À la découverte du fonds lafautearousseau (65) : 1710 : Louis XIV institue la seconde Capitation...
lafautearousseau, c'est plus de 28.000 Notes ou articles (et autant de "commentaires" !), 21 Albums, 49 Grands Textes, 33 PDF, 16 Pages, 366 Éphémérides...
Il est naturel que nos nouveaux lecteurs, et même certains plus anciens, se perdent un peu dans cette masse de documents, comme dans une grande bibliothèque, et passent ainsi à côté de choses qui pourraient les intéresser...
Aussi avons-nous résolu de "sortir", assez régulièrement, tel ou tel de ces documents, afin d'inciter chacun à se plonger, sans modération, dans ce riche Fonds, sans cesse augmenté depuis la création de lafautearousseau, le 28 février 2007...
Aujourd'hui : 1710 : Louis XIV institue la seconde Capitation...
(tiré de notre Éphéméride du 14 Octobre)
(retrouvez l'ensemble de ces "incitations" dans notre Catégorie :
À la découverte du "Fonds lafautearousseau")
1710 : Louis XIV institue la seconde Capitation.
"...Louis XVI eût-il réussi, financièrement et psychologiquement, la même opération en 1780 - au coeur de la guerre d'Amérique - la monarchie capétienne était sauvée..." (François Bluche)
(Pour la première Capitation, instaurée le 18 janvier 1695, voir l'Éphéméride du 18 janvier)
De François Bluche, Louis XIV, Fayard, pages 817/818 :
Chacun paiera l'impôt
...Au milieu de la guerre précédente, Louis XIV avait admis le principe d'une imposition révolutionnaire, l'avait fait accepter par un argentier réticent, M. de Pontchartrain. Cette capitation, interrompue en 1698, avait été rétablie en 1701. Aujourd'hui, même additionnée aux tailles, aux aides, aux traites, à la gabelle, elle ne suffit plus à alimenter les caisses du Trésor. Le roi se résoud donc à l'instauration d'une taxe fixe sur les revenus. Sa déclaration du 14 octobre 1710 met en place l'impôt du dixième denier, en abrégé le dixième. Comme à l'occasion de la capitation, le clergé est épargné, qui consent une augmentation de son "don gratuit". Mais, comme pour la capitation, l'imposition nouvelle ne connaît plus de distinction entre roturiers et privilégiés : tout le monde est taxable. C'est une mobilisation générale des énergies, une contribution globale à l'effort de guerre.
Le Roi ne s'y rallie pas sans réflexion, ni réticences. Non qu'il ait scrupule à associer les nobles aux sacrifices financiers nécessaires, mais il sait que les humbles paient déjà à la limite du supportable. Aussi, comme en 1695, l'acte de création de l'impôt nouveau comporte, par la volonté du souverain, un long préambule explicatif, qui en appelle à l'esprit public, au civisme et au patriotisme du peuple français. Cosigné par Nicolas Desmarets, il n'en exprime pas moins les sentiments et la pensée du monarque, portant au reste la marque de son style. Comme le 12 juin 1709, Louis rappelle ses efforts pour terminer la guerre; comme en 1709, il montre que la paix ne s'éloigne qu'en raison de la foi punique des alliés :
"Le désir sincère que nous avons de faire une paix convenable à toute l'Europe nous a porté à faire les démarches qui pouvaient prouver que nous n'avons rien plus à coeur que de procurer le repos à tant de peuples qui le demandent... mais l'intérêt de ceux qui veulent perpétuer la guerre et rendre la paix impossible a prévalu dans les conseils des princes et États de nos ennemis... Dans cette situation, nous ne pouvons plus douter que tous nos soins pour procurer la paix ne servent qu'à l'éloigner, et que nous n'avons plus de moyens pour y porter nos ennemis que celui de faire véritablement la guerre."
Pour cela, Sa Majesté s'est décidée à mettre en place cette imposition du dixième : à compter du 1er octobre 1710 (la déclaration est du 14), chaque sujet du Roi versera pour la cause commune le dixième de ses revenus. La chose concerne tous les laïcs, "nobles ou roturiers, privilégiés ou non privilégiés". Ces dix pour cent d'impôt frapperont les revenus fonciers, les droits seigneuriaux, les propriétés urbaines, les charges, les rentes publiques ou privées, les profits marchands, etc... Un mois plus tard, Desmarets fera prélever le dixième par retenue à la source, dans le cas des gages, appointements, pensions et rentes.
Nous avons oublié, de nos jours, quelle brèche la volonté royale ouvrait, en ce 14 octobre 1710, dans la muraille déjà lézardée des privilèges. Louis XVI eût-il réussi, financièrement et psychologiquement, la même opération en 1780 - au coeur de la guerre d'Amérique - la monarchie capétienne était sauvée. Dans l'affaire du dixième denier, le Grand Roi console les pauvres en leur montrant qu'il fait d'abord payer les riches. Il associe chacun à l'oeuvre de l'énergie nationale : l'obole du gagne-petit contribue autant, dans l'ordre moral et politique, au salut du royaume que le gros versement imposé à M. Crozat, financier, ou à M. de Saint-Simon, duc et pair...
...sa réforme fiscale, exécutée en deux étapes (1695 et 1710), justifiée par le temps de guerre, acceptable et acceptée par les plus humbles des Français, diminuait les privilèges sans trop blesser les privilégiés. Si les Bourbons en avaient usé aussi courageusement et intelligemment au siècle des Lumières, y aurait-il eu révolution en 1789 ?..."