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Dominique Marcilhacy : « A court terme, la cible utile, pour redresser la fécondité, est celle des familles nombreuses et des classes moyennes ».

L’avenir démographique de la n’est plus assuré : la baisse de l’indice de fécondité des femmes françaises se tasse, passé de 2,02, en 2010, à 1,83, pour 2019, au point qu’il manque, aujourd’hui, 40 à 50.000 naissances en France pour assurer la pérennité de notre système . , haut-commissaire au Plan du gouvernement qui vient de rendre un rapport à ce sujet, a fait une mise au point sur les propos qui lui ont été attribués, il y a quelques jours :

« Il n’est pas vrai que la solution soit dans l’immigration. » Favorable à des « apports limités, ou en tout régulés et réfléchis » de l’immigration, il préconise la prudence « compte tenu de la situation psychologique du pays et des tensions » et prévient : « La réponse est en nous. »

Dominique Marcilhacy est magistrate. Avec le professeur Jacques Bichot, elle a travaillé sur des propositions de réforme du système des retraites. Elle livre son analyse aux lecteurs de Boulevard Voltaire

 

Comment analysez-vous cette baisse de la fécondité des Françaises ? La crise Covid suffit-elle à expliquer ces chiffres ?

La baisse de la fécondité en France est une tendance longue et constante, observée depuis 2010. Elle a été longtemps minimisée grâce à l’immigration massive que nous connaissons, avec l’arrivée sur notre sol de jeunes femmes à la fécondité plus élevée : alors qu’en l’an 2000, 12,3 % des enfants avaient au moins un parent étranger né hors , ils sont 22,2 % à être dans ce cas, en 2019. On sait que les femmes étrangères ont, en moyenne, 2,6 enfants alors que les femmes nées en France oscillent entre 1,8 et 1,6.

Autrefois, la bonne tenue de la fécondité française, lorsqu’on la comparait aux autres pays de l’Union, tenait à deux facteurs : le faible nombre de femmes à n’avoir aucun enfant et la proportion plus élevée qu’ailleurs à avoir une nombreuse. C’est ce dernier facteur qui s’effondre d’année en année : on comptait 19,6 % de familles avec 3 enfants au moins, en 1990 ; elles ne sont plus que 16,5 %, en 2019, familles immigrées comprises. Ajoutons que le recul constant de l’âge à la première maternité (24 ans en 1974, 29 ans aujourd’hui) limite de facto la possibilité pour les femmes d’avoir de nombreux enfants.

 

Pour le démographe Hervé Le Bras (dont les travaux ont servi à l’élaboration du rapport), « ce qui a sauvé notre système de santé sociale, ce n’est pas la natalité mais l’entrée des femmes sur le marché du travail » ; l’augmentation des allocations et des places en  : « une idée qu’il faut mettre au rencart ». Partagez-vous ce constat ?

Oui, c’est bien l’arrivée des femmes sur le marché du travail qui a sauvé notre système de retraite car elle a permis, grâce à leurs cotisations, de financer de belles pensions aux hommes !

Il est vrai que dans certains pays, comme l’Allemagne ou l’Italie, c’est l’impossibilité de concilier vie familiale et vie professionnelle qui constitue le principal frein à la fécondité. Mais tel n’est pas le cas en France où les modes de garde sont très développés et représentent plus de 40 % des de la .

La baisse de fécondité des « Françaises » s’explique par la raréfaction des familles nombreuses en leur sein. Or, c’est la cible des familles nombreuses qui est, depuis dix ans, maltraitée par les pouvoirs publics : 1) généralisation des conditions de ressources excluant les couches moyennes et supérieures, 2) disparition des maigres rétributions familiales des retraites, 3) quasi-disparition du quotient familial, 4) fragilisation du mariage et 5) dévastateur, fin du congé parental rémunéré. C’est ce dernier qui, ouvert dès le 2e enfant en 1985, avait permis la reprise de la fécondité après l’effondrement de la crise pétrolière en permettant aux jeunes mères restées à la maison élever leur 2e enfant de « mettre en route le 3e » plus sereinement.

Aucun redressement de la fécondité n’est possible, sauf à accepter une immigration massive, si on ne comprend pas que les femmes ne peuvent pas, durant les courtes années de leur vie féconde, à la fois mettre au monde et élever une famille nombreuse et mener leur carrière selon le tempo des hommes. Pourtant, allégées de leurs tâches maternelles, elles auront bien le temps de faire carrière plus tard, avec une espérance de vie à 86 ans !

 

Avez-vous une recette miracle pour inciter les femmes françaises à « faire plus d’enfants » ?

Élever des enfants, c’est préparer la retraite de sa génération. Aujourd’hui, cet effort ne rapporte rien, il pénalise : les retraites des parents de familles nombreuses sont inférieures du quart à celles des couples moins féconds ! L’attitude gagnante, pour un couple, c’est d’avoir un ou deux enfants, pour son bonheur, mais pas davantage pour éviter de se faire exploiter par le système.

Au lieu de comptabiliser précieusement, pour ouvrir des droits à pension, les cotisations vieillesse que paient les actifs – cotisations qui ne sont pas capitalisées puisque immédiatement reversées aux -, il faut repenser la logique de notre assurance vieillesse. Le Pr Jacques Bichot propose d’asseoir les droits à pension sur le temps et l’argent investi dans la . Les cotisations vieillesse, maintenues évidemment, n’auraient plus que le caractère de remboursement, par la génération des actifs, des dépenses faites à leur profit par les retraités qui les ont élevés. Cette réforme, qui ne coûterait rien, serait un puissant moyen de redresser la fécondité, puisque les familles nombreuses y trouveraient leur compte.

En attendant, à court terme, la cible utile, pour redresser la fécondité, est celle des familles nombreuses et des classes moyennes. En leur direction, je préconise de rétablir le congé parental rémunéré, de conforter les (maigres) majorations familiales de retraite que le projet de réforme en cours veut abraser et de supprimer le plafonnement du quotient familial.

Entretien réalisé par Sabine de Villeroché

 

Dominique Marcilhacy

Magistrate

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