Réforme des retraites : compromis ou bras de fer par Gérard Leclerc
Nos auditeurs se sont sans doute aperçus de ma réserve sur la querelle des retraites et le mouvement qui paralyse une partie du pays. Ce n’est pas que je m’en désintéresse et que je n’ai pas d’avis sur le fond. Ma réticence tient à deux causes. La première, c’est mon incompétence ou mon manque de compétence. Il y a des éléments techniques que je ne maîtrise pas, notamment sur la question des financements. La seconde cause tient au respect que j’ai à l’égard de mes amis auditeurs et qui m’interdit de leur imposer un avis qui relève de leur propre appréciation.
En aucun cas, je n’ai à imposer un arbitrage. Il en va de même pour les élections, où je me garde de faire part de mes préférences personnelles. Si j’interviens, ce ne peut être qu’au niveau des principes ou pour offrir une analyse qui permet d’éclairer certains enjeux qui dépassent les clivages partisans.
C’est plutôt l’analyse que je privilégierais aujourd’hui, pour tenter de caractériser la situation politique et sociologique du pays. L’affrontement auquel nous assistons a-t-il des débouchés raisonnables ? Sans doute oui. On saura bientôt, en dépit des embûches sérieuses, dont certains relèvent de graves imprudences du pouvoir – je pense au départ forcé de Jean-Paul Delevoye – si une négociation est possible, avec des concessions réciproques. La CFDT devrait y jouer un rôle décisif. Il est vrai que la CGT et ses alliés donnent le sentiment d’un jusqu’au-boutisme qui ne relève que de l’épreuve de force avec le gouvernement. Qui pliera le premier ? Nous n’en sommes plus à la situation de l’après-guerre où les grèves prirent une tournure insurrectionnelle, et où il fallut toute l’énergie d’un Jules Moch, ministre SFIO de l’Intérieur, pour briser l’offensive dirigée par le Parti communiste. On ne saurait oublier cependant, qu’il n’y a pas si longtemps, nous avons assisté à un début d’insurrection au cœur de la capitale avec les Gilets jaunes.
Mais ce sont les syndicats qui sont aujourd’hui à la manœuvre, pour avoir pris leur revanche. La singularité politique de la prise de pouvoir par Emmanuel Macron fait qu’il n’y a pas d’opposition vraiment organisée, hormis le Rassemblement national, la droite et la gauche ayant été défaites. À moins que surgisse des événements une autre configuration. Mais celle-ci signifierait la défaite du président.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 18 décembre 2019