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Feuilleton : "Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu"... : Léon Daudet ! (9)

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 (retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

Aujourd'hui : À Lamalou (II) : Le cours de Mathias Duval

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ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...

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De "Devant la douleur", pages 194 à 196 (fin du chapitre VI) :

"...Je citais l'embryologie parmi les sciences et jeux d'esprit qui contribuaient à nous germaniser.
Or nous avions cependant, à la Faculté de médecine, le maître le plus clair, le plus complet, le plus admirable de l'histoire du développement de l'oeuf humain, le professeur Mathias Duval.
J'ai suivi son cours pendant un an. Il professait dans une salle du rez-de-chaussée du musée Dupuytren et il n'avait jamais plus d'une trentaine d'auditeurs. Mathias Duval possédait au plus haut point ce don d'exposer, de déplier délicatement une difficulté intellectuelle, de la faire miroiter sous des incidences diverses de l'imagination, qui est l'apanage des grands parmi les grands.
Il laissait son esprit travailler devant ses élèves, ce qui force - je l'ai remarqué - l'attention la plus rebelle, par l'illusion où est l'auditeur de collaborer à une découverte.
A son neveu, qui faisait ses études en même temps que moi, je répétais souvent : "Ton oncle est un génie." J'étais sûr de ne pas me tromper.
Ce visionnaire de la continuation de l'espèce eût pu s'écrier, comme dans la "Tentation de Saint Antoine" : "J'ai vu naître la vie."
Pendant qu'il parlait, de sa voix mesurée, posée, calme, lucide, on avait l'impression du punctum saliens, du point cardiaque qui commence à battre et d'où sortira l'homme tout à l'heure, avec l'infinie imbrication, le déliement, le godron de ses souples organes.
On avait l'impression que le plan du temps se repliait sur celui de l'espace, que le successif devenait simultané.
Ce cours avait la saveur vertigineuse de l'infini. On songeait au docteur Faust, à des sorcelleries limpides.
Nous étions une demi-douzaine de wagneromanes que hantaient ces analogies un peu tirées par les cheveux, où se complaît la jeunesse laborieuse : "...C'est un plaisir voisin de celui de Wagner... Il devait y avoir, dans Wagner, un embryologiste qui s'ignorait... L'idéal, ce serait de voir passer des coupes d'embryon, présentées par Mathias Duval, sur le prélude de Tristan ou de Parsifal." C'était bébête, mais ces réflexions peignent à merveille notre fièvre scientifico-musicale.
Quant à Mathias Duval, il ne me semble pas qu'il ait, même aujourd'hui, la place éminente à laquelle il aurait droit.
Aimable, affable, distant vis-à-vis des importuns, donnant le sentiment de la sérénité dans la force, d'une élévation naturelle qui le tenait à l'écart des brigues et intrigues de Faculté, fuyant le bruit et la réclame, il demeure pour moi, comme pour beaucoup d'autres, une des plus belles, des plus nobles figures de la science française...
Souvent, quand je pense à ma jeunesse, à mes emballements, à l'Ecole de médecine, sur cette terrasse d'Elseneur que chacun de nous porte en soi, j'aperçois la haute stature, la silhouette émouvante, de cet homme froid, aigu, d'au-delà de la connaissance, que fut le professeur Mathias Duval."

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