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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Culture • Le Mystère Le Nain

    Famille de paysans dans un intérieur 

     

    Par Edouard de Saint Blimont 

    Il paraît qu’Emmanuel Macron, à peine élu, ira fêter sa victoire, sur la place du Louvre.

    Qu’il en passe les portes ou qu’il se déplace jusqu’au Louvre Lens pour recevoir quelques leçons des frères Le Nain dont les tableaux sont exposés en ce moment. Mais cet ancien rédacteur du rapport Attali qui soutient que l’homme n’existe que pour produire et consommer, qui prône la nomadisation des peuples, et dont le programme exclut toute allusion à une éventuelle transcendance est-il capable de se laisser instruire par la peinture des Le Nain ? Quand nous regardons les scènes paysannes de Louis Le Nain, que nous sommes loin pourtant de l’univers décrit par Jacques Attali, dans sa Brève histoire de l’Avenir où « les hommes se vendent comme des machines et où [ils] ne s'intéressent pas à leur progéniture à laquelle ils ne laissent ni fortune, ni héritage étant eux même issus de familles décomposées, recomposées, mobiles géographiquement. »  

    Il est donc urgent de s’interroger sur le mystère Le Nain pour reprendre le titre que le conservateur du Louvre, Nicolas Milovanovic, a voulu donner à son exposition. On sait qu’il a fallu beaucoup de science et de patience aux experts pour attribuer à chacun des frères Le Nain les tableaux que chacun a effectués en propre. Ce fut déjà un premier mystère mais on sait un peu mieux aujourd’hui ce qui revient à Louis, à Antoine, ou à Matthieu.

    Des tableaux à la signification énigmatique.

    Mais le vrai mystère de cette peinture est ailleurs. Si l’on se borne aux productions géniales de Louis, et si l’on se focalise sur son tableau le plus célèbre, Famille de paysans dans un intérieur, force est de reconnaître que sa signification reste énigmatique. S’agit-il de donner une représentation embellie de la condition paysanne, susceptible de satisfaire la bourgeoisie qui achète des terres, en conférant aux modèles une dignité remarquable ? S’agit-il, plus profondément d’y voir la manifestation du mystère Eucharistique ? La présence du pain sur une nappe et du vin, dans un verre de cristal, seuls éléments précieux au sein d’un univers marqué par la pauvreté le laisserait aisément supposer chez ce peintre d’origine protestante, converti au catholicisme. Il serait tentant déjà de « réduire » cette scène à une telle signification religieuse. Elle confère une dignité à l’ensemble des personnages. Mais l’on a remarqué à juste titre que ce tableau, comme beaucoup d’autres n’a pas de sujet défini. Dans l’émission de France Culture qui a été donnée au sujet de cette exposition, Nicolas Milovanovic indique qu’un enfant joue du flageolet mais ce n’est pas autour de ce détail que s’organise l’audition éventuelle d’un petit concert ; un repas semble se préparer mais les indices qui l’attestent font défaut. En bref, aucun sujet ne structure cet « intérieur » et le ferait-il qu’il serait impuissant à déterminer le sens profond de ce qui nous est montré : dans un autre tableau, La Forge, qui représente un forgeron qui s’active à sa forge tandis que sa famille se tient à ses côtés, l’activité artisanale semble déterminer le sujet du tableau, beaucoup plus que cette scène paysanne où l’on ne sait trop à quoi s’affairent les sujets présents. Mais dans la Forge, on ne saurait réduire ce que l’on voit à l’activité propre de l’artisan, qui se détourne de sa tâche pour regarder vers nous. C’est une constante dans les tableaux de Louis Le Nain : le sens de la scène représentée donne l’impression de transcender les motifs qui semblent, au départ, orienter l’esprit dans une interprétation précise. Aucune scène ne se laisse réduire aux motifs qui semblent pourtant décider de la représentation. Les scènes mythologiques, dépeintes par Louis ne dérogent pas à ce principe : l’interprétation du tableau représentant Vénus demandant à Vulcain des armes pour Enée ne se laisse pas enfermer dans la démarche de la déesse.

    Au fond, les êtres représentés dans ces scènes transcendent les activités auxquelles ils s’adonnent, leur humanité ne se limite pas à leur condition, l’humanité de l’homme déborde de toutes parts les sens divers auxquels on prétend la réduire. D’ailleurs, les tableaux de Louis mettent en perspective l’être humain par rapport aux activités auxquelles il peut s’adonner. On a souvent l’impression que si la représentation de l’activité humaine y est présente, c’est pour mettre en valeur, du fait de la présence d’être au repos, l’idée précisément que l’homme ne s’abîme pas strictement en elles.  Mais il faut aller au-delà de ces remarques.

    Les regards des personnages

    Les grands critiques d’art et surtout les grands écrivains nous laissent à la porte de ce mystère qui nous permet de comprendre à quoi tient l’irréductibilité de l’humanité des êtres représentés chez Le Nain. Champfleury, un critique d’art du XIXème siècle, se focalisant sur la personnalité des personnages représentés indique qu’ils semblent prendre la pose et de fait l’intensité des regards que certains personnages dirigent vers nous le laisserait presque supposer : cela semble être le cas de trois des personnages de cette famille de paysans : de la vieille femme qui tient le verre de cristal, de l’homme assis à la table et qui s’apprête à couper la miche de pain, et de la femme plus jeune, à la droite du tableau. N’est-ce pas le cas de ce père de la Famille heureuse ou le retour du baptême, qui lève son verre et s’immobilise en nous regardant en souriant …comme on le ferait aujourd’hui, tandis qu’on nous photographie ? N’est-ce pas le cas de la femme du forgeron de La Forge qui nous regarde bien en face ?

    Mais précisément, s’ils sont occupés à nous regarder, c’est qu’ils ne songent pas à prendre la pose et Sainte Beuve est plus près de la vérité quand il fait remarquer qu’ils nous regardent, c’est-à-dire, qu’ils semblent s’interroger sur la présence de ceux qui pénètrent par effraction dans leur univers.

    Mais son interprétation reste au milieu du gué : d’une part, bien des personnages ne prennent même pas la peine de diriger leur regard vers nous. Ils regardent ailleurs, soit qu’une scène située hors champ attire leur regard comme dans La Forge, soit qu’ils nous tournent carrément le dos, comme l’enfant qui contemple le feu dans la Famille de paysans, ou le personnage qui s’affaire à ranimer le feu dans La Tabagie, soit encore qu’ils soient plongés dans un profond sommeil comme le dormeur situé au premier plan dans La Tabagie, ou cette magnifique Ariane, plongée dans le sommeil le plus profond  que contemple avec émotion Bacchus dans Bacchus découvrant Ariane à Naxos.

    Restent tous ceux qui semblent regarder le spectateur. Ils semblent frappés par une mélancolie rêveuse. Mais prêtez plus d’attention encore à la façon dont les personnages regardent : la vieille femme qui tient le verre de cristal, la jeune femme à la droite, l’enfant lui-même qui est assis sur le sol ; mais aussi Vénus s’adressant à Vulcain, ou Bacchus contemplant Ariane endormie… : en réalité, ils regardent sans regarder vraiment, leur regard donne l’impression de ne pas s’abîmer dans l’objet qu’ils sont censés voir, ce n’est par sur lui (être ou objet) qu’ils arrêtent leur pensée parce que tout en regardant ce qu’ils regardent, les personnages pensent à autre chose, ils sont comme on dit, plongés dans leur méditation. Pas plus que l’activité n’est leur définitive raison d’être, pas plus le monde qu’ils contemplent n’est de nature à arrêter suffisamment leur pensée.

    Qu’on ne s’étonne donc plus si, par cette mise en scène du regard, le peintre leur confère une infinie profondeur, si, de manière tout à fait congruente, on retrouve dans leurs mains un verre de cristal rempli d’un vin rubis, et si l’on a, du coup, envie d’y voir représentée quelque cène eucharistique : ce regard nous ouvre sur le mystère de l’humanité de l’homme, sa profondeur ne trahit pas seulement une disposition à la mélancolie rêveuse ou plutôt cette mélancolie rêveuse est promesse d’une ouverture, au-delà de l’ici et du maintenant… à quoi les maîtres présents de notre monde, dans leur ardeur à nier toute transcendance, s’emploient à nous réduire. 

  • Niquez vos (prétendues) races !

     

    Par Catherine Rouvier

    Voici une intéressante et pertinente tribune [Causeur, 23.06] sur fond d'intelligence, de subtilité et d'humour. Elle suscite ainsi - sur un sujet en fait grave et sérieux - la réflexion plutôt que la polémique facile. Catherine Rouvier a participé à quelques unes de nos réunions en Provence. Et nous en gardons un très bon souvenir ...  LFAR 

     

    sans-titre c r.pngUn décret remplace désormais la notion de race, « qui n’est pas applicable aux êtres humains », par celle de « prétendue race »

    Depuis le 3 août, un décret relatif aux provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire « substitue à la notion de race, qui n’est pas applicable aux êtres humains, celle de « prétendue race » » et « améliore la lutte contre les manifestations de racisme, de sexisme et d’homophobie dans des conditions similaires à ce qui a été prévu par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 ».

    Allons bon, cette loi de janvier, on ne l’avait pas vue passer. Car depuis janvier, on a été vraiment très très occupés. C’était les primaires, et on allait se geler sur des places ventées et pluvieuses pour soutenir des candidats élus par nous mais lâchés par leur parti… Puis ce furent les élections présidentielle puis législatives.

    Ignorance crasse

    Mais là… c’est le calme plat. A l’Elysée, à l’Assemblée, ils sont tous en vacances. Un tweet compassionnel par-ci, une photo de presse par-là, et ils retournent prendre l’apéro sur le vieux port, escalader le col de Bavella ou faire du surf à Hossegor. Circulez, y a rien à voir…

    Et du coup nous, les citoyens, temporairement privés de spectacle, nous passons tous nos vacances, forcément, à lire les lois et leurs décrets que « nul n’est censé ignorer » sur nos iPhones, entre le bain de mer et l’apéro. A fortiori les journalistes.

    Dès lors il est incompréhensible qu’après l’attentat de Barcelone, Mounia, chroniqueuse sur Beur FM, ait tweeté : « Niquez vos races, ceux qui s’indignent parce qu’ils auraient pu être victimes, mais qui n’ont rien dit pour l’attentat de Ouagadougou ». 

    Sur le fond du propos on ne peut qu’être d’accord. Le silence coupable des médias sur cette attaque sanglante en Afrique est coupable, quand ils en font des tonnes dès que c’est près de chez nous.

    Mais sur la forme… Mounia, Mounia, a quoi ça sert que Hollande, puis Macron, se décarcassent ? Vous avez bien écrit : « Niquez vos races ? »

    Déraciner Voltaire

    Alors déjà, Mounia, de race il n’y en a qu’une. C’est la race humaine. Avant on disait l’« espèce humaine », et on la divisait en « races ». Le dictionnaire Littré de 1878 nous l’apprend en citant Voltaire lui-même, qui écrit dans son Essai sur les mœurs et l’esprit des nations : « la race des nègres est une espèce d’hommes différant de la nôtre, comme la race des épagneuls l’est des lévriers ». Mais ça c’était avant, et la statue de Voltaire va sans doute bientôt trembler sur socle.

    Sous Hollande, on a assorti l’usage du mot « race » d’une notice explicative ou - comme on dit en droit – d’une clause restrictive d’interprétation : « race, ok, mais alors au singulier ».

    Dans les écoles, les maîtresses ont tenté de l’expliquer : « Il n’y en a qu’une, vous entendez ? Et ne me regardez pas comme s’il y existait des différences entre les humains. On a tous le même ADN, vous entendez ? Et du reste, des découvertes scientifiques ont prouvé que toute l’humanité était noire, et qu’on s’est en partie décolorés avec le temps ». « Et les asiatiques, Madame, leurs yeux bridés, c’est venu avec le temps ça aussi ? »

    L’antiracisme, Littré n’y avait pas pensé

    Bref, c’était compliqué, et les « petits races », comme on appelait les enfants au XVIIIème siècle (Littré toujours), étaient durs à convaincre.

    Alors, avec Macron, on est passé au plan B. Désormais il n’y a pas « une seule race humaine », il n’y en a plus du tout.

    Le texte du décret du 5 août est formel : « la notion de race (…) n’est pas applicable aux êtres humains ». Interdire absolument d’appliquer le mot race aux humains aurait, d’après le décret, une vertu : ça « améliore (…) la lutte contre les manifestations de racisme ».

    Ça, l’antiracisme, Littré n’y avait pas pensé. Il faut dire qu’à son époque le mot « racisme » n’existait pas. L’émergence, quelques cinquante ans plus tard, de cet « isme » qui, partout et en tous temps, signale la théorisation, sent le dogme à plein nez et précède de peu l’idéologie, a changé la donne.

    Ainsi, le « raciste » ne se contente pas seulement de noter les différences. Il trie, il range, il catalogue, il hiérarchise. Pire, il peut dans les cas extrêmes, rêver d’appliquer la vision eugéniste de certains éleveurs de chiens ou de chevaux aux êtres humains. Sont considérés comme « de race » écrit Littré – car les élevages existaient déjà à son époque – ceux qui « descendent directement de la souche, de la race, sans croisements ».

    « Ouais, mais ça fait un peu long quand même »

    Au pire du pire, celui qui croit encore qu’il y a des races peut même, quand on lui propose une PMA, et si un jour on lui propose une GPA, vouloir choisir sur catalogue le géniteur ou la génitrice afin d’avoir une chance d’avoir un enfant blanc s’il est blanc, noir s’il est noir, etc.

    Pas de ça Lisette ! C’est pour éviter de telles dérives que le décret « substitue à la notion de race la notion de prétendue race ». Donc Mounia, il aurait fallu écrire « Niquez vos prétendues races ».

    Alors, bien sûr, on peut aussi chercher une autre formule, qui prenne en considération les différences morphologiques sans plus prononcer le mot maudit. Pour ma part, j’ai trouvé ! C’est chez Buffon. On ne fait pas plus « scientifique »… Il s’agit des « variétés dans l’espèce humaine ». Je suis fière de ma découverte.

    « Ouais, mais ça fait un peu long quand même », me dit Mohamed qui joue au foot avec son pote, et à qui je tente de communiquer mon enthousiasme. Sans comprendre la vraie portée de cette remarque, je me replonge dans la passionnante lecture de l’« Histoire naturelle », tandis qu’il reprend son jeu. Mais soudain, tombé par terre sur le gravier coupant après un croche pied vicieux de son copain Martial, il hurle « Nique ta race ! » Je corrige : « Ta  prétendue race, Mo’, ta prétendue race »… C’est vrai que « nique ta variété dans l’espèce humaine », c’était « un peu long ».  

    Catherine Rouvier

  • Coralie Delaume, à FIGAROVOX : Et si les Grecs préparaient leur sortie de l'Euro avec l'aide de... Poutine ?

