Après l'article de Bernard Lugan sur "le colonialisme", deux documents pour prolonger la réflexion...
L'Empire français en 1945...
Si, individuellement, les Français peuvent être légitimement fiers de ce qu'ils ont fait en Afrique et en Asie, où ils ont - de fait - éduqué, soigné, nourri, développé des populations à qui ils ont apporté prospérité et progrès en tous domaines, il n'en demeure pas moins que l'aventure coloniale a été infiniment plus profitable aux peuples de l'Empire qu'à la France.
Et que, conformément à l'intuition de Bismarck (comme on le verra dans le second document ci après), la France a dépensé au loin une quantité considérable d'énergies, qui ont été détournées de l'objectif premier : son propre développement, et son achèvement territorial du côté du Rhin...
Voici donc deux documents, qui n'ont d'autre but que de nourrir le débat...
1. Ces quelques lignes d’Henri Nérac, parues dans La Nouvelle Revue d’Histoire (Hors-série, automne 2010) :
« …Après 1945, la France, qui sortait ruinée du conflit et qui avait à reconstruire 7.000 ponts, 150 gares principales, 80% du réseau de navigation fluviale, 50% du parc automobile etc…lança dans son Empire et donc à fonds perdus pour elle une fantastique politique de développement et de mise en valeur qui se fit largement au dépens de la métropole elle-même.
De 1945 à 1948, l’Etat français investit ainsi Outre-mer 1.7OO milliards de francs ; dont 800 en Afrique noire, 60% de ces investissements allant à la création d’infrastructures de transports.
En 1955 et en 1958, alors que les indépendances étaient programmées, la France réalisa pour 180 milliards et pour 200 milliards de francs d’investissement, soit le chiffre effarant de 22% de toutes les dépenses françaises sur fonds publics…
L’Empire boulet n’était même pas un fournisseur de matières premières agricoles ou minières à bon compte pour la métropole puisque nous savons que cette dernière a toujours payé les productions impériales, qu’elle avait pourtant subventionnées, environ 25% des cours mondiaux…..
L’Empire, erreur économique majeure, risquait de conduira la France à l’asphyxie et au déclin ; c’est pourquoi la décolonisation était devenue aussi urgente que vitale.
Mais en partant la France léguait à ses colonies africaines : 50.000 kilomètres de routes bitumées, 215.000 de pistes toutes saisons, 18.000 kilomètres de voies ferrées, 63 ports, 196 aérodromes, 2.000 dispensaires équipés, 6.000 maternités, 220 hôpitaux dans lesquels les soins et les médicaments étaient gratuits. En 1960, 3,8 millions d’enfants étaient scolarisés en Afrique noire, 16.000 écoles primaires et 350 écoles secondaires, collèges ou lycées, fonctionnaient.
En 1960 toujours, 28.000 enseignants français, soit le huitième de tout le corps enseignant national, exerçaient sur le continent africain. Nous sommes loin du prétendu « pillage colonial »….. »
2. Tiré de notre Album Jacques Bainville : Un Empire colonial français ? Bismarck est "pour".
De "L'Histoire de trois générations", pages 206/207 :
"...Aux hommes prudents qui dirigeaient la République et qui continuaient la pensée de Thiers, Bismarck avait montré la voie.
Bientôt Jules Grévy fut élu à la Présidence.
Toute une politique y entrait avec lui, et elle consistait à chercher des dérivatifs à l'idée de revanche, à ne plus "s'hypnotiser sur la trouée des Vosges".
Le monde est vaste, avait suggéré Bismarck. En Afrique, en Asie, l'Allemagne vous donne carte blanche. Il calculait qu'il aurait les mains libres en Europe, que l'humeur inquiète des Français serait employée au loin, leur créerait des embarras, si même elle ne les mettait pas en conflit avec l'Angleterre.
Et, de leur côté, plusieurs chefs républicains trouvaient l'offre séduisante. L'expansion coloniale, la constitution d'un vaste domaine africain et asiatique, ne serait-ce pas une compensation honorable au Traité de Francfort ?
Il ne suffisait pas d'être résolu à éviter les complications européennes ni de rassurer l'Allemagne sur les intentions du régime. Il fallait encore donner des satisfactions à l'amour-propre national, un emploi aux activités, ouvrir des perspectives aux esprits. Une nation comme la nation française ne peut pas vivre dans l'immobilité. Il semblait à Jules Ferry que la politique de l'expansion coloniale fût propre à concilier tout..."