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  • Le rejet de la nation, de gauche à droite

     

    Par  Mathieu Bock-Côté

    Cette tribune [13.08] - d'une pertinence toujours égale - est de celles que Mathieu Bock-Côté donne sur son blogue du Journal de Montréal. Il aura été, depuis quelque temps déjà, un observateur lucide non seulement des évolutions politiques des pays dits encore occidentaux mais aussi de leur situation sociétale qui n'est pas de moindre importance.  L'esprit de ces chroniques, comme de celles qu'il donne au Figaro, est, au sens de la littérature et de l'histoire des idées, celui d'un antimoderne, même s'il n'est pas sûr qu'il acquiescerait à cette classification. Il s'est en tout cas imposé, selon nous, comme un esprit de première importance. Mathieu Bock-Côté rappelle ici à propos de la nation et de l'enracinement quelques vérités essentielles lesquelles  sont, d'ailleurs le fond des doctrines qui sont les nôtres.  LFAR 

     

    501680460.5.jpgLe refus de l’enracinement est certainement un des traits caractéristiques de l’idéologie dominante de notre temps. Il trouve des relais à gauche comme à droite. En fait, l'orgueil commun à la gauche radicale « altermondialiste » et à la droite néolibérale globaliste, c’est de regarder la patrie (et plus particulièrement sa patrie) avec condescendance et mépriser ouvertement ceux qui y tiennent, comme s’ils étaient des attardés enfermés dans une époque révolue, et résolus à ne pas en sortir. C’est une forme d’orgueil qui se veut progressiste. Ils sont nombreux à s’en réclamer chez ceux qui se veulent éclairés et à l’avant-garde.

    Lorsqu’ils sont pessimistes et du premier camp, ils spéculent sur une planète qui broierait les frontières et condamnerait les pays à l’insignifiance. C’est une forme de snobisme déguisé en lucidité catastrophiste. Ils prennent la pose, maudissent les étroits d’esprit et administrent leur catéchisme. Ils tonnent : comment peut-on penser à l’échelle nationale quand la solidarité doit être mondiale ?! C’est une phrase creuse mais ils la prennent pour une réflexion profonde. Ils ne comprennent manifestement pas que l'homme a besoin de médiations pour participer au monde. Ils en profitent aussi pour présenter le nationaliste ordinaire comme un petit être mesquin attaché à ses privilèges, sans noblesse, sans humanité. Ils résistent rarement à la tentation de l’accuser de racisme. Il faut dire que le grand pouvoir de la gauche radicale, c'est l'étiquetage idéologique, qui repose sur le pouvoir de l'injure publique.

    Lorsqu’ils sont optimistes et du deuxième camp, ils nous disent qu’un monde mondialisé est riche de tellement de possibles qu’il serait sot de se montrer exagérément attaché à sa patrie – ils n’y voient que la marque d’une psychologie obtuse. L’individu peut être citoyen du monde: n’est-ce pas la plus grande libération de l’histoire humaine ? Ils témoignent alors d’une fausse tendresse vraiment hautaine pour les hommes de « l’ancien monde », attachés à leurs certitudes, et incapables d’oser la liberté, comme s’ils appartenaient encore à l’âge infantile de l’humanité. L’appartenance, chez eux, est strictement contractuelle : elle ne saurait relever de l’héritage. À chaque génération, l’homme doit s’arracher au passé. La révolution technologique, qui est aussi celle des communications, liquiderait les vieilles nations. Au nom de la diversité et de l'ouverture au monde, ils nous invitent à tous nous convertir à l'anglais. Les langues nationales ne seront plus que des reliques.

    Dans les deux cas, ils ne désirent pas masquer leur sentiment de supériorité morale : ils paradent dans l’espace public en le revendiquant. Le cosmopolitisme, chez eux, ne consiste pas à transcender sa patrie mais à la nier, et à en nier le besoin. Ils se disent soucieux de l’avenir du genre humain mais celui qu’ils ne peuvent endurer, c’est l’homme ordinaire, qui aime son pays, qui veut transmettre le monde qu’il a reçu et qui ne voit pas pourquoi il devrait détester les siens pour aimer l’humanité. Ce qu’ils ne peuvent tolérer, c’est l’homme qui a besoin d’une demeure et qui n’a pas honte de vouloir être maître chez lui.  

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Le bouffon des temps tragiques

     

    PAR MATHIEU BOCK-CÔTÉ

    Cette tribune [2.08] - d'une pertinence toujours égale - est l'une de celles que Mathieu Bock-Côté donne sur son blogue du Journal de Montréal. Il aura été, depuis quelque temps déjà, un observateur lucide non seulement des évolutions politiques des pays dits encore occidentaux mais aussi de leur situation sociétale qui n'est pas de moindre importance.  L'esprit de ces chroniques, comme de celles qu'il donne au Figaro, est, au sens de la littérature et de l'histoire des idées, celui d'un antimoderne, même s'il n'est pas sûr qu'il acquiescerait à cette classification. Il s'est en tout cas imposé, selon nous, comme un esprit de première importance. Mathieu Bock-Côté n'est pas tendre ici pour Donald Trump, bien que, comme nous, il ait sans-doute préféré son élection à celle d'Hillary Clinton. Sur ce personnage, chef du plus puissant pays du monde, il nous paraît toutefois lucide.  Ce qui nous rappelle que, de par la nature de ce grand Etat, de ses intérêts, de son système politique et de sa classe dirigeante, les limites de l'alliance américaine doivent être toujours très présentes aux esprits français.  LFAR 

     

    501680460.5.jpgIl peut sembler facile, très facile, et même trop facile, de dire du mal de Donald Trump et de son administration. Hélas, il est difficile d’en dire autre chose !

    Nous sommes manifestement devant un pouvoir grotesque. Il a toutefois cela de particulier qu’il s’exerce à la tête de l’empire qui domine notre temps à un moment de l’histoire qui exigerait de grands dirigeants, capables de faire face à une époque tragique.

    Il y a quelque chose de saisissant à lire d’un côté les déboires d’un président fantasque et de l’autre, l’explosion d’une actualité internationale agitée qui laisse deviner des années difficiles.

    Histoire

    C’est le paradoxe de Trump : il prétend incarner un renouveau de la puissance américaine, mais il tourne son pays en ridicule sur la scène mondiale.

    Évidemment, l’Amérique survira à Trump, mais il aura contribué à son affaiblissement. Il en viendra un jour à représenter un dérèglement possible de la démocratie qui, toujours, peut céder aux démagogues, même si ceux-ci jouent souvent sur des inquiétudes populaires légitimes pour se hisser au pouvoir.

    Trump a conquis la Maison-Blanche en prenant au sérieux le sentiment de dépossession d’un grand nombre d’Américains. Il les trahit en se montrant incapable de se hisser à la hauteur de sa nouvelle fonction.

    Il voulait transgresser le politiquement correct, mais il en est venu à piétiner les exigences élémentaires de la décence.

    Revenons-y : l’époque est tragique et nous ne semblons toujours pas l’accepter.

    Revenons au début des années 1990. Après la chute du communisme, le monde occidental se croyait engagé sur le chemin de la paix perpétuelle. Certes, on trouverait encore ici et là des poches de résistance à la modernité.

    Mais le monde serait en voie de s’unir sous la pression du commerce et grâce au génie des droits de l’homme. La révolution technologique ferait de la planète un immense village.

    Les vieux conflits entre les pays, les religions et les civilisations deviendraient tout simplement incompréhensibles.

    Mondialisation

    Tout cela nous semble aujourd’hui terriblement ridicule.

    Qu’on pense seulement à la Russie de Poutine. Elle est dans une quête de puissance classique qui semble incompréhensible à ceux qui ne jurent que par la vie festive.

    Qu’on pense aux migrations massives, surtout celles qui frappent l’Europe : elles annoncent un monde chaotique qui fragilisera comme jamais le vieux monde.

    Qu’on pense aux fantasmes nucléaires de la Corée du Nord.

    Pensons, de manière plus heureuse, cette fois, au Brexit : en votant en sa faveur, les Britanniques ont rappelé que l’indépendance nationale demeure une valeur cardinale. Dans un monde bouillant, les peuples redécouvrent l’importance vitale des frontières.

    Retour à Trump. À certains égards, il représentait une révolte du peuple américain contre les excès de la mondialisation et un désir de réaffirmer une vision plus traditionnelle des États-Unis, plus adéquate pour affronter les temps nouveaux.

    Jusqu’à présent, il a tout gâché en se contentant d’être la caricature de lui-même. Il n’a pas su quoi faire de sa victoire. On ne voit pas comment il pourrait changer de cap.  

    MATHIEU BOCK-CÔTÉ

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • MEDIAS • Il avait pour nom… Jacques Chancel ... Par Bruno Stéphane-Chambon

    Chancel             

     

    Jacques Chancel, de son vrai nom Joseph Jacques André Régis Crampes, était né le 2 juillet 1928, en pays bigourdan, sur le flanc des Pyrénées.

    Il avait donné ses lettres de noblesse à la radio et à la télévision. A une époque où le dégueulis médiatique et l’exclusion de certains chroniqueurs impertinents sont de rigueur, comment ne pas avoir la nostalgie de ces grandes émissions qu’il avait créées et qui relevaient de l’excellence de par le choix des thèmes et des invités ?

    A partir de 1968, il anima l’émission quotidienne Radioscopie sur France Inter. Depuis 22 ans, 6 826 émissions furent enregistrées ! Ces entretiens se déroulaient avec les personnalités les plus marquantes de notre époque, personnalités politiques de tous bords, grands médecins, scientifiques, artistes, musiciens et écrivains. Il est surprenant de relever la diversité des personnages qu’il recevait : de Brigitte Bardot à Henry de Montherlant, en passant par le cardinal Daniélou, d’Abel Gance à Chagall en passant par Léon Zitrone, et de Jean-Paul Sartre à Raymond Devos. Plus encore, il recevait la grande classe politique avec Jacques Duclos, Marcel Dassault, Régis Debray, le général Bigeard, Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Attali, Jean-Pierre Chevènement, Jacques Chirac, Georges Marchais, Michel Poniatowski, Michel Rocard…. Le choix de ses invités était parfois ressenti comme de la provocation. Mais Jacques Chancel ne craignait ni la polémique ni la confrontation avec ses pairs : il n’hésita pas à recevoir dans son studio Lucien Rebatet ou Monseigneur Lefebvre.

    Sur le petit écran, il anima de 1972 à 1989, une émission phare : Le Grand Échiquier.