    Crédits photo : YVES HERMAN/REUTERS

    Diverses informations intéressantes, des réflexions originales et des hypothèses - rien que des hypothèses - sont la trame de cet entretien. Un net penchant pro-grec y est sous-jacent, apparemment sans trop d'égard pour les contribuables français et européens qui n'ont pas forcément envie ni intérêt à payer la dette imprudemment contractée par la Grèce. Sortira-elle de l'Euro ? Les Français s'obstinent à disserter - et à s'opposer - sur la sortie de la France de la monnaie unique. Mais est-ce là la vraie question ? Il n'est pas du tout certain que nous ayons à prendre cette initiative. Et pas du tout impossible que le « détricotage » de l'Euro par tout autres que nous ne soit d'ores et déjà en vue. Peut-être même avant 2017. Ce qui, soit dit en passant, arrangerait bien les affaires de Marine Le Pen. On sait que les projets de sortie de la dite monnaie effraie une partie de son électorat et, bien-sûr, choque les modérés de tous types. Attendons la suite.  Lafautearousseau    

     

    picture-2540921-61yhv5dr.jpgLe 9 avril, l'État grec devra débourser 458 millions d'euros au FMI. Le 8 avril Alexis Tsipras rencontrera Vladimir Poutine. Coralie Delaume y voit le début d'un bouleversement économique et géopolitique majeur. Coralie Delaume est journaliste. Elle a notamment publié « Europe. Les Etats désunis » (Michalon, 2014). Découvrez ses chroniques sur son blog.


    PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE DEVECHIO @AlexDevecchio


    Difficile d'y voir clair dans les tractations entre la Grèce et le reste de l'Europe. Que se passe-t-il exactement? Alexis Tsipras a-t-il capitulé ou est-il au contraire en train de retourner la situation?

    Coralie Delaume: Je ne peux pas encore vous dire s'il a retourné la situation. Mais il n'a pas capitulé. Et tout semble indiquer qu'il ne le fera pas, à la grande déception, sans doute, de ceux qui espéraient le voir rapidement «dégrisé par les réalités du pouvoir».

    Cette semaine, la Grèce devait une fois de plus envoyer une liste de réformes à ses «partenaires» européens, pour examen par le «groupe de Bruxelles», le nouveau nom donné à l'ex-Troïka. Un accord sur lesdites réformes devait permettre au pays d'obtenir une aide supplémentaire de 7,2 milliards d'euros. Mais l'accord n'a pas eu lieu. Le gouvernement grec a certes fait des concessions. On a beaucoup parlé, par exemple, de la reprise de la privatisation du port du Pirée au profit de la société de fret maritime chinoise Cosco. Et on l'a évidemment présenté comme le signe avant-coureur d'une reddition grecque.

    Mais ce n'est pas si simple. En fait, Athènes a envoyé par ce biais un signal amical à la Chine, à la suite de quoi Pékin s'est empressé de racheter 100 M€ de bons à court terme (T-Bills) grecs. Or il faut savoir que la Banque centrale européenne, qui joue dans ces négociations un rôle extrêmement trouble, avait demandé quelques jours auparavant aux banques commerciales hellènes de ne plus acheter de bons du Trésor du pays ). Il était donc urgent qu'Athènes trouve une solution substitutive pour se maintenir à flot!

    Toujours est-il que la situation semble bloquée entre la Grèce et ses créanciers, avec deux points d'achoppement principaux. Les Grecs ne veulent ni d'une réforme des retraites, ni d'une nouvelle entreprise de libéralisation du marché du travail. Pour l'instant, seuls contre tous - il faut noter qu'aucun pays de l'Union européenne ne leur apporte le moindre soutien, pas même ceux gouvernés «à gauche» - ils tiennent bon là dessus, avec un courage qui force le respect.

    A la date cruciale du 9 avril, l'État grec devra débourser 458 millions d'euros au FMI. Le 8 avril Alexis Tsipras rencontre Vladimir Poutine, hasard ou coïncidence?

    Si la Grèce est tentée, faute d'alliés en Europe, de se tourner vers la Chine, elle doit l'être d'autant plus de jouer la carte russe. Car les liens entre les deux pays sont anciens, chose qu'a récemment rappelée Alexis Tsipras. Interrogé par la presse russe et faisant référence au nazisme, il a affirmé «qu'un rapprochement entre les deux pays (...) trouve ses racines dans les relations fraternelles que (les) deux peuples ont fondées, parce qu'ils ont mené un combat commun, à un moment critique de l'histoire».

    Donc les relations s'intensifient. Cette semaine par exemple, le ministre de l'énergie grec Panagiotis Lafazanis était à Moscou. Le but était de discuter avec les Russes de la question gazière, notamment du tracé du futur pipeline «Turkish stream». On se souvient qu'entre autres âneries lourdes de conséquences, «les Européens» se sont crus malins en infligeant des sanctions à la Russie au sujet l'Ukraine. A titre de représailles, Poutine a annulé le projet de gazoduc South stream, puis s'est rapproché de la Turquie pour mettre en route un projet alternatif, Turkish stream. Nécessairement, ne serait-ce que pour des raisons géographiques, la Grèce sera de la partie.

    Autre sujet de rapprochement possible: l'armement. Sur ce point et selon la presse grecque , le ministre de la Défense Panos Kammenos semble courir deux lièvres à la fois. Il discute avec les États-Unis et avec la Russie - où il devrait se rendre bientôt - toujours pour la même raison: trouver des partenaires substitutifs à ceux, défaillants, de l'Union européenne. En effet, alors que le nouveau gouvernement hellène est en train de rouvrir quelques vieux dossiers et que plusieurs scandales de corruption impliquant des entreprises allemandes en Grèce font surface, il semble logique qu'Athènes cherche à diversifier quelque peu ses fournisseurs...

    Les raisons d'un rapprochement Grèce-Russie sont donc nombreuses, et résultent directement de la manière inamicale dont «les Européens» traitent chacun de ces deux pays. Quant à dire qu'il y a un lien entre la visite de Tsipras à Moscou le 8 avril et le remboursement dû au FMI le 9.... je ne sais pas. En tout cas, The Telegraph note que la Grèce n'a pas les moyens de faire face à toutes ses obligations. Elle ne peut vraisemblablement pas payer les traitement de ses fonctionnaires tout en remboursant le Fonds. Et le journal britannique rend compte de cette déclaration d'un officiel grec: «nous sommes un gouvernement de gauche. Si nous devons choisir entre faire défaut au FMI et faire défaut à notre propre peuple, il n'y aura pas d'hésitation».

    Un Grexit est donc de nouveau une hypothèse crédible?

    Plus que jamais. En essayant tout ce qui semblait possible d'essayer sans se renier, Tsipras a montré à la population grecque à quelle point l'Union européenne est dogmatique et déraisonnable. Il a ainsi œuvré à préparer les esprits. Même si la sortie de l'euro ne figurait pas dans le programme électoral de Syriza et même si les Grecs n'y sont pas majoritairement favorables, ils doivent être en train de s'apercevoir à cette heure qu'ils n'ont le choix qu'entre le Grexit et la capitulation. Or le refus d'être davantage humiliés par l'UE a beaucoup joué dans la victoire électorale de la gauche radicale....

    En outre, on prépare également les esprits dans le reste de l'Europe. Il y a déjà plusieurs jours, le très informé journaliste Jean Quatremer annonçait sur son compte Twitter la mise en place d'un contrôle des capitaux en Grèce pour une date située aux alentours du 10 avril. On y arrive...

    De même, un site grec, To Pontiki, relayait il y a quelques jours l'information selon laquelle des responsables européens planchaient sur l'introduction en Grèce d'une «double monnaie» . Autrement dit, à défaut de pouvoir émettre des euros, le pays pourrait se mettre à imprimer des reconnaissances de dette ou «IoU» («I owe you» ) pour faire face à ses échéances internes, payer les traitements, payer les retraites. Une partie du chemin serait alors faite: la Grèce aurait un pied dehors.

    Ce Grexit se doublerait donc d'un rapprochement avec la Russie. Quelles pourraient être les conséquences sur le plan géopolitique pour l'Europe?

    Les conséquences géopolitiques: voilà bien une chose à laquelle personne ne s'intéresse! Tout le monde semble convaincu que la géopolitique - voire la politique tout court - est un résidu du XIX° siècle, et que nous serions désormais à l'ère de l'économie et de comptabilité. Les ratios d'endettement, les taux de déficits public semblent les seules choses dont se préoccupe cette Europe, devenue un trou noir politique!

    Mais il se pourrait qu'on assiste à d'étonnantes recompositions. On a parlé de l'intensification des discussions russo-grecques, du rapprochement russo-turc autour du projet Turkish stream, mais il faut aussi se rappeler que la Russie est traditionnellement liée à Chypre. Or il est probable qu'aucun de ces deux pays n'ait goûté la manière dont Chypre a été «sauvée» en 2013. L'Europe, on s'en souvient, avait alors décidé de faire payer les déposants de plus de 100 000 €, parmi lesquels nombre de Russes. Cela se fit via la mise en place d'un contrôle des capitaux dans l'île, afin que ces déposants ne puissent rapatrier leurs fonds. Aujourd'hui, les deux pays amorcent une petite revanche: Poutine et Nicos Anastasiades ont signé au mois de mars un accord relatif à la possibilité pour la marine russe d'utiliser les ports de Chypre.

    Bref, l'Union monétaire européenne s'effiloche chaque jour davantage. Hébétés, «les Européens» ne comprennent plus ce qui leur arrive. Du coup, eux qui n'attendaient la Russie qu'en Ukraine la laissent tranquillement s'installer en Méditerranée. Économiquement, politiquement, cette Union européenne est un «fiasco sphérique»: quel que soit l'angle sous lequel on la regarde, on constate l'uniformité parfaite du désastre. 

  • Régionales • Quand Estrosi voulait gouverner la région Paca avec le Front national

    Christian Estrosi discute avec l'élu FN Gérard de Gubernatis, au conseil régional de Paca, le 20 mars 1998, à Marseille. (GEORGES GOBET / AFP)

     

    par Orange News & France TV - Textes d'Ilan Caro

    On sera amusé, intéressé, pas vraiment étonné, de lire ce qui suit en cette veille du second tour des régionales. Les photos ne sont pas mal non plus.  LFAR

    "Résistance." C'est le slogan que Christian Estrosi a choisi pour le deuxième tour des élections régionales, qui l'opposera dimanche 13 décembre à Marion Maréchal-Le Pen, la tête de liste du Front national. "On a beaucoup réfléchi, et nous nous sommes finalement dit que les valeurs du Conseil national de la Résistance, qui sont nos valeurs, nous permettraient de rassembler. Quand on prend le maquis, on n'est ni de gauche, ni de droite", explique le candidat dans La Provence. "Je ne supporte pas le FN, qui est l'héritage du pétainisme", insiste-t-il lors d'un déplacement de campagne, près de Marseille.

    Le 20 mars 1998, un jour que la droite locale n'a pas oublié

    Pourtant, face au Front national, le maire de Nice n'a pas toujours été aussi intransigeant. En Provence-Alpes-Côte d'Azur, les mémoires se souviennent d'un épisode qui a profondément marqué la droite locale. Vendredi 20 mars 1998 : le conseil régional nouvellement élu désigne son président. Les socialistes ne disposent dans l'hémicycle que d'une majorité relative (49 sièges, contre 37 pour l'UDF-RPR et 37 pour le FN).

    Sans surprise, les trois camps font chacun le plein de leurs voix lors des deux premiers tours de scrutin. Mais par la suite, rien ne se passe comme prévu. L'ambiance est houleuse et la droite se déchire. Son leader, le président de l'UDF et député varois François Léotard, est mis en minorité par son propre groupe sur la stratégie à suivre. Lors d'une interruption de séance, "21 élus sur 37 se prononcent en faveur de la ligne défendue par Christian Estrosi : conclure un accord avec le Front national pour barrer la route à la gauche", se souvient pour francetv info le journaliste Michel Henry, qui avait couvert cette élection pour Libération.

    De retour dans l'hémicycle, Christian Estrosi prend la parole pour demander une énième suspension de séance, "cette fois jusqu'à lundi". Une suspension aussitôt accordée par le doyen d'âge qui préside la séance, un élu FN... La décision provoque alors la fureur du groupe des seize "résistants", piloté par François Léotard. Ce dernier, "dans une rage froide, jette à Christian Estrosi : 'Sors avec tes amis'", écrit le journaliste Michel Samson dans Le Monde. Jean-Pierre Giran, cité à l'époque par Libération, évoque "la fragilité mentale" des 21 "collabos" emmenés par Christian Estrosi. Interrogé par francetv info, Jean-Pierre Giran, aujourd'hui député-maire d'Hyères (Var), n'a pas souhaité s'exprimer de nouveau sur cette passe d'armes. 

    "C'était très brutal entre les deux clans. Les manœuvres d'Estrosi avec Le Pen et Mégret apparaissaient au grand jour. Et nous, nous observions ça en spectateurs", relate Robert Alfonsi. Le week-end passe, les tractations se poursuivent en coulisses. Et les pressions de Paris s'accentuent contre un accord avec le FN. Le lundi 23, les élus se retrouvent au conseil régional pour le troisième tour de scrutin. A droite, les partisans d'un accord avec le FN présentent la candidature de Gilbert Stellardo. Un adjoint au maire de Nice, Jacques Peyrat, lequel vient de quitter le Front national. Mais sur les 21 élus favorables à un accord avec le FN, seuls neuf se portent sur son nom. "C'est François Léotard qui a réussi à déjouer l'opération à la dernière minute, se rappelle Robert Alfonsi. C'est grâce à lui si Michel Vauzelle a fini par être élu."

    "L'accord était bouclé"

    Ancien maire FN de Toulon et élu à la région en 1998, Jean-Marie Le Chevallier donne une version différente : "L'accord était bouclé. Je devais prendre la présidence de la région et Estrosi aurait naturellement été l'un de mes vice-présidents", dit-il à francetv info, confirmant une confidence faite aux journalistes Dominique Albertini et David Doucet, dans leur ouvrage Histoire du Front national. Interrogé par francetv info, Jean-Marie Le Pen précise s'être finalement opposé à ce qu'un élu FN autre que lui préside cette assemblée. C'est le maintien de la candidature de l'épouvantail Le Pen, au troisième tour, qui aurait définitivement enterré l'accord droite-FN.

    L'équipe de campagne de Christian Estrosi conteste auprès de francetv info l'une comme l'autre des versions, assurant que le maire de Nice a "démontré, tout au long de sa carrière politique, qu'il a toujours combattu la famille Le Pen". "Lors de cette élection de 1998, il n'y avait que deux ou trois élus de notre groupe qui écoutaient les sirènes du FN", jure Bernard Deflesselles, conseiller régional depuis 1992, et membre de la campagne 2015 de Christian Estrosi. Un récit bien éloigné de celui unanimement relayé par la presse de l'époque.  

