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Ecole obligatoire : une promesse, des problèmes, par Natacha Polony.

"De qui doit relever l’éducation des enfants ?"
Ludovic Marin / REUTERS

"La décision est bel et bien majeure, même si elle ne concerne que quelque 50.000 élèves. Car elle modifie un équilibre négocié depuis plus d’un siècle, et qui nous raconte le statut si particulier de l’école républicaine." Natacha Polony explique les problèmes que pose la réforme de l'école d'Emmanuel Macron, exposée dans son discours sur le séparatisme.

3.jpeg« Une décision, sans doute l’une des plus radicales depuis les lois de 1882 et celles assurant la mixité scolaire entre garçons et filles en 1969. » C’est en ces termes qu’Emmanuel Macron a présenté, dans son discours contre le séparatisme islamiste, la décision de rendre obligatoire, non plus seulement l’instruction, mais bien l’école. Et force est de constater que, une fois n’est pas coutume, il ne s’agit pas d’une exagération de bateleur. La décision est bel et bien majeure, même si elle ne concerne que quelque 50.000 élèves. Car elle modifie un équilibre négocié depuis plus d’un siècle, et qui nous raconte le statut si particulier de l’école républicaine.

De qui doit relever l’éducation des enfants ? Telle est bien la question que rouvre cette modification de la loi. Car, jusqu’à présent, c’est bien l’instruction qui était obligatoire en France, qu’elle fût délivrée par l’école publique, par une école privée sous contrat d’association avec l’État, par une école privée hors contrat ou par la famille elle-même. À charge pour les instances académiques de vérifier la qualité de l’enseignement délivré par les familles ou dans ces écoles hors contrat, non tenues de respecter strictement les programmes de l’Éducation nationale.

Le projet de l'école

L’inscription dans la loi de l’école obligatoire, laïque et gratuite aurait pu conduire, bien sûr, à supprimer toute autre structure. Après tout, le projet formulé à la fin du XVIIIe siècle, notamment par Condorcet, faisait de l’école l’outil de l’émancipation par le savoir, pour permettre aux futurs citoyens d’échapper aux déterminismes et aux préjugés auxquels les condamnait leur naissance. Si une famille décidait de maintenir son enfant dans l’idée que la Terre est plate, l’école serait là pour lui enseigner les vérités scientifiques faisant de lui un homme libre, capable de distinguer savoir et croyance. Pourtant, il a été décidé que des écoles privées – pour la plupart catholiques – sous contrat d’association avec l’État pourraient scolariser un quota d’environ 20 % des enfants. Et les autres structures, écoles hors contrat ou instruction à la maison, ont été maintenues avec l’idée que ces formes marginales constituaient une concession nécessaire à la liberté individuelle.

Pour le dire simplement, la République diffère des démocraties libérales en ce qu’elle ne se conçoit pas comme une somme d’intérêts individuels mais tente d’articuler la liberté des individus avec les intérêts collectifs. En l’occurrence, l’éducation, en République, n’est pas seulement un service rendu aux familles pour leur permettre d’éduquer plus facilement leurs enfants. Elle est une institution de la nation qui forme le creuset dans lequel se constitue la communauté politique, autour de valeurs et de récits partagés.

Tout le problème vient du fait que la tolérance qui était accordée pour offrir une voie différente à ceux qui, souvent pour des raisons pédagogiques plus qu’idéologiques, ne s’intègrent pas à l’école publique, a été détournée par des gens dont le but est surtout de ne pas confronter leurs enfants à des discours qu’ils considèrent comme impies. Le séparatisme islamiste visé par Emmanuel Macron ne constitue qu’une petite proportion des cas d’enfants scolarisés dans leur famille, mais une proportion qui augmente.

L'école à la maison

Pour autant, faut-il, pour régler ce problème évidemment majeur, réduire la liberté de ceux qui ne souhaitent pas ou ne peuvent pas scolariser leurs enfants en collectivité ? La question est rendue plus prégnante par le fait que les cas de parents faisant le choix de l’école à la maison ont augmenté ces dernières années – comme d’ailleurs les inscriptions dans le privé hors contrat. Pourquoi ? D’abord parce que la demande des familles de voir l’école s’adapter à leur enfant nourrit ce phénomène. C’est une conséquence directe de cet individualisme qui rend toute forme de collectivité moins évidente et moins supportable. Mais il ne faut pas négliger non plus une dimension purement pédagogique. Nombre de parents ont pris acte de la faillite de l’école républicaine et de son incapacité à transmettre des connaissances ou à porter chaque enfant à l’excellence. Ceux-là savent qu’il faut désormais s’extraire des programmes scolaires de l’Éducation nationale pour pouvoir enseigner véritablement la grammaire ou commencer les quatre opérations fondamentales dès le CP.

On ne saurait demander à l’école de s’adapter miraculeusement à chaque enfant. Mais si l’école publique remplissait sa vocation en promettant à chaque enfant de le pousser au plus haut de ses capacités et de lui offrir cette culture générale qui permet de franchir les classes sociales, il est certain que le recours à des systèmes de substitution serait moins important. On peut même parier qu’une part des familles attirées par un enseignement religieux y renoncerait pour aller vers un système efficace et gratuit. Là encore, le communautarisme se nourrit de nos échecs et de nos renoncements. Désormais, il va falloir organiser le retour de ces enfants vers des structures plus classiques, réfléchir aux dérogations nécessaires, et surtout contrôler sans mobiliser les moyens de l’État pour des cas qui n’en vaudraient pas la peine.

Dans une époque où les individus ont de plus en plus de mal à supporter la contrainte que constitue la collectivité, il appartient à la puissance publique d’être irréprochable et à la République de tenir ses promesses pour faire accepter que la défense du bien commun n’est pas une entrave à nos libertés.

Source : https://www.marianne.net/

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