    Son principe ? Inviter de grandes personnalités, musiciens, chanteurs, peintres, écrivains, philosophes, historiens, scientifiques et, même, sportifs de haut niveau. L’émission de déroulait en direct sur une durée de trois heures dans un studio des Buttes Chaumont, décoré avec goût et magnificence. Le premier invité fut Yves Montand. Pour la dernière, qui eut lieu le jeudi 21 décembre 1989, ce fut le chanteur d’opéra Ruggero Raimondi. On ne saurait citer tous les prestigieux intervenants, mais on notera de façon non exhaustive leur diversité. Ainsi, grâce à ce magicien de l’audiovisuel, nous pouvions partager notre soirée en famille avec Léo Ferré, Herbert Pagani, Arthur Rubinstein, Lino Ventura, Maurice André, Alain Delon, Herbert von Karajan, Luciano Pavarotti, Ray Charles, Isabelle Adjani, Charles Trenet, Alain Prost, Bernard Hinault, François Truffaut et combien d’autres encore.

    Depuis ses jeunes années, Jacques Chancel n’avait cessé d’écrire. On relèvera plus de vingt romans et essais dont, en 2001, une anthologie, La Mémoire de l’encre, les 365 plus belles pages de la littérature française.

    Comment ne pas rappeler son premier roman, paru en 1950 aux éditions Catinat, L’Eurasienne (éd.Hachette littérature) qui reçut le Prix des Maisons de la Presse ? Sans oublier le message d’espoir constitué par N’oublie pas de vivre, Journal 2007-2010(Flammarion, 2011). Mais c’est aussi avec émotion que nous citerons Le Livre des listes (Olivier Orban, 1980) et Franchise postale (Mazarine, 1983) qui ont été écrits en collaboration avec Marcel Jullian, qui fut membre du Comité de parrainage de Politique Magazine.

    Membre du Haut Conseil de la Francophonie, il avait été promu en 2008 commandeur de la Légion d’honneur. Passionné de cyclisme, il suivait chaque année le Tour de France et reçu en 2005 le Prix Henri Desgrange de l’Académie des sports qui est décerné à un journaliste ayant servi, par la qualité de son écriture et de ses interventions, la cause sportive.

    Le 11 mars 2014, Franck Ferrand dans son excellente émission « Au cœur de l’Histoire » sur les ondes d’Europe 1, avait interviewé Jacques Chancel qui lui raconta ses souvenirs de la guerre d’Indochine regroupés dans son ouvrage La nuit attendra, édité chez Flammarion. Nous avions eu l’honneur de présenter ce livre le 9 octobre 2014, sur notre site. Correspondant de guerre à l’âge de dix-sept ans, Chancel était resté dans le sud-est asiatique, de 1950 à 1958. Cette expérience l’avait profondément marquée. Il était resté profondément attaché à ces contrées lointaines où il avait forgé des amitiés avec les grands reporters et cinéastes qui couvraient, comme lui, la tragédie qui s’y déroulait. Ils avaient pour noms, Lucien Bodard, Jean Lartéguy, Max Clos, André Le Bon, Georges Kowal, l’américain Dixie Reese, Jean Péraud et Pierre Schœndœrffer.

    Ce 23 décembre 2014, à l’âge de 86 ans, Jacques Chancel vient de les rejoindre pour toujours… Le réalisateur et directeur de la photographie, Raoul Cotard, et l’héroïne Geneviève de Galard, infirmière à Dien Biên Phu, restent les derniers témoins de cette grande aventure. 

     

    Politique magazine
  • François et la théorie du genre : surprise, le pape est... catholique !

     

    Par Alexis Feertchak  4.10

    Le pape François a estimé que la théorie du genre était une « colonisation idéologique ». Gérard Leclerc expose comment la gauche s'est trompée en croyant que l'évêque de Rome obéissait aux canons du progressisme. [Figarovox - 4.10]

     

    XVM495e5cb0-8a51-11e6-8bce-57b23a9183a7-100x108.jpgLe pape François a vivement critiqué les manuels scolaires qu'il juge imprégnés par la théorie du genre. Il a employé des termes forts, notamment celui de « colonisation idéologique ». Cela vous étonne-t-il ?

    Ce n'est pas la première fois qu'il emploie le terme de colonisation. J'ai le sentiment que, comme Argentin, le pape a une sensibilité à vif sur ces phénomènes d'intoxication idéologique à grande échelle que le continent sud-américain a historiquement bien connus. On importe sur certains continents des idéologies venues d'ailleurs.

    Par ailleurs, on sait que le Vatican est un lieu de réception tout à fait exceptionnel de l'information à l'échelle planétaire car Rome est au centre de réseaux divers, diplomatiques mais pas seulement, qui couvrent le monde entier. Je ne pense pas que ce soit sans biscuit que le pape s'est embarqué ainsi. Il y a un tas d'informations qui lui remontent du monde entier sur cette idéologie du genre qui fait partout des ravages.

    À gauche, Najat Vallaud-Belkacem a rapidement réagi, expliquant que le pape avait été victime d'une campagne de désinformation. Cela vous paraît-il crédible ?

    Non, pas du tout. Il y a deux choses néanmoins. Il y a le fait que le pape se réfère à un témoignage personnel venu de France : un papa qui a été très étonné de la réaction de son fils quand celui-ci lui a dit qu'il voulait devenir une fille. D'après le père en question, cela venait de l'école. Mais au-delà de ce témoignage personnel, n'oublions pas que c'est en 2011 sous le ministère Chatel que les manuels scolaires de Sciences & Vie de la Terre ont introduit en classes de Première quelques éléments de la théorie du genre. Il ne faut pas non plus sous-estimer l'enseignement direct. Souvent, les professeurs eux-mêmes transmettent ces idées-là à leurs élèves. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant car ce sont des idées qui courent le monde.

    Le ministre de l'Éducation nationale a ajouté que la théorie du genre n'existait pas. Ces idées qui courent le monde et que vous venez d'évoquer sont-elles assumées ouvertement ?

    Certains journaux de gauche sont quand même gonflés ! Ils nous ont vanté depuis le début de notre jeune siècle les mérites de Judith Butler, intellectuel génial et qui aurait renouvelé le champ de la philosophie et des sciences humaines. Ils nous l'ont vendue comme une révélation bouleversante qui dynamitait la culture ancienne. Pensons aux débats au moment du Mariage pour tous: Christiane Taubira parlait alors d'un véritable changement de civilisation. Alors, il faudrait savoir ! S'est-il vraiment produit une révolution dans le champ culturel et anthropologique ? Avec le Mariage pour tous, a-t-on vraiment assisté à une rupture de civilisation ? Il faudrait qu'ils se mettent d'accord avec eux-mêmes car aujourd'hui les mêmes journaux et les mêmes réseaux nous serinent qu'il n'y a pas de théorie du genre, mais qu'il n'y a en fait que des « études de genre » (gender studies) qui ne seraient structurées par aucune philosophie, mais qui reposeraient uniquement sur des méthodes d'observation. On serait dans le domaine de la pure scientificité. Évidemment, c'est se moquer du monde car il est bien certain que tout ce secteur des sciences humaines qui s'est développé d'une façon absolument démesurée est structuré par des courants philosophiques, ne serait-ce que par la fameuse French Theory qui eut des conséquences considérables dans le monde universitaire américain en important la pensée de philosophes français comme Louis Althusser, Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Michel Foucault et bien d'autres.

    Que pensez-vous des personnes qui, à gauche, s'étonnent des propos du pape François ? Ces derniers expliquent en substance que les mots du pape sur la théorie du genre sont en inadéquation avec ses propos progressistes sur les questions économiques, sociales, écologiques et migratoires. Qu'en est-il ?

    Ces personnes ont fabriqué une image stéréotypée du pape François sur un modèle préfabriqué de type progressiste qui ne correspond pas du tout à la réalité. Ils ont retenu un certain nombre de choses : son discours écologique, ses sorties contre l'argent, sa défense des migrants, mais ça ne veut pas dire pour autant que le pape est un parfait progressiste selon leurs canons à eux. Ils choisissent dans les propos du pape ce qui les arrange. Car s'ils étaient un peu sérieux, ils s'apercevraient que ce pape aurait de quoi leur faire peur ! Par exemple, c'est le premier pape que je vois citer avec autant de force un auteur comme le terrible Léon Bloy. Dans sa première homélie de pape, François a cité l'écrivain en disant : « qui n'adore pas le Christ adore le diable ». D'ailleurs, parmi les papes modernes, François est sans doute celui qui ose le plus parler du satanique et du diabolique. C'est un jésuite formé aux disciplines de la spiritualité de saint Ignace. C'est quelqu'un d'extrêmement rigoureux, qu'on ne prendra pas en défaut sur la doctrine catholique. On objectera tout ce qui a eu lieu et ce qu'il a dit à propos de la famille, notamment de l'ouverture de l'eucharistie aux personnes divorcées. Mais, à mon sens, on a surévalué cet aspect-là car le pape, même quand il veut opérer une ouverture sur ce côté, se montre très prudent avec des conditions qui font que l'exercice de cette ouverture eucharistique est quand même soumise à des canons en définitive très limités. À mon sens, il y a un mythe qui s'est constitué autour d'un François progressiste. On est très loin du personnage réel. 

    Gérard Leclerc est un journaliste, philosophe et essayiste. Il est éditorialiste à France catholique et à Radio Notre-Dame.

    Alexis Feertchak   

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    Bérénice Levet : « Le système scolaire tout entier est imprégné des fondements de la théorie du genre »

    Il est contre la « colonisation idéologique » : François, Janus aux deux visages...     

  • Robert Redeker : « Le terrorisme islamiste s'épanouit grâce à la mauvaise conscience de la France »

     

    Par Robert Redeker

    Depuis les années 1980, la peur panique de paraître « méchants » a conduit les Français à tout accepter, y compris l'inacceptable : C'est ce que Robert Redeker expose dans cet entretien donné au Figaro [27.07] et dont nous partageons les analyses. A une exception près : pour nous, « les vrais valeurs républicaines » ne sont pas celles qui peuvent nous faire renouer avec notre passé, notre culture, notre identité, nos racines. La République s'est fondée sur leur négation. Elle les a toujours combattues, jusqu'à aujourd'hui, inclus. Ce qui, d'ailleurs, nous paraît rendre ce régime incapable de lutter en profondeur contre tout ce qui nous détruit. Le terrorisme, bien-sûr, mais pas seulement ...  LFAR   

     

    XVM89cc2068-5354-11e6-b7bb-2c1e9cbaa47d.jpgQue vous inspire l'assassinat du prêtre de Saint-Étienne-du-Rouvray ?

