Un peu de bon sens, par Louis-Joseph Delanglade
Est-ce l’effet des différents mouvements d’humeur et de révolte qui secouent le pays ? En tout cas, les médias accordent actuellement une très grande place à la dimension économique du problème français, sans bien distinguer l’important du secondaire. Ainsi, vendredi 8 novembre, Standard & Poor’s abaisse la note de la France de AA+ à AA. Motif : un chômage trop élevé qui empêcherait toute réforme sérieuse et priverait de toute marge de manœuvre financière. L’agence de notation qui, pas plus que les autres, n’a jamais vu venir les crises graves, enfonce une porte ouverte. Résultat : aucun, puisque cette dégradation n’a pas eu d’effet sur les marchés financiers.
Par contre, une semaine plus tard, Bruxelles valide le projet de budget de la France pour 2014, tout en jugeant les économies proposées insuffisantes et, donc, le risque de dérapage grand. En un mot, Bruxelles valide au lieu de retoquer. Pas très sérieux. Mais, surtout, vrai problème politique. Pour la première fois, cette année, la Commission a en effet exercé son droit de regard sur le ratio d’endettement et le niveau de déficit des Etats membres : ainsi, avant même que le Parlement français ne vote le budget de la France, Bruxelles a pu donner (ou refuser) son aval. Nouvel abandon de souveraineté, donc, qu’on justifie par la crise de l’euro et ses conséquences – ce qui est se moquer du monde. Désormais, le gouvernement français ne peut plus vraiment faire ce qu’il veut sur le plan budgétaire, même s’il garde sa liberté d’action dans sa démarche pour atteindre l’objectif (réduire les dépenses ou augmenter les impôts).
Resurgit en même temps le débat sur le prétendu « modèle allemand ». La même commission de Bruxelles reproche à l’Allemagne de nuire à l’équilibre de la zone euro. D’où la question en débat sur France Inter ce même vendredi 15 : faut-il exiger des efforts de l’Allemagne (en clair qu’elle laisse un peu exporter les autres, en l’occurrence la France) ou réformer l’économie française ? MM. Maris et Seux sont pour une fois d’accord pour choisir le second terme de l’alternative : nul n’est fondé à reprocher quoi que ce soit à un pays qui mise sur l’innovation et l’excellence ; l’Allemagne a ses qualités, on ne peut pas lui en faire grief. Mais ils évitent de préciser qu’il en est ainsi, d’abord parce que « l’Europe » est ce qu’elle est (c’est-à-dire pas grand-chose).
Là encore, le problème est politique. Tout le monde sait que la France est pénalisée par l’euro fort, qui n’est que l’autre nom du mark. Mais ni la droite (UMP) ni la gauche (PS) ne remettent, ni ne remettront, quoi que ce soit en question sur le fond. Comme disait M. Séguin, droite et gauche sont deux détaillants qui s’approvisionnent auprès du même grossiste européen. M. Teinturier (Ipsos) peut estimer avec lucidité que Bruxelles et sa marche forcée à la mondialisation sont anxiogènes pour les Français, et que cela explique l’actuel mouvement de rejet de « l’Europe ». Il aurait pu aller plus loin et conclure qu’il est légitime de se demander si cette « Europe » ne joue pas contre les intérêts bien compris de la France.
Commentaires
Vous épinglez S&P sur son défaut de prospective, mais c'est méconnaître la fonction économique des agences de notationqui est exclusivement financière : évaluer un risque ciblé pour leurs clients.
Leur souci de publicité, visant à accroître leur portefeuille clients, les a conduites à publier leurs résultats dans la presse économique, mais au départ l'agence vous donnait son évaluation de risque sur la mine Trucmachin du Klondike dont vous vouliez acheter des actions en espérant une culbute facile, sans jamais pouvoir aller vous-même vérifier sur place.
Voulez-vous acheter des bons du Trésor français, regardez d'abord la notation d'une agence. Pour S&P, les "impossibilités" de la situation française laisse comprendre que les taux vont se tendre, le spread s'accroître et donc qu'on peut se placer sur cette valeur à court terme, pas à moyen terme.
Pour ce qui concerne la perte de souveraineté évidente, on peut penser aussi que c'est une chance avec les équipes de nomenklatouristes qui se succèdent sous les ors de la République. On retire le calibre chargé des mains d'un enfant dès fois qu'il se tue ! La classe politique française n'a pas l'âge requis pour exercer sa majorité politique. C'est vrai en matière budgétaire, c'était vrai dans beaucoup d'autres domaines où seule une forte pression des autorités bruxelloises a permis de devenir sérieux ; je pense d'abord à la potabilité des eaux distribuées, ensuite aux quotas de pêche.
Pour finir, avant de vous remercier d'avoir posé sur la table (l'écran) les vrais problèmes, la France est d'abord pénalisée par son oligarchie rentière et sa soviétisation, plus que par l'euro de la BCE. Si l'Allemagne est "dénoncée" par la Commission de l'inénarrable nullissimus Barroso, c'est toute l'Europe du Nord qui est visée, l'Europe sérieuse, et il m'étonnerait qu'elle en reste là. Une fracture se dessine malgré tout. Qu'elle casse l'Union ne nous libérera pas pour autant, le cancer qui nous ronge est en nous.
Ceci se nomme "mettre une personne '(ici personne morale de droit public) sous tutelle.
Or , en droit privé, ce sont les incapables majeurs que l'on met sous tutelle; faut-il y constater une analogie?
Et si on constate ceci, il faut changer de politique et d'hommes politiques, voire de licencier les fonctionnaires collaborateurs de ceux-ci et, en plus, les rendre responsables pécuniairement sur leurs biens personnels; vous verrez, ça ira mieux.