue sans acrimonie à leur égard, et la République en a tremblé quelques semaines avant de reprendre ses mauvaises habitudes de déni social et de suffisance. Que le gouvernement nommé par M. Macron, et malgré quelques bonnes volontés en son sein qu’il ne s’agit pas de dénigrer (preuve de la complexité du régime macronien, de cet « enfer pavé de bonnes intentions » selon un de ses adversaires), apparaisse comme le « bras armé politique de la mondialisation en France », n’est pas un contresens mais bien une triste réalité qu’il s’agit, elle, de dénoncer et de vouloir changer, non par pur idéalisme, mais par souci politique de la justice sociale. Cette dernière ne naît pas naturellement du monde dirigeant et décisionnaire de l’économie, de cette oligarchie qu’il faudrait plutôt nommer ploutocratie si l’on veut être complètement honnête, mais c’est bien par le moyen du politique, de l’exercice de l’Etat qu’elle peut être respectée et honorée comme elle doit l’être. La République peut-elle être cet Etat soucieux de la justice sociale, elle qui semble parfois avoir remplacée la main de justice par la matraque de Castaner ? J’en doute, et d’autant plus depuis les débuts de cette crise sociale inédite dont notre pays n’est pas sorti depuis un an qu’elle a commencé sur les ronds-points de France.

     

     

    La justice sociale n’est pas, ne doit pas être un « détail de l’histoire » : elle doit être la profonde motivation contemporaine de tout Etat digne de ce nom et c’est pour avoir oublié cette exigence de justice que nombre de gouvernements et de régimes, de par le monde, connaissent actuellement des mouvements de révolte souvent massifs et parfois brutaux, rompant avec ce fatalisme et cette non-violence qui, en définitive, semblaient convenir aux dirigeants et légitimaient, d’une certaine manière, leur inertie sociale au profit des grands intérêts financiers et économiques particuliers et au détriment du bien commun que, d’ailleurs, les plus libéraux des libéraux continuent à méconnaître ou à dénigrer dans une logique toute thatchérienne… Margaret Thatcher affirmait que la société n’existait pas, ce qui évitait logiquement d’avoir à traiter de la justice sociale, mais les réalités humaines, individuelles comme collectives, ont défait ce mythe libéral.

    La France ne peut oublier cette exigence de justice sociale que crient les peuples de notre pays, au sein de leurs villes et campagnes, au travers de leurs professions et activités économiques, mais aussi au gré des contestations contemporaines : cette exigence, d’ailleurs, n’est pas à sens unique et elle doit être l’occasion de repenser les fonctions économiques et les rapports sociaux, non dans une logique, vaine et souvent créatrice d’injustices, d’égalitarisme social, mais selon les critères de bien commun, de nécessaire solidarité et entraide, de service et non d’égoïsme ou de grivèlerie économique… La grande question des retraites, qui commence à préoccuper nombre de nos concitoyens, doit être l’occasion de réaffirmer la nécessité d’une justice sociale qui doit inclure plutôt qu’exclure ou marginaliser, qui doit inciter au partage et à la mise en commun et non au repli sur soi de chaque classe sur ses seuls intérêts ou jalousies : elle ne pourra être résolue positivement que par la prise en compte des qualités et des fragilités de chacun, au sein de son cadre socio-professionnel et « d’enracinement », et selon le contexte local et national. En ce sens, une réponse « corporative », c’est-à-dire qui pense le travail dans un cadre professionnel et local, selon des règles établies par branche d’activités ou corps de métier (et cela sans méconnaître les mutations du travail ni les mobilités contemporaines, mais en leur fixant un cadre légal et approprié à ces particularités), apparaît possible et, même, souhaitable : au-delà de la justice sociale, cela assurerait une visibilité et une prévisibilité à des systèmes de retraites qui doivent s’inscrire dans la durée pour satisfaire aux besoins des travailleurs d’hier comme à ceux d’aujourd’hui et de demain.

     

     

    Encore faudrait-il que l’Etat, qui doit être le garant suprême de la justice sociale entre (et pour) tous les corps et citoyens de ce pays, retrouve les moyens d’assurer et d’assumer son rôle de justicier : pour avoir la légitimité et la force d’incarner ce souci éminemment politique, il lui faut être indépendant des jeux de partis et des grandes féodalités financières et économiques, mais aussi des pressions de la « gouvernance » (sic !) de l’Union européenne et de la mondialisation. Il n’est pas certain que, désormais, l’élection du Chef de l’Etat au suffrage universel assure solidement l’indépendance de la magistrature suprême de l’Etat, car les jeux économico-politiciens l’ont prise en otage. Reconquérir l’indépendance pour l’Etat passe par un mode de désignation qui ne doive rien à l’élection sans, pour autant, la dénier pour les autres constituants de la sphère politique (assemblée nationale ; sénat ; municipalités ; chambres économiques, professionnelles, agricoles, etc.) : ainsi, la transmission héréditaire de la magistrature suprême de l’Etat apparaît comme la plus simple et la plus pérenne à long terme pour s’abstraire des égoïsmes politiciens ou particularistes. Que pour la Monarchie royale en France, la main de justice ne soit pas un simple hochet mais un symbole fort et nécessaire de sa vocation sociale, nous paraît comme le signe le plus évident mais aussi le plus exigeant de sa nature politique : si la Monarchie réinstaurée l’oubliait ou le négligeait, elle en paierait le prix le plus élevé, celui du discrédit et de la chute finale, comme le signalait avec véhémence le plus fidèle des royalistes, notre capitaine Georges Bernanos…