II : Guillaume II, celui qui voulut la guerre (1).
2. Chapitre XI, Le frein avant la catastrophe... :
* pages 270/271 :
"...La menace de la guerre ne cessait de grandir. Depuis 1905, il ne s'était passé aucune année sans alerte. Pour apaiser l'Allemagne, la France avait consenti à soumettre la question du Maroc à une conférence internationale. Devant les délégués de treize Etats réunis à Algésiras, les Allemands furent déboutés et mis en minoirité telle que seule l'Autriche vota avec eux. Dès lors, Guillaume II jura de ne plus soumettre au tribunal des puissances une affaire où les intérêts de son empire seraient engagés. En 1908, un incident médiocre, à Casablanca, où le consul d'Allemagne avait recueilli les déserteurs de la légion étrangère, faillit causer un conflit. Clémenceau tint bon, et, cette fois, l'orage s'éloigna. Sous une forme ou sous une autre, le péril était prêt à renaître. On voulait se rassurer par le faisceau d'alliances et d'amitiés qu'avait formé Delcassé et ses collaborateurs diplomatiques. Ou bien on écoutait Jaurès pour qui la guerre était impossible, les socialistes allemands se faisant fort de l'empêcher..."
* pages 273/274/275 :
"...Au mois de juillet 1911, l'Allemagne, pour signifier qu'elle maintenait ses revendications sur le Maroc, envoyait une canonière devant Agadir. C'était la répétition de l'affaire de Tanger, une provocation ou un coup de sonde, peut-être une sommation à la France d'avoir à rompre avec l'Angleterre. Pourtant, le gouvernement allemand laissait entrevoir un arrangement. Renonçant à disputer le protectorat du Maroc à la France, il demandait une compensation coloniale et suggérait la cession à son bénéfice d'une partie du Congo. Un refus pouvait entraîner la guerre. Bien que l'Angleterre s'élevât contre une répartition de territoires faite en Afrique sans son aveu, Joseph Caillaux consentit à traiter. Bien conduite par l'ambassadeur Jules Cambon, la négociation aboutit d'ailleurs à une concession minime, que les nationalistes allemands trouvèrent dérisoire. "La France, s'écriait un de leurs chefs, nous donne dix milliards de mouches tsé-tsé." On n'eût pas contenté l'Allemagne avec une part plus large du Congo. Il lui fallait bien davantage. Mais elle gardait de là l'impression d'une affaire manquée, non d'une affaire réglée. D'instinct, le public français le sentit.
En elle-même, pourtant, la transaction n'était pas honteuse. Avec d'autres que les Allemands, elle eût été raisonnable. La France, en 1904, n'avait-elle pas abandonné à l'Angleterre ses droits en Egypte et à Terre-Neuve ? Le Congo, bien que Savorgnan de Brazza s'y fût illustré, comptait moins sans doute que la terre des pharaons où Bonaparte avait mis l'empreinte de la France. Bien peu de Français savaient même où trouver sur la mappemonde le "bec de canard" congolais. Mais la renonciation à un territoire, quel qu'il fût, ravivait l'idée des provinces perdues et faisait redouter d'autres exigences. Et puis le don funeste de l'impopularité s'attachait à Joseph Caillaux comme jadis à Ferry. Alors Clémenceau avait renversé Ferry pour une politique coloniale qui, tout en acquérant un domaine en Asie, semblait compromettre les grands intérêts de la France en Europe. Il renversa Caillaux qui aliénait des morceaux d'un autre domaine en Afrique et qui, surtout, engageait la France dans un système de concessions à l'égard de l'Allemagne. Sur les questions que Clémenceau posa au Sénat, le ministre des Affaires étrangère de Selves laissa entendre que le président du Conseil avait traité en secret avec le gouvernement allemand et, à la suite de cette déclaration, se démit. La chute de Joseph Caillaux ne tarda plus..."
(1) : "...Nulle part autant qu'en Allemagne la course aux armements ne fut poussée dans les années précédant le Première Guerre mondiale (les dépenses militaires passèrent de 938 millions de marks en 1905 à 3.244 millions en 1941)..." (Michel Mourre, Dictionnaire Encyclopédique d'Histoire, Tome 1, Page 173).