Feuilleton : "Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu"... : Léon Daudet ! (122)
(retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)
Aujourd'hui : 1907, Saint-Rémy : premier discours "sans papier"...
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ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...
Léon Daudet entretient donc, avec Saint-Rémy-de-Provence, un rapport particulier puisque c'est là qu'il est enterré, et là aussi qu'il prit, pour la première fois, la parole, en public mais "sans papier", et devint ainsi, véritablement, "orateur" royaliste...
De "Vers le Roi", pages 54/55 :
"...C'est en 1907, un an avant la fondation du quotidien en projet, que je fis, à Saint-Rémy-de-Provence, ma première conférence sans papier - sans "cra-cra", comme on dit dans le Midi - sous les beaux arbres de la propriété de M. Mistral Bernard.
Jusque là, quand je parlais en public, je lisais mon discours et n'improvisais pas.
C'est un mauvais système. L'orateur, au lieu de se promener librement à travers les images, les aspects véhéments et souriants de la conviction intérieure, demeure attaché à son texte, ainsi que la chèvre à son piquet.
Sauf rarissime exception - cas d'un incomparable lecteur tel que Lemaître - il n'émeut pas, il n'entraîne pas.
J'étais un peu ému, car le fin public provençal est bon juge et juge sévère en matière d'éloquence.
Mais la sympathie qui m'environnait me soutint, je ne fis pas trop souvent "heu, heu", je ne demeurai pas en plan comme je le redoutais au début, et l'épreuve fut franchie sans dommage.
Le surlendemain, je recommençai en Avignon, cette fois avec beaucoup plus d'aplomb.
Il en est de la parole improvisée, pour l'orateur, comme de l'eau pour le nageur : il faut s'y lancer carrément et s'y démener de son mieux.
On aborde toujours quelque part, assez loin parfois de l'endroit que l'on souhaitait.
Il arriva même ceci qu'en Avignon un socialiste, plein de bienveillance et tel que je n'en ai plus jamais rencontré sur mon chemin, vint me dire, à la fin de la réunion, que ma doctrine était plus solide que la sienne : "Alors, adoptez-la. Venez à nous. - Je ne dis pas non".
Mais, le lendemain, il s'était ressaisi et déclarait, dans les feuilles locales, qu'il n'avait jamais eu l'occasion de se convertir.
Ainsi ratai-je mon premier catéchumène..."