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Feuilleton : Chateaubriand, "l'enchanteur" royaliste... (29)

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Anne-Louis Girodet, Portrait de Chateaubriand,
Saint-Malo, musée d’Histoire de la Ville et du Pays Malouin.

(retrouvez l'intégralité des textes et documents de cette visite, sous sa forme de Feuilleton ou bien sous sa forme d'Album)

Aujourd'hui : le calamiteux coup d'état militaire des "Cent jours" (4/8)...

  1815 : Dans Paris royaliste, opposé au retour de Napoléon de l'île d'Elbe (III)...

 

"...Paris était tout royaliste, et demeura tel pendant les Cent-Jours. Les femmes particulièrement étaient bourbonnistes..." (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, La Pléiade, Tome I, page 920).

 

(suite immédiate du passage précédent, relatant le discours de Louis XVIII à la Chambre...)  :

Projet de défense de Paris.

Le discours du Roi m'avait rempli d'espoir. Des conférences se tenaient chez le président de la Chambre des députés, M. Lainé. J'y rencontrai M. de La Fayette : je ne l'avais jamais vu que de loin à une autre époque, sous l'Assemblée constituante. Les propositions étaient diverses; la plupart faibles, comme il advient dans le péril : les uns voulaient que le Roi quittât Paris et se retirât au Havre; les autres parlaient de le transporter dans la Vendée; ceux-ci barbouillaient des phrases sans conclusion; ceux-là disaient qu'il fallait attendre et voir venir : ce qui était pourtant fort visible. J'exprimai une opinion différente : chose singulière ! M. de La Fayette l'appuya, et avec chaleur. M. Lainé et le maréchal Marmont étaient aussi de mon avis. Je disais donc :

17 mars,françois premier,ecole des mines,pavie,conjuration d'amboise,françois ii,guise,baccalauréat,napoléon,université,lycées,facultés,joliot curie"Que le Roi tienne parole; qu'il reste dans sa capitale. La garde nationale est pour nous. Assurons-nous de Vincennes (ci contre). Nous avons les armes et l'argent : avec l'argent nous aurons la faiblesse et la cupidité. Si le Roi quitte Paris, Paris laissera entrer Bonaparte; Bonaparte maître de Paris est maître de la France. L'armée n'est pas passée tout entière à l'ennemi; plusieurs régiments, beaucoup de généraux et d'officiers, n'ont point encore trahi leur serment : demeurons fermes, ils resteront fidèles. Dispersons la famille royale, ne gardons que le Roi. Que Monsieur aille au Havre, le duc de Berry à Lille, le duc de Bourbon dans la Vendée, le duc d'Orléans à Metz; madame la duchesse et M. le duc d'Angoulême sont déjà dans le Midi. Nos divers points de résistance empêcheront Bonaparte de concentrer ses forces. Barricadons-nous dans Paris.

Déjà les gardes nationales des départements voisins viennent à notre secours. Au milieu de ce mouvement, notre vieux monarque, sous la protection du testament de Louis XVI, la Charte à la main restera tranquille assis sur son trône aux Tuileries; le corps diplomatique se rangera autour de lui; les deux Chambres se rassembleront dans les deux pavillons du château; la maison du Roi campera sur le Carrousel et dans le jardin des Tuileries. Nous borderons de canons les quais et la terrasse de l'eau : que Bonaparte nous attaque dans cette position; qu'il emporte une à une nos barricades; qu'il bombarde Paris, s'il veut et s'il a des mortiers; qu'il se rende odieux à la population entière, et nous verrons le résultat de son entreprise !

Résistons seulement trois jours et la victoire est à nous. Le Roi, se défendant dans son château, causera un enthousiasme universel. Enfin, s'il doit mourir, qu'il meure digne de son rang; que le dernier exploit de Napoléon soit l'égorgement d'un vieillard. Louis XVIII, en sacrifiant sa vie, gagnera la seule bataille qu'il aura livrée; il la gagnera au profit de la liberté du genre humain"

Ainsi je parlai : on n'est jamais reçu à dire que tout est perdu quand on n'a rien tenté. Qu'y aurait-il eu de plus beau qu'un vieux fils de saint Louis renversant avec des Français, en quelques moments, un homme que tous les rois conjurés de l'Europe avaient mis tant d'années à abattre ?

17 mars,françois premier,ecole des mines,pavie,conjuration d'amboise,françois ii,guise,baccalauréat,napoléon,université,lycées,facultés,joliot curieCette résolution, en apparence désespérée, était au fond très raisonnable et n'offrait pas le moindre danger. Je resterai toujours convaincu que Bonaparte, trouvant Paris ennemi et le Roi présent, n'aurait pas essayé de les forcer. Sans artillerie, sans vivres, sans argent, il n'avait avec lui que des troupes réunies au hasard, encore flottantes, étonnées de leur brusque changement de cocarde, de leurs serments prononcés à la volée sur les chemins : elles se seraient promptement divisées. Quelques heures de retard perdaient Napoléon; il suffisait d'avoir un peu de coeur.

