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« Nous contribuons activement à nous renier nous-mêmes », par Maxime Briand et Bernard Chapuis.

Entretien avec Marie Limes. Les journaux surabondent en nouvelles surprenantes qui sont autant de dépêches issues d'un monde mystérieux : le nôtre, en train de muter à grande vitesse. Marie Limes les recueille, les aligne et nous laisse en tirer d'amères leçons sur notre chute.

Réalisé par Maxime Briand et Bernard Chapuis, de l’ISSEP

Votre environnement de ZEP (zone d’éducation prioritaire) a-t-il été l’élément déclencheur qui vous a décidé à rédiger Endoctrinement ?

Le déclencheur aura plutôt été de voir l’« environnement de ZEP » dont vous parlez s’étendre à tout le pays.

Comment expliquer le fait que les mêmes médias avertissent des atteintes de plus en plus nombreuses à la laïcité tout en faisant la promotion d’éléments religieux propres à l’islam, de plus en plus courants en France ?

Les médias de gauche comme France Culture, France Inter, Le Monde ou Libération sont en effet continuellement tiraillés entre deux pôles constitutifs de leur identité politique. Le premier est très ancien, c’est le rejet de la religion, « opium du peuple », et c’est ce qui a donné la laïcité. Le second date des années 1980, c’est l’antiracisme. Or, et c’est toute la singularité de la situation que vous soulignez, la gauche ne parvient pas à distinguer l’islam (la religion) de l’étranger (l’individu). C’est-à-dire qu’elle ne sait pas distinguer chez le musulman ce qui relève de la foi (et donc de sa conception du monde – critiquable) de ce qui relève de son origine ethnique (incritiquable). Elle s’interdit donc, mêlant religion et ethnie, de critiquer l’islam par peur d’être accusée du crime moral suprême de notre siècle : le racisme. L’islam est donc protégé parce qu’il vient d’ailleurs, quand bien même la gauche ne cesse de prétendre que l’islam est désormais une religion de France et que la culture musulmane fait partie de notre patrimoine : beau paradoxe. Comme disait Gilles Deleuze : « Être de gauche, c’est d’abord penser le monde, puis son pays, puis ses proches, puis soi ; être de droite, c’est l’inverse ». Préférant l’autre à soi, la gauche ne cesse alors de faire l’éloge des cultures étrangères et des religions orientales (le bouddhisme bénéficie de la même bienveillance). Ainsi l’éloge de l’islam sera continuel sur les ondes de France Culture, ce qui ne sera jamais le cas du christianisme. C’est l’autre amusant paradoxe de la gauche : fonctionner comme un christianisme (l’accueil de l’autre dans une charité inconditionnelle, préférer l’autre plus que soi, aspirer à l’universalisme) tout en étant indifférent ou hostile à cette religion. Au fond, la gauche est une sorte de christianisme sans Jésus Christ. Or « il suffit de nier la divinité du Christ pour placer le christianisme à la source de toutes les erreurs modernes », disait Nicolás Gómez Dávila.

Pourquoi la forme d’un tel livre, “simple” recueil d’images d’articles ? Pensez-vous qu’accumuler ces images d’articles soit le meilleur moyen de les dénoncer ?

Il était essentiel de montrer l’effet d’accumulation, d’alerter sur le mécanisme d’endoctrinement. En outre, en tant qu’historienne, il m’apparaît nécessaire de documenter par le papier imprimé ce qui passe et disparaît de nos écrans si rapidement. Il faut laisser des documents qui permettront aux historiens du futur de comprendre l’entreprise de corruption des cerveaux qui fut à l’œuvre au début du XXIe siècle.

Vous avez souvent fait le choix de l’ironie quand vous commentez certains articles… Doit-on prendre ces articles et ceux qui les écrivent comme une vaste plaisanterie ou, au contraire, doit-on sérieusement s’en préoccuper ?

Considérer que ces publications sont uniquement risibles est un aveuglement tragique, quoique fréquent. Car ceux qui produisent cet endoctrinement quotidien ne plaisantent pas : ils combattent. Ils le font par conviction, par simple suivisme ou par opportunisme mercantile, peu importe. C’est un combat, et il est ici très inégal. Le rire, par l’humour ou l’ironie, est la seule arme qui nous reste.