    Pour tenter de prouver sa bonne foi, et avant même la publication de cet article, l'équipe de campagne de Christian Estrosi est allée jusqu'à demander à plusieurs élus socialistes de contacter la rédaction de francetvinfo. Y compris le premier d'entre eux, Michel Vauzelle. Le président socialiste sortant de la région confirme qu'"au départ, Estrosi faisait partie du groupe qui voulait s'allier au FN". Mais à en croire Vauzelle, il aurait "très vite quitté ce groupe, le samedi, pour se ranger derrière François Léotard"

    Comment le Christian Estrosi de 1998, tenté – au moins un moment – par un rapprochement avec le FN, est-il devenu, en 2015, le "résistant" face à Marion Maréchal-Le Pen ? "A l'époque, la droite avait la certitude qu'elle pouvait étouffer le Front national en nouant des alliances ponctuelles permettant de débaucher tel ou tel. Il ne faut pas oublier que de 1986 à 1992, Jean-Claude Gaudin avait présidé la région avec des élus Front national dans son exécutif", rappelle Michel Henry.

    Dans son ouvrage La Guerre des droites, l'historien Mathias Bernard explique que les régionales de 1998 "ont provoqué une prise de conscience" de la part des dirigeants modérés : "De rivale, l'extrême droite devient progressivement un adversaire politique."

    Le FN ressort des archives gênantes pour Estrosi

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    Dans la dernière ligne droite de la campagne, celui qui tente d'apparaître comme le dernier rempart face au FN doit faire face à l'apparition sur les réseaux sociaux d'une photo le montrant au côté de Jean-Marie Le Pen. "La photo date de 1993, entre les deux tours des législatives. Elle appartient à la collection personnelle d'un proche de Jean-Marie Le Pen aujourd'hui décédé", croit savoir le frontiste Louis Aliot, qui a relayé le cliché, interrogé par francetv info.

    Impossible en revanche de savoir où et dans quelles circonstances cette scène a été immortalisée. Si elle vient brouiller la communication du résistant Estrosi, l'image ne prouve rien quant à une éventuelle proximité avec le leader historique du FN. L'entourage de Christian Estrosi assure que "cette photo avait été prise en marge d'un débat télévisé, qui avait d'ailleurs été très violent". Un débat dont nous n'avons pas retrouvé trace. 

  • Thierry Baudet : « La nation est le meilleur cadre pour traiter la crise migratoire »

    La crise des migrants ébranle l'Europe. En Allemagne, Angela Merkel affronte une opinion publique de plus en plus hostile. L'analyse de l'intellectuel néerlandais Thierry Baudet - dans un entretien pour FigaroVox du 8 janvier - ne peut manquer de nous intéresser. Voilà quelqu'un qui ne mâche pas ses mots, qui ne craint pas les remises en cause frontales, la rupture avec les modes et les conformismes. Il est vrai que les utopies qu'il dénonce ici avec force, talent et lucidité, ont commencé, depuis un certain temps déjà, de perdre leurs attraits. Thierry Baudet les ressent finissantes. A vrai dire, nous aussi.  LFAR    

    Dans votre livre Indispensables frontières vous estimiez qu'un des problèmes majeurs de l'Europe résidait dans son absence de frontières intérieures. Alors que la crise migratoire n'a toujours pas trouvé de solution, il faudrait revenir aux frontières intérieures ?

    Thierry BAUDET. - Absolument. Et pas seulement pour des raisons pratiques. Je pense que c'est un droit moral inaliénable pour les nations que de pouvoir décider seules de ceux qu'elles veulent accueillir et de ceux qu'elles ne veulent pas laisser entrer chez elles. Aucun aréopage bureaucratique supranational ne peut réclamer cette prérogative.

    La Convention de Schengen est entrée en vigueur en 1995. Plus de vingt ans plus tard, comment se fait-il que l'espace Schengen soit constamment comparé à une passoire ?

    Parce que Schengen est une passoire depuis l'origine. Non seulement des frontières ouvertes n'ont jamais résolu le moindre problème mais elles n'ont même pas été conçues pour résoudre un problème: comme l'euro, c'était une non-solution à un non-problème, le seul but, inavoué, étant de forcer les peuples européens à constituer des États-Unis d'Europe.

    La nation est-elle le cadre le plus adapté pour gérer la crise migratoire? Est-il envisageable que les 28 Etats de l'UE décident, d'un commun accord, de confier davantage de pouvoirs à la Commission en la matière ?

    Je pense que la nation est, en effet, le meilleur et même le seul cadre dans lequel la crise migratoire peut être traitée, tout simplement car c'est uniquement au niveau national que les responsables politiques ont autorité pour agir. En fait, la Commission européenne ne fonctionne que lorsqu'elle gère des dossiers non controversés, essentiellement non politiques. Chaque pays souhaite en réalité adopter une politique migratoire différente. Si l'Allemagne menace d'attirer à nouveau l'Europe dans l'abîme en raison de son complexe de supériorité (cette fois, supériorité de l'universalisme illimité et de l'humanitarisme), les autres pays devront se prémunir contre elle par l'élaboration de leurs propres politiques d'immigration et la défense de leurs frontières. Ce qui a d'ailleurs déjà commencé.

    La Suède et le Danemark ont rétabli un contrôle à leurs frontières, mettant un terme à soixante ans de libre circulation dans les pays nordiques. La Pologne ou la Hongrie subissent les critiques de Bruxelles visant l'autoritarisme de leurs gouvernements. Le rêve fédéraliste européen est mort ?

    Oui, heureusement ce rêve, ou plutôt ce cauchemar, est terminé. La vraie force de l'Europe a toujours été sa diversité politique et culturelle. Nous pouvons coopérer librement, nous pouvons avoir des règles de délivrance des visas très libérales, mais nous devons défendre la démocratie nationale et la primauté du droit, et ceux-ci ne peuvent exister qu'à l'échelon national, celui des peuples.

    Alors qu'une logique d'abolition des frontières pour faciliter la libre circulation des capitaux, des marchandises et des hommes anime la Commission européenne, que pensez-vous de la construction depuis 2014, financée en grande partie par l'Union européenne, d'un mur entre l'Ukraine et la Russie ?

    Je pense que la manière dont l'Union européenne (et les Américains) essaient de pousser la Russie le plus loin possible de l'Europe, est imprudent, peu judicieux et ne sert les intérêts de personne. Nous nous croyons toujours coincés dans l'ancien cadre de la guerre froide. Mais les temps ont changé, et la Russie peut être un allié important. Pourquoi essayons-nous de faire entrer la Turquie en Europe alors que nous bannissons la Russie ? Je ne vois aucune logique.

    En ce qui concerne l'Ukraine, notons que ce pays est profondément divisé, et que l'UE est bloquée sur l'idée incroyablement naïve que le nouveau gouvernement - qui a pris le pouvoir de façon illégitime par un coup d'Etat - incarne une sorte de Mai 1968 et que Porochenko s'inspirerait de John F. Kennedy. En réalité, nous sommes en partie responsables d'une guerre civile pure et simple, mauvaise pour l'Europe, mauvaise pour la Russie et pour l'Ukraine elle-même. Je ne vois vraiment pas de stratégie cohérente derrière tout cela.

    Doit-on à l'Union européenne le bénéfice de la paix qui existe en Europe depuis 1945? Sa gestion des questions économiques, diplomatiques et migratoires est-elle plus efficace et plus démocratique que celle des Etats-nations ?

    Tout d'abord, je pense qu'il est important de rappeler que ce discours sur l'Union européenne apporteuse de la paix est une absurdité totale. La paix après 1945 a été le résultat de plusieurs facteurs, au premier rang desquels il faut placer la guerre froide et la solidité protectrice de l'OTAN, la naissance d'une Allemagne démocratique puissante, ainsi que les développements technologiques et démographiques. Le fait que des «leaders» européens puissent prétendre être responsables en quoi que ce soit de la paix européenne témoigne de leur orgueil et de leur exceptionnelle arrogance.

    Deuxièmement, je ne pense pas que la démocratie puisse jamais exister à l'échelle continentale en Europe. Les cultures, les langues, les traditions politiques, les visions de la vie, tout est si incroyablement diversifié dans notre beau continent et c'est l'une de nos forces. Il est faux de dire que nous serions plus forts, économiquement et diplomatiquement si nous étions «un». Les gestionnaires disent toujours cela et c'est la raison pour laquelle ils veulent toujours plus de fusions d'entreprises, d'hôpitaux, de municipalités, d'écoles, et ... de pays. Mais ces fusions ne marchent jamais. Si la puissance était systématiquement liée à la taille, Singapour ne serait pas plus riche que l'Indonésie, la Corée du Sud plus riche que la Chine et la Suisse plus riche que la plupart des pays de l'UE! De telles absurdités sont symptomatiques de la propagande de l'UE et c'est un vrai scandale que tant de gens continuent à les prendre au sérieux.

    Alors que se profile un référendum sur le Brexit, la sortie du Royaume-Uni de l'UE, David Cameron parcourt l'Europe en quête de soutien des quatre séries de réformes qu'il exige de l'UE pour y maintenir le Royaume-Uni. Si les 27 autres Etats de l'UE consentent à modifier les traités européens pour satisfaire Londres, est-il imaginable que chacun essaie par la suite de les aménager suivant ses intérêts ?

    Je ne le pense pas. Et la raison se trouve dans l'histoire de l'Empire romain. Les sénateurs décidèrent de plébisciter non pas un représentant mais onze. Ceux-ci ne furent bien sûr jamais d'accord, de sorte que les sénateurs purent continuer à gouverner à leur guise. Jean Monnet, le cerveau du système européen, était bien conscient de cette vieille loi de la division pour mieux régner. Les différentes ambitions des différents Etats européens en vue d'éventuelles modifications des traités de l'UE vont se neutraliser. Il est ainsi impossible de réformer fondamentalement l'UE. Et le projet continuera donc jusqu'à ce que les nations soient assez courageuses ou exaspérées pour en sortir entièrement. Comme, je l'espère, la Grande-Bretagne le fera à la suite de son référendum et les Pays-Bas pourraient bien suivre.

    Le ministre des Affaires Etrangères Paolo Gentiloni a estimé le 8 janvier dans La Stampa que « L'Europe ressemble à un immeuble où les voisins se disputent entre eux. Sur le thème des accords de Dublin [texte juridique communautaire concernant les demandeurs d'asile], nous risquons de faire sauter Schengen ». Que pensez-vous de cette analyse ?

    Je pense que comparer nos grandes nations européennes, avec leurs grandes réalisations, leurs langues merveilleuses, leurs cultures, leurs traditions culinaires, leurs révolutions à de simples voisins d'immeuble est insultant et ridicule. Cela montre par ailleurs une profonde haine de soi, un phénomène dominant dans les élites culturelles et intellectuelles européennes, que j'ai appelé dans un de mes livres,Oikophobia, peur pathologique, ou aversion, de notre propre culture et de notre identité. L'Union européenne est le vecteur principal de cette pathologie, de cette carence auto-immune qui détruit l'Europe. L'UE détruit ce qui rend l'Europe unique et merveilleuse, à savoir sa diversité culturelle, ses démocraties, son organisation politique à échelle humaine et la fructueuse concurrence entre ses pays. Dès lors, l'ouverture des frontières est la manifestation de cette maladie mortelle. 

    Intellectuel néerlandais, Thierry Baudet enseigne le droit public à l'Université de Leyde. Il est l'auteur de Indispensables frontières. Pourquoi le supranationalisme et le multiculturalisme détruisent la démocratie aux éditions du Toucan.

    Entretien par Eléonore de Vulpillières            

     

  • Médias • Zemmour et notre joli temps de fascisme rose ... Ma défense du Gaulois

     

    Par Jean-Paul Brighelli

    Nous ne sommes pas toujours d'accord avec Jean-Paul Brighelli - sur son goût pour les Lumières et pour la Révolution, par exemple - mais nous le lisons toujours pour son style, sa liberté de pensée et d'expression, toujours talentueuses et justes, très souvent. Du moins, selon nous. Quant à Causeur où coexistent nombre d'opinions différentes, ne faut-il pas le lire et le citer, surtout si l'on n'est pas d'accord ? Et d'abord - nous le répétons - tout ce qui s'oppose au terrorisme intellectuel régnant est bienvenu et bon.  LFAR  

     

    bonnetd'âne.jpgDans le dernier numéro de Causeur (sur papier, 5€90, pas cher), outre une belle interview de Christophe Guilluy à propos de son dernier livre, le Crépuscule de la France d’en haut, et de Daniel Mesguich, à qui je dois quelques fascinants souvenirs de théâtre évoqués ici-même, Elisabeth Lévy, dite « la Patronne », a rassemblé un joli dossier sur « Zemmour le Gaulois ». Un qualificatif amplement mérité par ce Juif séfarade, au moins autant que par un certain aristocrate hongrois qui au même moment faisait de l’Ernest Lavisse sans le savoir*. 

    Elisabeth — dite « Gant de velours sur une main de fer » — a de l’amitié pour Eric, et elle peut avoir l’amitié vache. Et de critiquer la vision essentialiste que Zemmour a de l’islam, sous prétexte que les islamistes fondent leur fanatisme sur l’idée que le Coran est un livre incréé — il a existé de tout temps, d’ailleurs, il n’y a pas de temps pour le Prophète (sur lui « sottise et bénédiction », comme dit Voltaire), ni pour ses sectateurs, j’ai déjà expliqué à propos du Bardo que pour les plus illuminés, l’éternité c’était hier, maintenant et toujours. D’où leur tendance à détruire toute preuve qu’il y a eu un Temps qui pré-exista à l’islam — celui de Darwin et Lucy comme celui des bouddhas de Bamian. Nombre d’enfants d’immigrés sont, comme elle dit, de vrais franchouillards accrochés aux ustensiles de la civilisation avancée (i-phone, foulard islamique de chez Hermès et McDo présumés hallal). Moins communautariste qu’Elisabeth ou Finkielkraut, tu meurs. M’étonnerait qu’elle passe la journée du mercredi 12 en jeûne et prières.

    Donc, Eric Z***, au milieu d’une très longue discussion sur des sujets essentiels et passionnants, lâche les deux phrases qui ont enflammé les médias : « Je ne pense pas que les djihadistes soient des abrutis ou des fous. Au sommet, il y a des théologiens qui appliquent exactement leur idéologie coranique et légitiment tous leurs actes par des sourates ou des actes du Prophète. Et je respecte des gens prêts à mourir pour ce en quoi ils croient — ce dont nous ne sommes plus capables. »

    Protestations effarées d’Elisabeth — et de JPB, qui admire beaucoup par exemple les milices kurdes où hommes et femmes se battent pour leur liberté contre l’Etat islamique tout en ayant les Turcs dans le dos et l’aviation d’Erdogan et des Américains au-dessus de leurs têtes, mais qui n’a aucun respect pour des salopards qui flinguent des gosses parce qu’ils sont juifs, massacrent des journalistes parce qu’ils sont journalistes, roulent en camion sur des enfants ou se mettent à deux pour égorger un vieillard.

