Une société en métamorphose, par Gérard Leclerc.
La France à changé en quelques heures depuis qu’elle a pris conscience du danger de la pandémie du coronavirus. C’est d’abord manifeste dans la vie quotidienne et la sociabilité de la rue. Mais aussi dans la vie religieuse.
Après cette étonnante journée de dimanche, c’est comme si nous étions en phase de métamorphose. Peut-être nos prédécesseurs ont-ils connu quelque chose d’analogue avec l’état de guerre. C’est tout un climat anthropologique qui apparaît, comme si nous changions de monde.
La rue n’est plus la même. On ne s’y attarde plus. Tous les cafés ont fermé, et singulièrement ceux qui étaient le lieu d’une convivialité particulière, rassemblant surtout des jeunes. Les supermarchés, par contre, sont assaillis. De longues files s’étendent jusqu’aux caisses et l’on admire la constance de celles qui les tiennent. Il y a risque de rupture de stock et certains magasins sont obligés de fermer quelques heures, ce qui a au moins l’avantage de soulager un peu le personnel. Il en va de même pour les pharmacies. C’est la première fois que je vois une file de clients attendant patiemment dans la rue et observant la distance réglementaire.
Il faut croire qu’après la folle inconscience des jours derniers, la population a, enfin, réalisé la gravité de ce qui s’abattait sur elle. Si certains avaient encore la volonté de s’en distraire, il leur faudra rester chez eux, observant des consignes de confinement strictes. Car s’il leur fallait quérir à tout prix leur paquet de cigarette au bureau de tabac du coin, il se retrouveraient devant la tête masquée du patron et ils n’auraient même pas la faculté de reconnaître le visage du caissier caché derrière un voile de plastique. On comprend que certains veuillent fuir vers la campagne. Mais tout le monde ne le peut pas, et par ailleurs il faut bien que ce nouveau monde survive, ne serait-ce qu’en entretenant un minimum d’activité économique parce qu’il faut bien nourrir la population.
En ce qui concerne la vie religieuse, il faut bien aussi s’adapter à la situation. Certes, nos évêques ne sont plus à même d’imiter leurs prédécesseurs des temps héroïques, les Borromée et les Belsunce, mais ils s’inspirent quand même de leur tradition. C’est le Pape qui processionne seul dans les rues de Rome pour aller prier dans les sanctuaires protecteurs contre les épidémies d’hier. C’est l’évêque de Gap qui va brûler un cierge dans le sanctuaire de Notre-Dame du Laus, le recteur de Fourvière qui renouvelle les gestes de ses prédécesseurs. Notre humanité se souvient qu’elle est fragile et elle se tourne vers la maternelle protection de Marie.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 17 mars 2020.