Mercredi des cendres, par Gérard Leclerc.
Le Mercredi des cendres est sans doute la journée la plus discrète de l’année liturgique. Ce n’est pas un jour férié et la célébration qui intervient, le plus souvent, en fin de journée n’a pas l’éclat des grands moments de la vie chrétienne. J’ai toujours apprécié cette discrétion qui fait, par exemple, que l’on s’échappe de son lieu de travail pour rejoindre la tranquille obscurité du sanctuaire. C’est comme un signe furtif qui se communique de fidèle à fidèle pour un rendez-vous qui ne pourrait que surprendre le non-initié.
Qu’est-ce que ce rite bizarre qui consiste à recevoir sur le front un peu de cendres et qui vous marque de cette petite tache noire ? « Souviens-toi que tu es poussière ! » On ne saurait être plus sobre et en même temps plus explicite. Nous savons bien que c’est le rite d’entrée en Carême, un Carême qui débouchera sur la lumière douloureuse mais finalement glorieuse de la Semaine sainte. Il s’agit donc d’un moment de réserve extrême, où nous sommes invités à nous mettre en disposition intime d’esprit et de cœur. Et pour cela il nous faut consentir au silence. Silence de l’attente, du retour sur soi, de la contrition, de l’abandon de tout ce qui peut nous distraire de l’essentiel. Les vaines glorioles ne sont plus de mise, tous les hochets sont à oublier. Ramenés à notre humilité d’origine par la symbolique de la cendre qui signifie notre retour à l’humus, nous voici dépouillés pour franchir la grande étape, celle qui permet notamment aux catéchumènes de se préparer au baptême de la nuit de Pâques.
Je ne puis m’empêcher de reconnaître en tout cela une puissante poésie, celle qu’avait exprimée le grand poète T.-S. Eliot en se référant très précisément au Mercredi des cendres : « Laisse mon cri venir à toi. » La vie promise redonnera forme à ces cendres qui sont les prémisses de la gloire.