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La paix est-elle possible avec Netanyahu ? par Antoine de Lacoste

Cette fois, le président américain ne proposa pas un cessez-le-feu mais un plan de paix. Il comporte 20 points et contient suffisamment d’éléments flous pour être accepté par Israël et un élément précis : la libération des otages. Le Hamas a accepté malgré le déséquilibre des exigences. Le calendrier du retrait israélien de Gaza n’est en effet pas précisé.

La réponse positive du Hamas a surpris. Certes, ses meilleurs éléments ont été tués ainsi que toute sa direction militaire sur place et l’on pouvait le penser épuisé. Toutefois, après des mois de bombardements, de blocus et de famine organisée, le mouvement islamiste n’a aucun mal à recruter de nouveaux combattants, inexpérimentés mais ivres de vengeance.

Alors pourquoi le Hamas a-t-il dit oui à Trump ? Pour une raison très simple : les Palestiniens n’en peuvent plus et, même si cela peut paraître surprenant, le mouvement islamiste doit en tenir compte.

Pendant toutes ses années de gouvernance de la Bande de Gaza, après sa victoire aux élection de 2006 (de justesse), le Hamas n’a pas gouverné que par la terreur. Bien sûr, toute opposition était interdite : quand on est islamiste, on ne se refait pas. Mais pour administrer un territoire aussi petit (365 km2) avec 2,2 millions d’habitants, un minimum de consensus est nécessaire. Une révolte populaire serait en effet totalement incontrôlable. C’est pourquoi, les services sociaux et hospitaliers étaient assurés ainsi que l’aide aux plus démunis. Ceux qui avaient un lopin de terre pouvaient le cultiver tranquillement et la liberté d’entreprise était assurée. Même les chrétiens pouvaient assister à la messe sans problèmes.

L’ACCORD DU HAMAS ET D’ISRAEL

Le Hamas disposait d’argent en bonne quantité. Il venait du Qatar, au nom de la fraternité entre Frères musulmans, puis transitaient par les banques israéliennes. C’est Israël qui assurait ensuite la distribution au Hamas. Ce fait, pas assez connu, confirme que l’Etat hébreu s’accommodait fort bien de la gouvernance de Gaza par le mouvement islamiste.

L’opinion publique palestinienne existe donc, même pour le Hamas. Certes, la détestation d’Israël est telle que la très grande majorité des Gazaouis se sont réjouis du 7 octobre, ignorant volontairement les exactions horribles qui l’ont accompagné. Depuis, le climat a bien changé. Une majorité de la population regrette maintenant amèrement cette pseudo-victoire du 7 Octobre. Car ils ont tout perdu : leur maison, leur travail et des membres de leur famille. Et même si, préoccupés avant tout de savoir ce qu’ils allaient manger et boire le lendemain, ils n’étaient guère en état de se révolter, le Hamas savait que le feu couvait sous la famine.

De l’autre côté, l’histoire ne dit pas encore officiellement comment Trump a convaincu Netanyahou d’accepter son plan de paix alors que toutes les tentatives du pauvre Joe Biden étaient restées lettre morte. Plusieurs hypothèses sont possibles. D’abord les armes. Israël en fabrique certaines, en achète un peu partout, aux Allemands par exemple, mais il reste dépendant de l’Amérique. Peut-être que Trump a agité une menace dans ce domaine. Mais ce n’est pas l’hypothèse la plus vraisemblable car vis-à-vis de son électorat évangélique, messianiquement pro-israélien, il ne peut prendre le risque d’affaiblir l’Etat hébreu.

