Dans notre Éphéméride de ce jour : 1802 : Parution du Génie du Christianisme...
"...Il est temps qu'on sache enfin à quoi se réduisent ces reproches d'absurdité, de grossièreté, de petitesse qu'on fait... au christianisme, il est temps de montrer que, loin de rapetisser la pensée, il se prête merveilleusement aux élans de l'âme..."
Après la tourmente révolutionnaire, qui tenta d'anéantir le christianisme et de séparer la religion catholique et la France, Le Génie du Christianisme inaugure un mouvement qui va de pair avec la pacification religieuse voulue par Bonaparte : le Concordat est signé quatre jours plus tard...
Le Génie du christianisme a eu un retentissement majeur sur son temps et une influence effective sur plusieurs générations. Sainte-Beuve en parlera comme d' "un coup soudain, un coup de théâtre et d'autel, une machine merveilleuse et prompte jouant au moment décisif et faisant fonction d'auxiliaire dans une restauration sociale d'où nous datons".
Et Mme Hamelin, dans ses Souvenirs, écrivait :
"Ce jour-là, dans Paris, pas une femme n'a dormi. On s'arrachait, on se volait un exemplaire. Puis quel réveil, quel babil, quelles palpitations ! Quoi, c'est là le christianisme, disions-nous toutes ; mais il est délicieux.".
La réception enthousiaste du livre ne doit pas éclipser la profondeur et la durée de son impact sur la société française dans ses manières de penser le divin et de croire sur fond de déchristianisation galopante. Aujourd'hui, que nous dit Le Génie du christianisme ? Que Dieu est dans tout, dans la pléthore comme dans le manque. La nature dit d'évidence qu'il est, à travers la beauté désarmante des paysages d'où il s'est retiré. Le coeur le dit tout aussi nettement, dans l'impossible possession de l'objet de son désir. Dieu n'apparaît jamais mieux que dans le vide laissé par son absence, explique Chateaubriand.
Cette idée a-t-elle cessé de nous parler ? Si oui, le Génie nous est devenu totalement illisible. Sinon, le Génie nous demeure accessible :
"C'est le pari que nous faisons dans ce livre écrit sous l'emblème de l'abeille qui sait d'instinct où elle doit chercher sa nourriture et qui sait transformer son regard pour faire son miel de ce que le passé lui présente."
Du Grand Dictionnaire universel du XIXème siècle, par Pierre Larousse :
1. Le Génie du christianisme est l'ouvrage dogmatique de Chateaubriand. Lui-même en résume ainsi la pensée :
"De toutes les religions qui ont jamais existé, la religion chrétienne est la plus poétique, la plus humaine, la plus favorable à la liberté, aux arts et aux lettres. Le monde moderne lui doit tout, depuis l'agriculture jusqu'aux sciences abstraites, depuis les hospices bâtis pour les malheureux jusqu'aux temples élevés par Michel-Ange et décorés par Raphaël. Il n'y a rien de plus divin que sa morale, rien de plus aimable, de plus pompeux que ses dogmes, sa doctrine et son culte; elle favorise le génie, épure le goût, développe les passions vertueuses, donne de la vigueur à la pensée, offre des formes nobles à l'écrivain et des moules parfaits à l'artiste."
L'ouvrage entier n'est que le développement de cette théorie...
2. ..."Jamais, dit M. Villemain, jamais livre ne vint plus à propos, ne fut mieux secondé par les influences les plus diverses, par la politique, par la foi naïve, par le calcul ou la passion des esprits les plus opposés." En effet, son apparition coïncida avec le grand événement du concordat. Necker a dit à propos de cet ouvrage "que le plus mince littérateur en corrigerait aisément les défauts, et que les plus grands écrivains en atteindraient difficilement les beautés."...
3. ...M. Guizot apprécie ainsi l'oeuvre de Chateaubriand :
"M. de Chateaubriand et le Génie du christianisme ont droit à la même justice. En dépit de ses imperfections religieuses et littéraires, le Génie du christianisme à été, religieusement et littérairement, un éclatant et puissant ouvrage; il a fortement remué les âmes, renouvelé les imaginations, ranimé et remis à leur rang les traditions et les impressions chrétiennes. Il n'y a point de critiques, même légitimes, qui puissent lui enlever la place qu'il a tenue dans l'histoire religieuse et littéraire de son pays et de son temps..."
Par haine de nos Racines et de la Religion, la Révolution a délibérément détruit entre le quart et le tiers de notre Patrimoine (tous domaines confondus) : en plus de son impact intellectuel et moral, que l'on vient de voir, Le Génie du Christianisme est à l'origine - avec le Notre-Dame de Paris de Victor Hugo - de ce puissant mouvement d'intérêt et de sympathie envers nos monuments qui se manifesta, tout au long du dix-neuvième siècle, et qui devait culminer avec les restaurations tous azimuts des Viollet le Duc, Lassus et autres...