Espagne : l'extrême-gauche veut la mort de la monarchie, par Frédéric de Natal
L’extrême-gauche espagnole réclame un référendum sur le maintien de la monarchie. Partie prenante de la coalition au pouvoir, le parti Podemos (« Nous pouvons ») a d’ores et déjà annoncé la couleur sur les réseaux sociaux, ces derniers jours. Le mouvement d’extrême-gauche a invité ses militants à se rassembler vendredi prochain à Madrid afin d’assister à un colloque au thème évocateur et qui en dit sur ses futures intentions : « Au revoir monarchie, bonjour la démocratie ».
« Nous soutiendrons les associations qui organiseront un référendum contre la monarchie en mai 2020 et qui seront en faveur de l’installation d’une république en Espagne ». L’attaque est violente contre la monarchie. L’état -major de Podemos ne s’en cache pas. Cette réunion vise à faire de l’Espagne, « un pays sans rois ni reines » et à mettre fin à une institution « dont le fondement est la corruption et le gaspillage » peut-on lire sur le compte twitter du porte -parole de Podemos, Isa Serra. Et qui explique que cette réunion politique souhaite mettre en place des jalons qui leur permettront de « sortir de la monarchie et construire une république démocratique, juste et féministe ».
On est désormais loin des poignées de main entre Pablo Iglesias, le fondateur du mouvement, et le roi Felipe (Philippe) VI de Bourbon, désormais menacé par toutes les mouvances d’extrême-gauche du royaume. Il y a deux jours, Roger Torrent i Ramió, membre de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) et président de la Catalogne a fait voter, en toute illégalité, avec ses alliés JxCat, et CUP une proposition de résolution qui affirme pouvoir débattre et voter sur l'autodétermination. Et contourner ainsi la cour constitutionnelle.
Fort de 35 députés aux Cortès, Podemos annonce même mettre en place une plateforme explicative en ligne concernant leur projet afin de proposer aux espagnols (« citoyens » dans le texte) «la possibilité de voter pour le type de modèle d’État de leur choix lors d’un référendum ». Isa Serra en a aussi profité pour dénoncer le système monarchique comme étant « une pierre d'achoppement qui interdit tout développement démocratique en son sein » et « un barrage aux droits et des libertés dans les secteurs populaires ». Une rhétorique qui renvoie l’Espagne aux pires heures des années trente et dont les conséquences à l’époque ont mené le royaume vers une violente guerre civile qui a fait des centaines de milliers de morts de part et d’autre des camps en présence.
L’Espagne souhaite-t-elle vraiment un référendum sur la question. Bien que la monarchie ait été ébranlée par l’affaire Nóos et la condamnation du mari de l'infanta Cristina, Iñaki Urdangarin, le roi Felipe VI reste encore populaire. Toutefois l’écart entre républicains et monarchiste est assez serré. 51% des espagnols souhaitent toujours le maintien de la monarchie contre 46% en faveur de la république (dont 70% des 18-24 ans) selon un sondage sur le sujet publié en juin 2019. Parmi les premiers soutiens de la monarchie, on retrouve d’ailleurs le Parti Populaire (91%), Ciudadanos (83%) et Vox (82%). Suivi de loin par 45% des adhérents et sympathisants du Partis Socialiste.
Accusé par le parti de la droite conservatrice, Vox, de vouloir fragiliser la monarchie, Pedro Sanchez affirme toujours qu’il n’est pas question de remettre en cause ce système qui a restauré la démocratie après la mort du Caudillo Francisco Franco. Une constitution rétablie en 1978, qui avait fait à l’époque consensus et qui permet justement la pluralité politique et des idées en Espagne. Celle-là même que dénonce très curieusement Podemos à ses propres fins. Depuis un an les consultations locales sur le sujet, sans aucune reconnaissance juridique, se sont multipliées. Et c’est sur ces mini-référendums, qui ont surtout connu des succès mitigés dans les principales universités du pays, que se base Podemos (dont Iglesias est pressenti pour être le numéro 2 du gouvernement,) pour justifier ce colloque de deux jours qui va réunir pas moins de 37 organisations politiques, syndicales et de jeunesse ensemble. Faisant ainsi fi d’une décision de la cour suprême cette année qui a déclaré inconstitutionnelles toute tentative de « référendum pour le droit l'autodétermination » ou « de rejet de la monarchie».
Journal de l'aristocratie et de la bourgeoisie, de tendance conservatrice et monarchiste, le quotidien ABC a tiré à boulets rouges sur le parti Podemos accusé d’avoirs mis en place avec ERC un « plan commun visant à détruire ce qu'ils appellent « le régime de 1978 » et « faire régresser le royaume sous sa forme républicaine le plus néfaste de notre histoire ».
« En deux ans, leurs dirigeants sont devenus des petits bourgeois, faisant sans cesse des purges internes afin de se faire une place dorée sur les listes électorales pour être élu » a dénoncé ABC qui a levé une fois de plus le drapeau sang et or en faveur la défense de la monarchie ; Avant de rappeler aux populistes de gauche, que le « roi est le « garant et symbole de l'unité de l'Espagne » et que Felipe VI peut volontiers se targuer d’un bilan réussi depuis sa montée sur le trône en 2014.
Pas sûr que les deux républiques de l'histoire espagnole peuvent revendiquer un tel héritage de stabilité auquel peut toujours prétendre et légitimement la monarchie Bourbon.
Commentaires
Les bolchos de Podemos ont encore frappé
Podemos veut un referendum sur le maintien ou non de la monarchie espagnole. Un referendum qu'il est sûr de perdre au vu de l'état de l'opinion publique dans le pays. En le proposant, Podemos veut faire un "coup de pub" politico médiatique. Faire l'intéressant, en prétendant détruire l'institution suprême qui garantit pourtant la démocratie en Espagne ! Triste et minable programme. Ivresse de la destruction, chute vers le néant, maladie des extrêmes. En France, depuis la Révolution, on sait où conduit ce genre de vertige. Les bonnes intentions, les idées généreuses, les déclarations d'amour pour le genre humain, la marche du progrès irrésistible vers la démocratie, etc. Et rapidement ensuite, les massacres, la manifestation des pires instincts humains tels, entre autres, que jalousie, envie, besoin de dominer l'autre et pour finir l'instauration de la terreur organisée par un tyran criminel. Quelle personne raisonnable pourrait adhérer à un tel programme ?
Quand il sera entré au gouvernement de la coalition, Iglesias aura besoin d'exister pour capter plus de lumière que ne lui en donnera sa charge.
Organiser l'agitation contre la monarchie le mettra en fenêtre de la presse, mais plombera le redressement promis et d'une certaine façon saccagera le programme ambitieux du PSOE.
Il est à prévoir une crise interne sous deux ans et rebelotte électorale. D'ailleurs, avant les élections, Sanchez refusait d'envisager une coalition avec Podemos. Les urnes l'y ont contraint par érosion des voix. Il aura plus de mal à l'intérieur qu'à l'extérieur.
On ne peut cacher quand même que la Casa Real a donné du grain à moudre à son opposition avec les histoires de maîtresses et d'éléphant du roi émérite et la prévarication de la famille Urdangarin.
Mais on ne peut dissimuler que Felipe VI a géré la crise catalane sans chaleur en restant bien dans le cadre étroit de la constitution alors que c'était le moment d'en sortir au moins pendant quelques jours. Fallait-il avoir encore quelque chose de nouveau à dire. Après tout, il est roi, pas chef de parti ; il a le droit d'être un peu iconoclaste.