    Cet attentat contre une église est un message adressé aux chrétiens par les islamistes. Ils aimeraient voir la France ressembler à la Syrie et à l'Irak, où les chrétiens sont victimes d'un quasi-génocide. Le plus odieux est que l'idéologie islamiste cherche à faire croire que ce sont les musulmans qui sont persécutés partout dans le monde, que ce sont eux les victimes par définition. Mais la réalité géopolitique est bien différente. Cette vérité planétaire atteint maintenant la France aussi. Et pourtant, le déni continue : à chaque fois que c'est possible, le gouvernement et de nombreux médias disculpent l'islamisme de ces attentats en réduisant les terroristes à des catégories psychiatriques (les «déséquilibrés»). Un habitant de la planète Sirius qui écouterait les radios et regarderait les télévisions françaises finirait par se persuader que la France est victime d'un terrorisme tout à fait particulier, qu'elle est en proie à une vague de terrorisme psychiatrique, un terrorisme de psychopathes. Souvent, cet habitant de Sirius pourrait même ignorer que le terrorisme qui ensanglante la France se réfère à l'islam.

    Que pensez de l'action du gouvernement contre le djihadisme depuis les attentats de janvier 2015 ?

    Un ministre de l'Intérieur confronté à un tel bilan devrait démissionner. Le gouvernement de Manuel Valls use du vocabulaire de la guerre sans mener la guerre. Prenons un exemple. Si nous sommes en guerre, les milliers de jeunes Français qui s'enrôlent dans les rangs de l'État islamique en Syrie et en Irak, qui prennent les armes contre leur propre patrie, qui tuent des civils sont des traîtres. Or, il est question de les mettre dans des « centres de déradicalisation ». Par conséquent, pour le gouvernement comme pour l'idéologie dominante dans les médias, les Français partis en Syrie et en Irak ne sont pas des traîtres, ce sont des «radicalisés»! Chacun se souvient du fatalisme de François Mitterrand le 14 juillet 1993 sur la question du chômage: « Contre le chômage, on a tout essayé », déclara-t-il ce jour-là. Habituez-vous au chômage, nous n'y pouvons plus grand-chose, telle semblait sa pensée! François Hollande, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve étendent le fatalisme économique de Mitterrand à la sécurité: habituez-vous aux attentats comme vous vous êtes habitués jadis au chômage, paraissent-ils nous dire.

    Ne faut-il pas faire au moins crédit à l'exécutif de l'extrême difficulté de sa tâche ?

    François Hollande est l'homme politique le plus méprisé de toute l'histoire de la Ve République. Plus aucun Français ne l'écoute sérieusement. Il a annoncé la fin de l'état d'urgence le 14 juillet à 12 heures et a annoncé sa prolongation à 23 heures après l'attentat de Nice ! Cependant, la droite parlementaire aurait tort de se réjouir de cette situation. Elle a les mêmes habitudes, et souffre du même discrédit - quelques mois après son retour aux affaires, elle serait vraisemblablement dans le même état que la gauche aujourd'hui.

    Qu'est-ce qui, selon vous, fait défaut aux plus hautes autorités de l'État : la lucidité ? Le caractère ? L'esprit de suite ?

    La nécessité de combattre le terrorisme islamiste se heurte à une barrière idéologique: le refus de considérer que l'islamisme est une des versions de l'islam. Un écrivain comme Boualem Sansal, qui est mon ami, pense ce lien. Il faut aider les musulmans à guérir « la maladie»  - je reprends le vocabulaire d'Abdelwahab Meddeb - qui gangrène l'islam, et dont le nom est islamisme. Sophistes et tentateurs, les prédicateurs islamistes parlent une langue et utilisent des images qui sont familières à tout musulman - afin de tromper ces musulmans. De surcroît, le projet des islamistes est favorisé par le climat intellectuel qui a triomphé en France depuis les années 1980. Les vraies valeurs républicaines - expression dont on se gargarise pour faire oublier leur disparition - ont été abandonnées au nom d'un culte fétichiste de l'Étranger, de l'Autre, du Différent, qui a toujours raison. Derrière ce culte se cachent la haine de soi et la repentance. La destruction de l'école est une des causes de notre drame car elle sépare le peuple français de son passé, de sa langue et de sa culture. On enseigne aux enfants de l'immigration que nous, Français, sommes des croisés, des esclavagistes, des colonisateurs, coupables et méprisables. Sous couvert du respect de la différence, l'aversion de ce qui est français, européen et occidental domine. En justifiant le rejet de la France et de sa culture, l'école a créé et fertilise le terreau psychologique sur lequel l'islamisme peut se développer et prospérer sans obstacle. 

    * Le prochain ouvrage de Robert Redeker, L'École fantôme, paraîtra aux éditions du Rocher en septembre.

    Robert Redeker           

  • Avant Donald, François ... Attention : un séisme pourrait-il en cacher un autre ?

     

    Mur-bleu gds.jpgSur le Niagara de commentaires dont nous avons été - et sommes encore - abreuvés à propos de l'élection de Donald, est-il utile de revenir ? Les journaleux papier-radio-télé nous ont assez dit ce qu'il fallait faire (installer un abri antiatomique dans nos jardins ou caves, et stocker des provisions pour quatre ans, en attendant que les effets de la bombe Trump ne se dissipent), il semble que l'on puisse, maintenant, passer à autre chose, car cela devient, franchement, lassant.

    Surtout que, question séisme, il y a matière à écouter, lire et... réfléchir.

    Obsédés, jusqu'à la névrose, par la défaite de « leur » Hillary (salaud de peuple ! répètent, en boucle, nos bons démocrates et républicains...) les journaleux n'ont pas vu et entendu - ou pas voulu entendre et voir - l'autre éruption volcanique qui s'était produite le premier novembre, juste une semaine avant l'élection états-unienne, qui était du 8. Ils étaient tellement focalisés sur Donald qu'ils n'ont pas prêté attention à... François.

    Eh, oui, le 1er novembre, dans l'avion qui le ramenait de Suède - où il avait été curieusement assez indulgent pour Luther - François a lâché une bombe : certes, pas une bombe atomique (deux, en fait, « à la Truman ») mais une bombe tout de même, et qui ne restera pas sans conséquence(s).

    On le sait, dans l'avion qui les emmène lors de leurs voyages apostoliques, les Papes, depuis Paul VI et Jean-Paul II, aiment bien parler aux journalistes, en cabine. Et François a parlé... et ses paroles marquent un certain tournant par rapport à ses paroles précédentes

    D'abord, il a invité les gouvernements à traiter « avec prudence » la question de l'immigration. Si on était Madame Merkel - avec son million huit d'immigrés à qui elle a fait dire « Willkommen », et dont au moins quelques uns ont déjà « sauté »  chez nous, merci... - on se sentirait un peu gêné...

    Bon, d'accord, les grincheux diront que François se contredit : pourtant, c'est bien connu, l'Eglise ne veut pas la mort du pêcheur, mais sa conversion. François ayant pêché par angélisme, par naïveté et tout ce que l'on voudra, on ne va tout de même pas lui reprocher, ou lui interdire, de faire marche arrière et de changer - un tant soit peu - d'avis !

    Surtout que, là, dans l'avion, François a été clair : « ... en théorie (admirez le jésuite !) on ne peut pas fermer son coeur à un réfugié, mais la prudence des gouvernants est également nécessaire...» et il a continué en affirmant que les Etats ont le droit et le devoir « de faire preuve de responsabilité dans la gestion de leurs flux migratoires »; il a ensuite distingué le « réfugié » du « migrant », celui-ci ayant le droit de migrer mais que « migrer est un droit très réglementé ». Il  a mis en garde les Etats contre « l'imprudence politique » qui consiste à « recevoir plus de personnes qu'on ne peut en intégrer... (car) que se passe-t-il quand un réfugié ou un migrant n'est pas intégré ? Il se ghettoïse, entre dans un ghetto. Et une culture qui se développe sans entrer en relation avec l'autre culture, c'est dangereux ».

    En fait, François ne fait que revenir à la relative prudence de ses prédécesseurs, Benoît XVI et Jean-Paul II et... au Catéchisme de l'Eglise catholique !

    Benoît XVI ne disait-il pas que "les Etats ont le droit de réglementer les flux migratoires et de défendre leurs frontières" ? Et Jean-Paul II, allant encore plus loin, ne parlait-il pas du « droit des Nations » ? Quant au Catéchisme de l'Eglise catholique, voulu et réalisé par le même Jean-Paul II, il est très clair sur le sujet*

    On ne peut donc que se réjouir, sur un sujet si important qu'il en devient vital, de ce virage pris par le chef de l'Eglise catholique. Après tant de gestes accomplis par les derniers papes en soutien de l'immigration ... Nos journaleux ne l'ont pas vu, eux dont l'esprit est intégralement rempli par l'idéologie et dont - de toutes façons - la capitale mentale est New York. Pourtant, le changement de cap papal, s'il devait se confirmer, est aussi important pour nous, et nous concerne autant, et plus, que l'élection états-unienne. Oui, mais, voilà : les journaleux et autre auto-proclamés « élites » (!) ont oublié que nous sommes en France, et que nos capitales, avec Paris, sont Athènes, Rome et Jérusalem. S'il est légitime qu'ils regardent ce qui se passe partout dans le monde, leur idéologie de fond et le  yanqui-centrisme qui s'y rajoute leur interdit de voir le dit monde autrement qu'avec des lunettes, en l'occurrence, you-éssé...

    C'est triste, mais surtout pour eux, car pendant qu'ils tournent en rond autour de leurs obsessions, le monde, lui, continue aussi de tourner, mais de plus en plus sans eux; voire contre eux...

    * Catéchisme de l'Eglise Catholique, page 459 [troisième partie, deuxième section, chapitre deuxième, article 4, paragraphe 5 et dernier, côté 2241].

    « Les nations mieux pourvues sont tenues d'accueillir autant que faire se peut l'étranger en quête de la sécurité et des ressources vitales qu'il ne peut trouver dans son pays d'origine. Les pouvoirs publics veilleront au respect du droit naturel qui place l'hôte sous la protection de ceux qui le reçoivent.

    Les autorités politiques peuvent en vue du bien commun dont elles ont la charge subordonner l'exercice du droit d'immigration à diverses conditions juridiques, notamment au respect des devoirs des migrants à l'égard du pays d'adoption. L'immigré est tenu de respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et spirituel de son pays d'accueil, d'obéir à ses lois et de contribuer à ses charges. »

  • Lettre de Louis XIV à Jean-Michel Aphatie

     

    Par David Brunat

     
    PASTICHE - Il y a deux jours, le cas « Jean-Michel Aphatie » a été pointé du doigt dans ces colonnes*. Depuis, les réactions à ses honteuses déclarations se sont multipliées. Il y a maintenant une affaire Apathie. Ainsi, dans Figarovox [15.11], David Brunat a publié ce judicieux et savoureux pastiche. Qui a du sens, sous le jeu de ce genre littéraire. Le Roi-Soleil répond à Jean-Michel Aphatie après que celui-ci a déclaré qu'il souhaitait démolir le château de Versailles, tout en précisant ensuite qu'il s'agissait de second degré ... LFAR 
     

    David%20Brunat.jpgQuel genre d'insolent êtes-vous ? Avez-vous perdu la raison ? Ignorez-vous ce qu'il en a coûté à d'autres de parler en si mauvaise part de moi et de mes biens ? Ah, si Dieu m'avait donné plus longue vie, comme j'eusse eu plaisir à vous faire donner le bâton, à vous faire ravaler votre impudence dans le fond d'un cachot, à vous soumettre à la roue !

