Espagne/Vox : Un portrait de Santiago Abascal, par Frédéric de Natal
(ndlr : article rédigé par notre ami une semaine avant les élections législatives, qui viennent de voir le triomphe du mouvement d'Abascal, Vox, il y a onze mois sans aucune représentation, dans aucune institution, aujourd’hui, la troisième force politique en Espagne, avec plus de 3,5 millions de votes et 15 % des voix, passant de 24 à 52 sièges au Parlement espagnol...)
Santiago Abasacal s’érige en défenseur de la monarchie espagnole. Il est celui vers qui, tous les regards se tournent aujourd’hui à la veille d’importantes élections législatives. L’homme incarne l’image de la nouvelle droite conservatrice monarchiste dont il s’est fait le porte-bouclier officiel. Proche du prince Louis-Alphonse de Bourbon, Santiago Abascal pourrait bien être un faiseur de roi au lendemain de ce scrutin crucial, prévu le 10 novembre.
Les sondages lui prédisent déjà plus de 45 députés dans l’hémicycle, soit 15% des voix.
Le mouvement Vox, fondé en 2013, n’a cessé de s’imposer peu à peu sur la scène politique d’un royaume en proie à une importante crise économique et politique. Il lui faudra deux ans pour obtenir ses premiers résultats crédibles (notamment en Andalousie où Vox a fait récemment son entrée au parlement régional avec 12 sièges). Rien ne va plus alors arrêter son ascension au fur et à mesure que le pays s’enfonce dans la crise institutionnelle avec en fond de toile, un Parti socialiste (PSOE) et un Parti populaire (PP) qui se partagent tour à tour le pouvoir.
Et face aux séparatistes catalans, Santiago Abascal leur oppose le drapeau de la monarchie. « Le meilleur ambassadeur de notre pays à l’étranger c’est le roi » confie-t-il à « Monarquia Confidencial ». «Croire que la monarchie est le problème de l’Espagne, est une erreur » affirme cet ancien transfuge du Parti Populaire qui entend « défendre l’ordre constitutionnel ». L’ombre du général Franco plane depuis un an sur le royaume d’Espagne dont l’atmosphère n’est pas sans rappeler certains événements qui précipitèrent le pays dans une guerre civile de trois ans en 1936.
Tout est lié pour Santiago Abascal qui a été reçu par le roi Felipe VI en septembre dernier, dans le cadre des négociations pour la formation d’un gouvernement stable. Jamais depuis la mort du Caudillo, un leader de la droite populiste n’avait été reçu au palais de la Zarzuela. Pour Santiago Abascal, le drapeau national n’est pas un vain mot. La Patrie, le roi et Dieu avant tout. Le triptyque d’un système qu’il défend comme la mémoire du dictateur. Proche de son arrière-arrière-petit-fils, le prince Louis-Alphonse de Bourbon, il va se battre à ses côtés pour éviter que le corps du généralissime soit exhumé de la Vallée de Los Caïdos. En vain.
Pour celui qui a été élu député des Cortès, le parlement, le 14 mai 2019, il ne fait aucun doute que le Parti socialiste tente de déstabiliser le pays avec le projet de proclamer une république. Le premier ministre Pedro Sanchez lui répond que « la monarchie parlementaire représente les valeurs de la seconde république (…), ces droits et libertés qui ont malheureusement été entachés par la dictature franquiste ». L’exhumation de Franco ? « Ce n'est qu’une excuse, car l'objectif est tout autre: détruire la réconciliation nationale, réécrire l'histoire, délégitimer la monarchie, renverser Felipe VI, et nous l'avons compris » lui rétorque-t-il au cours d’un discours, début octobre. « Aucun parlement n'est légitime pour définir notre passé, et encore moins exclure les Espagnols qui diffèrent de ses définitions ». «On ne peut pas utiliser le passé pour diviser » rappelle-t-il encore.
A défaut de convaincre le roi lui-même, il a reçu le soutien du jeune Felipe Juan Froilán de Todos los Santos de Marichalar y Borbón, 21 ans et fils de l’infante Elena, qui a participé à une manifestation de la droite nationaliste avant d’être promptement rappelé à l’ordre par le « royal tonton » (mars 2019).
Si Santiago Abascal qui arbore facilement la croix de Bourgogne, un symbole carliste (ci dessous), a déclaré personnellement au roi sa « loyauté envers la Couronne, symbole de l'unité et de la permanence de l'Espagne », il refuse catégoriquement l’étiquette « fasciste » que ses adversaires lui assènent. C’est un catholique convaincu qui a pour personnage de référence, Isabelle la Catholique. Cette reine qui en 1492 avec son mari Ferdinand d’Aragon, a achevé l’unité de l’Espagne en chassant les derniers califes musulmans du pays.
D’ailleurs, il réclame la fermeture des mosquées fondamentalistes et l’expulsion du royaume de tout imam radicalisé. La Turquie dans l’Europe. Hors de question pour l’ancien député basque qui ne cache pas qu’il souhaite une « reconquista ». Ici, la monarchie est étroitement associée aux valeurs traditionalistes qu’il prône. A commencer par la défense de la famille et le rejet de toutes réformes qui mettrait à mal cette composante sociale, indissociable de la royauté. Le mariage pour tous n'est pas sa tasse de thé. Et il n’hésite pas à dire ce qu’il pense au souverain. L’annonce du prochain voyage de Felipe VI à Cuba a fortement déplu à Santiago Abascal qui a qualifié cette visite de « folie », accusant la gauche espagnole de se servir du monarque pour promouvoir leur « programme bolivarien » et le premier ministre Sanchez d’avoir « usurpé les pouvoir du roi ». Oublié curieusement les dons reçus de la part de l'Organisation des moudjahiddines du peuple iranien (OMPI) lors des élections européennes de 2015 ; un mouvement (jugée un temps comme terroriste et antimonarchique) qui aurait couvert plus de 80% des dépenses de VOX d’après la presse. Et qui soutient, à contrario d’autres partis de la droite nationaliste espagnole, l’existence de l’état d’Israël.
Tout va se jouer à un mouchoir de poche pour cette élection. La gauche comme la droite (le Parti Populaire et Ciudadanos n’excluent pas de s’allier à Vox afin de former un gouvernement) sont au coude à coude.
Pour Abascal, il reste convaincu. Une victoire de la gauche ne serait que les prémices de l’avènement d’une république par voie référendaire. Les portraits du roi Felipe VI, brûlés à Barcelone, le 4 novembre, sont l’exemple de ce que redoute ce « conquistador macho ».
« La monarchie, c’est l’unité ! » martèle cet ardent patriote à ses partisans qui se déplacent par dizaine de milliers lors de ses congrès ! « ¡Viva el Rey! ¡Viva España! » peut-on lire sur son compte twitter. Tout est résumé. Bon « sang et or » ne saurait mentir.