Le Liban face au Coronavirus, par Guillaume Staub.
Dans notre précédant article « Liban : vers une catastrophe économique » paru le 3 mars 2020, nous évoquions la possibilité que le pays se retrouve rapidement en défaut de paiement : « le Liban est au bord d’un désastre économique et les solutions semblent pour l’instant inexistantes ; le pays pourrait rapidement se trouver en défaut de paiement sur sa dette, celle-ci pesant plus de 150 % du PIB en 2019 ». Le 7 mars, le premier ministre libanais, Hassan Diab, annonça le premier défaut de paiement de l’histoire du pays lors de sa déclaration au palais gouvernemental à Beyrouth.
Qu’est-ce que cela signifie ? Que le Liban n’a pas pu rembourser sa dette d’1,2 milliard d’eurobonds – c’est-à-dire des bons du Trésor émis par l’État en dollars et qui représentent environ 1 milliard d’euros – à l’échéance du 9 mars ; deux autres échéances de remboursement sont d’ores et déjà prévues, la première en avril et la seconde en juin, mais pour un montant total de 1,3 milliard de dollars cette fois. Il est assez peu vraisemblable que le gouvernement parvienne à respecter ces nouvelles échéances, et pour cause, le pays, déjà durement frappé par les différentes crises que nous évoquionsdans notre précédent article, n’est pas épargné par le coronavirus qui détruit une économie déjà exsangue.
Au 1 avril, 470 cas de Covid-19 étaient officiellement recensés par les autorités du pays du Cèdre, parmi lesquels 12 décès étaient à déplorer. Face à cette situation préoccupante, l’État prit rapidement de fortes mesures : confinement de toute la population jusqu’au 12 avril, couvre-feu qui débute en soirée, restaurants, bars, écoles et universités fermés. Mais dans ce pays, ces mesures sont loin de faire l’unanimité au sein de la population qui voit ses manifestations interdites et ses conditions de vie se détériorer.
Le soir du dimanche 29 mars, bafouant le couvre-feu, les libanais sortirent dans la rue pour une « manifestation de la faim » ; ils protestèrent contre la détérioration de leurs conditions de vie, exacerbée par la paralysie économique du pays due au confinement. Que ce soit à Beyrouth ou à Tripoli, la grogne populaire prend de l’ampleur au cri de : « Ne nous confinez pas, nourrissez- nous ! » ou « Plutôt mourir du coronavirus que de la faim » . Comme en France, les mesures prises pour lutter contre le Covid-19 asphyxient les populations, notamment les plus pauvres, et les aides de l’Étattardent à arriver – des paniers alimentaires devraient êtredistribués – ; le plan d’aide aux plus pauvres ne verra sûrement pas le jour avant au moins deux semaines. En effet, dans ce pays, près de 80 % de la population survit grâce aux petits commerces ou aux métiers artisanaux, s’ils ferment, les populations se retrouvent sans revenu et sans ressource ! Il ne s’agit donc plus seulement d’un marasme économiquedramatique, il s’agit maintenant d’une possible famine dans certaines franges de la population.