De Gérard Leclerc (2/3) : Peut-on se libérer du racisme ?.
Foule rassemblée à proximitié du « George
Floyd Memorial »
© Lorie Shaull / CC by-sa
Depuis la mort de George Floyd, tué à Minneapolis pendant son interpellation par la police municipale, un vaste mouvement de protestation contre le racisme s’est développé aux États-Unis pour se répandre ensuite dans le monde, et dans notre propre pays. L’émotion provoquée par ce meurtre commis sur la personne d’un Afro-Américain par un policier blanc, se décline désormais sur le mode d’un procès universel à l’égard du racisme, et plus précisément du racisme des Blancs à l’égard des Noirs. Cela peut se comprendre en raison de l’histoire américaine et des origines d’une nation marquée par une vaste entreprise esclavagiste.
Qu’il en subsiste des séquelles, ce n’est pas douteux, même si l’on peut discuter de leur ampleur. Qu’il soit nécessaire de poursuivre un travail de purification personnelle et collective pour corriger des réflexes pervers n’est pas douteux, même si un tel travail conduit souvent à des déviations d’une autre nature, telles celles d’universités soumises à l’emprise d’un politiquement correct absurde. Mais il y a lieu aussi d’entreprendre un examen général de la question, sous ses divers aspects (historiques, sociaux, psychologiques) afin de trouver les voies de sortie d’un mal sans doute récurent, mais que l’on aurait tort de considérer comme non amendable.
Théories pernicieuses
Diverses théories se répondent en effet pour conférer au racisme une sorte de statut ontologique, qui figerait par exemple les Blancs dans leurs préjugés suprémacistes. Ainsi, on a pu lire récemment une proposition radicale de ce style : « Être Blanc est un privilège statistique, observable, mesurable, inconscient, culturel, politique et économique ! » Il ne s’agit pas là d’une opinion isolée. Elle peut se réclamer d’un courant idéologique qui s’est répandu dans notre propre université aux couleurs des « études post-coloniales ». Récemment, un manifeste signé notamment par Pierre-André Taguieff et Dominique Schnapper est venu souligner le caractère pernicieux de ces études qui postulent que « dans les sociétés post-coloniales, l’héritage du colonialisme expression de la domination blanche est à la fois vivant et structurant, sans cesse présent dans les représentations sociales, les croyances et les stéréotypes constitutifs de cet héritage ».
Aux États-Unis eux-mêmes, une forte réaction s’est dessinée contre un tel discours, de la part d’intellectuels afro-américains qui refusent de se laisser enfermer dans un climat délétère, défavorable à leur propre émancipation sociale. Historiquement, il est absurde de solidariser toute la population blanche américaine à l’esclavagisme parce qu’une bonne partie l’a combattu, mais surtout parce que « 90 % des Blancs qui vivent aux États-Unis ont des ancêtres qui n’étaient même pas dans le pays quand l’esclavage était en cours, et ce chiffre s’élève à 50 % pour les Noirs » [1].
Philosophiquement, les mêmes intellectuels s’insurgent contre la notion de privilège blanc dont les intéressés seraient dans l’incapacité de se débarrasser.
On pourrait d’ailleurs poursuivre la réflexion en termes théologiques et spirituels. Le péché et même les structures de péché pèsent-elles forcément à jamais, telle une malédiction acceptée par la providence sur l’humanité ? Sans doute, cette humanité sera-t-elle toujours aux prises avec les conséquences du péché d’origine, mais la rédemption et la miséricorde divines sont aussi intervenues pour l’en libérer. Ainsi que chante le psalmiste : « Rends-moi le son de la joie et de la fête, et qu’ils dansent les os que tu broyas ! Détourne ta face de mes fautes. Efface de moi toute malice » (Ps 51, 10-11). Oui, on peut être délivré de la malice du racisme !