    Ainsi donc, l'on me mande que vous avez à cœur de raser mon château, qui a exigé de mes Sujets tant d'efforts et tant de génie ! D'anéantir le fleuron de mon Royaume, l'orgueil de mon règne ! De faire disparaître sans autre forme de procès ce chef-d'œuvre de l'art et de l'intelligence, qui fait depuis trois siècles l'admiration de l'univers et la joie des touristes du monde entier! (soit dit en passant, cette babiole que vous voulez dynamiter rapporte à la France des millions et des millions chaque année alors qu'on n'a cessé de vilipender les dépenses que j'ai dû engager pour le bâtir et l'embellir … Preuve que la rentabilité de long terme de certains projets se joue des politiques budgétaires restrictives chères aux ronds-de-cuir et autres petits marquis.)

    Donc, à bas Versailles ! S'il s'agit d'humour, sachez que je goûte infiniment plus celui de M. de Molière. On m'explique qu'il s'agit de « second degré. » Diable ! Qu'est-ce là que ce second degré bien apathique ? Je vous en conjure: restez-en au premier degré, au rez-de-chaussée, à l'entresol, au sous-sol, que sais-je. Je conçois que l'idée de grandeur vous soit étrangère, mais est-ce une raison pour manifester une si extraordinaire animosité à mon endroit ?

    Bref, que vous ai-je donc fait, Monsieur, pour que ma maison vous inspire un tel déplaisir ? Aurais-je de mon côté la fantaisie de m'en prendre à la vôtre ? Oui, je parle de cette Maison dite de la Radio, où vous officiez maintenant après avoir dragué l'or du Grand Canal - avant qu'il ne soit conquis par un Fouquet moderne qui est en train de l'assécher - et occupé le micro d'argent de diverses stations radiophoniques. Il y aurait à redire sur le fonctionnement de votre Maison, sur son ascendant dans la formation de l'opinion publique française. Je m'en garderai.

    L'on me mande aussi que vous émettez des doutes sur le suffrage universel - qui est pour moi une chose bien peu compréhensible -, auquel vous semblez attaché quand les électeurs votent selon vos vœux, mais auquel vous voudriez réserver le même sort qu'à ma maison lorsqu'il en va différemment. Je suis bien d'accord avec vous sur le fait que ce M. Trump est un soudard, un pendard, un bourgeois gentilhomme qui abuse son monde. Mais le triomphe que lui ont fait les Américains justifie-t-il vos sorties intempestives et vos sentiments démocratiques à géométrie variable ?

    Ah! l'on m'a souvent fait grief de gouverner sans frein. Ce motherfucker de Saint-Simon, qui me haïssait, n'a cessé de médire de moi et d'écrire à mon propos les choses les plus désagréables du monde, tout en me suppliant de lui octroyer une mansarde dans ma maison versaillaise. Si vous aviez du talent, vous me feriez penser à lui. Il me prenait pour un despote, pour un buveur de sang, mais il ignorait qu'il y a en tout homme, à partir du moment où il dispose d'un peu de pouvoir ou d'un peu d'influence sur les autres, un despote en germe qui, parfois, ne demande qu'à éclore ; et je crois que vos considérations sur les limites du suffrage universel prouvent quelque chose de cet ordre-là.

    Quoi qu'il en soit, je pense que le suffrage des siècles - auquel je tiens, pour le coup - et l'admiration des hommes pour mon sweet home versaillais m'offriront de solides garanties contre les velléités destructrices des Croquants dans votre genre.

    Sur ce, Monsieur, je retourne au paradis des héros français et vous laisse avec votre pelle et votre truelle démolir tous les châteaux de sable que vous voulez.

    Louis, propriétaire perpétuel 

    « ... Le suffrage des siècles - auquel je tiens, pour le coup ... »  

     
    Normalien et philosophe de formation, David Brunat est écrivain et conseiller en communication.
     
    Lire aussi dans Lafautearousseau ...
     
  • Société • Mathieu Bock-Côté : la crèche et la nation

    Crèche de Noël, installée dans la mairie des XIIIe et XIVe arrondissements de Marseille en décembre 2014 

    Par Mathieu Bock-Côté
     
    Cette chronique - remarquable comme les précédentes - a été publiée dans Figarovox le mardi 8 novembre, un jour avant que le Conseil d'État ne rende sa décision relative à la place des crèches dans les bâtiments publics. Pour Mathieu Bock-Côté, si toutes les convictions sont égales devant la loi, toutes les traditions religieuses ne le sont pas devant la mémoire. Sa réflexion va, comme toujours à l'essentiel.  LFAR
     

    3222752275.jpgRares sont ceux, probablement, qui n'abordent pas avec une certaine perplexité la querelle entourant la place accordée ou non à la crèche dans les bâtiments publics. Non pas qu'elle soit sans intérêt : au contraire, cette querelle pose la question du rapport de la nation française avec le catholicisme, qui l'a marqué d'une profonde empreinte, et qui est encore agissant en elle, malgré la sacralisation de la laïcité républicaine. N'est-il pas légitime que l'identité historique d'une nation s'inscrive de différentes manières au cœur de ses institutions ? En fait, on se demande comment on peut voir dans la présence publique de ce symbole un scandale, à une époque où le catholicisme n'a plus rien de conquérant et semble surtout demander qu'on reconnaisse sa valeur patrimoniale. Faut-il vraiment s'offusquer de cette trace visible de la religion du pays dans ses institutions ? La crèche compromet-elle sérieusement la laïcité ? Qui s'imagine vraiment que le catholicisme français témoignerait ici d'un fantasme de la restauration ?

    Mais on le sait, la querelle de la crèche s'inscrit dans un contexte politique fort agité. En un mot, la France est aujourd'hui fragilisée comme jamais. L'immigration massive des dernières décennies a engendré une mutation identitaire majeure que seuls les gardiens de la révolution diversitaire diront heureuse. Spontanément, le pays, de mille manières, veut rappeler aux immigrés qu'ils ne rejoignent pas une page blanche non plus qu'un no man's land administratif. Il veut réaffirmer son identité trop longtemps occultée. La France n'est pas qu'une république laïque désirant incarner de manière exemplaire des principes universels. C'est aussi un vieux pays aux profondes racines chrétiennes. Si toutes les convictions sont égales devant la loi, toutes les traditions religieuses ne sont pas égales devant la mémoire. Il s'agit dès lors de rendre visible la marque chrétienne de l'identité française, pour rappeler aux immigrés dans quel monde ils arrivent et quel univers symbolique ils doivent accepter et intérioriser.

    Mais il faut probablement aller au-delà de ce désir de conserver la particularité historique du pays pour comprendre ce qui pousse plusieurs à se tourner vers la crèche, et peut-être inconsciemment, par-là, vers la croix. La seule référence à la république, aussi essentielle soit-elle, ne suffit manifestement plus à définir ce que les Français cherchent à sauver et à défendre. Et dès lors, s'ils cherchent à se définir autrement, ou du moins, s'ils cherchent une définition plus complète d'eux-mêmes, ils se tournent spontanément vers ce qui semble être leur plus ancienne tradition. Ou du moins, ils semblent croire que les références chrétiennes permettent de toucher la part la plus intime du pays ou ce qu'on aurait appelé autrefois ses origines. La crèche devient donc un symbole politique censé permettre à la nation de se connecter avec ses profondeurs intimes et de réactiver les strates les plus profondes de l'identité nationale. Il s'agit de se mobiliser en rappelant ce qu'on pourrait appeler la part sacrée de la patrie, enfouie sous la modernité.

    On aurait tort, toutefois, d'y voir un désir plus ou moins refoulé de confessionnalisation de la vie politique. D'ailleurs, sauf dans les marges les plus lointaines de la vie politique, on ne trouvera personne entretenant cette aspiration. On doit plutôt voir dans cette mémoire catholique politiquement revendiquée une manière de ressaisir une identité plus charnelle, plus substantielle, ne se laissant pas dissoudre dans les seuls paramètres de la modernité contractualiste. Le catholicisme, aussi universaliste soit-il dans ses prétentions, devient alors le symbole de ce qui est spécifiquement français, ou plus largement, puisque ce phénomène est présent aussi dans d'autres pays, de ce qui est spécifiquement occidental dans l'identité française. À tout le moins, il se présente comme une tradition permettant à la France d'assurer sa continuité historique et d'assumer son histoire longue.

    Ce catholicisme patrimonial, censé conduire aux strates profondes de l'identité nationale, n'est donc pas contradictoire, dans l'esprit public, avec la laïcité. On peut, à bon droit, et avec raison, distinguer le catholicisme comme religion culturelle et le catholicisme comme foi, et vouloir accorder ses droits au premier sans se plier aux convictions métaphysiques du second. Les croyants répondront que coupé de sa source, le premier est condamné à la sécheresse. Mais ce n'est pas à l'État à trancher dans cette querelle qui ne le concerne pas vraiment. On ne voit pas pourquoi on lui prêterait une compétence théologique et comment on pourrait empêcher un croyant de voir dans une crèche quelque chose de plus qu'un symbole patrimonial. Mais l'État, toutefois, exprime politiquement une nation historique aux sources identitaires nombreuses, et doit, dans une certaine mesure, s'alimenter à chacune d'entre elles, en sachant que d'une époque à une autre, toutes ne seront pas également sollicitées.

    Dans un monde où ce qu'on nomme plus ou moins adéquatement le choc des civilisations prend surtout le visage de l'islam conquérant, on comprend que chaque peuple revienne sur ce qu'il croit être sa propre tradition religieuse. Le paradoxe du monde occidental, aujourd'hui, est d'y revenir sans trop y croire, tout en sachant que ses racines chrétiennes le connectent à une part de l'existence qu'il ne peut renier sans s'appauvrir mais qu'il ne sait plus trop comment symboliser. Une chose est certaine: le politique, quoi qu'on en pense, est lié à une certaine idée de l'homme, ainsi qu'à une certaine idée de sacré. Il s'inscrit, autrement dit, dans une civilisation qui donne une réponse particulière aux grandes questions qui traversent l'âme humaine. Il n'est pas surprenant que l'esprit public, aujourd'hui, refuse de voir une contradiction entre la laïcité et les racines chrétiennes: elles représentent deux visages d'une même civilisation. 