On pouvait même déjà compter sur une partie de l'armée; les deux régiments suisses gardaient leur foi : le maréchal de Gouvion Saint-Cyr (ci dessus) ne fit-il pas reprendre la cocarde blanche à la garnison d'Orléans deux jours après l'entrée de Bonaparte dans Paris ? De Marseille à Bordeaux, tout reconnut l'autorité du roi pendant le mois de mars entier : à Bordeaux les troupes hésitaient; elles seraient restées à madame la duchesse d'Angoulême, si l'on avait appris que le Roi était aux Tuileries et que Paris se défendait. Les villes de province eussent imité Paris. Le 10ème de ligne se battit très bien sous le duc d'Angoulême; Masséna se montrait cauteleux et incertain; à Lille, la garnison répondit à la vive proclamation du maréchal Mortier. Si toutes ces preuves d'une fidélité possible eurent lieu en dépit d'une fuite, que n'auraient-elle point été dans le cas d'une résistance ?

Mon plan adopté, les étrangers n'auraient point de nouveau ravagé la France; nos princes ne seraient pas revenus avec les armées ennemies; la légitimité eut été sauvée par elle-même. Une seule chose eut été à craindre après le succès : la trop grande confiance de la royauté dans ses forces, et par conséquent des entreprises sur les droits de la nation..."

Présenté de cette façon, le "projet" de Chateaubriand semble évidemment non seulement crédible mais encore souhaitable : la France profonde ne soutient pas le retour de Napoléon, et lui résister, avec panache, serait plus glorieux que ce que Chateaubriand appelle ici - avec dédain mais à tort - une "fuite" (à Gand, devenue capitale temporaire du Royaume de France pendant les Cent-Jours, comme on le verra dans l'Éphéméride du 30 mars). Mais c'est oublier que, au début du retour de Napoléon, Louis XVIII était bien d'accord pour lui opposer la force, et dépêcha une troupe suffisante pour l'arrêter, sous les ordres de Ney, lequel devait jurer, avec emphase, qu'il ramènerait le monstre dans une cage de fer !

17 mars,françois premier,ecole des mines,pavie,conjuration d'amboise,françois ii,guise,baccalauréat,napoléon,université,lycées,facultés,joliot curieLe problème fut que Ney (ci contre) et sa troupe, non seulement n'arrêtèrent pas Napoléon, mais se rallièrent à lui, par un véritable coup d'État militaire, ce que furent en réalité les Cent-Jours. À partir de cette première trahison, et justement parce que Chateaubriand avait raison (une bonne part de l'armée restait fidèle à Louis XVIII), le roi, plus avisé et plus fin politique que l'impétueux vicomte, avait très bien compris le risque quasi-inévitable, sinon d'une guerre civile totale, du moins de violents affrontements fratricides entre Français, sous les yeux de l'ennemi. Comme on le verra - toutes proportions gardées... - lors de la Commune, en 1871.

Se voyant trahi, et sûr que de nouvelles trahisons s'ajouteraient à la première - les événements l'ont bien montré... - Louis XVIII préféra donc adopter une attitude se rapprochant de la ruse d'un Louis XI; moins glorieuse, certes, mais nettement plus politique : il préféra laisser le champ libre, pour ne pas encourir le risque de dresser les Français les uns contre les autres, faisant en sorte que l'entreprise démente et insensée de Napoléon s'achevât rapidement par elle-même, ce qui ne devait pas tarder...

Louis XVIII se comporta, donc, tel un Louis XI, qui se vêtait simplement et se souciait peu de ce que l'on pouvait bien dire de lui; ou que l'on moquât ses procédés parce qu'ils n'étaient pas ceux d'un grand seigneur flamboyant. Il n'était pas dans une logique d'apparence, mais dans les seules sphères de l'intérêt général et du Bien commun supérieur de la Nation. Après avoir été trahi lorsqu'il essaya de résister, il préféra prendre sur lui le double reproche - doublement injuste -  d'avoir "fui" et d'être "revenu dans les fourgons de l'étranger", car il ne voulait pas ajouter du drame au drame, des désastres au désastre, de la guerre civile à la guerre étrangère : un tel comportement est à n'en pas douter la marque des vrais Grands, dans l'Histoire...

La faute, le crime, sont imputables à Napoléon et à ces militaires qui, au lieu de lui tenir le langage de la raison, lui ont fourni les moyens de réaliser ce tragique et funeste coup d'état militaire que la France paiera très cher (comme on le verra dans l'Éphéméride du 20 novembre)...

Ney sera fusillé le 7 décembre de cette calamiteuse année des Cent jours (voir l'Éphémeride du 7 décembre)...

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