Frédérique Vidal veut conjurer l’islamo-gauchisme à l’université !, par Philippe Kerlouan.
Voilà que Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, qui n’a pas l’habitude de monter au créneau, joue les vedettes. Sur CNews, dimanche, elle a dénoncé l’islamo-gauchisme, qui « gangrène la société dans son ensemble », ajoutant que « l’université n’est pas imperméable ».
Mardi, lors des questions au gouvernement, elle a récidivé, annonçant son intention de demander au CNRS « un bilan d’ensemble des recherches ». Cette dénonciation soudaine, alors que l’Assemblée vient d’adopter, en première lecture, le projet de loi confortant les principes républicains, soulève quelques interrogations.
Que l’islamo-gauchisme exerce une influence dans les universités n’est pas une nouveauté. On se demande pourquoi ce ministre se réveille si tardivement. Faut-il rappeler sa tribune, dans L’Opinion du 26 octobre 2020, publiée après les propos de son collègue Jean-Michel Blanquer sur les ravages de ce courant idéologique ? Elle y déclarait, notamment, que « l’université a des choses à nous apprendre sur les radicalités qui s’expriment dans notre société » et qu’elle est « le meilleur rempart face au fanatisme islamiste ». Ce qui, convenez-en, n’est pas tout à fait la même version. Serait-elle devenue subitement lucide ?
Tant qu’à faire, elle aurait pu évoquer aussi les mouvances communautaristes, décoloniales, indigénistes et autres qui cherchent à se propager dans les milieux universitaires et à imposer leurs diktats. Non ! Elle a ajouté avoir été choquée « de voir au Capitole apparaître un drapeau confédéré ». Le rapport avec le sujet ? Tout laisse à penser que sa dénonciation de l’islamo-gauchisme à l’université tient moins d’une conviction profonde que de la volonté de faire le buzz et de prendre sa place dans le concert contre l’islamisme, actuellement joué par l’exécutif pour faire accroire qu’il est le meilleur rempart contre ce mal.
Il est patent, depuis longtemps, qu’une partie des universitaires ont des penchants gauchistes et confondent l’enseignement ou la recherche avec le militantisme politique. Ils ne sont pas les seuls. Il faudrait se tourner aussi du côté de certains syndicats étudiants et de minorités actives qui foisonnent dans ce milieu favorable. Mais de là prétendre qu’il faut enquêter pour déceler les universités susceptibles d’être des bouillons de culture où se développent ces virus idéologiques, il y a un monde. Les établissements et les disciplines concernés sont connus. Il n’est guère besoin de mener une enquête, sinon pour faire mine d’agir.
La Conférence des présidents d’université (CPU) a eu beau jeu de regretter, dans un communiqué, « la confusion entre ce qui relève de la liberté académique, la liberté de recherche dont l’évaluation par les pairs est garante et ce qui relève d’éventuelles fautes ou infractions » et d’appeler « à élever le débat ». Car le débat n’est pas d’une grande tenue et exhale une odeur politicienne.
D’autant que Mme Vidal donne des verges pour se faire battre. Tout récemment, elle a expliqué qu’il fallait réduire les attributions du Conseil national des universités (CNU) dans le recrutement des enseignants-chercheurs – qui leur accorde préalablement la qualification sur des critères scientifiques – au profit du recrutement local dans chaque université. Pour faciliter le piston et le copinage, y compris idéologique, il n’y a pas mieux !