    « La seule référence à la république, aussi essentielle soit-elle, ne suffit manifestement plus à définir ce que les Français cherchent à sauver et à défendre. »

    Mathieu Bock-Côté

    XVM7713ddbc-9f4e-11e6-abb9-e8c5dc8d0059-120x186.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf.

  • LIVRES & SOCIETE • Quand les politiques se la jouent écrivains…

      

    par Gabriel de Noves

    Un billet dont on appréciera l'exhaustivité et l'humour. 

    Les hommes politiques croient bon d’envahir émissions de radio et de télévision avec des livres censés anoblir leur statut aux yeux de l’opinion. Leurs chiffres de ventes font parfois très mal.

    Parmi la panoplie de trucs dont dispose l’homo politicus pour faire valoir la légitimité suprême de sa petite personne, le livre est devenu un incontournable. En lui-même, son contenu n’a pas grande importance. Parodie hugolienne ébouriffée chez un Villepin, balbutiement de programme chez une Pécresse, laborieuse copie de khâgneux chez un Guaino ou dernièrement un Fillon, peu importe. L’essentiel est comme toujours de vendre une image. Des mots contre une image, voilà le deal. Voilà la seule ambition de ces livres que personne n’a envie de lire, cadeaux de hantise pour tous les pères de famille…

    Le deal est des plus sommaires, mais l’homme politique s’y laisse prendre, s’émerveillant de son propre charme dans ce rôle pourtant grotesque de Chateaubriand des temps modernes, de chevalier prêt à défendre ses « convictions » sur tous les plateaux de télé qu’il rencontrera – grâce au plan de bataille bien vissé entre son éditeur, son dircom et les journalistes, bien entendu indépendants.

    Le but est de nous faire croire que, lui, a du fond. Il a un projet, des idées. Il est victime de ce temps médiatique qui va trop vite et qu’il aimerait pouvoir arrêter. Alors il écrit un livre, pour se montrer tel qu’en lui-même. Assez de ces miroirs déformants ! Il y a de la révolte dans son geste… Pendant que la France batifolait sur les plages, un Juppé par exemple, s’est retiré tout l’été, comme faisait Cicéron, dans une thébaïde où il a pris du recul et mûri cet ouvrage qu’il vient humblement nous présenter… Allez Alain, on y croit !

    Seulement « se vendre », même pour des gens qui en ont fait profession, n’est pas toujours simple. Les chiffres de ventes d’ouvrages écrits par des politiques qui tombent depuis quelques mois parlent d’eux-mêmes. Quoique très éloignés des résultats annoncés par les maisons d’édition, qui donnent volontiers le total des livres mis en rayon dans les librairies et non effectivement vendus, le trio gagnant affiche des scores honorables, en tenant compte des dates de sortie :

    Jean-Luc Mélenchon avec Le Hareng de Bismarck  (Plon), paru le 7 mai 2015 : 37.323 exemplaires,
     François Fillon avec Faire (Albin Michel) paru le 16 septembre 2015 : 15.864 exemplaires,
     Alain Juppé avec Mes Chemins pour l’école (Lattès) paru le 26 août 2015 : 9.764 exemplaires.

    Fillon l’emporte donc avec Faire, titre pourtant calamiteux, qui résonne comme un aveu d’impuissance pour un homme qui, précisément, a disposé de cinq ans pour « faire » et n’a pas su.

    Ensuite, c’est la dégringolade, pour ne pas dire la catastrophe industrielle. Les titres sont parfois de vrais poèmes surréalistes, mention spéciale à Cécile Duflot qui s’est effectivement fait virer…

     Rama Yade avec Anthologie regrettable du machisme en politique (Editions du Moment): 989 exemplaires
     Cécile Duflot avec Le Grand Virage (Les Petits Matins) : 665 exemplaires
     Fin du fin, Jean-Christophe Cambadélis avec A gauche, les valeurs décident de tout (Plon): 326 exemplaires.

    Un score particulièrement indigent pour le premier secrétaire du parti socialiste qui a bénéficié d’une large exposition médiatique avec, entre autres, un passage chez Ruquier…

    La bérézina éditoriale continue de plus belle :

     Delphine Batho avec L’insoumise : 715 exemplaires,
     L’ineffable Michel Sapin avec L’écume et l’océan : 346 exemplaires. Chef-d’œuvre de ridicule, la couverture nous montre un Sapin conquérant, qui dans la tempête, ne craint pas de relever le col de sa veste toute neuve. Le sous-titre précise : Chronique d’un ministre du travail par gros temps…

    Sapin 

     Claude Bartolone, Je ne me tairai plus : 268 exemplaires.

    La palme revient tout de même à Christine Boutin avec Qu’est-ce que le parti chrétien démocrate ?, qui n’a écoulé que 38 exemplaires… Sa famille ?

    Alors, qui intéressent-ils ? Qui entendent-ils représenter ? Le pire, c’est que la plupart campent à la télévision, enchaînent les matinales, persuadés de captiver les foules alors que les Français se moquent de leur avis, de leur baratin, de leurs effets de plume. Et bien sûr, on se gardera de mettre leurs chiffres en rapport avec ceux d’Eric Zemmour – près de 500 000 exemplaires vendus pour Le suicide Français-, de Michel Onfray, Laurent Obertone… Tous ennemis revendiqués du système.

    Dernier exemple en date, et non des moindres : le livre de Philippe de Villiers Le moment est venu de dire ce que j’ai vu, dont Albin Michel a tiré plus de 71 000 exemplaires. Entre 5 000 et 7 000 copies s’écouleraient par jour depuis le 1er octobre selon l’éditeur, ce qui place l’ouvrage en tête du classement des meilleures ventes et, si l’engouement se prolonge, devant Eric Zemmour. L’œuvre est celle d’un politique d’un genre particulier, puisque le fondateur du MPF y exprime son dégoût progressif envers un système autocratique dont il n’a pas voulu devenir l’otage, dézinguant à tout va ceux qui ne gouvernent pas mais font du « consumérisme politique », par exemple, en essayant de vendre des livres…

    Souverainiste, réactionnaire et gros vendeur… La nouvelle donne éditoriale ? De quoi donner des idées à Nadine Morano… Qui sait, peut-être engagerait-elle un nègre… 

     - Collaborateur de Politique magazine

     

     

  • Un « monumental pas en avant » pour l’Afrique, selon Bernard Guetta ... Oui, mais vers quoi ?

     

    Nous écoutons régulièrement la matinale de France Inter primo parce qu'elle est la radio la plus écoutée de France, une sorte de voix officieuse du Système, secundo parce que s'y trouve exprimé avec professionnalisme et de façon souvent intelligente, tout ce qu'en toutes matières il est illusoire et/ou dangereux de penser. Condensé de bien-pensance et de sectarisme, liturgie du politiquement correct conduite par ses clercs, tel est France Inter chaque matin. On y trouve son miel.   

    Ainsi de Bernard Guetta, chargé de traiter de géopolitique, qui mêle adroitement des réflexions parfois sages et réalistes, à un système idéologique, qui est, bien-sûr, l'élément largement dominant. Quelle est-il ? Il est qu'à l'exemple français, à travers soubresauts et révolutions qui ne doivent en rien entamer notre optimisme, les peuples, les continents, le monde, dans le sillage des Lumières, sont inexorablement en marche vers la démocratie partout et, par surcroît, vers leur unité. Lorsque que l'on part de principes aussi faux, l'on a les plus grandes chances d'être démenti par les faits : c'est ce qui arrive à Bernard Guetta, dont l'aveuglement est parfois - souvent - désarmant. Mais l'optimisme demeure; il suffit d'attendre ...

    Sa chronique d'hier matin, sur France Inter est un modèle du genre. Vous pouvez l'écouter ou la lire, juger par vous-même. Inutile de trop en rajouter. Mais lorsqu'on songe à ce qu'est l'Afrique réelle, à la fuite de ses populations et de ses élites, à la corruption de ses « dirigeants », à leur inconsistance, si ce n'est leur voracité, à la faiblesse voire à l'inexistence de leurs « Etats », aux conflits ethno-religieux qui la déchirent, aux pillages auxquels ses richesses sont livrées au profit du reste du monde, à l'insécurité qui ronge les sociétés africaines, aux risques auxquels sa propre démographie pourrait fort bien l'exposer demain, comme, d'ailleurs le Maghreb et l'Europe, l'on peut se demander si Bernard Guetta, tout simplement, ne se moque pas du monde. Y compris lorsqu'il conclut de façon parfaitement dérisoire que « ce siècle sera dominé par des ensembles continentaux qui, partout, se cherchent sur le modèle de l’Europe. » Ah ! Alors là oui, on a frappé à la bonne porte, pas de souci ! Lafautearousseau  •

     

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    Mardi 9 juin 2015 (Ré)écouter cette émission (disponible jusqu'au 04/03/2018)

     

    Peut-être est-ce en effet un « monumental pas en avant » pour l’Afrique, comme on le dit au Caire. Ce n’est pas une certitude puisque bien des alea politiques pourraient vite doucher cet enthousiasme mais le fait est que la moitié orientale du plus pauvre des continents, 26 Etats en tout s’étendant de la Méditerranée au Cap de Bonne Espérance, vont signer demain à Charm el-Cheikh un traité de libre-échange qui pourrait ouvrir, un jour, la voie d’un marché unique de l’ensemble du continent africain.

    C’est en tout cas un grand moment pour l’Afrique dont les échanges intérieurs sont aujourd’hui considérablement limités par la lourdeur des formalités douanières imposées par chacun de ses pays et leurs délais de dédouanement. A force de vouloir se protéger les uns des autres et de nourrir des bureaucraties qui sont autant de moyens, pour les pouvoirs politiques, de se créer des clientèles en distribuant des emplois artificiels, ces pays sont parvenus à ce que les échanges interafricains ne représentent que 12% de la totalité de leurs échanges commerciaux alors que les échanges intereuropéens et inter asiatiques comptent pour 70% et 55%  des commerces de l’Europe et de l’Asie.

    Cela ne freine pas seulement les échanges. Cela freine aussi, et beaucoup plus gravement, le développement d’industries africaines car elles sont ainsi privées de débouchés naturels et d’un marché suffisamment important pour justifier des investissements lourds.

    La levée de ses barrières douanière intérieures est un enjeu si capital pour l’Afrique qu’elle se l’était donné pour objectif à l’horizon de 2025 depuis le traité d’Abuja en 1991 et la moitié du chemin aura donc été faite demain avec la naissance de la « Tripartite » - la Zone tripartite de libre-échange dont seront parties prenantes, d'où son nom, trois organisations régionales déjà existantes.

    Il faudra encore en passer par les ratifications parlementaires mais ce rendez-vous de Charm el-Cheikh renforce d'ores et déjà « l’Afroptismisme » des milieux d’affaires internationaux et des jeunes entrepreneurs africains qui constatent que la croissance est de 5% par an depuis le début du siècle en Afrique alors qu’elle se traîne à beaucoup moins que cela en Europe et commence à s’essouffler en Asie.

