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Le prince des nuées

Par Philippe Mesnard 

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La présidence d’Emmanuel Macron a commencé dans les épais nuages d’un encens si généreusement distribué qu’on ne distinguait pas la route qu’il traçait.

Ses troupes, galvanisées par un projet si brillant qu’il les aveuglait, marchaient en masse dans toutes les directions montrées « en même temps ». Depuis quelques semaines, la présidence d’Emmanuel Macron baigne dans les fumées des barricades de pneus flambants, des préfectures incendiées et des gaz incapacitants. Les fumigènes ont remplacé les encensoirs. Ces fumées plus palpables ne rendent pas l’avenir plus certain : Macron-Jupiter, réfugié dans son olympe élyséen, ou jouant à saute-mouton autour de la planète, reste inaccessible, chef qu’on serait bien en peine de venir chercher, comme il le réclamait naguère.

Désormais se dressent, entre le peuple et lui, plusieurs obstacles, glacis et autres ouvrages défensifs : ceux du langage, mur du mépris des petites phrases qui assassinent et fossé des mesures technocratiques incompréhensibles ; ses ministres et porte-paroles, aussi méprisants, aussi abscons, et en plus ne répugnant pas au mensonge, tout en votant des lois contre les infox, comme Philippe parlant d’une hausse de 3% du Smic net, Darmanin évoquant de mirifiques augmentations mensuelles (avant que son ministère ne modifie son communiqué triomphant), Castaner accusant les blocages des Gilets jaunes d’avoir fait périr, à Angoulême, une octogénaire en fait déjà décédée avant même que l’ambulance ne parte – et nous pourrions allonger la liste à loisir ; ses députés, qui ânonnent qu’ils ont manqué de pédagogie – le peuple est si bête ! – alors qu’ils refusent de voir ce qui crève les yeux : ceux qui manifestent sont ceux que la sacro-sainte croissance a en fait ruinés ; sa politique européenne et mondialiste, enfin, qui inquiète tous les Français et ne convainc aucun Européen : il n’a jamais rien obtenu de ses “partenaires”, ni sur les travailleurs détachés, ni sur les transporteurs routiers, ni sur la taxation des Gafa, ni sur le budget européen, ni même sur la défense européenne (cf. p. 12), qu’il ne fait avancer qu’en proposant de céder notre place à l’Allemagne, piquante conclusion de son « itinérance mémorielle » ; le Pacte pour l’immigration est la dernière barrière en date dressée par ses propres soins, incompréhensible quand on voit la manière dont la société française est fracturée (cf. p. 32).

On croirait la tour de Babel peinte par Breughel, entassant enceintes sur enceintes, inachevée et en partie déjà ruinée. Ses entrailles sont un labyrinthe, son sommet se perd dans les cieux : Macron y siège, prince des nuées. Voilà un président français qui s’acharne, après quarante ans de destruction minutieuse de la souveraineté et de l’identité française, à abattre ce qui résiste encore sous prétexte de le sauver, et qui s’énerve qu’on ne le salue pas en sauveur. Les pauvres ne comprennent pas qu’ils doivent s’appauvrir encore ? Quels réfractaires ! Les patriotes ne saisissent pas en quoi l’Autre est si merveilleux que la France doive disparaître ? Bande de lépreux ! Les vieux partis ont tous failli, La REM est en train de trahir, et les citoyens manifestent ? Quels séditieux ! « À moi la disruption, je suis le seul qui puisse rompre avec les usages et maîtriser les horloges, et j’exige le respect, la soumission, la crainte et le tremblement ! » Si assuré de son droit qu’il s’affranchit de la loi et décide de rendre au Bénin des œuvres pourtant inaliénables (p. 44)…

Mais les Français sont démocrates, ne comprennent pas qu’on les méprise puisqu’ils sont le peuple, censé avoir délégué son autorité et non pas avoir abdiqué toute volonté. Mais les Français ne sont pas européens, ils sont de leurs villages et de leurs régions (c’est-à-dire Angevins ou Provençaux, Bourguignons ou Normands), ils veulent que leur travail les nourrisse et constitue un capital à transmettre, ils veulent payer l’impôt non pas pour bâtir de chimériques univers numériques ou verser avec une générosité déréglée des sommes dont les Français ont besoin ; ils veulent des transports publics nombreux, des écoles et des maternités. Ils veulent que les “territoires”, ce nom mystérieux qui désigne presque des contrées sauvages, ne soient pas gérés depuis Paris par des technocrates qui ignorent les réalités diverses et dressent, eux, une barrière financière devant toutes choses.

Donc, les Français crient : les maires interpellent, les présidents de région aussi (p. 21), et toute la masse de ceux qui ne se sentent pas représentés et doutent de la légitimité de leur chef. Leur clameur finira-t-elle par secouer Jupiter-Macron et le tirer de son rêve éveillé, là-haut ?   ■ 

Les pages notées renvoient au numéro de décembre de Politique magazine.

Philippe Mesnard

Commentaires

  • "Les maires interpellent, les présidents de région aussi"... Nom de Dieu ! Combien de fois faudra-t-il écrire et répéter que "président de région", ça n'existe pas ! (pas plus que l'immonde "président de département" ). La France est un État unitaire et non fédéral ! Ce sont des "présidents de conseils régionaux" ou "départementaux" (ex-généraux).
    La pourriture commence par la langue aussi ! Dire et écrire "Madame LA maire", "Madame LA députéE", "l'auteurE", la "professeurE", "la chefFE" (le pire de tout), c'est entrer dans leur jeu !!!

  • Macron n'est qu'un larbin, celui d'une caste chaudement installée dans les allées du pouvoir sans se montrer, qui n'a aucune considération pour une masse informe qu'il considère comme une difficulté de gestion et non comme le Peuple. Elu grâce à la segmentation marketing, et au discours tête de gondole, Macron n'a eu aucune difficulté à ringardiser ses adversaires en transposant à la française le débat Kennedy-Nixon. Le revers, c'est l'absence de contenu de ce type d'approche, et contrairement à ce qu'annone ce benêt de Legendre en post-com sur les écrans, le macronisme a fait preuve d'une pauvreté conceptuelle peu commune, et a remplacé la réflexion par un discours claironné sur le mouvement, afin de générer l'enthousiasme de l'affect. Mais voilà, les faits sont têtus, et la réalité se venge, les hommes aussi.

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