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Grèce : Dosis facit venenum

 

Est-il possible d'analyser la crise grecque autrement qu'avec excès et passion ? Est-il possible d'en exclure phobies (les détestations a priori) et philées (les empathies irraisonnées) ? Les Français n'ont que trop coutume d'en embarrasser leur jugement en matière de politique étrangère. Est-il possible de ranger au musée des accessoires inutiles les illusions et les naïvetés ? Nous n'avions, au lendemain du référendum grec, ni à chanter les louanges suspectes de la démocratie et à lui concéder la vertu de changer la réalité des choses et des problèmes, comme les Grecs l'ont cru naïvement, ni à vouer le peuple grec à la vindicte de créanciers mauvais joueurs, et, somme toute, par avance, mauvais perdants. Dans une situation où tout le monde est largement fautif, l'Europe autant que la Grèce, sinon plus, sachons au moins raison garder, fixons notre politique en fonction des intérêts de la France et, si nous élargissons la perspective, de l'Europe, qui, jusqu'à preuve du contraire, inclut les Grecs. L'Europe, sinon l'Euro. Tachons, s'il se peut, d'être bainvilliens, ou, si l'on veut, d'Action Française.   

La Grèce est entrée dans la Communauté Economique Européenne (CEE) au temps de Valéry Giscard d'Estaing - qui en fut le promoteur principal - Helmut Schmidt et Constantin Caramanlis [1981] pour des raisons symboliques (berceau de la démocratie et de la civilisation européenne), fussent-elles discutables, pour des raisons géostratégiques, tenant à l'affrontement Est-Ouest, et pour des raisons d'équilibre européen (équilibre Nord-Sud, auquel tenait la France). En soi, son admission dans ce qui deviendrait un jour l'Union Européenne n'entraînait de trop grands engagements pour personne.

Son adhésion à la zone Euro (2001) était - comme on le voit aujourd'hui - d'une tout autre portée. Les Grecs l'ont alors quasiment imposée, à la stupéfaction des Allemands, Gerhard Schröder étant alors chancelier, mais, surtout, grâce à l'appui de la France, en la personne de Jacques Chirac. L'objectif du gouvernement grec était principalement de bénéficier des fonds structurels et des taux d'intérêt européens, pour financer sa dette. On sait ce qu'il en fut, que la Grèce en a profité plus que de raison, et que cette manne fut aussi son poison. Dosis facit venenum et la dose n'a pas été mince. Le poison non plus. Il est trop tard pour en pleurer. A la limite, il ne serait peut-être pas exagéré d'accuser les créanciers de la Grèce de soutien abusif.

Les Institutions Européennes, les Etats, imbus d'une logique purement financière, ont cru, ou fait semblant de croire pour se cacher la vérité, que les milliards déversés sur la Grèce serviraient à son développement. A ce que l'on appelle, lorsqu'on consent au parler-vrai, son économie réelle. Les Grecs les ont utilisés pour le développement de leur bien-être immédiat et de la corruption. Et pour, en plus, faire de la dette. Comme les autres Etats européens, somme toute, mais dans des proportions très supérieures et sans production de richesse ou à peu près.

Au cours des nombreux débats de la semaine écoulée, il nous a semblé que les observateurs les plus perspicaces - souvent eux-mêmes Grecs - étaient justement ceux qui concluaient que les milliards européens avaient, en fait, desservi, ou, si l'on veut, empoisonné la Grèce. Pays séculairement pauvre, elle a cessé de produire le peu qu'elle produisait jadis, elle a laissé mourir les industries qu'elle possédait, elle importe, aujourd'hui, jusqu'à son alimentation, qu'elle ne produit plus. Elle est devenue une économie de rente et de richesses gaspillées. Les finances européennes ont surtout servi à son affaiblissement. 

Dans ces conditions, il serait somme toute assez cocasse que les Européens négocient maintenant la question des montants dont ils pourraient reprendre les versements à la Grèce, une fois la crise passée ... On sait que ces transferts - qui ne pourront durer indéfiniment - ne feront que prolonger une situation en soi malsaine. 

Quelle pourrait être alors la solution réaliste et saine ? Sans-doute celle qui libèrerait la Grèce du remboursement de sa dette - au moins jusqu'à retour à bonne fortune (?) - sa sortie aidée de la zone euro, puis son indépendance monétaire, qui l'amènerait à créer sa propre monnaie, et financière qui exclurait tout nouveau plan d'aide européen.