    Hurlements hystériques de la presse de gauche. Les Inrocks avaient déjà donné un exemple absolu de ce qu’est une interrogation rhétorique en faisant semblant de se demander : « Faut-il bannir Zemmour des écrans de la télé ? ». On crie haro sur le baudet, on veut l’inculper, le mettre en examen — pourquoi pas le lyncher…

    16-323-large.jpgJ’ai assez défendu Eric ici-même, à l’époque de son limogeage d’i-télé, pour être tout à fait à l’aise : il a sorti une grosse connerie avec l’assurance qui est la sienne depuis qu’il a eu un gros succès de librairie, qu’il croit être touché par la grâce et bénéficier de l’infaillibilité papale. Eh, oh, Eric, memento mori !

    On peut dire bien des choses des djihadistes — que leurs chefs sont probablement très malins, que ce sont de fins politiques, qu’ils servent la même atemporalité que le néo-libéralisme (voir ce qu’en dit Myriam Revault d’Allonnes) — mais pas qu’ils sont respectables. Ce sont des zélotes sanguinaires, et il n’y a de bon djihadiste qu’un djihadiste mort — comme disent les Kurdes.

    Cela dit, une phrase isolée dans une interview de 7 pages, c’est un résumé un peu court, bien digne des sycophantes actuellement au pouvoir dans les médias. Et Elisabeth — dite « Et quand j’appuie là, ça vous fait mal ? » — a raison de défendre Zemmour. Un peu facile de se décerner un brevet de Bien sur le dos du p’tit Juif séfarade.

    N’empêche qu’on voudrait l’interdire… L’accuser d’apologie du djihadisme près l’avoir auparavant soupçonné d’islamophobie galopante… Le cantonner à Béziers… ressusciter Cayenne pour lui — il y fréquenterait le fantôme de Dreyfus, ils se raconteraient des blagues…

    Il y a en ce moment en France une atmosphère curieuse de dictature discrète. Jean-Pierre Chevènement avait organisé la semaine dernière un débat sur la question scolaire à laquelle devait participer Arnaud Montebourg et votre serviteur. Tollé chez les fascistes roses, qui ont inondé Montebourg de tweets et de textos (l’apprenti-nazi parle volontiers en phrases lapidaires), le menaçant de ne pas voter pour lui lors des primaires de gauche (je n’y suis pour rien, j’éclate de rire chaque fois que j’écris ce mot : la gauche — qui est si bien à droite, comme le dit mon ami Gérard Filoche) s’il consentait à débattre avec un triste individu tel que moi. Et quinze jours auparavant, un grand éditeur parisien, contacté pour sortir un livre d’un membre du FN, a finalement renoncé, expliquant qu’il faisait des affaires avec des mairies socialistes qui surveillaient ce qu’il éditait, le menaçant sous cape de casser les contrats en cours s’il donnait la parole à un parti légal mais qui menace les positions établies des élites auto-proclamées qui nous gouvernent. Pratiquement on ne peut plus rien dire qui soit susceptible de choquer les chaisières et les rosières de la rue de Solférino et de la poignée d’imbéciles qui s’obstinent à voter pour eux. Ce n’est pas tout à fait par hasard que je me suis laissé aller à dire que le PS était désormais à droite du FN — sur l’Ecole au moins.

    Je suis si éloigné de ces réflexes totalitaires qu’en 2011, j’avais plaidé auprès de Jean-Claude Gawsewitch pour qu’une militante obscure et souriante, présentée par mon ami Guillaume Bachelay, signe avec lui (allez, je ne ferai aucune hypothèse sur qui l’a réellement écrit) un micro-pamphlet intitulé Réagissez ! Répondre au FN de A à Z. Merci qui ? Ma foi, merci Philippe Watrelot, obscur scribouillard des Cahiers pédagogiques mais soutien indéfectible de la réforme du collège, nommé, raconte Sophie Coignard, à la tête d’un « machin », le CNIRÉ, Conseil National de l’Innovation pour la Réussite Educative (sic !), installé en 2013 par Vincent Peillon.

    Je m’en fiche : la liberté d’expression ne se compartimente pas. Je me doute qu’on aimerait me faire taire, et que les provocateurs qui tentent de m’offenser çà et là espèrent que je leur donnerais finalement le coup de boule qu’ils méritent. Je m’en garde bien, ça leur ferait trop plaisir.  J’ai tout mon temps. 

    * En fait, « nos ancêtres les Gaulois » est une formule inventée par Amédée Thierry (le frère d’Augustin) en 1828. C’était l’époque de l’Histoire à la sauce romantique, et ce grand vaincu de Vercingétorix, paré a posteriori de toutes les gloires d’un Napoléon outragé, convenait bien à la neurasthénie des copains de Musset. Le Tour de France de deux enfants de G. Bruno (et non d’Ernest Lavisse, quoi qu’en ait dit le puits de science de la rue de Grenelle), explique par ailleurs que la France s’est autrefois appelée la Gaule et fut peuplée de Gaulois — râleurs, divisés et mélancoliques, au témoignage de César : il doit y avoir quelque chose, dans l’air de ce pays, qui incite au mécontentement permanent, aux querelles de clocher et à l’hypocondrie élevée au niveau des beaux-arts.

    Jean-Paul Brighelli
    Enseignant et essayiste, anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

  • Le retour du peuple

     

    par Hilaire de Crémiers

    L’univers tel qu’ont voulu le façonner les dirigeants mondiaux au cours des dernières décennies, est en train de changer. Non sans conséquences.

     

    2771589182.jpgIl n’est pas douteux que le monde est traversé de nouveaux courants. Après la chute du communisme, il était de bon ton de croire que la planète était destinée à s’unifier et à s’uniformiser dans un vaste ensemble libéral où le commerce, en libre échange de plus en plus ouvert, serait l’âme d’une mondialisation heureuse, bénéfique à tous et à chacun, et où les progrès technologiques suffiraient à assurer une croissance continue. Bien sûr, les États-Unis qui avaient gagné la guerre froide, tenait un leadership naturel dans cette configuration en raison de son hégémonie, en tant que seule puissance mondiale capable d’interventions aussi bien militaires que financières sur l’ensemble du monde.

    Ils préservaient ainsi leurs intérêts, mais, apparemment, c’était au départ sans se douter des graves conséquences qui pourraient en résulter pour eux. L’interventionnisme tous azimuths fut, dans la plupart des cas, malheureux et terriblement coûteux. Les peuples n’entraient pas dans les schémas préconçus des stratèges américains et des technocrates mondiaux.

    Les citoyens des États-Unis, eux-mêmes, subirent peu à peu les contrecoups des crises mondiales, les destructions systématiques d’un libre-échangisme aux effets pervers, les réactions violentes d’une guerre monétaire qui devenait primordiale, les suites dramatiques d’une incapacité à contrôler les flux migratoires, enfin les folies d’une société où l’argent est devenu roi. Attentats, désastres financiers, échecs militaires, guerres indéfinies devinrent le lot de la grande puissance qui était censée imposer au monde son modèle démocratique. Toutefois, sous Bush comme sous Obama, le premier sous forme guerrière, le second sous forme pacifique, le même but restait en ligne de mire.

    La mondialisation heureuse

    L’Europe suivait dans cette voie et attelait son char au char américain. Elle adhérait a priori à tous les traités internationaux qui la contraignait à s’ouvrir toujours plus aux marchés mondiaux, c’est-à-dire essentiellement aux grandes multinationales, en espérant elle-même jouer à jeu égal avec de telles mastodontes. La concurrence devenait la règle universelle. L’Europe devait, toujours selon le même schéma, s’unir davantage, offrir des marchés de plus en plus vastes. La monnaie unique entraînerait à coup sûr l’union budgétaire, bancaire, financière, économique et politique, accélérant ainsi les processus commerciaux et donc augmentant la richesse.

    Telle était la pensée qui s’imposait et qui devenait par le fait même unique. Hollande, disciple de Jacques Delors, était le type même de ceux qui avaient appris cette leçon et la répétait par cœur indéfiniment. Tout était fait, bien sûr, pour le bonheur des peuples. L’Europe s’approfondirait en même temps qu’elle s’élargirait… jusqu’à la Turquie, pourquoi pas ?

    Le rêve bushien

    Il ne fallait pas désespérer du Proche et du Moyen-Orient. Le rêve bushien d’en faire un grand espace démocratique avait, certes, échoué ; l’important était de soutenir tous les printemps arabes, toutes les rébellions qui revendiquaient la justice et l’égalité. L’islam se pacifierait en s’adaptant au goût nouveau qui lui viendrait nécessairement, de la liberté religieuse et politique. C’en serait alors fini des querelles intestines et des volontés expansionnistes, sunnites autant que chiites.

    L’Asie serait bien obligée d’entrer dans la danse. Après quelques ajustements, ce serait chose faite. Le Japon sortirait de sa stagnation. Barack Obama veillait à ce que les États-Unis fussent à la tête de ce nouvel ensemble économique asiatique auquel il convenait de donner une tournure démocratique. L’Afrique, quand elle sortirait de ces luttes tribales d’un autre âge, ne pouvait que comprendre l’intérêt pour son continent entier de cette conception universaliste. Ses richesses, sa démographie lui préparaient une position exceptionnelle.

    Henry Kissinger fut en son temps l’apôtre de ces plans grandioses qui lui valurent le prix Nobel de la paix. Jacques Attali chez nous se fait le prophète de ce monde nouveau, d’au-delà des nations, où le nomadisme sera la condition naturelle de l’homme et le progrès son unique but.

    Restent la Russie et la Chine qui, incontestablement, échappent à ces visées. C’est la grande préoccupation des penseurs et des stratèges de cette mondialisation. Tout est donc fait pour contenir la Russie, par OTAN interposée, s’il le faut, pour la déstabiliser, l’acculer, la culpabiliser aux yeux de l’opinion mondiale en espérant là aussi fomenter une révolution « orange » dans le peuple conscientisé.

    De la même façon, l’idée est d’isoler la Chine tout en l’amadouant par le commerce, en attendant que les progrès démocratiques suscitent de l’intérieur les évolutions nécessaires.

    Tel était, tel est toujours le rêve.

    Le réveil des nations

    Et puis, voilà que la réalité se fait tout autre. Les peuples se mettent à aimer leurs frontières ; ils veulent retrouver leur histoire ; plus que la démocratie mondiale, ils cherchent leur identité ; ils aspirent à l’unité intérieure ; ils souhaitent un État protecteur et qui soit le garant de leurs libertés. Ils en ont assez des prétendues élites mondialisées, des systèmes de connivence des partis officiels et des hommes de pouvoir, de la verbeuse morale de ces immoralistes qui se sont hissés sur les chaires d’autorité et qui usent de leur pouvoir pour imposer leur conception et leur intérêt.

    On feint de s’étonner des succès d’un Donald Trump qui, peut-être, malgré tous les pronostics, sera le prochain président des États-Unis. La bien-pensance universelle le rejette. Il n’empêche que le milliardaire à la gouaille quelque peu vulgaire répond à un appel de l’Amérique profonde. Il exprime publiquement ce que le petit peuple pense. N’est-ce pas un signe des temps ? Aux États-Unis aussi ?

    Et, en Europe, il en est de même. Le Brexit fut un coup de tonnerre. Theresa May a décidé de « gérer ses frontières ». L’Angleterre veut rester une nation. En Allemagne, les coup de semonce électoraux ne cessent d’avertir Angela Merkel qui décide, du coup, d’installer des contrôles. La Bavière ne veut pas disparaître ni être submergée. L’Italie proteste après le faux accord de Bratislava ; elle ne veut pas être le pigeon de la politique allemande. Pas plus que la Grèce.

    L’Europe du Nord pareillement. L’Autriche a une résistance populaire énergique qui, peut-être, balaiera un gauchisme viennois irresponsable. La Hongrie brandit son identité ; tous les pays de l’est européen font de même. Pourquoi les peuples seraient-ils condamnés à disparaître pour faire plaisir aux hurluberlus de Bruxelles et de Washington, qui eux, bien payés et à l’abri des menaces, ne connaissent pas la crise ? Il n’est pas dit que l’Amérique du sud aussi ne puisse se retrouver dans des États dignes de ce nom.

    L’Asie, l’Afrique même, en dépit des rouleaux compresseurs du capitalisme mondial, n’échappent pas à ce besoin identitaire. La Russie poursuit sa course et retrouve sa puissance avec le régime qui lui convient. La Chine saura s’adapter mais défendra toujours sa singularité. Le Proche et Moyen-Orient, bien que bouleversé et déchiré par l’islam, n’a d’espoir de paix que dans des équilibres historiques qui se nouent sur des États. D’où l’erreur coupable de ceux qui cherchent à les renverser et qui ne font qu’aggraver les drames.

    L’œil qui parcourt la planisphère, en suivant de jour en jour l’actualité, ne peut être que surpris par les changements qui l’affectent en ce moment. Certes, ils ne sont pas exempts de dangers, mais ils signifient clairement la fin d’une certaine ère. Il convient de repenser la politique et la diplomatie. La France y sera contrainte, elle aussi, au risque de disparaître si elle ne fait pas elle-même la vraie et seule réforme qui s’impose, celle de son État qui n’est plus à la hauteur des enjeux du monde. 

  • Une semaine libanaise avec Annie Laurent : 1/8, Le Liban en colère

    Annie_Laurent.jpgAlors que le Liban commémore son centenaire en 2020, le pays connaît depuis quelques mois d’importants soubresauts populaires.

    De quoi s’agit-il précisément, comment analyser la situation profonde du Liban aujourd’hui ?

    Quelle place pour les chrétiens ?

    C’est à ces questions que répond ce dossier.


    par ANNIE LAURENT

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    1/8 : Le Liban en colère

    Lorsque, le 17 octobre dernier, des centaines de milliers de Libanais sont descendus dans la rue pour clamer leur colère, personne ne s’y attendait en Occident. Les signes annonciateurs d’une crise ne manquaient pourtant pas.

    Ainsi, en mai 2019, au terme de neuf mois de dissensions entre ministres, l’annonce par le Premier ministre Saad Hariri du budget « le plus austère de l’histoire » (1) a été accueillie par une foule de mécontents aux cris de « Partez tous ! ». Le gouvernement se voyait reprocher son incompétence à résoudre les graves problèmes qui affectent le pays dans des domaines vitaux, à commencer par l’économie.

    Avec une dette publique de 90 milliards de dollars, le Liban est le troisième État le plus endetté du monde. Outre la mauvaise gestion, la récession provient de la charge inouïe que constitue la présence de 1,6 million de réfugiés syriens dans ce petit pays d’un peu plus de 4 millions d’habitants, ce qui accroît le chômage, la misère (un quart de la population vit sous le seuil de la pauvreté), mais aussi l’insécurité.

