Marine Le Pen, Salvini et Orbán réalisent une « grande alliance » au Parlement européen, par Philippe Kerlouan.
Alors que certains prédisent le dépérissement du Rassemblement national, pour s’en inquiéter ou pour s’en réjouir, Marine Le Pen continue son petit bonhomme de chemin. À la veille du congrès qui se tient, samedi et dimanche, à Perpignan, on apprend qu’elle a signé, avec une quinzaine de partis européens, une « déclaration commune », présentée comme le prélude d’une « grande alliance ».
Parmi les signataires, outre Marine Le Pen, figurent Matteo Salvini, chef de la Lega italienne, Viktor Orbán, Premier ministre hongrois, Jarosław Kaczyński, chef du parti polonais Droit et Justice, Santiago Abascal, patron de Vox en Espagne, et Georgia Meloni, dirigeante des Fratelli d’Italia. « À l’heure où les mondialistes et les européistes, dont Emmanuel Macron est le principal représentant en France, lancent la Conférence sur l’avenir de l’Europe, qui vise à accroître le pouvoir des instances européennes, l’accord de ce jour est la première pierre vers la constitution d’une grande alliance au Parlement européen », écrivent-ils.
Jusqu’à présent, ces partis siégeaient, pour la plupart, dans des groupes différents. Ainsi, le Rassemblement national et la Ligue appartiennent au groupe Identité et Démocratie (ID), Droit et Justice et Fratelli d’Italia sont dans les rangs des Conservateurs et Réformistes (CRE), tandis que le Fidesz hongrois est à la recherche d’un nouveau rattachement depuis qu’il a quitté, en mars dernier, le Parti populaire européen (PPE). Constatant que l’Europe « ne cesse de poursuivre dans la voie fédéraliste qui l’éloigne inexorablement des peuples qui sont le cœur battant de notre civilisation », ils ont décidé de se rassembler pour peser davantage et la réformer.
Il est trop tôt pour savoir quel sera l’avenir de cette alliance. La présidente du groupe des socialistes-démocrates l’a qualifiée « d’extrême droite, populiste et nationaliste », estimant qu’elle « ne durerait pas longtemps » et qu’elle avait « une vision déformée du patriotisme, qui exclut tous ceux qui ne pensent pas comme elle, une menace claire pour l’Europe » – ce qui est, paradoxalement, une façon d’en reconnaître le poids. La leçon immédiate qu’on peut en tirer, c’est qu’un rapprochement est possible entre des partis patriotes. Plutôt que de mettre en avant leurs divergences, ils peuvent s’entendre sur ce qui leur est commun : le rejet d’un super-État européen, le respect de la souveraineté nationale, le refus d’une immigration débridée.
À l’approche de l’élection présidentielle de 2022, est-il utopique d’évoquer l’hypothèse que tous les courants de la droite nationale mettent de côté ce qui les sépare pour élaborer un programme fondé sur ce qui les réunit ? Sans doute faudrait-il que chaque parti, petit ou grand, mette de l’eau dans son vin et ne se croie pas le seul détenteur du salut de la France. Il faudrait aussi renoncer aux petites rivalités personnelles, qui ne font jamais une grande politique, admettre qu’on a rarement raison tout seul et rechercher un compromis tout en sauvegardant l’essentiel. Le jeu en vaut la chandelle car, à force de jouer chacun dans sa cour, on favorise la réélection de celui qu’on prétend combattre, ou de l’un de ses avatars.