UA-147560259-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Feuilleton : "Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu"... : Léon Daudet ! (147)

 

1AAAAAAAAAa.jpg

 (retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

Aujourd'hui : "Avec Clemenceau" : évident, mais pas facile (III)...

---------------

ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

1A.jpg

ICarte de voeux de l'époque de la Guerre.

 

De "La pluie de sang", débuts du chapitre IX, pages 233 à 243 (troisième et dernière partie, pages 240/241/242/243) :

"...Pendant un mois environ, les paris furent ouverts, à l'Action française, sur la question de savoir si Clemenceau prendrait des mesures contre Caillaux, ou n'en prendrait pas.
C'était, en effet, la pierre de touche de son énergie politique. Caillaux, c'était le réduit allemand de Paris, et tant que Caillaux ne serait pas déféré au conseil de guerre, l'Allemagne continuerait à se croire et à se dire maîtresse de la situation, en dépit de sa défaite initiale, vieille déjà de trois années.
Mais, d'autre part, Caillaux c'était le bloc de gauche, jadis cimenté par Clemenceau.
Caillaux, c'était la nouvelle République, celle des grandes affaires, de la vente du sous-sol normand aux Boches, de Diélette, ce Gibraltar français; c'était la République tout court, l'impôt sur le revenu, le sourire à Berlin, l'anticléricalisme, les loges, "La Dépêche de Toulouse", l'enseignement laïque et kantien.
Les caillautistes et les malvystes se répétaient ces litanies du matin au soir.
Enfin, qui donc avait dénoncé Caillaux, pour la première fois, comme un agent boche, au moment de l'assassinat de Calmette, si ce n'est l'Action française, "la pire réaction" ?
Pour se représenter l'esprit des gens de gauche à ce moment-là, il faut se rappeler le mot de l'ex-député socialiste Rouanet, rédacteur à "L'Humanité", cité par plusieurs de mes confrères. Comme on colportait au Palais-Bourbon deux nouvelles, également fausses : celle de mon arrestation et celle de la prise d'Oulchy-le-Château, Rouanet s'écria : "Je serais très content de la prise d'Oulchy, mais je préfèrerais encore, à choisir, que la nouvelle exacte fût l'arrestation de Daudet !"
Le mardi 11 décembre 1917, le président Deschanel transmettait à la Chambre (sur inculpation du gouverneur militaire de Paris, général Dubail) une demande de levée de l'immunité parlementaire de Joseph Caillaux.
Le lundi 14 janvier 1918, Caillaux était arrêté à son domicile, rue Alphonse-de-Neuville.
Clemenceau avait coupé les ponts et préféré la Patrie à la République.
Cependant, comme l'appétit vient en mangeant, on se demanda pourquoi on avait attendu pendant un mois après la levée d'immunité pour arrêter Caillaux (c'est-à-dire pour le mettre hors d'état de nuire) et pourquoi Malvy n'était pas arrêté.
Car la fait de s'envoyer soi-même en Haute-Cour (quand on ne peut plus faire autrement) ne préjuge pas (et on le vit bien par la suite) de l'innocence d'un inculpé.
Pour tardives et incomplètes que furent ces mesures de salut public, elles n'en soulevèrent pas moins, à l'arrière comme aux armées, une joie active, une satisfaction débordante.
Nous étions aux premières loges pour le constater.
Paris, la France entière s'accordaient à reconnaître que l'Action française avait eu raison et, par une magnifique anticipation, appelaient déjà Clemenceau le Père la Victoire. On s'embrassait dans les tranchées, comme on se félicitait dans les rues.
Chacun sentait que, maintenant, les choses allaient marcher rondement, qu'il y aurait encore quelques coups dur, mais que les succès militaires serviraient enfin à quelque chose, alors que jusque là, depuis Verdun, ils n'avaient servi à rien.
Encore Verdun avait-il été un triomphe purement défensif, et cruellement acheté.
Je demeure tout à fait convaincu que si, un mois après, justice capitale avait été faite, nous n'aurions pas connu les deux terribles alertes du 21 mars et du 27 mai 1918, et que les gouvernants allemands, comme leurs généraux, eussent commencé illico les démarches en vue de la paix.
La lecture des Mémoires allemands (notamment de ceux de Ludendorff et du Kronprinz) a confirmé en moi cette opinion.
Le pivot de la résistance boche, depuis 1915, c'était Caillaux, flanqué de Malvy : "Tant qu'ils sont là (songeait l'ennemi) il demeure pour nous une chance sérieuse."
Qu'on imagine ce qu'avait dû - pour les Allemands - représenter la double disgrâce de ce Nivelle, qui leur avait fait si peur, et de Mangin, dont le nom seul mettait en fuite la garde prussienne !
Les grands raids des gothas sur Paris, en janvier, février et mars 1918 (d'une redoutable efficacité) firent comprendre à tous qu'il n'était que temps d'avoir une volonté patriotique, au lieu de larves et d'un traître, au sommet du gouvernement.
Le 12 mars, le ministère de la Guerre fut littéralement criblé par des éclats des torpilles colossales, que ces animaux projetaient sur Paris.
Cette même nuit, ma femme était remontée de la cave, où toute la maison était réfugiée (au milieu de bombardements et de contre-bombardements assourdissants) juste à temps pour mettre au monde une ravissante petite fille
(Claire, troisième et dernier enfant des Daudet, après Philippe et François, ndlr).
Notre cher ami, le docteur Bouffe de Saint-Blaise, était venu chez nous sous les éclatements, et sa voiture avait failli chavirer dans un trou de bombe.
Or, le fait que Clemenceau était là, et un peu là (non plus Painlevé, ni Ribot, ni Briand, ni Viviani, ni Malvy), et que Caillaux était à l'ombre, rendait ces épreuves légères.
Elles coutèrent toutefois la vie à de nombreux imprudents qui, à l'imitation de Maurras, continuaient à circuler dans Paris, pendant les raids d'avions, en dépit de l'avertissement lugubre des sirènes et des chutes de bolides enflammés.
Rue Bolivar, à la station du métro, la foule se pressa de telle façon, sous l'empire de la panique, contre une porte fausse que celle-ci céda.
Elle donnait sur un puisard de trente mètres de profondeur, où plus de quarante personnes tombèrent pêle-mêle et périrent écrasées et étouffées..."

Écrire un commentaire

NB : Les commentaires de ce blog sont modérés.

Optionnel