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Patrice de Plunkett : « La faiblesse géopolitique est inhérente à l'UE »

 

Par exemple face au chantage de M. Erdogan... Mais pourquoi cette faiblesse ? La position pertinente de Patrice de Plunkett  [02.12.2015]

hqdefault.jpgRevenons sur l'événement du week-end dernier : c'est une leçon terrible. Dimanche, M. Erdogan exige de Bruxelles une reprise du processus d'adhésion de la Turquie, une suppression des visas d'entrée en Europe pour les Turcs, et une aide financière afin de « pouvoir conserver sur le territoire turc les deux millions de réfugiés syriens qui s'y trouvent ». Bruxelles cède aussitôt, oubliant que M. Erdogan avait commencé par lancer vers l'Europe des dizaines de milliers de migrants en vidant manu militari  la moitié des camps turcs ! 

Bruxelles oubliait aussi que M. Erdogan avait fait arrêter (le 26 novembre, quatre jours avant son chantage victorieux sur l'UE) le directeur de la publication et le chef du bureau d'Ankara du quotidien centriste Cumhuriyet, coupables d'avoir prouvé les livraisons d'armes turques à Daech en Syrie. Les deux journalistes, Can Dündar* et Erdem Gül, avaient en effet publié des documents et des photos de camions des services secrets turcs acheminant ces armes : un millier d'obus de mortier, 80 000 munitions  de  tout calibre  et des centaines de lance-grenades... La semaine dernière, le procureur a annoncé que Gül et Dündar allaient écoper de vingt ans de prison pour « espionnage politique et militaire ». Quant à M. Erdogan, il a déclaré : « Peu importe si ces camions transféraient des armes. » Son double jeu s'affiche impunément.  

Peu importe, en effet ! Ankara a aggravé (en soutenant Daech) la fuite de milliers de Syriens qu'il a dirigés ensuite vers l'Europe. Pendant qu'il se plaint de n'avoir pas les moyens de faire face à ce déferlement de réfugiés, M. Erdogan alimente la guerre qui pousse les réfugiés dehors. Mais l'Europe fait semblant de ne rien savoir et donne à M. Erdogan ce qu'il exige ; elle se met ainsi dans une situation de victime d'un chantage sans fin.  

Sans compter ce paradoxe : les plus « européens » des Européens ferment les yeux sur le chauvinisme tyrannique du régime d'Ankara, profil politique que l'UE interdit pourtant à ses membres ! M. Orban (qui en fait bien moins) est conspué à Bruxelles, mais  M. Erdogan est salué avec chaleur. 

Cette faiblesse est inouïe. Et elle est structurelle : sa cause est l'esprit même de la construction européenne (l'esprit d'une entreprise sans esprit). Aucune incantation ne peut masquer cela... Conçue pour « jouir des dividendes de la paix », comme annonçait le malheureux Fabius il y a vingt-cinq ans, l'UE part en morceaux dès qu'il n'y a plus de paix – ni de dividendes ! 

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* Lauréat 2015 du prix de Reporters Sans Frontières.

 Patrice de Plunkett : le blog

 

Commentaires

  • Respect pour ces deux journalistes en espérant une sortie honorable de leur incarcération. Vérité, ce mot renié par les révolutionnaires; et les républicains sont à la longue devenus les maîtres mensonge. Vérité bien raisonnée conduit l'homme cet animal a avoir de l'esprit; et sans esprit l'homme n'est plus. C'est bien le cas des français mais aussi des Européens. l'aristocratie républicaine plagie la royale de 1788; et l'élection qui devrait être régionale, devient un cahier de doléances pour les petits français écartés du pouvoir.

  • La Turquie n'est pas un pays européen et depuis l'Islam, elle a perdu ses élites de la pensée que furent les Pères de l'Eglise. Faire entrer la Turquie dans l'Europe, c'est renouveler l'histoire du Cheval de Troie et faire de l'Europe un pays musulman. N'oublions pas l'histoire de Mohamed et de l'Islam et leurs massacres.
    Le problème de l'Europe est de refuser le Christ pour y faire mieux rentrer l'Islam au nom
    de la laïcité!