    Après « l’Afropessimisme » de la seconde moitié du XX° siècle, il y a aujourd’hui tout un monde d’investisseurs et de chercheurs s'acharnant à convaincre la terre entière que l'Afrique est le prochain Eldorado et que l’avenir de l’Europe ne se conçoit plus sans l’organisation d’une « coopération verticale » - c’est leur expression - entre les deux rives de la Méditerranée. Particulièrement actifs en France, ces visionnaires n’ont sans doute pas tort.  Tout leur donne en fait raison et la certitude est que ce siècle sera dominé par des ensembles continentaux qui, partout, se cherchent sur le modèle de l’Europe. 

  • Lueur à l’horizon

     

    par Hilaire de Crémiers

     

    hilaire-de-cremiers-510x327.jpgLes dernières élections ont révélé un mécontentement profond dans le peuple français. Il devrait s’ensuivre des réactions en chaîne . Quant au système, il se défend. Comme toujours !

    Ce fut comme une répétition générale, vécue comme telle par tous les acteurs. Les dernières élections n’avaient plus de régionales que le nom. Il n’était question que de 2017 dans toutes les arrière-pensées politiciennes. Avec le schéma le plus simple qui soit : l’unique but, élevé au rang d’unique stratégie et donc d’unique programme – du moins sur le territoire métropolitain –, se réduisait à battre le Front national. Hystérie et absurdité ! Comme déjà en 2002, mais en pire, dans la mesure où les répercussions des violences idéologiques ébranlaient la France profonde : chaque village, chaque électeur était sommé de choisir. La grosse presse, l’ensemble des médias qui relèvent de l’État ou des financiers mondialistes et gauchards, donnèrent leur lourde artillerie sans aucun scrupule. Les seuls espaces où il était possible de respirer et de s’entendre demeuraient limités à notre presse libre, à Radio Courtoisie, à TV Libertés, qui sont, en France, les derniers lieux sauvegardés de la liberté de pensée et d’expression.

    Le régime récupère

    Après l’enfer des attentats, l’enfer des manœuvres électoralistes où le système en place tentait de tirer profit, pour imposer sa loi diabolique, des peurs, des misères, des malaises, des deuils, dans une atmosphère étouffante de guerre civile, d’ébranlement social, de désordre généralisé que lui-même avait créés, suscités, exaspérés, au point qu’il devient légitime de se demander si, pour partie, il ne les a pas voulus. Qui ne l’a senti, vu, compris au cours de ces derniers jours ? Une sorte de retour aux sources : comme dans les années 1792-1793. L’action politique consistait à « colèrer le peuple », comme on disait à l’époque, et dans un seul but : le pouvoir, le pouvoir , le pouvoir ! Unique obsession et peu importe les morts, les carnages, la dislocation de la société, l’effondrement du pays.

    Nos institutions qui n’en sont plus, ne fonctionnent que par et pour l’esprit de parti au service d’ambitions personnelles démesurées, prêtes à tout pour s’assouvir. Un petit pour cent de la population qui vit des prébendes de la République et en fait vivre sa clientèle, attise les haines les plus inexpiables pour s’assurer les places, les carrières, les bénéfices. Qu’ont donc fait ces gens pour la France ? Ont-ils jamais vraiment travaillé ? Leur vie se résume à des discours : words, words, words, des mots avec quoi ils pensent gouverner, c’est-à-dire rien, rien, rien !
    Régime absurde, régime fatal qui s’achève toujours chez nous en catastrophes : des désastres dans des flots de discours, tel est l’aboutissement de ce système institutionnel dont les Français sont devenus les esclaves. La force du régime, de ses clans, de ses sbires, en mettant la main sur toutes les activités nationales, a été de faire croire à tous les petits Français dès leur plus jeune âge que leur système gouvernemental était garant de leur liberté et un modèle pour le monde entier. D’où le raisonnement simple : tout ce qui risque de remettre en cause le système est ennemi de la liberté. Et selon l’adage célèbre, fondamentalement républicain : pas de liberté pour les ennemis de la liberté !

    La France en est là ; l’envie vient de dire : toujours là. Et le plus curieux, c’est que la plupart des Français en sont conscients. Le vote Front national s’explique d’abord par un rejet profond d’un tel régime. C’est, d’ailleurs, ce qui fait peur aux tenants du système.

    Le Premier ministre qui devrait être préoccupé de la situation de la France et de la sécurité des Français, ne pense plus qu’à faire la guerre au Front national, allant jusqu’à assimiler les menaces terroristes aux risques que représenterait ce qu’il appelle l’extrême droite. Marine Le Pen a eu raison de protester contre pareille ignominie qui, maintenant, a cours dans les médias. Mais Valls ne change pas sa ligne, car il n’a en vue que son avenir. Il ne cherche plus qu’à être le grand opposant au Front national, le défenseur attitré de la République, le maître-d’œuvre d’une recomposition politique dans la grande tradition radicale et opportuniste, genre années 1900, avec pour prétendu modèle Clemenceau. Question de posture qui lui permettra, pense-t-il, d’accéder au sommet au moment opportun si jamais l’occasion s’en présente.

    Ambitions et manœuvres

    François Hollande, lui, se voit déjà réélu en 2017. Selon les explications de ses conseillers au style aussi cynique que grotesque, il a fort bien « géré sa séquence attentats et post-attentats ». Merci pour les victimes ! Il s’instaure père de la patrie, chef de guerre, maître de la République, gardien des institutions, lui qui n’a jamais su de sa vie que ricaner. Et de proposer pacte sur pacte. Après le pacte de stabilité, le pacte de responsabilité, puis le pacte de sécurité, enfin, pour demain, le pacte contre le chômage pour mieux lutter contre le FN ! Words, words, words… Il a toujours pensé, comme son maître Mitterrand, que les mots suffisaient à duper le monde. Stratégie simple : éliminer sur sa gauche toute candidature concurrente sérieuse, pulvériser la droite et le centre en détachant ce qu’il faut de républicains à son image autour de la prétendue défense républicaine, se présenter enfin comme le candidat, le seul possible, face à Marine Le Pen. Telle est la primordiale pensée, impossible à dissimuler, du chef de l’État, et qui proclame en même temps que la France est en guerre !

    La droite dite républicaine, en effet, se disloque. Sarkozy est pris dans son propre piège. Sa stratégie, comme celle de ses concurrents, tout comme celle de ses adversaires, se ramène, elle aussi, à la prétention d’être le seul candidat républicain face à Marine : tel est l’unique objet de leur désir à tous ! Mais comment faire ? Faut-il être de droite, donc un peu complice ? De gauche, donc traître à son camp ? Du centre, donc d’extrême centre, – car comment le définir ? –, ce lieu idéalement virtuel où chantent toutes les sirènes embusquées de la grandiloquence politicienne et où s’échouent régulièrement tous les radeaux de la République. Estrosi et Bertrand, eux, ont choisi. De prétendue droite, ils gouverneront leur région à gauche ; ils ont vendu leur âme pour ce plat de lentilles. Ah, le pouvoir ! Ils iront jusqu’à constituer des sortes d’assemblées territoriales parallèles pour justifier leur trahison, ce qui est évidemment anti-constitutionnel.

    Jusqu’où ne va pas l’esprit républicain ? Comme disait justement la jeune et courageuse Marion Maréchal Le Pen : « Il y a des victoires qui font honte aux vainqueurs ! » Comment gouverner avec de pareilles institutions et de pareilles gens ? Et si l’état des choses empirait ? Immigration, attentats, déficits publics, chômage….
    Le réveil sera brutal. L’échec du régime est là, patent, en tout domaine. La réussite d’une stratégie électorale ne saurait plus contenter un peuple justement inquiet. Voilà au moins un point qui semble acquis. 

  • Déchéance de la nationalité : « la patrie n'est pas qu'un artifice juridique »

     

    « la patrie n'est pas qu'un artifice juridique » : C'est ce qu'affirme Mathieu Bock-Côté dans cette chronique *.

    La nationalité,   dit-il, relève au contraire d'une réalité historique et identitaire plus profonde. Conception traditionnelle avec laquelle nous sommes en accord de fond. LFAR   

    Mathieu Bock-Coté.jpgÀ sa manière, l'année 2015 a été terriblement logique. Elle a commencé pour la France sous le signe de l'agression islamiste, avec les attaques contre Charlie Hebdo et le marché Hyper Casher. Les attentats du 13 novembre ont confirmé que de telles agressions étaient en fait des actes de guerre, et qu'ils étaient menés au nom de l'islam radical, même si le premier réflexe politique a consisté à dénoncer un terrorisme générique plutôt que le terrorisme islamiste. Ces attentats étaient menés généralement par des « Français », ou du moins, par des individus qui avaient la nationalité française. Fallait-il parler dès lors d'une guerre contre la France, ou d'une guerre civile ne disant pas son nom ? À tout le moins, il fallait bien reconnaître l'existence d'un problème ne relevant pas seulement de l'exclusion sociale dont la France serait coupable.

    Il n'est pas étonnant que l'année se termine avec une discussion sur la déchéance de nationalité des terroristes. Ce débat en sous-tend un autre : la nationalité n'est-elle qu'un artifice juridique ou réfère-t-elle à une réalité historique et identitaire plus profonde, dont elle est la traduction politique et institutionnelle ? Peut-on comprendre quelque chose à la nation si on l'enferme dans les seules catégories du contractualisme moderne ? On a beau répéter qu'elle se confond avec les valeurs de la République, on constate bien que ces dernières ne suffisent pas à caractériser la spécificité française. Les nations ne sont pas toutes interchangeables et à moins de consentir à leur dissolution dans une forme de grand peuple mondial, il faut chercher à comprendre en profondeur l'identité de chacune d'entre elles. Il faut renouer avec la culture.

    C'est à cette lumière qu'il faut analyser le déploiement de la question identitaire dans la vie politique française, et plus largement, dans celle de toutes les sociétés occidentales. Elle permet de penser la part invisible de la citoyenneté moderne, et plus largement, de la modernité politique. Depuis plusieurs années, des intellectuels ont cherché à la faire valoir en rappelant les droits de l'histoire et de la culture dans la définition d'une communauté politique. En faisant valoir ces évidences étouffées par le progressisme dominant, ils subirent des attaques médiatiques à répétition et même quelques procès. Certains pans de réalité ne sont tout simplement plus admis dans la vie publique, puisqu'ils représentent un désaveu sans ambiguïté de l'impasse du modèle diversitaire.

