Les pays arabes se rapprochent de la Syrie, par Antoine de Lacoste
le prince héritier Mohamed ben Zayed
Isolée depuis des années, hormis ses soutiens russe et iranien, la Syrie verrait-elle la fin de son ostracisme ? Plusieurs pays arabes ont en effet manifesté le souhait de la réintégrer dans certaines instances.
Le geste le plus spectaculaire concerne L’OPAEP, l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole. Elle a voté à l’unanimité, il y a quelques jours, la tenue du sommet de 2024 à Damas. Celui de 2023 aura lieu au Qatar : c’est tout un symbole de voir l’émirat, qui a tant soutenu les islamistes pendant la guerre, passer le témoin à son ennemi. L’unanimité n’est probablement que de façade, et il est certain que ni le Qatar ni l’Arabie saoudite ne sont très enthousiastes à l’idée d’une normalisation complète avec le pays de Bachar el-Assad, cet alaouite honni par le sunnisme rigoriste. Plus encore, c’est le gouvernement syrien qui va présider le Conseil des ministres de l’organisation à partir de 2022.
Le mouvement vers la normalisation est puissant, et il sera difficile de le bloquer. D’ailleurs, la présence de la Syrie dans l’OPAEP est en soi un symbole puisqu’elle n’exporte plus de pétrole, celui-ci ayant été confisqué par les Américains qui occupent toujours le nord-est de la Syrie.
Ce sont les Émirats arabes unis qui sont moteurs. Le prince héritier Mohammed ben Zayed (surnommé MBZ, à ne pas confondre avec le MBS d’Arabie saoudite) est bien décidé à ne plus laisser l’Occident décider à la place du monde arabe. Il est, de toute façon, en position de force après avoir accepté de pacifier officiellement ses relations avec Israël, à la grande satisfaction des Américains qui n’ont plus grand-chose à lui refuser.
MBZ n’est, d’ailleurs, pas le seul à œuvrer pour une normalisation de la Syrie. L’Égypte a emprunté la même voie et a ainsi pu organiser l’approvisionnement partiel du Liban en gaz en passant par la Syrie. L’Occident, ne voulant pas être accusé de refuser d’aider le Liban, a regardé ailleurs. Le poids de l’Égypte est important car ses relations sont très étroites avec l’Arabie saoudite qui la soutient financièrement. Les deux pays partagent la même haine des Frères musulmans qui furent, un temps, au pouvoir en Égypte avec Mohamed Morsi avant qu’un coup d’État de l’armée ne mette fin à un gouvernement catastrophique. Signalons, en passant, que l’Occident, toujours donneur de leçons, condamne régulièrement les atteintes aux droits de l’homme en Égypte, ce qui est un comble alors que le pays se dirigeait vers le gouffre islamiste.
La Jordanie a également repris contact avec la Syrie et l’Irak pousse à sa réintégration dans la Ligue arabe. Exclue de cette organisation en 2012, sous la pression de l’Arabie saoudite et du Qatar, la Syrie pourrait y revenir. Le prochain sommet de 2022 aura lieu à Alger et, sans une réadhésion formelle, la Syrie pourrait y être invitée comme observateur.
C’est évidemment d’Occident que viennent les plus grands obstacles. Les Américains ont encore annoncé de nouvelles sanctions contre plusieurs Syriens, notamment des directeurs de prison… On ne voit pas bien ce que cela changera à leur vie car ils n’avaient probablement pas prévu de passer leurs prochaines vacances à New York.
En attendant, c’est le peuple syrien qui souffre. Son niveau de vie s’est effondré et sa monnaie n’en finit plus de sombrer, ruinant le pouvoir d’achat de toute la population.
La haine des Américains et des Européens contre la Syrie est accablante, mais on lui fera payer cher de n’avoir pas voulu devenir islamiste.