    La décision d’imposer une taxe sur l’application téléphonique WhatsApp a fait déborder le vase et déclenché la révolte pacifique qui se déploie dans toutes les régions et mobilise des Libanais de toutes confessions et de toutes conditions.

    Bien d’autres sujets de mécontentement nourrissent cette colère. Les Libanais souffrent de l’incapacité de l’État à assumer les services publics les plus élémentaires : électricité et eau, ramassage des ordures, lutte contre les incendies, transports publics, santé, scolarisation, etc. Ils lui reprochent aussi sa complaisance envers la corruption et le gaspillage, ainsi que le népotisme, le clientélisme, la politisation de la
    justice, les règlements de comptes entre rivaux au sein d’une même confession, des maux endémiques qui affectent la classe politique depuis des décennies. Enfin, la composition pluriconfessionnelle du Liban ouvre la voie à toutes sortes d’influences extérieures paralysantes.


    Le pays du Cèdre ne s’appartient pas. Il est l’otage des rivalités et crises régionales qui s’articulent autour du clivage entre sunnisme et chiisme, tous deux se partageant l’essentiel de l’islam libanais : guerre civile en Syrie opposant la majorité sunnite au régime alaouite; lutte d’influence entre l’Iran chiite et l’Arabie-Séoudite sunnite; affrontements entre Israël et l’Iran via le soutien de ce dernier au Djihad islamique palestinien (sunnite) et au Hezbollah libanais (chiite).

    Le « Parti de Dieu » (Hezbollah) a été fondé en 1982 dans la foulée de la révolution de Khomeyni avec deux objectifs: accroître l’influence iranienne au Levant et soutenir les aspirations des chiites libanais, frustrés de la prédominance des sunnites dans les structures étatiques et la société. Il place pour cela des militants au gouvernement et au Parlement. En outre, auréolé de sa victoire contre Israël qu’il a contraint, en 2000, à quitter le Liban-Sud occupé depuis 1978, il a conservé son armement en toute illégalité, rivalisant avec l’armée nationale.


    Puis, en 2006, il a conclu avec le général Michel Aoun un pacte qui a permis à ce dernier d’accéder au pouvoir dix ans plus tard. Fort de sa position, son secrétaire général, Hassan Nasrallah, a dépêché des dizaines de miliciens se battre aux côtés du régime de Bachar El Assad, enfreignant ainsi la politique de « distanciation » vis-à-vis de la Syrie décidée en conseil des ministres. Mais à présent, le Hezbollah, subissant l’affaiblissement économique de son principal bailleur de fonds, l’Iran fragilisé par les sanctions américaines, est discrédité aux yeux de sa base populaire, laquelle a rejoint l’intifada (révolte) contre l’avis de Nasrallah, qui charge ses miliciens de semer le trouble et la peur.

    Selon le général Khalil Hélou, cette attitude vise à « signifier clairement aux puissances régionales et internationales […] qu’aucune solution à la crise ne pourrait voir le jour sans son consentement » (2).

    Le pays du Cèdre n’en reste pas moins sous la menace de l’islamisme sunnite (groupes locaux, djihadistes venus de Syrie) qui se livre périodiquement au terrorisme. « L’Arabie-Séoudite a-t-elle laissé tomber le Liban? » Le quotidien L’Orient-Le Jour a tenté ainsi de comprendre le silence des autorités de Riyad face à la révolte libanaise (3). La démission de Hariri, le 29 octobre, n’a suscité aucune protestation du royaume wahhabite alors qu’il n’avait pas hésité, en novembre 2017, à le séquestrer pour le contraindre à renoncer à diriger un gouvernement otage du Hezbollah. L’échec de cette manœuvre avait éloigné les deux alliés. Mais aujourd’hui, « le fait que la rue chiite ait brisé le tabou de la peur et se soit jointe aux manifestants a été perçu à Riyad comme un signe de remise en question de l’influence iranienne au Liban » (4). D’où le jeu subtil des autorités religieuses sunnites de Beyrouth qui œuvrent à la reconduction de Hariri comme Premier ministre.

    Il faut aussi compter avec les 400000 Palestiniens, descendants des réfugiés de 1948 et majoritairement sunnites, dont une partie réside dans des quartiers clos où des armes sont stockées sans que l’armée ne puisse y pénétrer.

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    Manifestation imposante à Beyrouth le 17 octobre 2019.

    Pour les manifestants, soutenus par plusieurs dirigeants chrétiens et par la France, seul un nouveau cabinet composé d’experts indépendants des partis politiques, et non d’un assemblage « techno-politique » comme l’a proposé Aoun, serait légitime pour mener à bien les réformes structurelles indispensables. Telle est aussi la position de l’Église. L’ensemble des chefs religieux chrétiens, tout en appuyant le soulèvement, signe de « la renaissance de la patrie libanaise » et en jugeant sévèrement la classe politique, ont exhorté celle-ci à « prendre des mesures sérieuses, radicales et courageuses pour sortir le pays de cette grande crise » (5).


    Un Liban déconfessionnalisé ?


    Reste l’interrogation de fond. La longue chaîne composée de milliers de personnes se
    donnant la main, entonnant l’hymne national et scandant « Tous sans exception », qui s’est déployée le 27 octobre tout au long du littoral, du nord au sud, ainsi que les multiples « agoras citoyennes » où l’on discute de l’avenir, semblent exprimer le rêve d’un Liban déconfessionnalisé. Cette perspective, présentée comme idéale par de nombreux intellectuels, surtout les jeunes occidentalisés, est perçue comme un piège par bien des chrétiens lucides quant aux données actuelles : au nom d’une démocratie fondée sur la « loi du nombre », l’islam - désormais majoritaire - pourrait finir par instaurer la charia à ce pays qui en est encore préservé.

    Des questions décisives sont ainsi soulevées par cette intifada. Comment en finir avec un État qui entretient la confusion entre confessions et partis, nonobstant les noms « laïques » que se donnent certains d’entre eux (6) ?
    Comment résoudre le tiraillement d’allégeances entre nation et communauté? Comment préserver la souveraineté d’un Liban-otage? L’ancien ministre Michel Eddé, décédé le 3 novembre dernier, avait sagement réfléchi à tout cela. Opposé à la suppression du confessionnalisme politique, option qui, selon lui, signerait « la fin du Liban », il estimait nécessaire « d’établir une nette distinction entre la mentalité confessionnelle sectaire (laquelle doit être, elle, combattue) et la participation équitable des communautés au pouvoir, qui doit être préservée pour sauvegarder ce qui fait la particularité du Liban » (7).

    Injecter de la vertu dans le confessionnalisme pourrait-il être au programme du centenaire ?

    A.L. 

     

    (1) La Croix, 27 mai 2019.
    (2) L’Orient-Le Jour, 30 novembre 2019.
    (3) Id., 20 novembre 2019.
    (4) Id., 6 novembre 2019.
    (5) Id., 24 octobre 2019.
    (6) Parti socialiste progressiste (druze), Courant du Futur (sunnite), Courant patriotique libre (aouniste), etc.
    (7) L’Orient-Le Jour, 6 novembre 2019.

  • Les Français ont peur !, par Olivier Perceval.

    1303872078.6.jpegBon, tous les spécialistes qui s’expriment sur les plateaux télé, qu’ils soient médecins ou chroniqueurs sportifs, sont d’accord sur un point : Grâce au confinement le virus recule ! Je ne tiens pas compte bien sûr des irresponsables iconoclastes prétendant qu’il n’y a pas de grandes différences,en terme de résultats, entre les pays confinés et ceux qui n’ont pas appliqué le confinement drastique que nous connaissons. Mais attention, à la moindre petite négligence faisant suite aux premiers instants prudents de dé-confinement, on nous fait bien comprendre que cela repartira de plus belle. Alors gare !…

    olivier perceval.jpgDu reste, avec les nouvelles effrayantes déversées par le discours étatique et médiatique depuis plus de deux mois, les Français ont les chocottes (Sondage IFOP du 27 mars  : 77 % confient avoir peur d’être contaminé par le Covid-19 en sortant simplement de leur domicile). 

    Mais que faisaient les froussards durant le confinement  ?  : Ils restaient sagement enfermés entremblant (et accessoirement se rendaient utile à la collectivité en dénonçant à la police les mauvais citoyens observés de leur fenêtre) et ne sortaient que par extrême nécessité en essayant de se protégerun maximum. Pourtant, l’on sait que le taux de létalité (nombre de décès/ nombre de personnes atteintes) par COVID 19 est situé entre 1 et 2 % selon les meilleures sources et concerne surtout les personnes fragiles et / ou atteintes par une autre pathologie. Quant au taux de mortalité (nombre de décès/population), il est très faible mais difficile à déterminer, les tests étant peu nombreux…

    On peut donc se demander si on n’en n’a pas fait un peu trop, car ce n’est pas la première épidémie que nous subissons, et d’autres, comme la terrible grippe de Hong Kong fut à la fois bien plus mortelle et à contrario fort sous-estimée par les pouvoirs publics comme par les médias. Mais au moins, la peur ayant été épargnée aux Français, il semble que leur réaction commune, finalement fut plus dynamique et plus saine… Nous infliger Jérôme Salomon tous les soirs avec sa tête de mandarin satisfait, porteur de mauvaises nouvelles et fier de l’être, égrenant les morts et les personnes hospitalisées, sur un ton monocorde et dans un rituel immuable, c’est à coup sûr peser lourd sur le moral de certains Français fort préoccupés par leur santé physique. Ne parlons pas des ordres et contre ordres du gouvernement et la cacophonie du corps médical, vecteurs d’inquiétudes et de stress… C’est pourquoi, nous ne sommes pas étonnés en ce premier jour de dé-confinement de découvrir dans le Parisien que « 54 % de français ont davantage peur de mettre leur santé en danger en retournant travailler, que de voir leurs finances en péril en restant à la maison.  »

    Pourtant tous redoutent par ailleurs la crise économique provoquant l’effondrement de nombreuses entreprises. La peur est une excellente auxiliaire pour les pouvoirs autoritaires résolus à museler toute opposition, sans trop en avoir l’air. Un pouvoir de ce genre pourra s’appuyer en toute fiabilité sur les donneurs de leçon médiatiques qui font l’opinion. En effet, au nom de «  l’union sacrée  », il était enjoint au peuple de la fermer car «  ce n’était pas le moment  ». Mais il n’en sortira pas pour autant une «  chambre bleu horizon  », car ce n’est pas la patrie, bien collectif et historique, qui est menacée aujourd’hui, mais l’intégrité physique de citoyens matérialistes, préoccupés uniquement par leur bien être individuel et terrorisés par le spectre de la mort. Comment s’en étonner en l’absence de toute spiritualité. Pour ne pas perdre la face cependant, on fera vibrer la corde sentimentale, solidaire et humanitaire, en organisant le rituel de l’applaudissement de 20h (manifestation spontanée au départ, mais vite prise en main par les médias et les pouvoirs publics) ce qui agit un peu commeune catharsis sur la peur et donne le sentiment à peu de frais d’avoir participé à la lutte collective contre le méchant virus qui «  ne fait rien que de nous embêter  », nous les gentils obéissants à toutes les injonctions de l’État, avec un zèle dont nous sommes fiers. Gageons que ces manifestations répétitives laisseront des souvenirs pour ceux qui y ont participé, lesquels raconteront en famille, si les familles existent encore, ces moments de gloire, il y aura même peut-être des associations d’anciens applaudisseurs…

    Notre société est bien malade, et cette pandémie est un révélateur de la profonde crise morale qui la traverse. Quand Jean de La Fontaine décrit un trait de caractères significatif, à son époque, de la montée de la bourgeoisie et de l’affaiblissement de la noblesse, il montre très bien un état d’esprit devenu norme aujourd’hui. 

     Un Lièvre en son gîte songeait
    (Car que faire en un gîte, à moins que l’on ne songe ?) ;
    Dans un profond ennui ce Lièvre se plongeait :
    Cet animal est triste, et la crainte le ronge.
    “Les gens de naturel peureux
    Sont, disait-il, bien malheureux.
    Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite ;
    Jamais un plaisir pur ; toujours assauts divers.
    Voilà comme je vis : cette crainte maudite
    M’empêche de dormir, sinon les yeux ouverts.
    Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle.
    Et la peur se corrige-t-elle ?
    Je crois même qu’en bonne foi
    Les hommes ont peur comme moi. “
    Ainsi raisonnait notre Lièvre,
    Et cependant faisait le guet.
    Il était douteux, inquiet :
    Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre…

    Le lièvre et les grenouilles, de Jean de Lafontaine (extrait)

    Qui mieux que le fabuliste pouvait dépeindre ce sentiment, encore plus partagé aujourd’hui que naguère, du fait de l’anomie, du désordre moral et de l’inversion des valeurs.

    La peur est vraiment un virus terrible car il engendre immanquablement la haine, la lâcheté, la perfidieet finalement la trahison. C’est cela qu’il va falloir combattre demain en redonnant une âme aux Français, en mettant en évidence notre histoire commune pour construire notre avenir commun, basé sur nos valeurs fondatrices, et qui a pour nom  : France.

  • Sur le Blog de Jean-Philippe Chauvin :  La justice sociale, une exigence politique

    (illustration : le Sceptre et la Main de justice de Charles V)

    Nouvelle chouannerie, le Blog de Jean-Philippe Chauvin

     

    La question sociale mérite que l’on y prête attention et que l’on y réponde, autant que possible et selon les règles d’une justice sociale que nombre de nos concitoyens semblent parfois avoir oubliée : il est vrai que la lecture des manuels scolaires ou universitaires démontrent une certaine négligence sur le sujet, comme on peut le constater dans les manuels de géographie de Première des nouveaux programmes qui n’évoquent la question du chômage en France, par exemple, que par le biais d’une photo ou d’un titre de presse, sans s’y attarder plus longuement, comme si les quelques cinq millions de Français confrontés à ce drame étaient destinés à l’invisibilité ! Comment pourrait-il en être autrement quand la mondialisation, vantée sous tous les angles et couplée avec une métropolisation conquérante, est présentée comme le progrès par excellence, ce progrès obligatoire et « évidemment accepté par tous » (ou presque), désormais un peu verdi par les projets dits de développement durable, un progrès auquel il faut s’adapter pour accroître « l’attractivité », nouveau maître-mot des programmes d’aménagement du territoire ? Du coup, chômeurs et territoires en déshérence ne sont plus vus que comme les « perdants de la mondialisation », formule dont, le plus souvent, on ne retient que le premier mot, péjorativement prononcé et compris comme symbole d’un échec à imputer, non au système économique ou politique, mais aux seuls chômeurs ou aux territoires désertés… Le plus grave est peut-être que cette opinion négative est intégrée par les victimes mêmes de cette situation, un peu de la même manière que lorsque les petits Bretons ou Basques étaient moqués pour leurs langues et coutumes particulières dans l’école de Jules Ferry, au nom d’un progrès qui, à l’époque, se déclinait dans les manuels scolaires sous la formule de « République une et indivisible », et qu’ils en développaient parfois un complexe d’infériorité.

