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La revanche de Bossuet, par Jeanne Estérelle.

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L’esprit de vertige a saisi toutes les nations, mais, c’est la France qui se montre la plus troublée. Le « conditionnement imposé de l’esprit » contre lequel s’est battu Léon Daudet, avec un meilleur discernement que Charles Maurras, a réduit aujourd’hui les français en captivité. Leur enfermement tient à deux formes délirantes, l’hypocondrie et l’avarice. La presse flatte le malade imaginaire. L’endettement public emprisonne l’avare.

La République française extravague en tête des nations parce qu’elle s’obstine non seulement à transgresser les «  lois fondamentales  », depuis 1974, mais s’érige en modèle du changement mondial. Les conséquences ultimes de l’idolâtrie révolutionnaire requièrent, aujourd’hui, l’interprétation théologique dont l’évêque de Meaux avait instruit le Dauphin : «  On perd la vénération pour les lois quand on les voit si souvent changer. C’est alors que les nations semblent chanceler comme troublées et prises de vin, ainsi que parlent les prophètes. L’esprit de vertige les possède et leur chute est inévitable : «  parce que les peuples ont violé les lois, changé le droit public, et rompu les pactes les plus solennels.  » C’est l’état d’un malade inquiet, qui ne sait quel mouvement se donner.  »

​Le spectacle affligeant, et même exaspérant, que donne, en permanence, le gouvernement français est le résultat des lois iniques qu’il a imposées malgré les oppositions salutaires. Bossuet le regarderait «  comme un effet de cette justice qui met l’esprit de vertige dans les conseils des rois.  »

​Ce regard est éclairé par une conception de l’histoire qui nous est devenue étrangère : «  Tout est régi dans le monde par la providence. Mais surtout tout ce qui regarde les hommes est soumis aux dispositions d’une sagesse occulte et particulière, parce que de tous les ouvrages de Dieu, l’homme est celuy d’où son ouvrier veut tirer le plus de gloire.  » Le confinement des français, comme celui des autres peuples, pour fou qu’il apparaisse du point de vue économique, s’inscrit dans la sagesse de l’ «  ouvrier  » divin.

​Charles Maurras s’est malheureusement convaincu qu’il pouvait, sans préjudice, dépouiller la Politique tirée des propres paroles de l’Ecriture Sainte «  de son appareil théologique  », comme l’avait fait Auguste Comte.  Dans sa lecture résolument positiviste, il a brisé l’unité du traité : «  Chacun des mouvements de Bossuet, historien, philosophe, théologien, se tient par sa propre vertu.  » S’imaginant faire l’éloge de la Politique, il a infirmé sa propre lecture : «  Un incroyant peut l’ouvrir et l’étudier en y faisant sans doute un profit inégal : en nul endroit du texte, il ne remarquera que la qualité de croyant ait incliné Bossuet dans le sens de telle ou telle thèse historique, politique, morale.  » Même s’il a tenté, pour ses lecteurs catholiques, une formule vaguement théologique, «  les processions de l’Esprit dans le monde  », Maurras a cédé aux sirènes du «  génie français  ». Il n’a ni remarqué que, d’après Bossuet, le dessein de Dieu se manifestait dans l’histoire, en jouant de la liberté humaine, ni que, par exemple, l’impiété triomphant après la guerre, la IIIRépublique n’avait pas échappé à l’esprit de vertige, au moment du   Traité de Versailles, en 1919.

​Léon Daudet a heureusement signé la revanche de Bossuet ! Ayant fait une critique sans appel d’Auguste Comte, «  une philosophie générale sans métaphysique ne saurait être qu’un corps sans tête  », il comprend qu’«  un Pascal, qu’un Bossuet (Discours sur l’histoire universelle) sont constamment revivifiés par ces puissances de l’invisible.  » Il médite et tente à leur école une nouvelle conception de l’histoire, comme en témoigne cet exemple, tiré de l’essai intitulé Les universaux  : «  La destinée de Clemenceau lui-même, qui ne croyait pas à la Providence, ayant gardé l’état d’esprit d’un carabin de 1886, eut un caractère à la fois météorologique et providentiel.  » Daudet entame une synthèse étonnante pour saisir les ondes historiques  : «  Dans cette grande destinée en zigzag et qui tient pas mal de la foudre, je vois plusieurs ondes de sens contraire, se réunissant tout à coup pour un éclatement prodigieux. Mais l’agencement de ces carreaux de couleurs diverses indique un choix surnaturel, que, seules, débrouilleraient à la fois la haute physique et la théologie. »Le choix de Dieu !

​La foi fonde l’unité des productions de Léon Daudet, dans leur apparent foisonnement, et détermine les conditions de la restauration future : aux français «  une longue habitude héréditaire (aux yeux du psychologue) et une conformité mystique (aux yeux du théologien) ont rendu la morale catholique aussi indispensable, que le sont aux corps de nos compatriotes le pain et le vin. Le retour des congrégations chassées est pour nous une nécessité vitale, le to be or not to be de Shakespeare.  »

​Daudet s’avance «  vers le Roi  » dans le mystère de la Communion des Saints : «  Le croyant que je suis devenu… compte aussi, pour le retour du Roi, sur l’intercession de nos morts. Il n’est pas possible que tant de vaillants, pour lesquels la vie d’homme commençait à peine, qui l’avait saisie par son angle de vérité et de sagesse, et qui sont tombés dans la fournaise, il n’est pas possible que ces vaillants n’obtiennent point ce que leur sacrifice a mérité.  »

​Si l’esprit de vertige a fait éclater les limites de l’empirisme organisateur dans «  le grand déménagement des idées  » qui aboutit au confinement physique, intellectuel et spirituel des français, sinon de tous les peuples, jaillit la «  certitude inébranlable  » de Léon Daudet «  faite de la solennelle, de l’insistante supplication de ceux qui sont partis.  » La foi n’exclut pas la méthode de Charles Maurras dans la libération des esprits et la construction politique de l’avenir national, mais rapproche son exercice de Notre-Seigneur Jésus-Christ, «  car Il est la science, c’est-à-dire la Connaissance, incarnée et épurée.  »  

Jeanne Estérelle

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