Ces médias, qui produisent des articles très sérieux sur des sujets souvent ridicules, comme « la sapine de Noël » à Bordeaux, sont-ils le reflet anodin d’une certaine société ou alors une sorte d’arme idéologique destinée à influencer les jeunes générations continuellement sur les réseaux sociaux ?

On pourrait croire en effet que c’est un ridicule localisé, ponctuel, éphémère. Mais les pouvoirs publics empruntent le même chemin. Ils se soumettent tous désormais à cette même folie prétendument « progressiste », que ce soit dans l’action législative ou dans les recrutements, dans les nominations de postes à responsabilité. L’influence sur les jeunes générations n’est donc pas le seul danger. Les ravages de cette pensée « progressiste » ont lieu ici et maintenant, et ils sont bien réels.

La forme la plus sotte du « progressisme » est la théorie du genre. Mais toutes ces bêtises sur la « non-binarité » disparaîtront bientôt et leurs adeptes en auront bientôt honte, comme les maoïstes des années 1960 peuvent – on l’espère – avoir honte aujourd’hui de leurs engagements passés, ou comme les chantres de la pédophilie des années 1970 s’en mordent les doigts aujourd’hui.

Mais la forme la plus tragique, la plus terrible, du « progressisme » est celle qui a pu conforter, consolider, amplifier la mutation ethno-démographique des peuples européens. L’immigration de travail, puis le regroupement familial, puis la natalité des populations immigrées, puis le métissage ont changé entièrement et irréversiblement ce que nous fûmes depuis le paléolithique jusque dans les années 1960. L’unité et l’homogénéité ont fait place à la diversité et au multiculturalisme. L’endoctrinement idéologique que nous subissons encourage ce basculement ethnographique mais surtout empêche toute tentative d’en débattre et de le critiquer. Là encore, le tabou du racisme hérité de la Seconde Guerre mondiale et de sa terrifiante entreprise de « purification raciale » joue pleinement son rôle d’inhibiteur pour nous empêcher de penser le monde, notre monde, sous l’angle de la civilisation et de l’histoire, de l’ethnographie et de l’anthropologie. Nous sommes – socialement, moralement – obligés de nous réjouir de cette évolution humaine majeure de notre continent.

« L’affaire » du concert du Nouvel An à Vienne où certains ont cru bon de se plaindre de l’absence de « diversité » au sein de l’orchestre est un bon exemple. Car si ces orchestres sont déjà excellents – ce que personne ne songe à contester – pourquoi vouloir faire entrer de force « des Noirs et des Arabes » ?

Au fond, la question qui se pose ici comme ailleurs est : pourquoi faut-il que la civilisation européenne devienne multiculturelle ? Où est « l’enrichissement » ? L’Europe n’était-elle pas auparavant suffisamment riche, cultivée, raffinée, civilisée ?

Qu’est-ce qu’apporte, par exemple, l’islam à l’Europe ? Cette religion nouvelle est la manifestation, par excellence, du multiculturalisme. Mais en quoi sa présence de plus en plus grande en Europe est-elle un bienfait ? « On s’enrichit de nos différences » répète en boucle le camp progressiste. Quel est l’enrichissement que nous apporte le Coran ? Qu’y gagne-t-on ? Je pose la question.

La destruction que fait France Culture du passé français au profit d’une culture musulmane est-elle selon vous le mimétisme d’une mode contemporaine tournée vers le multiculturalisme ?

« Multiculturalisme » est un joli mot pour parler de la disparition de la culture occidentale. En effet, cette dernière est aujourd’hui doublement menacée de l’intérieur et de l’extérieur. Culpabilisés par la gauche, les Français ont abandonné tout attachement à leur propre culture. Ils ne s’aiment plus eux-mêmes. Ils n’aiment même plus leurs prénoms, c’est dire le désamour ! Nommer son enfant, c’est lui donner une identité. Or, sauf quelques exceptions, les prénoms dont nous héritions disparaissent à toute vitesse.

Les Français n’ont plus aucune fierté pour leur histoire pourtant prestigieuse, faite de conquêtes militaires glorieuses et de chefs-d’œuvre de l’art, de découvertes scientifiques fondamentales et d’avancées techniques incomparables. La France était naguère le pays le plus envié. Il était considéré (avec l’Italie !) comme le plus beau du monde par ses villes et ses paysages. C’était le pays de l’élégance et de l’art de vivre, de la mode et de la gastronomie. Nous étions une nation de science (de Louis Pasteur à Marie Curie) et de technologie (du Concorde au TGV), nos cathédrales défiaient les lois de la gravité, nous avions parmi les plus grands écrivains du monde et la peinture impressionniste faisait l’admiration de tous. Nous faisions rêver le monde.