    CHAUVIN 1.jpgLe mouvement des Gilets jaunes a réveillé ce « peuple des perdants » comme le nommait récemment un sociologue sans acrimonie à leur égard, et la République en a tremblé quelques semaines avant de reprendre ses mauvaises habitudes de déni social et de suffisance. Que le gouvernement nommé par M. Macron, et malgré quelques bonnes volontés en son sein qu’il ne s’agit pas de dénigrer (preuve de la complexité du régime macronien, de cet « enfer pavé de bonnes intentions » selon un de ses adversaires), apparaisse comme le « bras armé politique de la mondialisation en France », n’est pas un contresens mais bien une triste réalité qu’il s’agit, elle, de dénoncer et de vouloir changer, non par pur idéalisme, mais par souci politique de la justice sociale. Cette dernière ne naît pas naturellement du monde dirigeant et décisionnaire de l’économie, de cette oligarchie qu’il faudrait plutôt nommer ploutocratie si l’on veut être complètement honnête, mais c’est bien par le moyen du politique, de l’exercice de l’Etat qu’elle peut être respectée et honorée comme elle doit l’être. La République peut-elle être cet Etat soucieux de la justice sociale, elle qui semble parfois avoir remplacée la main de justice par la matraque de Castaner ? J’en doute, et d’autant plus depuis les débuts de cette crise sociale inédite dont notre pays n’est pas sorti depuis un an qu’elle a commencé sur les ronds-points de France.

     

     

    La justice sociale n’est pas, ne doit pas être un « détail de l’histoire » : elle doit être la profonde motivation contemporaine de tout Etat digne de ce nom et c’est pour avoir oublié cette exigence de justice que nombre de gouvernements et de régimes, de par le monde, connaissent actuellement des mouvements de révolte souvent massifs et parfois brutaux, rompant avec ce fatalisme et cette non-violence qui, en définitive, semblaient convenir aux dirigeants et légitimaient, d’une certaine manière, leur inertie sociale au profit des grands intérêts financiers et économiques particuliers et au détriment du bien commun que, d’ailleurs, les plus libéraux des libéraux continuent à méconnaître ou à dénigrer dans une logique toute thatchérienne… Margaret Thatcher affirmait que la société n’existait pas, ce qui évitait logiquement d’avoir à traiter de la justice sociale, mais les réalités humaines, individuelles comme collectives, ont défait ce mythe libéral.

    La France ne peut oublier cette exigence de justice sociale que crient les peuples de notre pays, au sein de leurs villes et campagnes, au travers de leurs professions et activités économiques, mais aussi au gré des contestations contemporaines : cette exigence, d’ailleurs, n’est pas à sens unique et elle doit être l’occasion de repenser les fonctions économiques et les rapports sociaux, non dans une logique, vaine et souvent créatrice d’injustices, d’égalitarisme social, mais selon les critères de bien commun, de nécessaire solidarité et entraide, de service et non d’égoïsme ou de grivèlerie économique… La grande question des retraites, qui commence à préoccuper nombre de nos concitoyens, doit être l’occasion de réaffirmer la nécessité d’une justice sociale qui doit inclure plutôt qu’exclure ou marginaliser, qui doit inciter au partage et à la mise en commun et non au repli sur soi de chaque classe sur ses seuls intérêts ou jalousies : elle ne pourra être résolue positivement que par la prise en compte des qualités et des fragilités de chacun, au sein de son cadre socio-professionnel et « d’enracinement », et selon le contexte local et national. En ce sens, une réponse « corporative », c’est-à-dire qui pense le travail dans un cadre professionnel et local, selon des règles établies par branche d’activités ou corps de métier (et cela sans méconnaître les mutations du travail ni les mobilités contemporaines, mais en leur fixant un cadre légal et approprié à ces particularités), apparaît possible et, même, souhaitable : au-delà de la justice sociale, cela assurerait une visibilité et une prévisibilité à des systèmes de retraites qui doivent s’inscrire dans la durée pour satisfaire aux besoins des travailleurs d’hier comme à ceux d’aujourd’hui et de demain.

     

     

    Encore faudrait-il que l’Etat, qui doit être le garant suprême de la justice sociale entre (et pour) tous les corps et citoyens de ce pays, retrouve les moyens d’assurer et d’assumer son rôle de justicier : pour avoir la légitimité et la force d’incarner ce souci éminemment politique, il lui faut être indépendant des jeux de partis et des grandes féodalités financières et économiques, mais aussi des pressions de la « gouvernance » (sic !) de l’Union européenne et de la mondialisation. Il n’est pas certain que, désormais, l’élection du Chef de l’Etat au suffrage universel assure solidement l’indépendance de la magistrature suprême de l’Etat, car les jeux économico-politiciens l’ont prise en otage. Reconquérir l’indépendance pour l’Etat passe par un mode de désignation qui ne doive rien à l’élection sans, pour autant, la dénier pour les autres constituants de la sphère politique (assemblée nationale ; sénat ; municipalités ; chambres économiques, professionnelles, agricoles, etc.) : ainsi, la transmission héréditaire de la magistrature suprême de l’Etat apparaît comme la plus simple et la plus pérenne à long terme pour s’abstraire des égoïsmes politiciens ou particularistes. Que pour la Monarchie royale en France, la main de justice ne soit pas un simple hochet mais un symbole fort et nécessaire de sa vocation sociale, nous paraît comme le signe le plus évident mais aussi le plus exigeant de sa nature politique : si la Monarchie réinstaurée l’oubliait ou le négligeait, elle en paierait le prix le plus élevé, celui du discrédit et de la chute finale, comme le signalait avec véhémence le plus fidèle des royalistes, notre capitaine Georges Bernanos…

  • Une économie sans échelle de valeur

     

    Par François Reloujac  

    Monnaie. Puisque de nombreux économistes s’interrogent sur l’éventualité d’une crise financière grave et plus ou moins imminente, il paraît intéressant de se poser la question de savoir quelles conséquences une telle crise aurait sur notre économie nationale et sur la vie des citoyens. 

    Nos sociétés ont perdu tout repère de valeur, tout le monde le sait. Mais même les repères élémentaires économiques, financiers et monétaires qui organisaient les réflexes sociaux, tendent à disparaître. Alors, on comprend que les agents économiques sont comme anesthésiés et qu’ils ne pourront pas, en cas de difficulté, modifier rapidement leur comportement.

    Plus de référence objective

    Depuis que le président américain Richard Nixon a fait voler en éclats le système monétaire international en déconnectant toutes les monnaies d’une référence externe indépendante (la valeur d’une once d’or), les États n’ont eu de cesse de manipuler leur monnaie au gré des intérêts immédiats du parti au pouvoir. Il en est résulté un gonflement rapide de la masse monétaire en circulation qui ne correspondait pas aux besoins économiques réels des pays. La monnaie a été créée ex nihilo pour répondre à des besoins de puissance internationale ou plus prosaïquement, pour faciliter la prise de mesures démagogiques destinées à favoriser les réélections. En entrant dans cette voie, la surenchère électorale jouant, cette création monétaire s’est emballée d’autant plus facilement que les analyses qui avaient, en leur temps, valu un prix Nobel d’économie à leurs auteurs et qui liaient le niveau d’inflation à l’importance de la masse monétaire, se sont révélées très largement insuffisantes… tout autant d’ailleurs que celles qui liaient le taux de chômage à ce même niveau d’inflation. Il est vrai que ces analyses avaient été réalisées dans le cadre de systèmes économiques fermés, protégés par des barrières douanières et irrigués par une monnaie dont la valeur était définie par référence à un étalon stable.

    Aujourd’hui, plus aucune monnaie n’a de valeur intrinsèque ; elle n’a de valeur que son pouvoir d’achat du moment qui est dépendant de deux grandeurs principales : la quantité de biens et de services offerts aux consommateurs sur un marché donné et la possibilité pour ces mêmes consommateurs de recourir plus ou moins au crédit. Dans un monde économique globalisé, la première de ces grandeurs est très largement dépendante des importations tandis que la seconde est plus ou moins directement contrôlée par les institutions financières internationales. Les pouvoirs publics n’ont plus de possibilité de canaliser les importations en fonction des intérêts supérieurs du pays puisque non seulement ils n’ont plus la possibilité de se protéger par des barrières douanières ou des taux de TVA adaptés, mais encore parce qu’en vertu des nouveaux traités commerciaux internationaux, telle ou telle législation jugée protectrice pourrait être attaquée devant un tribunal étranger par une entreprise estimant qu’elle ne peut pas vendre librement ses produits. Quant à la question du crédit, depuis la réforme de la Banque de France « importée » par Valéry Giscard d’Estaing, l’État n’a plus la possibilité d’emprunter à la banque centrale, laquelle n’est devenue depuis qu’un rouage dans un système européen indépendant dont le but n’est pas de soutenir l’économie du pays mais de défendre la survie de l’euro sur les marchés financiers internationaux. Aucune de ces deux grandeurs fondamentales ne dépend plus réellement des pouvoirs politiques nationaux qui sont donc désormais dépendants d’intérêts étrangers.

    Des consommateurs manipulés

    La monnaie n’a plus de valeur externe, mais elle ne sert plus, non plus, de repère véritable aux consommateurs. Les promotions, les ventes privées, les soldes, ont été largement développés par un grand commerce triomphant au point qu’il est désormais impossible pour le consommateur de savoir quelle est la valeur intrinsèque normale des biens qu’il achète. La loi et la tradition ont beau toujours expliquer que la revente à perte est interdite, la concurrence a beau instiller dans les esprits que les marges commerciales des revendeurs sont écrasées, on assiste à des opérations commerciales au cours desquelles les rabais sur des produits de grande consommation atteignent 70 %.

    La multiplication des produits d’apparence similaire mais de composition très différente contribue aussi à faire perdre tous les repères : on a par exemple mis en concurrence, sous le même nom générique, des desserts composés exclusivement de lait, de sucre, de fruits et de ferments naturels et des desserts de même apparence et même consistance mais composés d’eau, d’émulsifiants, de colorants, d’édulcorants et de ferments de synthèse. Si ces deux produits ont pour leurs producteurs des prix de revient très différents, leur prix de vente au consommateur – qui varie d’un commerce à l’autre et, au sein d’un même magasin, d’une semaine à l’autre – est plus établi en fonction de la forme et la couleur de leur emballage ainsi que de la notoriété de la marque apposée dessus que de la qualité intrinsèque du produit. On a ainsi habitué le consommateur à ne pas savoir ce qu’il achète – sauf à passer un temps énorme à essayer de déchiffrer les petites lettres figurant sur les emballages – et à ne pas en connaître le prix.

    Les achats, dans les grandes surfaces sont devenus de plus en plus compulsifs. Il n’y a plus de vendeurs spécialisés connaissant vraiment les produits qu’ils proposent à la vente ni même sachant seulement ce qui se cache réellement derrière les codes à trois chiffres précédés de la lettre E. Ses produits qui servent parfois à la conservation, sont surtout destinés à donner belle apparence sans être tous d’une innocuité absolue.

    Plus de garantie ni d’assurance

    Pour ajouter à cette déstabilisation, on habitue de plus en plus les consommateurs à ne plus manipuler de monnaie. L’acte de paiement étant jugé comme un facteur de ralentissement du commerce, tout est imaginé pour le rendre le plus transparent possible. On paye de plus en plus avec des cartes, en essayant de généraliser de plus en plus les cartes sans contact, ou même avec son « téléphone » portable. Mais, ce faisant, le consommateur perd jusqu’à la perception de ce qu’il dépense et de ce qui lui reste pour terminer le mois sans être obligé de recourir au crédit. La monnaie n’est plus une réalité tangible. La sécurité découlant de la propriété d’une certaine quantité de « réserve de valeur » a disparu au profit d’une accessibilité immédiate à un pouvoir d’achat concédée par une institution financière dont les intérêts sont autres.

    Ce système, foncièrement individualiste, est porté en avant par le désir du « toujours plus » et ne peut donc fonctionner normalement que dans un mécanisme de croissance autoentretenu. Mais il ne permettrait pas de faire face à une crise financière si elle se produisait. Il ne permettrait pas non plus de la voir venir car, comme elle sera essentiellement fondée sur la subjectivité des apparences, chacun essaiera dans un premier temps de gagner du temps par des succédanés trompeurs. Hélas, si crise économique il y a, elle risque fort de devenir rapidement aussi une crise sociale et politique. D’une part chaque agent économique individuel – habitué aux assurances – ne cherche plus à se prémunir contre un accident futur toujours possible et d’autre part, au niveau social, une communauté d’intérêts financiers s’est substituée à la solidarité nationale.

    Dans nos vieilles nations qui ne croient plus en elles-mêmes, le ressort de l’État perdra et a déjà perdu l’efficacité de sa riposte. L’économie et la finance ont évincé la politique de son vrai rôle qui est primordial. Les dirigeants de nos pays ne croient plus dans l’histoire ni dans l’avenir de nos sociétés. Ils sont entièrement tributaires d’une finance internationale dont ils ne sont plus que les agents.    

    Le siège de la BCE à Francfort. Elle ne maîtrise plus la siuation monétaire et financière qu’elle a créée. Politique magazine.

    Le siège de la BCE à Francfort. Elle ne maîtrise plus la situation monétaire et financière qu’elle a créée.   

     François Reloujac

  • La technique de l’évolution « sociétale »

     

    Par François Reloujac 

     

    Comment les animateurs et les maîtres de la société moderne organisent les processus irréversibles. 

    Au début de l’été, trois événements successifs ont mis au premier rang de l’actualité des problèmes de société : il s’agit, successivement de la décision du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) relatif à la « procréation médicalement assistée » (PMA), de l’annonce du décès de Simone Veil, ancien ministre de la Santé qui a défendu devant le Parlement la loi dépénalisant l’avortement et enfin de la décision de la Cour de cassation sur la reconnaissance de « paternité » en France d’enfants nés à l’étranger d’une « gestation pour autrui » (GPA). Trois événements présentés comme en rapport avec des « avancées sociétales ». Un petit retour sur l’histoire suffit pour en comprendre le mécanisme mis en jeu pour transformer la société.

    Le progressisme toujours si bon et si humain !

    Avec la loi Neuwirth, en 1967, il s’agissait de défendre le « droit » pour les femmes à « maîtriser leur fécondité », cette « maîtrise » ayant été présentée comme permettant de faire disparaître les avortements ! Lors du vote de cette première loi « sociétale », on estimait officiellement que les avortements clandestins provoquaient en France la mort d’environ 300 femmes par an et rendaient stériles environ un à deux milliers d’autres. Ces chiffres, donnés alors pour sûrs, n’étaient que des approximations, aucune statistique n’étant établie sur ce critère des victimes d’avortements clandestins. Pour horrible que fut le chiffre, il ne s’agissait là que d’un phénomène marginal. De 1967 à 1974, sous la pression de personnes jouissant d’une certaine popularité, la question de l’avortement a nourri les journaux. Trois cent-quarante-trois femmes jeunes ou moins jeunes – mais, toutes, riches et célèbres – ont bravé la loi en revendiquant s’être fait avorter et en réclamant le même droit pour toutes. Dans un même temps, la pilule était autorisée pour les mineures sans l’autorisation des parents. Hélas, lorsqu’une jeune femme oubliait de prendre « sa » pilule, et qu’elle se retrouvait enceinte, ce n’était pas l’affaire de son « partenaire » d’un soir ; elle n’avait plus qu’à assumer, seule, les conséquences de son « oubli » et donc de sa maternité ou à se faire avorter.

