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Rechercher : Rémi Hugues. histoire

  • Un point de vue de sociologue sur le motu proprio du pape François, par Michel Michel.

    Voi­ci une ana­lyse ori­gi­nale à pro­pos du nou­veau motu pro­prio du pape Fran­çois. Michel Michel est un acteur bien connu de la réflexion poli­tique à l’Action Fran­çaise, mais comme beau­coup de nos intel­lec­tuels il inter­roge aus­si depuis long­temps la ques­tion reli­gieuse et nous sommes heu­reux de lui don­ner la parole sur un sujet qui pour­rait avoir des inci­dences déter­mi­nantes sur la civi­li­sa­tion occi­den­tale. (NDLR)

    6.jpgLe motu pro­prio du Pape Fran­çois Tra­di­tio­nis cus­to­dis a jeté le trouble dans ce qu’il reste de la Chré­tien­té. Les théo­lo­giens ont fait de longues ana­lyses sur le sujet ; c’est en socio­logue des repré­sen­ta­tions que je vou­drais consa­crer les quelques pages suivantes.

    POUR RELATIVISER LA QUERELLE DES RITES

    Il me semble que le Motu Pro­prio du Pape Fran­çois s’inscrit dans la pas­sion homo­gé­néi­sante qui est une des com­po­santes du ratio­na­lisme et fina­le­ment a don­né le jaco­bi­nisme.
    L’unité n’est pas l’uniformité ; au contraire, la volon­té d’uniformiser se déve­loppe quand la cénes­thé­sie sociale (le sen­ti­ment de ne for­mer qu’un seul corps) est mena­cée.
    Le capo­ra­lisme clé­ri­cal de Fran­çois est aux anti­podes de la concep­tion de l’Eglise par saint Paul comme un corps com­po­sé d’organes divers et com­plé­men­taires.
    (Je sou­hai­te­rais que Eric Zem­mour, qui a par­tiel­le­ment com­pris la logique maur­ras­sienne, mais qui garde encore les réflexes jaco­bins de la bande à Pas­qua, sai­sisse que le recours à la dic­ta­ture cen­tra­li­sa­trice n’est pas un signe de bonne san­té. La chi­rur­gie est par­fois néces­saire, qui n’est jus­ti­fiée que si elle est indis­pen­sable).
    La réa­li­té sociale est diver­si­fiante, comme dans la vie dans la nature, les cultures eth­niques, pro­vin­ciales, fami­liales qui se mul­ti­plient au grand déses­poir des bureau­crates de France comme du Vatican.

    La sage stra­té­gie, me semble-t-il, serait de mettre l’accent sur la mul­ti­tude des rites plu­tôt que de vou­loir en impo­ser un seul (à la grande crainte des catho­liques orien­taux). En effet dès que le dilemme se réduit à deux élé­ments, inévi­ta­ble­ment l’esprit humain va en faire la com­pa­rai­son (l’ancien et le nou­veau, de droite ou de gauche, jeune ou vieux, le meilleur et le moins bon). Les Eglises d’Orient nous montrent que dans la mul­ti­pli­ci­té des formes la tolé­rance est pos­sible (pas tou­jours hélas).

    La réa­li­té de la diver­si­té des rites est don­née dans le tableau suivant :

    RITES DE L’EGLISE CATHOLIQUE

    Rite orien­tal  (Églises catho­liques orientales)

    Rite alexan­drin
    Rite copte
    Église catho­lique copte
    Rite guèze
    Église catho­lique éthio­pienne,  Église catho­lique éry­thréenne
    Rite armé­nien
    Église catho­lique armé­nienne
    Rite chal­déen
    Église catho­lique chal­déenne
    Rite syriaque orien­tal
    Église catho­lique syro-mala­bare
    Rite antio­chien
    Rite maro­nite
    Église maro­nite
    Rite syriaque occi­den­tal
    Église catho­lique syriaque · Église catho­lique syro-malan­kare
    Rite byzan­tin
    mel­kite · ukrai­nienne · rou­maine · ruthène · slo­vaque · hon­groise · bul­gare · croate · macé­do­nienne · croate · russe · bié­lo­russe · alba­naise · ita­lo-alba­naise · hel­lène · ser­bo-mon­té­né­grine · tchèque · géorgienne

    Rite latin (Église catho­lique latine)

    Rite romain
    Messe de Vati­can II (forme ordi­naire)
    Messe tri­den­tine (forme extra­or­di­naire)
    Variantes du rite romain
    Rite zaï­rois · Rite béné­dic­tin · Usage angli­can
    Autres rites latins
    Rite moza­rabe · Rite ambro­sien · Rite de Bra­ga · Rite domi­ni­cain · Rite car­tu­sien · Rite cis­ter­cien
    Rites litur­giques his­to­riques
    Rite gal­li­can · Rite cel­tique · Rite lyon­nais · Rite pré­mon­tré · Rite de Sarum · Rite carmélite

    Tou­cher à la litur­gie exige beau­coup de pré­cau­tions sous peine de man­quer gra­ve­ment à la Cha­ri­té. La men­ta­li­té nomi­na­liste nous fait croire que les formes du culte sont « neutres » et peuvent aisé­ment être sub­sti­tuées l’une à l’autre. L’arbitraire de l’autorité peut-il s’exercer sans déli­ca­tesse ?  Chan­ger de litur­gie est aus­si trau­ma­ti­sant que de décré­ter (comme Atatürk et au fond tous les révo­lu­tion­naires) le chan­ge­ment d’une langue, celle de la parole comme celle des mœurs.

