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Une question de légitimité

Par Philippe Mesnard 

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Emmanuel Macron, si on en croit ses propos récemment rapportés par Paris Match et Le Point, entre autres, ne se contente d’assumer fermement la fermeté dont font preuve les forces de l’ordre. Il considère que les Gilets jaunes sont, dans l’ordre, ultra-violents, désorientés, manipulés par les puissances étrangères, demeurés. 

russia-today-sputnik-sites-russes_0_0.pngJ’aimerais exagérer mais il faut simplement le lire : « 40 000 à 50 000 ultras violents qui veulent abattre les institutions », « Pour des gens qui sont faibles, ou fragiles, ou en colère, cela a une espèce de résonance », « Et après, ce sont des gens qui achètent des comptes, qui trollent. C’est Russia Today, Spoutnik, etc. Regardez, à partir de décembre, les mouvements sur Internet, ce n’est plus BFM qui est en tête, c’est Russia Today », « Le boxeur, la vidéo qu’il fait avant de se rendre, il a été briefé par un avocat d’extrême gauche. Ça se voit ! Le type, il n’a pas les mots d’un Gitan. Il n’a pas les mots d’un boxeur gitan. »

En fait, tous les opposants à Macron (synecdoque qui englobe le Président, son gouvernement, ses députés, ses sbires et ses financiers), bien au-delà des Gilets jaunes, sont considérés comme des idiots utiles de la Russie, avec quelques variantes. Par exemple, à en croire les touites de Macron et Loiseau (ministre chargé des Affaires européennes), les opposants au traité d’Aix-la-Chapelle sont complices des crimes nazis, les opposants à l’Union européenne sont des nazis. Sur des sujets plus intérieurs, les opposants sont simplement des assassins, selon Philippe et Castaner, qui s’emparent des statistiques sur les accidents de la route à peu près comme Jacques Toubon s’emparait de celles sur l’immigration, misant plus sur le choc des formules que sur la connaissance des chiffres. Il y a une disqualification permanente de l’opposant, qui va de pair avec une spectaculaire relégitimation du pays légal : Macron ne jure plus que par les partis, les syndicats, les départements et les communes. Et, tout en lançant le Grand Débat National, Macron explique que la parole de ceux qui débattent n’est pas égale (« Jojo avec un gilet jaune a le même statut qu’un ministre ou un député ! »). Une disqualification de la parole du pays réel qui accompagne la criminalisation de la parole médiatique (Macron n’ayant pas de mots assez durs sur les journalistes) avec la loi sur les infox dont on voit bien – surtout en découvrant avec stupeur les infox du gouvernement – qu’elle servira surtout à empêcher la circulation des informations non conformes, pendant que le projet de loi anti-casseurs servira surtout à empêcher la circulation des opposants non conformes. Extension du domaine de la violence légale.

661_magic-article-actu_dda_436_3626e6429c976908975528fd04_grand-debat-national-le-site-mis-en-ligne-mardi-soir_dda4363626e6429c976908975528fd04.jpgLe plus troublant est la manière dont ce pouvoir revient lui-même sur la question de sa légitimité : « Quand vous écoutez les gens, qu’est-ce qu’ils disent ? Ils veulent couper la tête du président. Ils disent que les députés sont tous des salopards » (les Français, décidément nostalgiques, ne croient qu’aux bonnes vieilles recettes) et « Mais il faut se poser la question “D’où tu parles ? Quelle est ta légitimité ?” Celui qui est maire, celui qui est député, celui qui est ministre a une légitimité ou une responsabilité. Le citoyen lambda n’a pas la même. Il ne représente que lui-même. » Sans doute, mais si Macron pose cette question de la légitimité, c’est qu’il se sait illégitime. Illégitime en France, où il a été élu avec une abstention record, avec l’aide d’un véritable coup d’état judiciaire et par défaut face à l’ex-FN. Illégitime car incapable de quitter sa posture de président du parti-des-gens-qui-savent, du parti-des-gens-qui-changent, du parti des Français-qui-adhèrent-au-projet qui, comme toujours en république où la nation est contractuelle, sont le seul peuple respectable. Et il n’accuse les Gilets jaunes d’être illégitime que parce qu’il reconnaît, dans l’émergence de ce mouvement, un schéma d’illégitimité qui lui est bien familier : celui d’En Marche ! et de son leader charismatique : « Eric-Drouet-figure-des-Gilets-jaunes-interdit-de-se-rendre-a-Paris.jpgDrouet, c’est un produit médiatique, un produit des réseaux sociaux », observe-t-il en dénonçant l’abdication des médias traditionnels à faire leur travail de hiérarchisation et d’analyse. « L’envers du décor de cette crise a été très peu montré », souligne-t-il. […] la déconstruction de ce qu’est le mouvement, de ses influences, la déconstruction de ses influences extérieures, ça, on l’a très peu entendu. Il y a eu une forme aussi de légitimation accélérée de ce qu’a été ce mouvement qui est un problème. »

Comme tous les démagogues qui sentent la faveur publique faiblir, Macron agite le spectre du complot intérieur et extérieur, cette matrice ombreuse qui accouche en France, depuis 1792, des lois les plus liberticides et des gouvernements les plus autoritaires – et les moins légitimes au regard du bien commun. ■ 

Philippe Mesnard

Commentaires

  • « le Président, son gouvernement, ses députés, ses sbires et ses financiers »

    L’auteur de cet article pourrait-il être plus précis s’agissant des financiers » : des noms des chiffres. C’est dommage de rester dans le vague.

  • C'est impossible car ...

  • Merci de nous soumettre ce cas clinique.,Comment y réagir? Il me semble qu'il faudrait retourner les points de vue:
    - pourquoi ne pas comptabiliser les performances présidentielles comme le font les médias pour les gilets jaunes? Exemple : "acte VIII des prêches macroniens - l'audience baisse encore".
    -pourquoi lui laisser l'usage exclusif des anathèmes avilissants et ne pas le désigner pour ce qu'il est: un extrémiste? "Extrémiste ultra-libéral", "extrémiste européiste". La liste est longue, sans même aborder l'aspect clinique du personnage.

  • on y vient à l'emploi de l'article 16 de la constitution; les GJ voudraient "abattre les institutions"............ A mon avis les forces mondialistes ont choisi la France pour créer un incident ! D'où l'élection de Macron qui pourra utiliser les pouvoirs dictatoriaux (je ne connais pas d'autres pays avec un tel article dans la constitution...), exterminer les rebelles et avertir les européens qu'ils auront intérêt à filer droit.... retour à l'époque des crimes vendéens ?

  • E.Macron est pas seul ; il y a toute l' équipe qui va à hue et à dia pour ce qui est de la prévision des prélèvements à venir afin de financer les dix milliards " mis sur la table " ( de fait l'argent des contribuables ) mais qui , pour le principal - la mise aux normes de la mondialisation dont l'UE n'est qu' un accessoire provisoire - ne changera pas le cap .
    De toute façon c'est à marche forcée que l'on veut nous mener vers où ne veulent aller les 40 pour cent dits extrêmes de la population de Gauche ou de Droite ( extrémistes , 40 pour cent ? Il ne faut guère s'étonner que le nombre de pratiquants de l' isoloir décroisse ) .
    Reste LREM et LR avec les Juppéistes comme dénominateur commun ; reste aussi et nous y sommes semble t-il arrivés , le dangereux rapport de force .

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