L'Afrique Réelle n°139 - Juillet 2021, par Bernard Lugan.
Sommaire
Actualité
Algérie : une polémique illustrant la fracture existentielle du pays
Dossier : Barkhane, une réussite militaire, un échec politique
- La question du Mali
- Les erreurs françaises
- Les deux guerres du Sahel
- L’embrasement du Burkina Faso
- Après avoir abandonné la Centrafrique, la France va-t-elle faire de même au Mali ?
La France en a l’habitude : ses Armées remportent des victoires que ses décideurs civils transforment systématiquement en défaites politiques. Ainsi en fut-il de l’Algérie, puis du Rwanda et aujourd'hui de la BSS où Emmanuel Macron a annoncé la fin de l’Opération Barkhane.
Depuis, la quasi-unanimité se fait dans les médias pour mettre en avant l’échec prétendu de cette opération militaire, ce qui est à la fois faux et mensonger.
Dans une zone d’action vaste comme une partie de l’Europe dans laquelle ne furent au maximum déployés que moins de 5000 hommes à la fois, la moitié en protection d’emprises ou d’axes de communication, avec des moyens réduits et parfois même obsolètes, Barkhane n’avait pas pour mission d’apporter une solution à des problématiques ethno-raciales millénaires. Elle a en revanche parfaitement rempli la triple mission qui lui avait été ordonné de mener :
1) Perturber les mouvements terroristes, limiter leur liberté d’action, empêcher leur coagulation, éliminer leurs chefs. A cet égard, les résultats du GTD (Groupement tactique désert) Altor du 2e REP dans la région des « Trois frontières », loin des camps de base, furent remarquables.
2) Rendre la plus hermétique possible la frontière entre la Libye et le Niger, afin d’éviter le réensemencement du jihadisme sahélien à partir du foyer libyen.
3) Empêcher la reformation d’unités jihadistes constituées.
Assurer la paix n’était pas dans la mission de Barkhane. Etablir la sécurité passe en effet par la construction des Etats, des armées et des administrations, c’est-à-dire par la recolonisation… ce qui n’est pas exactement dans « l’air du temps »…
Au lieu de réfléchir à des solutions fondées sur le réel, les décideurs français n’ont eu qu’un seul remède à proposer, les élections. Or, ce système fondé sur le « one man, one vote » est d’abord une ethno-mathématique donnant automatiquement le pouvoir aux plus nombreux, en l’occurrence aux sédentaires Noirs sudistes, ce que les nomades ne peuvent accepter.
Une furieuse polémique sur fond de question kabyle a éclaté en Algérie. Noureddine Aït Hamouda, ancien député du parti berbère RCD (Rassemblement pour la Culture et la Démocratie) et fils du colonel Amirouche, chef emblématique du maquis kabyle de la willaya III, tué au combat le 29 mars 1959, a en effet qualifié de « traitres », entre autres, l’émir Abd el-Kader ainsi que les présidents Boumediene et Bouteflika.
En 2008, Nouredine Aït Hamouda avait déjà dénoncé les faux moujahidine légitimés par l’ONM (Office national des Moujahidine), 9/10e étant selon lui des imposteurs, ainsi que le chiffre de 1,5 million de morts causé par la guerre d’indépendance. Les œuvres vives du « Système » étant attaquées, sur plainte de l’ONM, Noureddine Aït Hamouda a été mis en prison.
Il va être de plus en plus difficile à un « Système » aux abois de cacher qu’il est l’héritier des auteurs du coup d’Etat qui, en 1962, renversa le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne), évinçant les combattants de l’intérieur essentiellement Berbères pour instaurer le régime arabo-musulman du FLN (voir à ce sujet mon livre Algérie, l’histoire à l’endroit.)
Source : http://bernardlugan.blogspot.com/