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En France, on met Don Quichotte en prison !, par Christian Vanneste.

Damien, comme le personnage le plus célèbre de la littérature espagnole, aime la chevalerie. Le rêve d’une vie plus pure le hante et lui fait parfois confondre les moulins avec des géants, et les présidents avec des têtes-à-claques. Il est patriote et voit la France à travers sa grandeur plus qu’au travers des chiffres d’une économie défaillante. Il n’aime pas Macron, parce que celui-ci n’aime pas la France et se plaît à l’amoindrir. 

christian vanneste.jpgCe qui le fascine chez les chevaliers qu’il idéalise, c’est leur droiture et leur sens de l’honneur, et ce qui l’insupporte chez Macron, c’est la mise en scène permanente, la théâtrocratie qui fonde son pouvoir, la fausse monnaie politique qu’il distribue “quoi qu’il en coûte” aux Français. Alors il s’était dit qu’il devait lui jeter ses vérités à la figure. Mais, quand il a vu le président en chemise foncer sur lui, sourire aux lèvres, séducteur conquérant sûr de lui et tellement sympathique apprêté, il a bouilli. Les quatre vérités sont devenues un seul geste, le soufflet, celui qui atteint plus l’honneur que la joue, le genre de gifle qui appelle au duel. La scène était assez comique et a fait rire une bonne partie de la planète : Jupiter en veine de reconquête court vers ses admirateurs, peu nombreux, mais sans doute sélectionnés et donc enthousiastes, et se prend une beigne. L’élan a été brisé et le corps physique du roi a été emporté par ceux qui en ont la garde. Mais si bien des Français se sont plus ou moins discrètement réjouis, le choeur de la République s’est aussitôt ému : c’est le corps sacré du monarque qui a été profané et à travers lui la République, les institutions les plus vénérées. En fait, tous les Français qu’il représente, ont été frappés. Certes, en ces temps d’élections personne ne souhaite jouer les sacrilèges, manquer du respect dû à une fonction qu’ils souhaitent occuper, ou approcher, et chacun, riant sous cape, y est allé de son couplet conformiste et constitutionnel, mais chez certains la sincérité a laissé percer la vérité. Celui qui, depuis une élection ressemblant à un coup d’Etat médiatico-judiciaire, se trouvait ainsi revêtu d’une légitimité incertaine et s’était évertué à jouer la comédie du pouvoir sans jamais l’incarner, n’avait pas deux corps, mais un seul changeant souvent de costume.

La liste est longue des cas où le locataire de l’Elysée a désacralisé sa fonction : Entre la cour des amis douteux comme Benalla, l’affichage de Gide, l’auteur des Faux Monnayeurs et pédophile aux goûts exotiques, comme référence de la République, le mépris des Gaulois étalé sans vergogne, les postures dégradantes pour la fonction présidentielle, à Saint Martin, ou lors de la fête de la musique à l’Elysée, les repentances publiques scandaleuses envers des dictatures, en Algérie, au Rwanda, l’autre corps du roi a cessé d’exister, et c’est bien le seul qui ait jamais été le sien, celui de M. Macron qui s’en est pris une, par quelqu’un qui n’en pouvait plus de sa suffisance. Qui est le plus coupable dans cette affaire ? Celui qui commet un geste irréfléchi, ou celui qui par son comportement, ses propos, son arrogance, son narcissisme effréné l’a suscité ?

La justice a tranché, rapidement. une fois n’est pas coutume. Un gentil président courant par amour vers son peuple a été giflé par un extrémiste violent collectionneur d’armes, monarchiste criant Montjoie Saint Denis, cet atroce cri de guerre médiéval, bien plus terrible que le Allaouakbar des islamistes : il y a longtemps que la cour et les antichambres espéraient épingler l’extrême-droite blanche et chrétienne dans un attentat. Narcisse triomphant devient victime : bonus assuré dans les sondages. Don Quichotte n’a pas agi seul. Sancho Pança prenait des images, ce qui établit la complicité dans le crime prémédité, et l’on a découvert chez lui un exemplaire de Mein Kampf, ce qui prouve la noirceur du personnage. Le Parquet avait tenu contre toute vraisemblance à parler de violence délibérée, de détermination froide, et de possible récidive pour justifier une peine sévère. Et il a obtenu une sanction mesurée à la cible mais disproportionnée pour le coupable. Celui qui avait agressé Sarkozy s’était vu infliger 6 mois avec sursis. Damien, c’est 18 mois dont quatre ferme, avec mandat de dépôt. Un homme sans passé judiciaire est donc en prison alors que la plupart des malfrats récidivistes n’y vont pas pour des condamnations inférieures à deux ans. Un acte irréfléchi, commis par un inconnu des services de police, qui ne laisse envisager aucun risque de récidive, et ne présente donc aucun danger pour la société, conduit donc inutilement un homme en prison, quand tant d’autres qui devraient y être sont en liberté. Peut-être avait-il bu un peu et était-il désinhibé ? L’Assassin de Mme Halimi n’a pas été, lui, condamné, en raison de ses bouffées délirantes provoquées par la drogue. Mais la réaction judiciaire ne s’arrête pas là car Damien est mis au ban de la République : Il a également été condamné à un sursis probatoire de deux ans, avec une obligation de travail ou de formation assortis de soins psychologiques. S’ajoutent à cela une interdiction de détenir des armes pendant cinq ans, l’interdiction définitive d’exercer toute fonction publique et une privation de droits civiques pendant trois ans. Parce qu’il se faisait une trop haute idée de son pays, un patriote ne sera donc plus citoyen et jamais fonctionnaire quand tant d’autres demeureront les citoyens d’un pays qu’ils détestent.

En écoutant Jacques Brel, on se dit que dans notre pays, il n’y a plus de place pour ceux qui sont en quête d’un idéal… sauf en prison. Cette peine injuste et démesurée a, au moins, le mérite d’inverser la victimisation et de faire réfléchir toutes les victimes pour lesquelles la justice n’a été ni aussi rapide, ni aussi dure.

Source : https://www.christianvanneste.fr/

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