    Dans une optique « progressiste », plutôt que de s’interroger sur la responsabilité de la loi dans l’accroissement du nombre des avortements, on a cherché à corriger la conséquence présentée comme non souhaitée : on a « dépénalisé » ! Les deux arguments principaux avancés pour faire voter cette loi par un Parlement majoritairement hostile au projet méritent d’être analysés, car, n’en doutons pas, ils serviront encore pour de nouvelles « avancées sociétales ». Ce sont l’émotion causée par le scandale du nombre des décès par avortement, d’une part, et le fait que l’avortement sans risque n’était ouvert qu’aux seules femmes riches qui avaient les moyens d’aller se faire avorter à l’étranger, d’autre part. Il fallait donc que, sans discrimination, ce nouveau « droit » fût ouvert à toutes.

    Le ministre de la santé de l’époque a mis en avant au Parlement le nombre horrible des « mortes » du fait des avortements clandestins : 60 000 ! Pour un nombre d’avortements clandestins estimé lui à moins de 120 000 ; à comparer aux 300 annoncés sept ans auparavant, et aux 220 000 enfants tués dans le sein de leur mère du fait des avortements annuels aujourd’hui ! On semble avoir oublié comment avait été forgé le chiffre de 60 000 décès annoncé au Parlement : on y avait inclus, puisque les décès consécutifs à des avortements clandestins n’étaient pas comptabilisés en tant que tels, tous les décès pour cause inconnue. C’est-à-dire, puisque l’on ne distinguait pas entre les sexes dans les statistiques des décès que de nombreux hommes étaient ainsi réputés avoir succombé à un avortement clandestin ; le « genre » avant la lettre !

    La même technique a été mise en œuvre pour justifier chacune de ces « avancées » dont personne ne voulait réellement. Le PACS a été voté pour empêcher de baptiser « mariage » le couple formé par des homosexuels avant d’en arriver au « mariage pour tous » (qui constitue un double déni puisqu’il ne s’agit pas d’un mariage au sens propre du terme, d’une part, et que, d’autre part, tout le monde pouvait se marier avant cette loi), au nom de l’égalité entre les couples. En imposant le « mariage » entre homosexuels, on a dit que jamais cela n’ouvrirait aux homosexuels le droit à la procréation médicalement assistée acronymisé PMA : un euphémisme pour ne pas dire insémination artificielle avec donneur anonyme ; et moins de cinq ans plus tard le Comité consultatif national d’éthique a ouvert la porte à cette nouvelle « avancée » !

    Lors du débat qui a précédé le vote de cette loi dite du « mariage pour tous » on avait promis que cela ne conduirait pas à la gestation pour autrui (GPA), c’est-à-dire à la location de l’utérus des femmes au profit d’homosexuels en manque d’enfants (marché qui pourrait être très lucratif). Mais la Cour de cassation a trouvé le moyen de considérer qu’une GPA réalisée à l’étranger ne fait pas obstacle, à elle seule, à la transcription sur les registres de l’état-civil français en ce qu’il désigne le père, ni à l’adoption de l’enfant par l’époux (sic) du père. Le deuxième argument utilisé pour faire voter la loi Veil sera bientôt réactivé : il faudra permettre à ceux qui n’ont pas les moyens d’aller acheter un enfant à l’étranger de le faire en France.

    Quand la fin justifie les moyens

    Le système est bien rodé. Dans une méthode téléologique soigneusement mise en œuvre, chaque « avancée sociétale » est toujours incomplète pour ouvrir la porte à une nouvelle « avancée » une fois que la précédente est entrée dans les mœurs. Ainsi la pilule contraceptive a été présentée comme permettant de lutter contre les avortements clandestins, alors que tout le monde savait qu’il entraînerait inéluctablement leur augmentation. Ceux qui, à l’époque ont voulu mettre en garde contre cette dérive ont été traités d’affreux antiféministes. Comme le nombre des avortements a effectivement augmenté, on a dépénalisé ce crime… tout en refusant de le considérer comme un acte médical et donc de le rendre remboursable par la Sécurité sociale. La légalisation ouvrait la porte à une nouvelle « avancée » puisqu’il était inconcevable que les femmes riches puissent y recourir dans de « bonnes conditions » et que les femmes pauvres ne puissent le faire qu’au risque de leur vie. L’avortement est devenu, égalité oblige, un acte remboursable, puis gratuit, ouvert aux mineures sans l’autorisation de leurs parents. Le PACS devait permettre d’éviter le « mariage » entre des homosexuels jusqu’à ce que l’on s’aperçoive d’une nouvelle discrimination entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels. L’on en est arrivé au « mariage pour tous » qui n’est plus une « institution » mais un contrat entre personnes « qui s’aiment » ! On a ainsi ouvert trois nouvelles inégalités : une première entre les couples hétérosexuels qui ont droit, en cas d’infécondité, à la procréation médicalement assistée et les couples homosexuels qui en sont privés ; une deuxième qui réserve le « mariage » uniquement à deux personnes au lieu de trois ou quatre ; une troisième qui autorise deux êtres qui s’aiment à se marier, quel que soit le sexe de l’un et de l’autre, mais qui maintient encore une privation de droit en fonction de l’âge. On voit aujourd’hui ce qui se passe à propos de la « PMA » – qui ouvrira la porte à la GPA –, on verra demain ce qu’il en sera avec le nombre des « mariés » et surtout, avec l’âge des mariés. Si, dans de rares cas, une femme d’âge mûr cherchera à convoler avec un jeune homme presque encore imberbe, on verra surtout se multiplier les mariages entre des hommes d’un certain âge avec des jeunes filles à peine nubiles. Et ceux qui s’opposeraient à ce nouveau « droit », que l’on recrutera essentiellement dans les milieux réputés rétrogrades, seront appelés des « pédophobes ».

    On comprend pourquoi les députés allemands de confession islamique ont voté, en juillet 2017, en faveur du « mariage » entre homosexuels. On comprend aussi pourquoi l’Union des communautés et organisations islamiques d’Italie ont réclamé une législation en faveur de la polygamie, « du fait que la loi italienne autorise les unions civiles homosexuelles ». En effet, si, comme l’écrit William Kilpatrick, « le mariage ne doit plus se limiter à l’union d’un homme et d’une femme, pourquoi ne pas permettre l’union d’un homme et de quatre femmes ? » Ce serait « une avancée sociétale » !  

    Site Politique magazine

  • Politique & Société • L’Europe, cette « Babel moderne » dont ils se félicitent !

     

    par François-Xavier Decrop
     
    Une réflexion étonnante et originale, une sorte d'exégèse érudite des textes bibliques - dans le détail desquels nous ne nous aventurerons pas - mais un cheminement intéressant qui conduit à une critique de fond de la Babel européomondialiste comme des sociétés postmodernes liquides et hors sol.  On lira ce texte avec intérêt en ce dimanche religieux ... Sans négliger son aspect politique et social [Causeur, 30.11] LFAR 
     

    Babel. Mon étonnement devant la puissance de ce verbe croît de jour en jour.

    Récemment sur les ondes, deux hommes politiques français qualifiaient – admiratifs – l’institution européenne de Bruxelles de « Babel moderne », carrefour de langues multiples et rencontre de cultures diverses… Ecoutant peu les médias, je donne à cette redondance valeur significative.

    « Dieu n’existe pas mais notre projet reste de le défier »

    Premier étonnement d’entendre des « leaders » politiques « progressistes » utiliser, pour qualifier le projet européen, ce terme biblique d’un âge où le religieux conduisait les hommes. 

    Puis surprise du contresens : Babel était au contraire la réitération d’un langage circulaire -« briquetons des briques… » – jugé par Dieu Lui-même comme une impasse. L’institution européenne serait-elle dans cette même fièvre écholalique, derrière la multiplicité des langages ?

    Cette invocation se référerait peut-être au sens couramment donné à cet épisode de « défi à Dieu » ? Étonnante persévérance : ce projet politique explicitement laïc, effaçant toute référence religieuse, serait donc de fait implicitement : « Dieu n’existe pas mais notre projet reste de le défier ».

    Le texte fondateur de notre civilisation judéo-chrétienne semble inconnu ou incompris d’une partie de nos élites dirigeantes. Il est très étonnant de croire pouvoir conduire les hommes vers l’a(d)venir en effaçant les étapes précédentes du chemin. Il est vrai que l’héritage oblige. Pour se libérer de toute dette envers ceux qui nous ont précédés, il suffit d’offenser leur mémoire au nom des violences passées, en oubliant de célébrer ceux qui, graduellement, ont construit ce monde de droit que nous avons reçu, par exemple en abolissant l’ignoble pratique de l’esclavage, contre tout intérêt et pratiques en vigueur, au nom de ce principe d’équivalence humaine hérité du monothéisme. Libre enfin des empêchements du passé, l’homme se rêve alors au centre d’un monde soumis à son emprise, et peut alors laisser cours à la tyrannie égotique de son cerveau reptilien. Les plus dénués de scrupules prennent alors les rênes du pouvoir sur un peuple indigné de son histoire. Mais où ces Tartuffes nous conduisent-ils ? L’étonnement se fait inquiétude.

    « Sur toute la terre, une seule lèvre, des paroles unies… »

    Pour qui persiste à penser ce monde et notre place dedans, il reste d’interroger ce texte, d’autant plus s’il se veut affranchi des rites, des chapelles et de dogmes, car notre culture s’est construite sur ce texte fondateur, et notre pensée s’est constituée par lui.  Alors, même si nous nous pensons « sortis du religieux », cette très particulière désacralisation du monde où il nous a conduits doit-être pensée à partir de lui.

    Que nous dit le récit biblique ? : « sur toute la terre, une seule lèvre, des paroles unies… » (..) « dans cette faille en terre de Shin’ar » où l’homme s’est installé, ils répètent en boucle, « briquetons des briques », et cette synergie de tous décuple la capacité de faire, d’agir sur le monde, sans aucune limite.

    Le Dieu créateur du monothéisme disperse alors les hommes « sur les faces de toute la terre », de peur que sinon «  rien n’empêche pour eux tout ce qu’ils préméditeront de faire ». Cette puissance synergique conférée par le langage mimétique est menaçante. Nullement pour Dieu Lui-même : quand on a créé le monde par son seul verbe, une tour hélicoïdale de quelques dizaines de mètres érigée par les hommes ne peut être une menace 1 !

    Si la solution « thérapeutique » a consisté en la dispersion de l’humanité « sur les faces de toute la terre », en « mêlant leur lèvre afin que l’homme n’entende plus la lèvre de son compagnon », c’est bien dans le langage que doit résider le problème. L’appropriation du langage par l’homme pourrait se fourvoyer dans des impasses. L’ « écholalie » mimétique en serait une. En quoi trahirait-elle le projet que le langage porte ?

    L’homme redescend les degrés de son hominescence

    Le langage est donné dans la « Genèse » comme puissance créatrice première de ce monde (« Dieu dit… » , « et la lumière fut… »). Cet exemple fondateur propose par cela à l’Homme un chemin d’être au monde. D‘abord celui-ci « crie » le nom des animaux, en connexion sans doute avec ses émotions primaires (faim pour le choux et la gazelle ?, peur pour le lion ?…), puis il nomme, dans le registre affectif décrivant l’absence : « Celle ci est Isha, car de Ish a été prise… ». Le langage désigne « en creux » ce qui manque, et devient symbolique. Une fois l’inventaire de ce qui l’entoure fait, et l’instance psychique affective préconsciente élaborée, la fonction cognitive lui permettra une description du monde décentrée de lui-même. Le langage scientifique tentera ensuite de décrire l’intime du réel, et d’approcher ce verbe créateur primordial que postule notre cosmogonie. Le langage est chemin d’être au monde pour l’homme, et sa dimension collective donne place à l’élaboration individuelle, créatrice de sens dans une re-présentation du monde qui s’élabore graduellement.

    Cette répétition mimétique est à la fois renoncement à cette tâche difficile d’élever son verbe au niveau du Verbe créateur, et disparition de la possible rencontre avec l’autre : l’individualité, comme l’altérité disparaissent, au profit d’un faire qui ne connaît plus de limites. L’Homme choisit alors la puissance sur les choses, mais renonce au travail sur lui même. Le langage n’est plus « être au monde » ni création. Devenu l’instrument du faire, l’homme  ne se construit plus, et ses instances psychiques affectives comme cognitives sont balayées au profit d’une pulsion d’emprise « reptilienne », plus petit dénominateur commun du psychisme humain. L’homme redescend alors les degrés de son hominescence, vers l’animalité sur laquelle il s’est construit, comme dans une spirale descendante symétrique de celle, montante, érigée de ses mains.

    Quels « sommets » visons-nous?

    Le siècle passé, avec ses « ismes » destructeurs – fascisme, communisme, nazisme – nous donne exemples de ce verbe circulaire mobilisant les foules, et détruisant par leur puissance de faire hommes et cultures.

    Sommes-nous à nouveau dans ce même mouvement collectif mimétique destructeur, où l’homme pourra tout, mais ne sera plus rien ? Allons-nous vers de nouveaux massacres, ou les influences de la « Davocratie » nous préparent-ils la diminution de l’homme décrite par Nietzsche dans son Zarathoustra  ?

    Cette mondialisation liberto-libérale qui s’impose aujourd’hui, réduisant le monde à sa dimension monétaire et faisant chemin de déconstruire ce qui nous a construit, en serait-il le dernier avatar, avec le psittacisme circulaire des médias et réseaux sociaux ? Sous l’affirmation individuelle auto-centrée de son cerveau reptilien, chacun usera-t-il de l’autre comme un objet au service de ses désirs, de l’assaut sexuel « Sofitelesque » à l’euthanasie de « ceux qui ne sont rien » (fétus, malades, vieux dépendants…), en passant par la location des ventres dans la GPA, « même chose que louer ses bras » ?

    « Lorsque le fascisme reviendra, il s’appellera lui-même antifascisme », a-t-on fait dire – à tort – à Churchill.

    Surprise majeure alors que de recevoir réponse à cette angoissante question de la bouche même des acteurs de cette « révolution » en cours. Ils  tentent de nommer cela même qu’ils font, et choisissent justement ce terme qui définit et condamne leur projet… BABEL !   

