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13 septembre 1914 ... Oui, aujourd'hui nous voyons tout en beau...

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Victoire ! Nous pouvons enfin écrire ce beau mot puisqu'ila  été prononcé au ministère de la Guerre devant les représentants de la presse. La victoire de la Marne a sauvé Paris et la France. Si nous avions été battus, la partie n'était pas encore perdue, puisque le commandement avait pris des mesures assez habiles pour que la route restât libre derrière nos armées intactes. Mais il fallait nous replier jusqu'à Lyon, et c'étaient encore sept ou huit départements dévastés, sans compter Paris qui tombait aux mains des Allemands.

A tous les points de vue, ce succès est venu à son heure. Voilà les Russes qui semblent arrêtés en Prusse orientale (1). Le fameux "rouleau compresseur", comme disait naguère un journal anglais, et le mot avait fait fortune, ne comprime plus guère quand il se trouve en présence d'une armée allemande sérieuse. On me dit d'ailleurs qu'au grand état-major français on estime que les Russes ne peuvent pas mettre sur pied plus de deux millions d'hommes vraiment exercés et armés. Les huit millions de soldats dont on parle sont une fable à l'image du public. En somme, c'est surtout sur nous-mêmes que nous devons compter. Mais la situation se présente ainsi : les Russes ont battu les Autrichiens; les Allemands battent les Russes; les Français battent les Allemands. Nous sommes au sommet de l'échelle... Oui, aujourd'hui nous voyons tout en beau...  

D'un milieu où l'on connaît les choses d'Autriche, on me dit qu'il est vain, du moins pour l'instant, d'espérer que Vienne renonce à son alliance même malheureuse avec Berlin. Il faudrait pour cela que le vieil empereur François-Joseph, qu'on dit très malade, vînt à disparaître - consentît à disparaître. Son petit-neveu, marié à une Bourbon (2), n'a que très peu de sympathies pour l'Allemagne. Mais il y  a le parti militaire, très puissant encore, quoique battu, qui est associé avec la presse et la finance juives, très antirusses là-bas comme en Allemagne. Pourtant il ne faut pas désespérer que, le prestige militaire de l'Empire allemand étant atteint, la défection de l'Autriche se produise. A Munich, à Dresde, à Stuttgart, il y aura ensuite du beau travail diplomatique à faire. On peut gager que, depuis quelques jours, le roi Louis III de Bavière sent se rouvrir la blessure qu'une balle prussienne lui a faite en 1866...

On raconte que Guillaume II a envoyé ces jours-ci à Victor-Emmanuel III (3) le télégramme suivant : "Vainqueur ou vaincu, je n'oublierai jamais ta trahison." A qui le roi d'Italie aurait répondu : "Et moi, je ne veux pas trahir mon peuple." Si ce n'est vrai, c'est assez bien imaginé. Cependant l'Italie reste neutre. C'est un baromètre à consulter. Le jour où l'aiguille se déplacera pour de bon dans notre sens, nous pourrons dire : "Beau temps." Jusqu'à présent, ce n'est que le variable. Cependant, si l'Italie laisse passer, sans intervenir, le moment psychologique, ce sera encore le mieux. Les neutres sont toujours sacrifiés quand vient la paix, et nous n'aurons pas besoin d'agrandir l'Italie. Cavour (4) calculait peut-être mieux quand il envoyait quelques régiments piémontais en Crimée pour avoir le droit de s'asseoir à la table du congrès de Paris. Mais les leçons de Cavour sont-elles perdues pour les Italiens comme celle de Bismarck le sont, et définitivement celles-là, pour les Allemands ? Ou bien l'Italie parvenue, et en présence de problèmes difficiles, hésite-telle à compromettre son capital et à courir les aventures ?  u

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(1)  L'offensive russe avait été arrêtée par la victoire de Von Hindenburg à Tannenberg (29 août). En revanche, les Russes avaient conquis sur les austro-hongrois la Galicie (Pologne autrichienne) et la Bukovine.

 

(2)  Celui qui deviendra en novembre 1916 Charles 1er était marié depuis 1911 à une princesse de Bourbon-Prame, connue sous le nom d'impératrice Zita (1892-1989).

 

(3)  Victor-Emmanuel III (1869-1947), roi d'Italie de 1900 à 1946.

 

(4)  Premier ministre du roi de Piémont-Sardaigne, Cavour (1810-1861) enverra en 1855 un contingent aux côtés des forces franco-anglaises contre les Russes en Crimée afin de poser la question italienne au congrès de paix de Paris en 1856. Cavour obtint d'y participer sans toutefois que la question soit inscrite à l'ordre du jour mais l'objectif d' "internationalisation" était atteint.  

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