Les créanciers de la Grèce - dont nous-mêmes - ne perdraient pas grand chose car chacun sait que la Grèce ne remboursera jamais sa dette. Simplement, comme le dit Dominique Strauss Khan, ils "prendraient" leur perte, et la Grèce devrait recréer, par son effort propre, sa capacité industrielle, retrouver autant que possible son autosuffisance alimentaire, et assainir ses institutions politiques, ce qui, il est vrai, ne sera pas une mince affaire, dans un pays, habitué, depuis les siècles ottomans à dissimuler ses richesses, à refuser l'impôt, à cultiver l'incivisme.

Ce que la crise grecque aura montré c'est la faible solidarité des peuples européens autant que leur persistance à être spécifiquement eux-mêmes, l'incapacité des institutions européennes à gérer les réalités de l'Union, et la pertinence des nations comme réalité politique exclusive. C'est sur elles, elles seules, que l'on pourrait envisager, malgré les échecs passés, les déceptions cumulées, de reprendre le projet européen.  LFAR

 

Commentaires

  • Les dirigeants et les peuples sont ils prêts à abandonner leurs créances. Les Pays qui ont fait de gros effort tels les Baltes Slovénie..... pour entrer dans la zone euro vont ils accepter de bon cœur que les profiteurs et magouilleurs s 'en tirent à bon compte sans rembourser leurs dettes
    On se croirait revenu aux emprunts russes, et gare à la contagion

  • Les Grecs parlent des créanciers comme s'ils étaient d'horribles usuriers aux doigts crochus ou des gnomes zurichois mais à regarder qui détient la dette grecque, on voit que le papier pourri est détenu très majoritairement par les institutions nationales (auxquelles nous contribuons tous), et par la BCE de Francfort (qui escompte nos banques centrales nationales) ; bien avant le FMI et les investisseurs institutionnels classiques. Voir par ici :
    http://www.lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/dessous-chiffres/2015/06/29/29006-20150629ARTFIG00207-qui-detient-les-312-milliards-d-euros-de-dette-grecque.php

    Défendre les intérêts de chaque nation et par là des peuples contribuables est la moindre des choses pour les gouvernements des pays engagés et, malgré toutes les invocations historiques, on peut comprendre parfaitement la position de l'Allemagne et de ses clients.

    Si la Grèce s'écroule en sortant du système, elle ne pourra pas se relever à cause du défaut d'investisseurs - il y a de par le monde bien d'autres zones plus prometteuses qu'un pays qui n'a que du soleil et de la pierre ponce à vendre. A moins que n'arrivent des contributions intéressées mais insuffisantes de quelques pays "amis" comme la Russie, voire la Turquie qui aimerait bien "obliger" sa voisine comme il en va maintenant de l'Albanie et de la Bosnie-Herzégovine à son endroit ! Sauf à devenir même le champ d'affrontements russo-américains, les Etats-Unis défendant la position géo-stratégique de l'archipel. Bonjour la souveraineté !
    La Grèce sera vite le protectorat de l'un ou de l'autre et cette sujétion nouvelle coulera chez nous le Front de Gauche !

  • Les investisseurs, je crois, ne sont pas à l'ordre du jour de la crise helléno-européenne.
    Les invocations historiques ? De quoi s'agit-il ? Bainville a raison : qu'est-ce qu'un homme d'Etat qui n'a pas pratiqué l'Histoire ? Un médecin qui ne serait jamais allé à l'hôpital.
    Entre l'hôpital psychiatrique grec et les malades d'idéologie bruxellois, il y a en effet les réalités. Et les réalités sont que la Grèce a toujours été un pays de farfelus romantiques et brouillons, qu'elle a toujours été plus ou moins le protectorat de quelqu'un et qu'elle a trouvé dans les institutions de Bruxelles des bailleurs de fonds irresponsables et dispensateurs inconscients de l'argent des peuples. Elle voudrait bien pouvoir continuer de profiter de leur naïveté.
    Que les peuples et les Etats se réveillent brusquement et s'accrochent désespérément à l'objectif d'ailleurs parfaitement irréaliste de récupérer leurs sous est en effet compréhensible et normal..
    Mais en l'espèce, si le cas grec est bien clair, celui de l'Europe - au sens bruxellois - ne l'est pas moins : cette Europe là, en contradiction avec son principe propre, ne consiste plus qu'en une addition de farouches nationalismes, où seule la France fait exception. C'est la faillite du projet européen, du moins tel qu'il est conduit depuis cinquante ans.

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