  • AUDIOVISUEL PUBLIC • La République et sa courte honte

     

    Par Christian Tarente

     

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    Ce n’est pas d’aujourd’hui que les radios et télévisions publiques, financées par la redevance, sont sur la sellette : toujours trop coûteuses pour des audiences toujours trop piteuses. Une honte ! Donc, une seule politique, serrer la vis. Mais la question de fond demeure : à quoi sert un audiovisuel d’État ? 

    « L’audiovisuel public est la honte de la République ! » On s’est demandé quelle mouche a bien pu piquer Emmanuel Macron lorsqu’il a proféré cette imprécation. Si l’on songe à toutes les hontes que traîne notre République, ce n’est sûrement pas celle-là qui vient la première à l’esprit ! Quant à ce qui fait le plus honte à l’audiovisuel public aujourd’hui, c’est qu’il se soit fait le champion de la langue de bois, de la pensée unique et du politiquement correct réunis. Or on n’a pas beaucoup entendu le président de la République, toute honte bue, s’exprimer sur ce registre…

    Il y avait donc une autre explication, qui est vite venue. Il fallait que les médias publics prennent leur part de la cure d’amaigrissement du budget de l’État. Décision a été prise de les taxer de 500 millions d’euros d’économies sur quatre ans (pour un budget annuel global d’un peu moins de 4 milliards). Un choix drastique, impossible à tenir selon les responsables concernés, au premier chef la présidente de France-Télévisions, Delphine Ernotte, qui commença à protester vertement. C’est alors que surgit, de l’Élysée, la fameuse saillie présidentielle. Mme Ernotte se sentit aussitôt visée – de même que ses collègues des autres entités concernées, Radio-France, France-Médias Monde, TV5 Monde et l’INA. Alors tout ce petit monde, accablé par la « honte », est rentré dans le rang, applaudissant des deux mains le nouveau cap officiellement annoncé par la voix du ministre de la culture, Françoise Nyssen.

    ÉVOLUTIONS TECHNIQUES ET BOULEVERSEMENTS DES COMPORTEMENTS

    Que l’audiovisuel public doive « bouger » est une évidence, eu égard aux évolutions techniques qui bouleversent les comportements du public. D’autant plus que les appétits commerciaux attisent sans cesse, chez le citoyen consommateur, le désir d’innovations. La TNT, télévision numérique terrestre – diffusée par émetteurs hertziens – est de plus en plus concurrencée par la diffusion par satellite, par câble, par ADSL (via les lignes téléphoniques) et, de plus en plus, par la fibre optique, beaucoup plus puissante. La possibilité pour chacun de s’affranchir des grilles de programme des chaînes ne cesse ainsi de s’accroître. Cela a commencé par le replay puis le podcast, la possibilité offerte par les chaînes de choisir le moment où l’on regarde leurs programmes (snobisme et paresse aidant, le vocabulaire anglo-saxon règne ici avec une arrogance qu’on ne pense même plus à contester !). Cela va désormais, on le sait, jusqu’à la capacité pour un abonné d’accéder en permanence à des catalogues proposant des centaines voire des milliers de films de cinéma et de séries télévisées : l’entreprise californienne Netflix propose près de 6000 films et séries aux États-Unis, et déjà 2000 en France, dont beaucoup d’exclusivités. L’usage d’Internet affecte aussi énormément les comportements : il n’y a pas que les jeunes atteints de toxicomanie aux jeux vidéos, le plus large public est lui aussi concerné. S’ajoutent, bien sûr, les réseaux sociaux – Facebook, Twitter,… – ainsi que l’écoute de musique en streaming, qui ont mis fin, dans les jeunes générations, à l’usage habituel de la vieille « téloche ». Seuls les grands événements résistent à la tendance, ce qu’illustre une petite histoire qui court sur les réseaux sociaux, celle du Séoudien qui dit à un copain : – Tiens on ne t’a pas vu à la dernière lapidation ! – Non, mon vieux, c’était jour de match !… Encore notera-t-on qu’il lui eût suffi d’apporter son smartphone…

    L’audiovisuel public ne peut donc que s’adapter à ces réalités nouvelles. C’est à la faveur de ces mutations imposées, présentées comme des éléments de la marche triomphale du progrès, que le gouvernement espère faire avaler la pilule des 500 millions disparus… Prenant acte de l’impasse totale que constitue la traditionnelle course à l’audience, le gouvernement a fixé quatre nouvelles priorités : reconquérir le public des jeunes, largement perdu en route, en effet, relancer une politique éducative, intensifier la création et développer les programmes de proximité (France 3). De vieilles lunes, à vrai dire : ce furent toujours des priorités de l’audiovisuel d’État. Mais elles seront désormais proposées sur des « plateformes » numériques et thématiques : jeunes, éducation, culture, etc. Multimédias, ces plateformes proposeront des « modules » aussi bien radio que TV, et feront une place à l’interactivité.

    Tout ne s’annonce pas bien, cependant. Ainsi est-il prévu, au nom de la « proximité », de faire passer de 2 à 6 heures quotidiennes les programmes proprement régionaux de France 3. Il y a un précédent : en 1983, Mitterrand regnante, Serge Moati avait eu une ambition analogue, fondée sur un système d’échanges entre les régions plutôt astucieux. Mais très vite, faute de moyens, les programmes se révélèrent nuls, et le fiasco fut total ! Il est à craindre que cela se renouvelle…

    UN  MÉDIA « ENGAGÉ DANS LA VIE CITOYENNE » ? … AÏE, AÏE, AÏE !

    francetele_sipa.jpgLes sacrifices délibérés vont toucher les chaînes elles-mêmes. La mort annoncée de la diffusion hertzienne de France 4, spécialisée dans les spectacles et les programmes pour enfants et adolescents, fait quelques remous. Moins pour cette disparition même que pour la nouvelle guerre de l’ombre qu’elle déclenche : qui occupera désormais l’excellent canal dont France 4 disposait sur la TNT ? L’idée a d’abord été d’en faire profiter la version télévisée de France Info. Mais ses concurrents – BFM-TV, LCI (TF1) et C-news (Bolloré) – s’agitent dans les couloirs de l’Assemblée et à Matignon : leurs ressources étant exclusivement publicitaires, il y aurait inégalité de traitement. Pour mettre d’accord les belligérants, une autre voie est évoquée : affecter le canal disputé à la téléphonie mobile. La décision finale appartient au CSA, censé appliquer des critères « non-discriminants »… Le CSA tiendra d’autant plus à marquer là son territoire que sa plus prestigieuse prérogative – nommer le président de France-Télévisions – devrait lui échapper : on a fini par s’apercevoir qu’elle était peu compatible avec sa fonction judiciaire de gendarme de l’audiovisuel… Sarkozy en avait tiré les conséquences à sa manière, Hollande y était revenu sans l’ombre d’une réflexion. Aujourd’hui, pour la télévision publique, structure centralisée ou éclatée ? Macron s’interroge. De toute façon, on l’aura compris, la question présentera, à l’avenir, de moins en moins d’intérêt.

    Contrairement à une autre question qui, elle, touche à l’essentiel. Quel message l’État entend-il faire passer à travers les médias publics ? Un État entièrement voué au bien commun n’aurait pas d’autre souci que d’en rechercher sans cesse le contenu, l’audiovisuel public pouvant contribuer puissamment à l’expression de cette recherche. Mais lorsque règne en maître un ultra-libéralisme à la Luc Ferry – à qui l’idée même d’un bien commun des Français fait horreur –, on peut redouter le pire. Ainsi a-t-on entendu Françoise Nyssen, ministre de la culture, en appeler à un « média engagé dans la vie citoyenne » car, plaidait-elle, « sur le sujet de la diversité, le pays des Lumières est hautement réactionnaire… Avec une volonté politique sans ambiguïté, notre média engagé changera les mentalités sur le terrain. » On se demande pourquoi Mme Nyssen a mis ce discours au futur, tant elle décrit une réalité déjà très présente. On est pourtant presque rassuré d’entendre énoncer à haute voix ce que l’on sait être la pensée profonde de nos élites ! Nous voilà prévenus par la voie officielle que la liberté d’expression a encore du souci à se faire. 

    Christian Tarente

  • Sans l’indépendance de l’État, il n’y a pas de libertés, EDITORIAL de Philippe SCHNEIDER (la lorraine Royaliste).

    Nous vivons depuis main­te­nant près de 2 ans sous le signe du « Covid », de ses déri­vés et des consé­quences impo­sées par notre gouvernement.

    Dans le temps, ces mesures paraissent contra­dic­toires, impro­vi­sées.

    Cela est dû en grande par­tie à des contraintes maté­rielles : manque de masques, de lits dans les hôpi­taux, sur­tout en réani­ma­tion, mau­vaise orga­ni­sa­tion de notre sys­tème de san­té, beau­coup trop cen­tra­li­sé, à l’administration ten­ta­cu­laire et oné­reuse, etc.

    Des leçons sont à tirer de cet état de fait. Nous pou­vons repro­cher à notre gou­ver­ne­ment de ne rien faire pour amé­lio­rer la situa­tion pour pou­voir avoir les moyens de faire face lors d’une nou­velle épi­dé­mie, ce qui arri­ve­ra fata­le­ment. L’histoire nous montre que cela arrive régu­liè­re­ment et sans « pré­ve­nir ». Il faut donc être prêt. Au contraire, sans doute pour faire des éco­no­mies, il semble que le pou­voir aggrave les choses pour l’avenir : il y aurait eu encore des sup­pres­sions de places dans les hôpi­taux alors qu’il fau­drait en créer !

    Dans le monde, nous consta­tons des réac­tions très dif­fé­rentes d’un pays à l’autre. Cer­tains n’ont pris aucune mesure par­ti­cu­lières, se conten­tant de pré­co­ni­ser de la pru­dence dans les rela­tions entre les per­sonnes (Suède, cer­tains États des USA,…) et d’autres ont pris des mesures très strictes (confi­ne­ments, fer­me­tures des écoles,…) un peu comme la France avec tous les inter­mé­diaires pos­sibles. Or, il semble, pour l’instant, que le pour­cen­tage de morts par rap­port aux habi­tants soit à peu près le même quelque soit la poli­tique sui­vie. Pour­cen­tage d’ailleurs très faible com­pa­ré à d’autres pan­dé­mies ! Ajou­tons que dans cer­tains pays, il y avait des poli­tiques de trai­te­ments dès les pre­miers symp­tômes alors que d’autres ne soi­gnaient que plus tar­di­ve­ment. Tous, par contre, ont comp­tés sur les dif­fé­rents vac­cins pour jugu­ler l’épidémie. Rai­son pour laquelle ils furent dis­tri­bués très vite avant même que les essais ne soient ter­mi­nés (ils ne le sont tou­jours pas, rai­son pour laquelle il est dif­fi­cile et sans doute illé­gal de les rendre obli­ga­toires).  Ces vac­cins – ceux auto­ri­sés en France comme les autres – semblent dimi­nuer les risques du moins pour les formes graves de la mala­die. C’est déjà quelque chose mais cela jus­ti­fie-t-il un tel achar­ne­ment ? Et puis il y a quand même des incer­ti­tudes sur les consé­quences  à moyen et long terme sur­tout pour les vac­cins à base d’ARN mes­sa­gers, selon de nom­breux scien­ti­fiques. Risques faibles sans doute mais risques. Cela jus­ti­fie l’objection de conscience d’ailleurs recon­nue par les Évêques de France, du moins tant que les périodes d’essai ne seront pas terminées.

    Le gou­ver­ne­ment, conscient de ce pro­blème, tourne le pro­blème en impo­sant un « passe sani­taire » pour de nom­breuses acti­vi­tés, ce qui revient à rendre le vac­cin pra­ti­que­ment obli­ga­toire ! Remar­quons qu’il doit dou­ter de son effi­ca­ci­té car, autre­ment,  il ren­drait d’abord ce « passe » obli­ga­toire là où il y a le plus de pro­mis­cui­té, en par­ti­cu­lier les trans­ports en com­mun (bus, métros, trams, RER,…) et non pas dans les cafés et res­tau­rants, sur­tout les ter­rasses, où cela ne sert à rien !

    Nous pou­vons nous deman­der à quoi rime réel­le­ment ce « passe sani­taire » pour nos gou­ver­nants ? Et là nous nous rap­pe­lons que cer­tains comme Jacques Atta­li, le « men­tor » de Macron, mais aus­si le créa­teur du forum de Davos, Klaus Schwab, ou le sul­fu­reux George Soros et leurs amis sou­hai­taient l’apparition d’une épi­dé­mie afin de tes­ter des sys­tèmes de contrôle de la popu­la­tion comme le « passe sani­taire » ! Ensuite, cela pour­rait être géné­ra­li­sé s’il n’y avait pas trop de réac­tions. Ain­si, avec ce « contrôle » et la mon­dia­li­sa­tion, la finance inter­na­tio­nale pour­rait mul­ti­plier ses pro­fits… Com­plo­tisme ? Non car un com­plot est par défi­ni­tion secret et mis en place par un ou des groupes occultes. Là, ce n’est pas le cas, car les per­son­nages cités et d’autres ont clai­re­ment annon­cé cet objec­tif par écrit ou lors de confé­rences publiques et lar­ge­ment dif­fu­sées. Phi­lippe de Vil­liers en donnent toutes les preuves dans son der­nier livre « Le Jour d’après ». Et c’est cela qui jus­ti­fie plei­ne­ment les mani­fes­ta­tions du same­di qui ras­semblent des cen­taines de mil­liers de per­sonnes. Nous remar­que­rons que plus il y a de monde, moins il est dénom­bré de mani­fes­tants par la pro­pa­gande officielle !

    Que l’on com­prenne bien, il se pour­rait très bien qu’un « passe sani­taire » put être utile à un moment ou un autre dans la vie d’un pays et qu’un pou­voir indé­pen­dant l’impose à ce moment là. Il serait en place pour un moment don­né et sans arrière pen­sée. Mais, jus­te­ment, il faut pour cela un pou­voir indé­pen­dant, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, en répu­blique. Com­ment ne pas pen­ser que nos « diri­geants » suivent les direc­tives de leurs « com­met­tants » ? Sur­tout que cela peut per­mettre aus­si de contrô­ler les élec­teurs ! Remar­quons que dans le même temps, dans ce même but de « contrôle », d’autres liber­tés sont sup­pri­mées visant en par­ti­cu­lier les familles comme l’enseignement à la mai­son, les écoles hors contrat, les auto­ri­sa­tions don­nées aux mineurs sans l’autorisation des parents…

    Ici comme dans tous les autres domaines, sans l’indépendance de l’État, il n’y a pas de liber­tés et, en France, il n’y a qu’un seul pou­voir indé­pen­dant pos­sible, celui de notre Roi. Et nous ne pou­vons faire confiance à aucun des can­di­dats à la pré­si­den­tielle de 2022 car, même s’il y en avait un qui sou­hai­te­rait aller vers plus d’indépendance il serait pris dans le sys­tème et ferait comme les autres !

    Source : https://www.actionfrancaise.net/