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Refaire une nation, une démocratie et des citoyens !, par Christian Vanneste.

Beaucoup de bavardages journalistiques évoquent les résultats du premier tour des élections départementales et régionales en faisant l’impasse sur le fait essentiel, l’abstention de plus de deux électeurs sur trois. Que les sortants soient pour la plupart confortés n’a pas beaucoup de sens, même si cela aura des conséquences dans l’année qui vient en vue des présidentielles. 

christian vanneste.jpgIl arrive que lors d’un référendum, l’abstention soit importante, mais elle n’a pas de signification essentielle : les électeurs qui ne se déplacent pas ne s’intéressent pas à la question posée et laissent le soin aux autres d’y répondre. Il en va différemment de la démocratie représentative. Il est primordial que les “représentants” élus par les électeurs en représentent effectivement le plus grand nombre, sous peine de voir gravement altérée leur représentativité, et donc leur légitimité. Les élections d’hier posent à l’évidence ce problème. Si l’on souligne le score surprise de Xavier Bertrand dans les “Hauts de France”, et si celui-ci prend la parole en matamore pourfendeur du RN comme s’il avait remporté une immense victoire, il faut vite corriger l’illusion d’optique. Il n’y a pas eu de vague en sa faveur. La mer s’est retirée pour celui qui passait pour son principal adversaire. Or ce retrait délivre un enseignement redoutable pour l’avenir de notre pays : un sondage indique que l’abstention a beaucoup varié en fonction de l’âge et de l’orientation politique des électeurs. Globalement, ce sont ceux qui avaient voté pour François Fillon au premier tour de 2017 qui se sont le plus déplacés et, comme on sait, il ne s’agit pas des plus jeunes. En revanche, on peut penser qu’il s’agit des mieux “intégrés” dans notre pays, des plus “homogènes” comme disait Jules  Monnerot. Une démocratie saine correspond à un pays où ce groupe est clairement majoritaire parce qu’il adhère aux valeurs de la société avec des nuances relativement marginales sur les questions économiques, sociales et sociétales qui sont les ressorts des alternances. Telle n’est plus du tout la situation de la France. La majorité des Français n’adhère plus à notre pays tel qu’il devient. Beaucoup de Français se moquent de savoir qui est censé les représenter, et donc les diriger. Les législatives de 2017 avaient annoncé le processus de désengagement civique, mais on a mis cela au compte de l’effacement, dû au quinquennat, de ce scrutin derrière la présidentielle. Les municipales ont connu pour une fois un taux d’abstention phénoménal, mais c’était le covid. Les abstentionnistes d’hier ne sont pas seulement anesthésiés par le matraquage sanitaire dont ils sortent à peine. Ils ne sont pas déjà en vacances. Ils n’ont pas tous été victimes de la calamiteuse distribution des documents électoraux sur laquelle le ministre de l’Intérieur devra rendre des comptes. Non ! Ils sont dégoûtés de la politique et écoeurés par ceux qui veulent les représenter. Les deux derniers chefs de l’Etat, le premier par sa totale inconvenance, le second par son théâtre permanent et fastidieux, ont miné la légitimité de la fonction. Le carnaval des ministres et des parlementaires qui ne tiennent leur légitimité que d’un homme, qui n’en possède plus guère, fatigue les Français. Le coup tenté en lançant cinq ministres dans la course, pour forcer Bertrand au compromis entre les deux tours, a complètement foiré. Le ténor du barreau, joker du dernier remaniement et tête de liste dans le Pas-de-Calais, s’est couvert de ridicule !

Les médias vont faire comme si rien ne s’était passé, et comme si maintenant on pouvait parler de la présidentielle tranquillement sans considérer que la priorité est de rendre aux Français le désir d’être des citoyens et non les sujets de la macronie. Or l’un des principaux enseignements du 20 Juin est que la macronie n’est qu’un village Potemkine dessiné par les médias, un décor que rien ne prolonge dans le pays. La fanfare médiatique, les projecteurs braqués, ont pu créer l’illusion. La débâcle de la liste présidentielle dans les “Hauts-de-France” n’est pas sociologique comme peut l’être le résultat décevant du RN. Elle est politique : la macronie ne correspond pas à une famille politique. Nombre de ses électeurs de rencontre sont rentrés au bercail en abandonnant leurs élus. La gifle électorale infligée à cinq ministres et non des moindres devrait les conduire à démissionner s’il leur restait un minimum de la dignité imposée au début de la Ve République. Celui qui a fait le meilleur score des sortants est Waucquiez, sans compromission avec LREM, et affichant des positions clairement à droite. Bertrand, qui a refusé tout accord avec LREM et qui en est débarrassé pour le second tour, se voit déjà à l’Elysée et pour cela se présente comme “l’ennemi” de Marine Le Pen, en pensant cette fois au second tour de la présidentielle. Muselier qui au contraire a esquissé un pas-de-deux avec la macronie se fait devancer par Mariani, ex-sarkozyste qui a moins changé d’idées que de parti, contrairement à d’autres.

Deux questions se profilent donc. La première occupera les médias. Les cartes sont-elles rebattues pour 2022 ? On a vu combien les sondages pouvaient être trompeurs. Est-il si sûr que le duel Macron-Marine aura lieu ? Si les électeurs qui l’avaient rejoint dans le brouillard médiatico-judiciaire de 2017 retournent à leurs familles, le sortant peut très bien en être absent. Si les électeurs du RN sortent de leur léthargie sociologique, Marine Le Pen en sera, mais peut-être face à une “droite” ressuscitée une fois encore malgré ses flottements et ses errements. Mais qui ? Aucun peut-être s’ils sont trop nombreux, or l’histoire a montré que la concurrence était parfois salutaire. Waucquiez requinqué par son succès régional et représentant le courant de droite qui monte dans toute l’Europe ? Bertrand, le candidat de la fausse droite qui plombe le pays depuis si longtemps ? La seconde question est infiniment plus cruciale : est-il possible de reconstruire la nation française, de refaire de notre pays une démocratie avec des citoyens, d’en finir avec l’archipel communautaire et le jeu qu’en tirent les politiciens ?

Source : https://www.christianvanneste.fr/

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