LE BOMBARDEMENT DU QATAR

La vraie raison est ailleurs : le bombardement du Qatar. Aveuglé par sa croisade vengeresse, Israël a oublié qu’il y avait tout de même un minimum de règles en ce bas monde, même pour lui. Voilà de nombreuses années que la direction politique du Hamas est hébergée par le Qatar. Tout le monde le sait, tout le monde l’a admis, tout le monde connait les noms des dirigeants concernés. Aussi, lorsque le 9 septembre dernier une réunion a, comme souvent, été organisée entre les dirigeants en question et les autorités du Qatar pour discuter du plan de paix en préparation aux Etats-Unis, le bombardement de cette réunion par Israël a provoqué la stupéfaction. L’objectif était, bien sûr, de tuer les dirigeants du Hamas. Raté, ils n’ont même pas été blessés. Trois gardes du corps, un cadre administratif et le fils d’un des dirigeants du Hamas plus un soldat qatari ont en revanche été tués.

Au-delà de ces morts, c’est surtout la violation de la souveraineté du Qatar qui a scandalisé le monde arabe. Une réunion a été organisée le 15 septembre réunissant tous les pays du Golfe qui ont émis une protestation solennelle. Israël a assumé et en a rajouté en affirmant que tout pays qui abritait des membres du Hamas courait le même type de risque. Cette stratégie très agressive est bien imprudente alors qu’Israël devrait se réjouir que les pays arabes n’aient pas davantage réagi à la destruction de Gaza accompagnée de 70 000 morts.

C’est peu dire que Donald Trump fut bien embarrassé. La Maison-Blanche a indiqué qu’elle avait été prévenue de l’attaque, mais tardivement. Trump a aussitôt appelé l’émir du Qatar pour l’avertir mais les frappes étaient déjà en cours. L’émir n’a guère apprécié et a fait savoir par des voies détournées qu’il pourrait revoir son alliance indéfectible avec l’Amérique si son pays n’était pas mieux protégé.

Cette agression contre un des plus fidèles alliés des Etats-Unis est un grave précédent qui tombe en outre au plus mauvais moment, alors que le plan de paix a été accepté par les principaux acteurs, y compris le Qatar.

L’HUMILIATION DE NETANYAHU DANS LE BUREAU OVALE


Pour Trump, il n’est pas question qu’une chose pareille se renouvelle. Il a donc décidé de punir sévèrement l’impudent. Cela tombait bien : une visite de Netanyahu à Washington était prévue de longue date. Le président américain, en le recevant dans le bureau ovale, a décroché son téléphone, appelé l’émir du Qatar et lui a passé Netanyahu en le sommant de s’excuser. Le coupable n’eut d’autre choix que de s’exécuter et demanda pardon à l’émir. La scène est cocasse et il faut bien dire qu’il n’y a que Trump pour faire des choses pareilles. « Il y a un sheriff dans la ville » aurait pu dire J.D. Vance à nouveau.

Cela n’a pas empêché Trump de couvrir d’éloges« Bibi » (le surnom de Netanyahu) lors de son intervention à la Knesset. Ce discours restera dans les annales comme un symbole fort de l’alliance inébranlable entre l’Amérique et Israël.

Pour autant, rien n’est réglé. L’épisode montre que personne ne peut raisonner Netanyahu à part Trump, pour peu qu’il l’ait décidé. Or, lors de la réunion de Charm el-Cheikh où l’Egypte devait accueillir 17 pays plus quelques organisations ou mouvements dont l’Autorité palestinienne (mais pas le Hamas bien sûr), Israël n’était pas représenté. On ne sait pas bien pourquoi. Une fête juive a été évoquée mais personne n’y croit.

Cette absence n’augure rien de bon. Depuis, Israël a rompu la trêve pendant une journée, accusant le Hamas d’avoir violé le cessez-le-feu, chose impossible à vérifier. Gaza a subi 153 tonnes de bombes ce jour-là, chiffre obligeamment fourni par Netanyahu lui-même.

Tout cela est donc d’une grande fragilité et l’après n’est pas réglé, à commencer par l’administration de Gaza : qui et avec quels moyens ?

Et puis, incertitude suprême : une paix durable est-elle possible avec un homme comme Netanyahu, grisé par ses succès et sans aucune retenue désormais. D’autant plus que sa majorité parlementaire très étroite le rend dépendant de ses ministres suprémacistes très hostiles au moindre accord de paix.

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