Navalny-Poutine, un pseudo-bras de fer exagéré par les médias, par Antoine de Lacoste.
Navalny a une indéniable qualité : le sens de la mise en scène. Ce blogueur professionnel a réussi à devenir l’opposant le plus médiatique de Vladimir Poutine, mais certainement pas le plus crédible.
Portées par les médias américains et européens, ses spectaculaires initiatives n’ont, disons-le clairement, aucune chance de menacer le pouvoir russe actuel.
C’est ce qu’on appelle une construction médiatique. En effet, l’unanimité des voix occidentales ne saurait cacher la popularité marginale de Navalny dans son propre pays.
Les prétendues grandes manifestations pro-Navalny à Moscou ou dans les grandes villes russes n’ont, en réalité, rassemblé que quelques dizaines de milliers de personnes, bien moins que les gilets jaunes de la première époque à Paris avant que celles-ci ne soient récupérées par l’extrême gauche avec l’active complicité du pouvoir macronien. Leur répression ne fut guère plus sévère que chez nous (en tout cas, moins de manifestants en sont revenus avec un œil en moins) et les milliers de gardes à vue qui ont suivi correspondent aux critères habituels des manifestations non autorisées.
Le plus intéressant, dans cette histoire qui ne menace nullement Poutine, est la lucidité de nos mêmes médias sur l’absence d’alternative crédible que constitue Navalny.
Même le journal Le Monde (la bonne conscience de gauche), qui exhale sa haine en évoquant, dans son édition du 27 janvier, « le ricanement du poutinisme vieillissant », reconnaît que « les capitales occidentales ne doivent pas considérer l’opposant comme alternative éventuelle à Vladimir Poutine ». On se demande d’ailleurs pourquoi, mais on le saura une autre fois. Le Figaro (la bonne conscience de droite) confirme cette analyse le 28 janvier : « L’opposant empoisonné a vu croître sa notoriété, sans incarner une alternative crédible à ce stade. » On ne sait pas à quel stade il le deviendra, mais patience. Le journal semble toutefois un peu dérouté par son champion dont il reconnaît que « le positionnement et la vision politiques ne sont pas toujours clairs ». Fichtre ! C’était bien la peine.
Certes, Navalny a été victime d’une tentative d’empoisonnement. Mais rien ne vient accréditer la thèse d’un ordre du Kremlin, dont on ne voit pas bien l’intérêt dans l’affaire. Le poison utilisé est russe mais il est disponible dans tout le pays sans la moindre difficulté. Le spécialiste Éric Dénécé, du Centre français de recherche sur le renseignement, l’a récemment rappelé dans un entretien à TV5 Monde.
Et puis, si le Kremlin avait donné l’ordre, pourquoi a-t-il laissé un avion médical, financé par ses amis, emmener Navalny en Allemagne pour se faire soigner ? L’incohérence est totale.
Tout cela sent bon la manipulation, arme de guerre redoutable qui a fait ses preuves pour tenter (et souvent réussir) des opérations de déstabilisation. On l’a vu au Kosovo, en Irak et, plus récemment, en Syrie. Dans ce conflit récent, il était très intéressant d’observer que les attaques chimiques imputées à l’armée syrienne se produisaient alors qu’elle était en passe de remporter une importante victoire.
De la même façon, on peut observer que le bras de fer américano-russe autour du très important gazoduc Nord Stream 2 est en phase active puisqu’il est presque achevé et que ses travaux, interrompus suite aux menaces américaines contre les entreprises européennes qui y travaillent, viennent de reprendre.
Cerise sur le gâteau : la France, invoquant l’affaire Navalny, vient de demander à l’Allemagne de renoncer à Nord Stream 2.