Dans Ouest France, Coronavirus. Pénurie de masques : comment en est-on arrivé là ?
La France dispose « d’un stock nul » de masques FFP2 alors qu’elle en comptait environ 700 millions il y a dix ans. Comment en est-on arrivé là ? Explications sur le manque de masques qui se fait cruellement sentir.
En 2009, la France disposait d’un stock conséquent de masques : 723 millions de masques respiratoires (les FFP2 qui protègent le porteur contre l’inhalation d’agents infectieux) et d’un milliard de masques chirurgicaux qui permettent au malade de protéger son entourage. Un peu plus d’une décennie plus tard et en pleine épidémie de coronavirus, le pays n’a plus de stock national pour les masques FFP2 et seulement 150 millions de masques chirurgicaux. À quoi un tel retournement de situation est-il dû, alors qu’en 2011, le Haut conseil sur la santé publique considérait qu’en cas de crise importante telle que le Sras, la protection des masques de soins et respiratoires était d’une efficacité préventive élevée
?
À un changement de stratégie de l’État. À partir de 2010, les plans gouvernementaux de défense et de sécurité qui définissent les stocks stratégiques à constituer en cas de crise (masque, pastilles d’iode…) ont décidé de ne pas renouveler certains stocks périssables. C’est le cas des masques FFP2 qui sont périmés, en raison de leur composition, quatre à cinq ans après leur fabrication.
« Des économies considérables »
Les autorités sanitaires ont donc demandé aux hôpitaux et établissements médico-sociaux de constituer leurs stocks de FFP2. Et ont réservé
auprès de certains fabricants (notamment en Chine) des capacités de production en cas de crise importante.
Dans un rapport de 2015, l’ancien sénateur LR, Francis Delattre, notait que du point de vue des finances publiques, cette stratégie permettrait également de réaliser des économies considérables en termes de coût d’achat, de stockage et, in fine, de destruction
. Mais elle était également source d’incertitude. Comment être certain, en effet, que les laboratoires seraient capables de produire des masques en grande quantité en cas de crise, alors que les ruptures d’approvisionnement en matières premières sont de plus en plus fréquentes. De l’avis de l’ensemble des personnes entendues par votre rapporteur spécial, la réservation de capacités de production ne peut constituer une solution unique pour prévenir les situations sanitaires exceptionnelles
, prévenait déjà Francis Delattre.
« Le pays a changé de doctrine »
Autre interrogation : En 2009, alors que les stocks étaient élevés, ces derniers étaient gérés par l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus). Mais en 2016, l’Eprus a été fusionné avec deux autres établissements (l’Institut de veille sanitaire et l’Inpes : éducation et prévention) pour créer l’agence nationale Santé publique France (SPF). C’est l’établissement pharmaceutique de SPF qui gère désormais les stocks stratégiques. Ceux-ci sont entreposés sur une plateforme nationale. Dans les régions, des produits sont par ailleurs stockés dans 120 établissements de santé pivots
.
Une stratégie suffisante ? Non, visiblement et c’est ce qu'a reconnu Olivier Varan, le ministre de la Santé, au Figaro : Le pays a changé sa doctrine sur les masques il y a dix ans. À la suite de l’épisode épidémique de grippe H1N1 de 2011, il a été décidé que ces stocks ne s’imposaient plus, la production mondiale de masques étant supposée suffisante.
Ces derniers jours, des industriels non spécialisés se sont donc mis à fabriquer des masques.
L’ex-sénateur Francis Delattre regrette aussi que l’Eprus ait été supprimé
. C’était le bras armé de l’urgence. Il gérait les stocks et était très efficace en termes de logistique, pour assurer la distribution. Notamment parce que cette petite équipe qui comptait des militaires dans ses rangs, disposait d’un réseau de volontaires disponibles rapidement