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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

L'Assassinat de Jaurès...

L'Assassinat de Jaurès...

De Paris Vécu, 1ème Série, Rive droite, page 24 :

"...Or c'est dans ce petit Café du Croissant que le 31 juillet au soir Jaurès, dînant, fut assassiné d'un coup de révolver à bout portant.
Affreux et déplorable trépas, mais qui ne méritait tout de même en aucune façon le Panthéon, si du moins il est entendu que cette église désaffectée doit abriter les restes de ceux qui ont bien servi la Patrie !
Je n'ai jamais approché Jaurès.
On m'a dit qu'il avait un charme personnel très grand, et il était très aimé de son entourage.
Mais je considère le socialisme international comme une infirmité de l'esprit, en dehors même de toute considération politique, et la démagogie, que je ne sépare pas de la démocratie, m'est en horreur.
Proudhon lui-même me fait l'effet d'un imbécile éloquent et bien doué.
Le capital, la propriété, l'autonomie familiale sont à mes yeux le fondement de la civilisation, comme la charrue, le pain et le vin; et qui veut détruire les étais de sa propre vie, de son langage, de son foyer et scier sa branche-abri, est un insane ou un abruti.
Je n'ai jamais lu une ligne de Jaurès présentant le moindre intérêt.
C'était un tribun, c'est entendu, mais qu'est-ce qu'un tribun hors de la tribune, s'il n'a pas de bon sens ?
Jaurès n'avait aucun bon sens, aucune prévision, et il ne vit pas venir la guerre.
Enfin, il était germanisé, quoique Latin; et un Latin germanisé est un hybride qui peut nuire, mais ne saurait être bon à rien..."

De "La pluie de sang", pages 14/15 :

"...Quant à la trucidation de ce pauvre Jaurès, quelques heures avant la guerre, dans le petit resurant du Croissant, où j'ai tant de fois cassé la croûte, elle est demeurée, à mes yeux, énigmatique.
Dès la première heure, la police politique et les journaux révolutionnaires, celle-là manoeuvrant ceux-ci, l'ont attribué à l'Action française, notamment à mes campagnes et à celles de Maurras.
Légende absurde, et qui n'a été abandonnée que depuis peu de temps.
Certes nous ne nous étions pas privés d'engueuler Jaurès au sujet de son aveuglement, de sa germanophilie, de sa folle imprudence, comme nous devions plus tard engueuler Briand, et pour les mêmes motifs.
Mais nous n'avions jamais parlé à son sujet que de Conseil de Guerre et de châtiment légal; et c'est miracle que cet acte insensé n'ait pas déchaîné l'émeute, sinon la révolution à Paris.
Qui donc, sinon l'Allemagne, avait intérêt à un tel risque ?
On redoutait une forte réaction des milieux ouvriers, à l'occasion du meurtre du tribun socialiste. Elle n'eut pas lieu.
Devant l'affiche de mobilisation - dont ce triple imbécile de Poincaré affirmait "qu'elle n'était pas la guerre" - chacun, bourgeois ou ouvrier, ne songeait qu'à soi; les boutiques de cordonnerie étaient assiégées; et déjà la rumeur se répandait, on ne sait comment, que l'affaire serait très rapide et que, d'ici trois mois, les troupes françaises victorieuses regagneraient leurs foyers.
Le plus fort est qu'il s'en fallut de peu qu'il en fut ainsi; et si nous avions eu les munitions d'infanterie et d'artillerie suffisantes, les armées allemandes eussent repassé le Rhin en déroute, entre le 20 et le 25 septembre 1914..."