Feuilleton : "Qui n 'a pas lutté n'a pas vécu"... : Léon Daudet ! (4)
(retrouvez l'intégralité des textes et documents de ce sujet, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)
Aujourd'hui : Une enfance heureuse (1/2)...
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ndlr : ce sujet a été réalisé à partir d'extraits tirés des dix livres de souvenirs suivants de Léon Daudet : Paris vécu (rive droite), Paris vécu (rive gauche), Député de Paris, Fantômes et vivants, Devant la douleur, Au temps de Judas, l'Entre-deux guerres, Salons et Journaux, La pluie de sang, Vers le Roi...
De "Fantômes et vivants", pages 3 et 4/5 :
1. "...Fils de royalistes fervents, mon père ne croyait plus à la possibilité de la monarchie.
Au sortir de la terrible guerre de 1870/1871, sa fièvre patriotique lui représentait la Revanche comme réalisable par la République.
Plus tard il déchanta, ainsi qu'en témoignent ses derniers romans.
Mais alors il écrivait "Les Rois en exil" et se représentait, à la lueur des illusions en vogue, la monarchie telle "qu'une grande vieille chose morte".
Au lycée, à Charlemagne ainsi qu'à Louis-le-Grand, nous avions, parmi nos camarades, des fils d'impérialistes notoires, eux-mêmes napoléoniens entêtés, en dépit de la sanglante leçon toute proche.
Un partisan du Roi était chose inconnue et nous eût fait l'effet d'une bizarrerie..." (page 3).
2. "...J'étais élevé dans le respect ou, mieux, la vénération de Hugo.
Tous deux poètes, tous deux romantiques, tous deux républicains à la façon de 48, mes grands-parents maternels savaient par coeur "Les Châtiments", "La Légende des Siècles", "Les Misérables".
Ils eussent mis à la porte quiconque se serait permis la moindre appréciation ironique sur "L'Histoire d'un Crime".
Mon père et ma mère étaient dans les mêmes sentiments.
La première fois qu'ils me conduisirent aux pieds du vieux maître, dans son petit hôtel moisi de l'avenue d'Eylau, attenant à un triste jardinet, je considérai avec une véritable émotion cet oracle trapu, aux yeux bleus, à la barbe blanche.
Il articula distinctement ces mots : "La terre m'appelle", qui me parurent avoir une grande portée, un sens mystérieux.
Il ajouta, en me mettant sur le front une main douce et belle, ornée d'une bague que je vois encore et qui me rappela la Confirmation : "Il faut bien travailler et aimer tous ceux qui travaillent."
Il y avait, dans son attitude, une noblesse assez émouvante, jointe, je ne sais encore pourquoi, à quelque chose de burlesque, que j'ai retrouvé depuis à travers son oeuvre et qui tenait peut-être à la trop haute idée qu'il avait de son rôle ici-bas.
Comment n'eût-il pas perdu un peu le nord devant les délirants hommages dont il était l'objet..."