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Maîtres et témoins (III) : Léon Daudet

Une enfance heureuse...

Une enfance heureuse...

1. De Paris Vécu, 1ème Série, Rive droite, pages 36/37 :

"...Un peu plus loin, au 126 de la rue Amelot, habitait la cousine-gâteau, la bonne fée Victorine.
Elle m'invitait à dîner seul, sans mes parents, comme un monsieur, et me menait au Cirque d'Hiver, où faisait florès M. Loyal, avec ses belles manières, ses joues rondes et son grand fouet.
Ce coin de quartier était pour moi, jusqu'en novembre 1923, embaumé de tous les souvenirs d'une enfance claire, où je n'apercevais que des visages réjouis par les farces, blagues, plaisanteries, histoires merveilleuses d'Alphonse Daudet, de Flaubert, de Barbey d'Aurevilly et des autres familiers de notre maison et, par ricochet, de la rue Saint-Gilles.
A mes yeux, un repas d'amis ou de famille c'était une suite de rires et de fous-rires, un concert de bouteilles débouchées, d'appréciations gastronomiques, et, comme disait mon La Fontaine, une frairie.
La verve de mon père faisait à tout une atmosphère dorée, poétique, enchanteresse.
Les circonstances ayant fait que je n'ai eu au lycée que des camarades gentils et loyaux, que des maîtres excellents, je n'ai connu que beaucoup plus tard la sottise et la méchanceté des hommes.
Mais alors, je me suis rattrapé..."

2. De Paris Vécu, 2ème Série, Rive gauche, pages 41/42 :

"...La Sorbonne et le Lycée Louis-le-Grand, où j'ai passé mes bachots lettres et sciences et fait mes études, de cinquième en philosophie, ont changé d'aspect depuis ce temps lointain.
La construction de la nouvelle Sorbonne, absorbant la salle Gerson, où Aulard fit son premier cours (présidé par Clemenceau) sur la Révolution française, et la prolongation de la rue Saint-Jacques, font que je me frotte les yeux dans ce quartier où s'est écoulé ma jeunesse laborieuse et joyeuse.
Je me vois encore aux séances solennelle du concours général, puis dans une petite salle du haut de la Sorbonne devant un examinateur (Guébard, Lavisse et Lauge pour les lettres; Appell, Friedel et Goelzer pour les sciences) et complimenté par eux.
J'ai gardé à tous mes maîtres, parmi lesquels il y avait de très grands maîtres (tels Chabrier en rhétorique et Burdeau en philosophie), même à certains de mes maîtres d'études (le félibre Albert Tournier) et à mes examinateurs, un souvenir affectueux..."

Illustration : la chapelle de la Sorbonne...