En quarante ans, nous avons détruit tout cela. D’abord par une absence totale de fierté et de reconnaissance pour ce dont nous héritions (patrimoine, mœurs, art de vivre), ensuite en faisant entrer des millions des gens qui n’avaient aucun intérêt pour ce que nous étions et qui ne désiraient nullement prolonger et contribuer à cette histoire prestigieuse. Bien sûr, et fort heureusement, il y eut de brillantes exceptions, des gens talentueux venus d’ailleurs et qui ont contribué à la gloire de la France de Sacha Guitry à Milan Kundera, mais ces diamants sont récupérés sans scrupule par la gauche pour construire le mythe d’une immigration enrichissante, confondant sans vergogne l’individu et la masse, le génie et la foule, l’être touché par la grâce et les mouvements de population.

En parcourant votre livre, on retrouve une forte récurrence dans les articles sur le sujet du néo-féminisme et de la dénonciation du modèle « patriarcal »… Comment analyser cette récurrence ?

Le patriarcat est en effet par essence l’ennemi du progressisme. Il est ce qui ordonne. Il est la hiérarchie. Il est l’agent de la civilisation et de la construction de nos normes sociales. Or la gauche moderne – ayant abandonné depuis longtemps la cause du peuple – ne cherche qu’une chose : déconstruire. Autrement dit, tuer le père.

L’ouverture des frontières ou l’institution du mariage homosexuel ne sont pas des grandes causes populaires. Le peuple de France ne s’est jamais soulevé pour réclamer l’écriture inclusive. Mais les intellectuels de gauche en ont décidé autrement. Il fallait déconstruire. Et ce qui avait été longuement et patiemment construit, siècle après siècle, fut martelé, brisé, souillé. La haine du patriarcat est au centre de tout ce que nous vivons actuellement. Nous basculons dans un monde nouveau, sans père et sans repère.

La plateforme France Culture appartenant au groupe Radio France a bénéficié de 582 millions d’euros en 2019 de subventions, tirées de la poche du contribuable. Pensez-vous qu’une réforme des services publics serait la première pierre de l’édifice pour stopper cette autoflagellation ?

Évidemment. La première des réformes serait une atténuation de leur militantisme idéologique, tenter d’imposer une certaine pudeur dans l’énoncé de leur convictions politiques. La seconde serait d’introduire un peu de diversité, non pas raciale mais idéologique. Qu’on cesse de prétendre que, parce qu’Alain Finkielkraut bénéficie d’une heure par semaine sur France Culture, les ondes de Radio France offrent un pluralisme d’opinion !

Avez-vous prévu de réaliser un second ouvrage sur une thématique différente que l’endoctrinement via les médias ?

J’en avais l’idée et puis j’ai abandonné. D’abord parce que d’excellents ouvrages existent déjà. Des personnalités brillantes prennent la parole, défendent des idées qui sont les miennes, prennent part au débat. Je ne vois pas bien ce que je pourrais ajouter, hormis justement ce livre qui est, à ma connaissance, une tentative unique et singulière. J’aimerais cependant en réaliser une version anglo-saxonne car de l’autre côté des mers, la folie y est encore plus forte.

Mais les maigres barrages que l’on peut opposer ne sont rien face à la vague du progressisme qui advient. Vous voyez les vidéos des raz-de-marée au Japon de 2011 ou en Indonésie en 2004 ? Que voulez-vous y opposer ? Et non seulement nous subissons la pression démographique d’autres peuples venant du sud et d’une autre religion venant d’Arabie, mais en plus nous contribuons activement à nous renier nous-mêmes. La menace est à la fois externe et interne ; c’est à la fois une agression et un suicide. Nous préférons les nems au cassoulet. Que pèse Debussy face au rap ? Qui baptise encore son enfant « François » ? Qui « baptise » encore tout court d’ailleurs ? Deux mille ans d’une brillante civilisation patiemment construite se sont effacés en à peine quarante ans sous les applaudissements d’une gauche progressiste totalement aveugle sur les conséquences de ce qu’elle fait.

 

Marie Limes, Endoctrinement, Ring, 2020, 242 p., 19,55 €

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Source : https://www.politiquemagazine.fr/

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