    On a beau redouter plus que jamais les amalgames dans le système médiatique contemporain, cette peur des associations malheureuses ne tient plus lorsqu'il s'agit de stigmatiser publiquement les représentants d'une certaine dissidence conservatrice, qui sont systématiquement ramenés à Vichy. Soudainement, la prudence lexicale ne tient plus, et il s'agit surtout d'exclure le plus possible de la vie publique ceux qui ne participent pas au consensus multiculturaliste et progressiste. De même, on hystérise le débat public en laissant croire à un retour des années 1930, ce qui est une manière d'écraser la situation présente sous une comparaison historique effrayante. Cela permet évidemment aux accusateurs de se réclamer de la mémoire de l'antifascisme et de s'enduire de vertu médiatique. La stratégie est éculée mais n'est pas inefficace.

    On ne doit pas oublier que pendant une bonne partie de l'année 2015, le système médiatique s'est questionné ouvertement sur la prétendue hégémonie culturelle et intellectuelle des conservateurs et des réactionnaires dans le débat public. On s'inquiétait de leur progression, on leur prêtait la capacité de manipuler l'opinion à partir de leurs quelques tribunes médiatiques, comme s'ils disposaient d'un pouvoir d'hypnose à grande échelle. On oubliait, au même moment, que ces quelques voix étaient finalement bien rares dans un paysage médiatique où domine encore l'orthodoxie néo-soixante-huitarde. Mais c'est justement parce qu'elles étaient rares qu'on les entendait autant. Le progressisme a tellement l'habitude de l'hégémonie qu'il lui suffit d'être contesté pour se croire assiégé.

    C'est le drame d'une nation qui s'est laissée intoxiquer par la rectitude politique : plus on l'attaque et plus elle se sent coupable. Plus on l'agresse et plus ses élites s'en prennent à ceux qui en appellent à la riposte politique et à sa renaissance historique. On en revient alors à la déchéance de nationalité pour les terroristes binationaux : on peut y voir une rupture non seulement politique, mais philosophique, dans la mesure où elle réintroduit dans la nation certains éléments qui ne relèvent pas du simple artifice juridique. On dit de la mesure qu'elle est symbolique mais c'est justement pour cela qu'elle semble plébiscitée par l'opinion, qui devine bien ce que représente cet enjeu, même si elle ne parvient pas nécessairement à l'expliciter. Peut-on s'attendre à ce qu'en 2016, le réel fasse définitivement éclater la gaine de la rectitude politique ? C'est moins certain. Une nation ne sort pas facilement de ses mauvaises habitudes. 

    * FigaroVox

    Mathieu Bock-Côté           

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.

  • Alain Finkielkraut, Nuit debout et le fascisme des antifascistes

     

    Après l'expulsion d'Alain Finkielkraut de la place de la République par des participants de Nuit Debout, Mathieu Bock-Côté met en lumière l'état d'esprit sectaire de la gauche radicale. [Figarovox 18.04]. Il analyse le fascisme des antifascistes. Le plus radical, le plus totalitaire. Le plus réel aussi. Car au sens historique, comme au sens théorique, il n'y a jamais eu vraiment de tradition fasciste française ni de mouvement fasciste français qui compte. D'une part, le fascisme est passé, il appartient à une histoire déjà lointaine; d'autre part il relève de traditions étrangères spécifiques. Pas de la nôtre. N'en subsiste plus que ce que nous appelions, au temps de l'Union Soviétique et de l'Internationale communiste, le fascisme rouge. Chez nous, celui d'une certaine extrême gauche, nostalgique de la Terreur et du Goulag, le second découlant, d'ailleurs, de la première, Soljenitsyne l'a montré. Alain Finkielkraut traité de fasciste et expulsé de la place de la République comme tel, on le voit, cela ne prend plus. L'opinion le condamne majoritairement. Il arrive à l'Action Française, aux royalistes, de subir le même traitement. Les voilà désormais, en bonne compagnie.  LFAR

      

    Mathieu Bock-Coté.jpgPour ceux qui ont regardé les vidéos sur internet, la scène était insoutenable: alors qu'il se rendait place de la République pour observer directement, sans filtre médiatique, les manifestants rassemblés dans Nuit Debout, le philosophe Alain Finkielkraut a été agressé par des petites brutes se considérant probablement comme l'avant-garde de la révolution, les gardiens de la tolérance et les promoteurs admirables d'une démocratie enfin délivrée de sa pudeur libérale. Car à ce qu'on dit, à Nuit Debout, on réinvente la citoyenneté.

    On pourrait n'y voir qu'un fait divers. Mais on aurait tort. Car cette expulsion est terriblement révélatrice d'un état d'esprit sectaire étrangement encensé par les médias qui aiment bien jouer à la révolution de la jeunesse. «Bien fait pour sa gueule». « Qui sème le vent récolte la tempête ». Ces formules souvent reprises sur les médias sociaux nous rappelaient l'incroyable capacité de la gauche radicale à culpabiliser les victimes et à victimiser les coupables, pour ne jamais sortir de ses schèmes idéologiques confortables. Alain Finkielkraut est par nature un vilain, et il ne sera jamais autre chose.

    En se présentant dans un espace public censé mettre en scène une démocratie améliorée, Alain Finkielkraut se serait livré à une odieuse provocation, pour créer le buzz médiatique autour de sa personne. C'est un stratège rusé qui se serait présenté Place de la République pour se faire cracher dessus, se faire traiter de fasciste et ainsi donner une mauvaise image au mouvement citoyen. Et puisque Finkielkraut, excédé, finira par répondre à une femme qui l'invectivait ardemment, on présentera finalement sa brutalisation comme une simple échauffourée entre excités idéologiques.

    Finkielkraut a été chassé d'un espace public confisqué par une faction idéologique qui se prend pour le peuple en marche. Apparemment, une partie de Paris appartient désormais à un groupuscule révolutionnaire qui distingue ceux qui y sont les bienvenus et ceux qui ne le sont pas. Les militants les plus engagés de Nuit Debout n'acceptent pas dans leur vision de la démocratie la possibilité même du désaccord idéologique. Ils savent à l'avance quelles positions sont respectables et lesquelles ne le sont pas. Un des plus grands philosophes français n'était pas le bienvenu comme un simple témoin dans le peuple militant.

    Nuit Debout veut réinventer la démocratie en renouvelant en profondeur le débat public, en le délivrant de ses entraves institutionnelles. Officiellement, la démocratie représentative serait souillée et corrompue, et étoufferait la véritable délibération. Il faudrait désormais se connecter directement au peuple, en lui permettant de parler sans filtre. C'est le rêve éternel de la démocratie directe. Mais on constate que les militants de Nuit Debout sont prêts à injurier et calomnier certaines personnes associées à des idées qui ne sont manifestement pas les bienvenues dans la conversation démocratique telle qu'ils l'imaginent.

    Comprenons bien la logique : la démocratie directe se pratiquera dans un éventail idéologique assez restreint. Et même si nous sommes devant un mouvement qui se dit citoyen, on constate qu'il se permet de distinguer sans complexe ceux qui sont dignes d'être citoyens et ceux qui ne le sont pas. Il a là une forme d'aristocratisme militant qui ne dit pas son nom. Entre les citoyens éclairés et les autres, il y a une différence de statut qui fonde la légitimité de l'action militante. Les premiers ont eu la révélation progressiste: les autres sont dans l'obscurité et sont au mieux à plaindre.

    C'est le paradoxe de la démocratie directe : elle prétend approfondir la démocratie alors qu'elle s'ouvre à la logique de la meute en se permettant de conspuer la dissidence trop ouvertement affichée. La démocratie directe ne se croit véritable que lorsqu'elle est fusionnelle et donne à ceux qui s'y investissent le sentiment de participer à une unanimité révolutionnaire. Ceux qui ne se joignent pas au mouvement sont alors présentés comme des ennemis du peuple et même, de l'humanité. Ils ne posent pas des questions légitimes : ils polluent le bel élan révolutionnaire par la mauvaise foi. Ils ne témoignent pas d'une autre conception du bien commun mais cherchent à mutiler ce dernier. Il faut en finir avec eux.

    Dès lors, l'insulte suprême peut-être lancée : on accusera Finkielkraut de fascisme. La fascisation de l'adversaire permet ainsi d'en finir avec lui. Car on ne débat pas avec le fascisme : on le combat. Contre le fasciste, la violence est permise et même encouragée. On le chasse de l'espace public, on l'empêche de se présenter dans une agora théoriquement ouverte à tous, on l'interdira même d'écouter ce qui s'y dit: c'est un intrus, un agent contre-révolutionnaire qui vient épier les militants du monde meilleur. Le mouvement Nuit Debout, en se transformant en théâtre d'un triste lynchage, a dévoilé sinon sa vraie nature, du moins celle de certains de ses militants, qui carburent à un fanatisme progressiste étranger aux règles élémentaires de la civilité démocratique. 

    FigaroVox

    Mathieu Bock-Côté                                  

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie et chargé de cours aux HEC à Montréal. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007). Mathieu Bock-Côté est aussi chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada.

  • Alain de Benoist : « Les journalistes ne sont pas les victimes de la censure mais les vecteurs »

     

    Alain de Benoist se livre ici à une remarquable analyse de la situation actuelle du journalisme français [Boulevard Voltaire 22.06]. Il y a déjà trente ou quarante ans, Marcel Jullian nous annonçait la disparition de la censure, devenue inutile, pour les raisons actualisées qu'expose ici Alain de Benoist. Mais, sur un plan plus vaste, ce sujet nous renvoie à L'avenir de l'Intelligence, cet immense petit livre qui prophétisait dès 1905 notre âge de fer. Y-a-t-il aujourd'hui de nouvelles perspectives de cette réaction des intellectuels à laquelle Maurras appelait comme un élément essentiel d'une possible renaissance ? La réponse est oui, sans-doute.  LFAR     

     

    alain-de-benoist-1280x660.jpgLa presse, en France tout au moins, se porte de plus en plus mal. Pourquoi ?

    La mauvaise santé de la presse, longtemps maintenue sous perfusion étatique et subventions publicitaires, est aujourd’hui à peu près générale : baisse du tirage et de la diffusion, plans sociaux et licenciements, réductions de la pagination, cessions de titres, concentrations tous azimuts. Avec l’explosion du numérique, les gens lisent de moins en moins. Mais la principale raison de la crise est que la presse est discréditée. Les gens ne croient plus ce qu’ils lisent, parce qu’ils constatent un trop grand écart avec ce qu’ils constatent autour d’eux. Ils ont cessé de croire les journalistes comme ils ont cessé de croire les hommes politiques. Alors, ils arrêtent de lire – sans pour autant cesser d’être vulnérables. Dans L’Enracinement, Simone Weil écrivait déjà : « Le public se défie des journaux, mais sa méfiance ne le protège pas. »

    La France n’arrive plus qu’en 45e position au classement sur la liberté de la presse publié depuis 2002 par Reporters sans frontières (RSF), où l’on n’hésite plus à parler de « disparition du pluralisme ». Cela vous étonne ?