  • Il y a quarante ans, on pouvait discuter d'une alliance étroite avec une Turquie farouchement laïque jusqu'à peut-être organiser une intégration. Le pays en valait la peine, bien plus que la Bulgarie ou la Roumanie par exemple. Avec la prise de pouvoir de l'AKP, parti islamique réputé modéré à l'extérieur mais absolument intransigeant à l'intérieur, il ne peut plus longtemps en être question. Et la dérive dictatoriale d'Erdogan, qui se rêve en calife absolu jusqu'au seuil du ridicule, doit achever de nous convaincre.

    Jean-Claude Juncker va devoir s'expliquer assez vite.

  • Alliance étroite avec la Turquie d'il y a quarante ans, OK.
    Intégration, non.
    Pourquoi ? 1. Parce que la Turquie n'est pas en Europe. 2. Parce que l'Histoire et la géographie sont constitutifs de l'ADN d'un peuple et finissent toujours par resurgir sous des formes nouvelles et y dominer. C'est, parmi tant d'autres cas dans le monde, la leçon à tirer de ce qui se passe en Turquie.
    Quant à Jean-Claude Juncker, il fait partie de ces artefacts inventés de toutes pièces pour les besoins d'utopie des pauvres hommes. Dès que les événements deviennent sérieux, il disparaît, n'existe plus.
    Ayons des idées simples.

  • Re (1) : l'asianité de la Turquie d'Asie mineure me fait parfois sourire, même si les géographes ont utilisé les Détroits pour trancher et classer facilement. L'Asie mineure fut l'usine du christianisme ; dira-t-on pour autant que le catholicisme est une religion asiatique ? Maurras le soutenait au début.
    Mais la frontière terrestre du continent européen à l'est de la Mer Noire est terriblement déportée vers l'orient pour pouvoir englober la Géorgie et l'Arménie. Reste aussi que la Thrace turque et la ville d'Istanbul sont complètement dans la géographie européenne mais clairement asiatique quand on y va. La frontière Europe/Asie est donc une convention :)

  • Ceci revient à peu près à dire que l'Europe n'existe pas. Ni l'Afrique, d'ailleurs. Ni rien.
    Valéry définissait l'Europe comme un petit isthme du continent asiatique. Mais il n'aurait pas eu la cuistrerie d'en ignorer l'existence propre, quoique diverse. Les frontières et les limites sont des ponts autant que des séparations. Ce n'est pas un scoop.
    Quant aux religions, peut-être, en effet, sont-elles toutes d'origine asiatique. Et alors ? Après la géographie, l'Histoire est la seconde des grandes composantes de nos identités.
    Ah, oui ! Mais celles-là n'existent pas non plus ? Qu'est-ce donc qui existe ? Le tohu-bohu initial ?

  • Je ne discutais que le point (1) de votre raisonnement. J'aurais été plus clair en soutenant que refuser la Turquie pour une raison de frontière géographique n'est pas le meilleur angle, il y a bien d'autres paramètres d'exclusion à lui préférer.

    Oui, Ernest Renan pensait aussi que l'origine de toutes les religions est aux Indes.

  • Je dirai que refuser la Turquie pour une raison d'appartenance géographique est l'angle le plus immédiatement évident, la plus grande partie de son territoire se situant dans ce que l'on considère être l'Asie. Mais, en effet, il y a bien d'autres paramètres d'exclusion. Lesquels, d'ailleurs, n'empêchent pas l'existence de domaines spécifiques de coopération.
    Il me semble aussi que toutes les grandes religions ont leur origine en Asie, plus précisément en Inde. Ou, comme vous dites, aux Indes.
    Ce que nous nommons l'Europe a néanmoins intégré le Christianisme à son identité par processus d'appropriation et sous diverses formes ou "religions". Processus d'appropriation qui fait partie du mode de développement de toute identité ouverte mais non envahie ou dominée.

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