    Autrefois, la pensée unique, c’était un journal unique publié sous le contrôle d’un parti unique. Aujourd’hui, même s’il ne faut pas généraliser (il y a toujours des exceptions), il y a une foule de journaux, mais qui disent tous plus ou moins la même chose. On peut en dire autant des chaînes de radio ou de télévision. L’emprise déformante des médias résulte en grande partie de cette unicité de discours, qui trouve son parallèle dans le recentrage des discours politiques. La raison en est que la plupart des journalistes appartiennent au même milieu, où l’information, la politique et le show-business s’interpénètrent. Ils y multiplient les relations incestueuses, si bien que leurs opinions, plus ou moins identiques, se renforcent mutuellement.

    Nous ne sommes plus, par ailleurs, à l’époque où les journaux étaient dirigés par des journalistes, et les maisons d’édition par des éditeurs. Aujourd’hui, les grands journaux sont dirigés par des banquiers, des hommes d’affaires, des industriels de l’armement, tous personnages qui ne s’intéressent à l’information que parce qu’elle leur permet d’orienter les esprits dans un sens conforme à leurs intérêts. L’homogénéité mentale des journalistes est en adéquation avec les bases matérielles de la production. Le pluralisme n’est plus, dès lors, qu’affaire d’apparence. Un seul exemple : au cours de son récent voyage en Israël, Manuel Valls était interviewé par quatre journalistes différents (Paul Amar, Christophe Barbier, Laurent Joffrin et Apolline de Malherbe) représentant quatre médias différents : i24news, BFM TV, L’Express et Libération. Or, ces quatre médias ont un seul et unique propriétaire : Patrick Drahi !

    Les gens sont de plus en plus conscients de la désinformation. Mais ils l’interprètent mal. En dehors de quelques désinformateurs professionnels, généralement payés pour faire passer des informations qu’ils savent être mensongères, la grande majorité des journalistes est parfaitement sincère. Elle croit ce qu’elle dit, parce qu’elle est prisonnière de ce qu’elle propage. Les journalistes sont persuadés d’être toujours dans le vrai parce qu’ils sont eux-mêmes victimes des stratégies de persuasion qu’ils relaient.

    Il n’y a que la droite la plus ringarde pour croire que les journalistes sont des « gaucho-communistes » ou d’affreux « trotskistes ». L’immense majorité d’entre eux adhèrent en fait à la vulgate libérale-libertaire, ce mélange d’idéologie des droits de l’homme, d’antiracisme de convenance, de « progressisme » niais, de révérence au marché et de politiquement correct. Ils en reprennent tous les mantras, unanimes à condamner le populisme, le protectionnisme, l’identité, la souveraineté, tous persuadés que les hommes sont partout les mêmes et que leur avenir est de se convertir au grand marché mondial. Résultat : alors que dans la plupart des pays les journalistes sont les premières victimes de la censure, en France ils en sont les vecteurs.

    Le journalisme n’est pas un métier facile. Il demande de l’humilité. Aujourd’hui, c’est un surcroît de prétention qui y règne. Il suffit de voir l’arrogance des journalistes face aux hommes politiques et leur complaisance face aux vedettes du star system pour comprendre que l’idée s’est répandue chez eux que la fonction qu’ils occupent leur donne une supériorité intrinsèque sur leurs interlocuteurs et un droit absolu de diriger les consciences. Ingrid Riocreux décrit très bien cela dans son livre, La Langue des médias.

    Tandis que la presse papier se vend de moins en moins, les médias alternatifs, de Mediapart à Boulevard Voltaire, connaissent de plus en plus de succès sur Internet. Est-ce à dire que l’avenir de la « réinformation » passe par le numérique ?

    Marcel Proust écrivait, dans Jean Santeuil : « Les journalistes ne sont pas seulement injustes, ils rendent ceux qui les lisent injustes. » La contre-information, ou réinformation, que l’on trouve sur Internet constitue certes un utile contrepoids au « faux sans réplique » (Guy Debord) de la propagande officielle. Mais ce contrepoids s’exerce trop souvent par recours à une propagande en sens inverse, où le besoin de vérité ne trouve pas son compte. Un parti pris et son contraire, cela fait deux partis pris. Le grand problème des médias alternatifs est que, sur Internet, il n’y a pas de responsabilité de la part de ceux qui écrivent, et que le scepticisme peut y être facilement exploité par des détraqués : les réseaux sociaux sont un amplificateur naturel de fausses nouvelles. La « réinfosphère » vise à satisfaire ceux qui refusent la partialité des médias dominants, mais elle ne donne pas plus que les grands médias la possibilité de vérifier les informations qu’elle propose. Cela ne peut satisfaire ceux qui aspirent, non pas seulement à trouver quelque part le reflet de ce qu’ils pensent, mais à l’existence d’une vraie presse d’information. 

    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier

    Intellectuel, philosophe et politologue 

    Revue Eléments

     
  • Jean Sévillia : « L'intérêt des hommes politiques pour l'histoire dure le temps d'une campagne »

    Succès des émissions d'Histoire à la télévision - Photo : Franck Ferrand, L'Ombre d'un doute  

    Par Alexis Feertchak        

    A droite notamment, les candidats à la primaire font assaut de références historiques, parfois jusqu'à la polémique. Jean Sévillia, considère que ce besoin d'histoire répond au déracinement d'une société qui perd ses repères. On lira vec intérêt l'entretien qu'il vient de donner au Figarovox [7.10] sur ce sujet qu'il relie à l'actualité politique - ou politicienne - et au Politique tout court rappelant à cet égard quelques définitions et distinctions essentielles. Mathieu Bock-Côté, le brillant jeune sociologue québecquois, a désigné Jean Sévillia comme « un dissident de la première heure contre le terrorisme intellectuel ». Il a raison. Et les patriotes royalistes que nous sommes en savent gré à Jean Sévillia.  LFAR 

     

    XVM512bf016-8cad-11e6-b076-4c98042c7b75.jpgNicolas Sarkozy a suscité une vive polémique en reprenant à son compte le mythe de « nos ancêtres les Gaulois ». François Fillon souhaite quant à lui demander à trois académiciens de réécrire les manuels d'histoire en les inscrivant de nouveau dans le récit national. Comment expliquez-vous que l'histoire soit au cœur de ce début de campagne présidentielle, notamment à droite ?

    Permettez-moi de rappeler que la formule « Nos ancêtres les Gaulois » ne relève pas que du mythe. Les travaux de l'historien-démographe Jacques Dupâquier ont montré que les vagues migratoires qui se sont étalées entre le IIIe et le Xe siècle sur le territoire français n'ont représenté qu'un apport de 50 000 à 100 000 personnes pour 7 à 8 millions d'autochtones gallo-romains. La population, ensuite, n'a quasiment pas bougé, jusqu'à l'apparition d'un courant migratoire européen à partir du XIXe siècle et extra-européen à partir du XXe siècle. Ce qui signifie que tout un fond de la population française, encore aujourd'hui, compte des Gaulois parmi ses lointains ancêtres, même s'il a d'autres ascendances, et même si des Français tout aussi français que les autres n'ont pas une goutte de sang gaulois. La part du mythe relève évidemment du récit national élaboré entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle qui a fait des Gaulois les ancêtres de tous les Français. Alors que l'identité nationale est source de questionnements et de débats, alors que la France connaît une immigration sans précédent, les Gaulois sont donc sollicités dans cette polémique.

    Ultimement, deux visions s'opposent. Celle de la nation-contrat, héritée de Rousseau, conception préférée à gauche, qui ne prend en compte que la volonté d'être français comme signe d'appartenance à la nation. Et une conception qui mêle la nation-héritage, intégrant les données de l'histoire, et la nation choisie, à laquelle on peut s'agréger en adoptant les règles et les codes majoritaires, tout en conservant des traditions et une mémoire particulière. Cette conception équilibrée, qui est celle de Renan, a plutôt cours à droite. Ainsi un débat historique a-t-il des résonances très contemporaines dont s'emparent les politiques de droite qui savent quelles sont les préoccupations de leurs électeurs. Mais cet aspect politique et même politicien donne les limites du genre, car on peut prévoir qu'après l'élection présidentielle, ce sujet quittera l'esprit des hommes au pouvoir. Si la droite avait fait mieux que la gauche pour l'enseignement de l'histoire, cela se saurait…

    Quant à la proposition de François Fillon, elle postule que tous les académiciens soient indemnes d'une influence par l'idéologie du politiquement correct, ce que je trouve optimiste. Trouvons de bons historiens indépendants du ministère de l'Education nationale pour écrire les manuels scolaires, ce sera déjà bien.

    Les hommes politiques ne sont pas les seuls à se passionner pour l'histoire. Les Français de manière générale apprécient de plus en plus les émissions de radio, de télévision et les ouvrages consacrés à l'histoire. D'où vient ce besoin ?

    Dans une société en perte de repères, les gens cherchent des explications et des modèles, et ils les trouvent aussi dans le passé. La réduction de la place accordée à l'histoire à l'école et les torsions idéologiques auxquelles on assiste dans l'enseignement n'échappent pas non plus aux parents qui n'ont pas envie que leurs enfants apprennent n'importe quoi ou n'apprennent rien. Et d'une manière générale, dans un monde qui se globalise et s'uniformise, la quête de racines est très forte. Ce besoin d'enracinement se manifeste aussi par ce succès de tout ce qui touche à l'histoire.

    Vous avez écrit l'essai Historiquement correct. Cette réaction d'une partie de la classe politique et des Français en général est-elle une réaction à une histoire passée sous les fourches caudines du politiquement correct ?

    Pour partie, oui. Les Français sentent bien que l'école, et l'histoire à l'école, peuvent être le champ d'une manipulation des esprits. Pour reprendre l'exemple des Gaulois, il est assez sidérant de constater que la mention d'une hérédité qui est un fait pour une grande part de la population française est stigmatisée comme si elle trahissait une conception ethnique de la nation et un regard raciste sur la société. L'ascendance gauloise - terme d'ailleurs historiquement imprécis - est une donnée pour certaines familles. Pourquoi cette donnée historique devrait-elle être occultée ? Qu'est-ce qu'elle enlève aux Français qui n'ont pas le moindre ancêtre gaulois ? Le problème, c'est que le politiquement correct voudrait se débarrasser du passé. Mais faire de l'histoire en se débarrassant du passé, cela s'appelle du mensonge. Or beaucoup de Français sont las qu'on leur mente. 

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    Essayiste et historien, Jean Sévillia est chroniqueur au Figaro Magazine et membre du comité scientifique du Figaro Histoire. Il vient de publier Ecrits historiques de combat (Perrin).  

    Alexis Feertchak