    Le rite, c’est le Bien Com­mun à toute l’Eglise, on ne change pas comme ça de façon capo­ra­liste. Le fait de dépo­ser le saint Sacre­ment dans le bas-côté de la Nef a pro­vo­qué la déso­rien­ta­tion des fidèles qui ne savent plus de quel côté s’agenouiller et du coup, ils ne s’agenouillent plus (d’autant plus qu’on a reti­ré les age­nouilloirs). On prie aus­si avec son corps remar­quait Pas­cal. Des géné­ra­tions de pay­sans spé­cu­laient sur le temps à venir avec les « Saints de glace », les saints Mamet, Pan­crace et Ser­vais ; les intel­lec­tuels du Vati­can les ont mis à la trappe, contri­buant à la déchris­tia­ni­sa­tion de la société.

    On sait com­bien de schismes ont été sus­ci­tés par les réformes litur­giques comme celle de Pierre le Grand dans l’orthodoxie russe.

    Le Pape est au ser­vice de l’Eglise corps mys­tique du Christ comme l’Etat est au ser­vice du corps social. Comme les lois ne sont pas faite pour « construire » la socié­té civile telle quelle devrait être pour l’idéologue, la litur­gie n’est pas faite d’abord pour chan­ger auto­ri­tai­re­ment la men­ta­li­té des fidèles, mais pour offrir un culte à Dieu. La litur­gie est « signi­fiante » et non « instrumentale ».

    Il faut donc dans ce domaine être très prudent.

    On aurait pu dans quelques ban­lieues déshé­ri­tées expé­ri­men­ter de « nou­velles messes » pour s’adapter à l’indigence cultu­relle des popu­la­tions les plus frustes ; après tout on a bien fait des tra­duc­tions de la Bible en fran­çais basique, tra­duc­tions si plates… Peut-être dans cette mul­ti­pli­ci­té d’expériences dont la plu­part n’auraient été que tran­si­toires (les messes pour les enfants ne peuvent durer quand l’enfant gran­dit ; c’est mépri­ser les gens de pen­ser qu’ils ne sont pas capables d’intelligence). On aurait pro­ba­ble­ment sus­ci­té un grand nombre d’échecs mais peut-être quelques réussites.

    On a vou­lu au contraire tout chan­ger en une seule fois, trau­ma­ti­sant ce qu’il res­tait de Chré­tien­té. Il fal­lait mettre à mort l’ancien rite de la messe sous peine de voir se consti­tuer deux Eglises comme dans l’anglicanisme où la « Haute Eglise » (ou « Eglise catho­lique d’Angleterre ») n’a plus grand-chose à voir avec le culte de la « Basse Eglise » où les formes sont emprun­tées aux pro­tes­tan­tismes. C’est inévi­table, la diver­si­té des cultes sus­cite des men­ta­li­tés dif­fé­rentes (et vice versa).

    Or le « coup d’Etat », je veux dire l’opération auto­ri­taire, hié­rar­chique et clé­ri­cale, un demi-siècle après, a échoué.

    D’une part parce que l’ancien rite s’est main­te­nu et mal­gré la sourde per­sé­cu­tion de la hié­rar­chie clé­ri­cale, il s’est fort bien main­te­nu (20 % des voca­tions, pro­viennent des dif­fé­rentes com­mu­nau­tés « tradis »).

    D’autre part parce que la plus grande par­tie des fidèles (envi­ron 9 sur 10) ont comme on dit « voté avec leurs pieds », c’est-à-dire qu’ils ne se sont pas ral­liés aux rites que leur pro­po­saient les paroisses. Déser­tant les églises, mal ins­truits de la doc­trine par une caté­chèses indi­gente ils ne trans­mettent plus la Foi si bien que leurs petits enfants ne sont même plus baptisés.

    Certes, il reste encore un petit trou­peau com­po­sé de per­sonnes qui par­viennent à trou­ver la messe à tra­vers cette nou­velle messe ; ou de per­sonnes qui n’ont pas trou­vé étant don­né la fai­blesse (et la dis­tance) de « l’offre » des cultes tra­dis et cha­ris­ma­tiques d’autres formes pour célé­brer. Dans la plu­part des dio­cèses, c’est la limi­ta­tion arti­fi­cielle des paroisses « tra­dis » qui empêchent les 17 % de fidèles qui le sou­haitent de fré­quen­ter les lieux de culte où est pra­ti­quée la messe « extraordinaire ».

    Enfin il reste sur­tout dans la vieille géné­ra­tion des gens qui ont cru à la « nou­velle pen­te­côte » qui devait suc­cé­der au Concile Vati­can II. Mal­gré les dés­illu­sions, cer­tains ont le plus grand mal à se déju­ger, et par­fois héroï­que­ment, c’est sou­vent eux qui font vivre les struc­tures de ce qu’il reste aux paroisses.

    Le grand Pape Benoit XVI a vou­lu, en affir­mant qu’il n’y a qu’un seul rite sous la forme ordi­naire ou extra­or­di­naire, réta­blir la paix litur­gique. Le Pape Fran­çois cet ancien péro­niste auto­ri­taire (dit-on) casse l’œuvre de son pré­dé­ces­seur encore vivant. Com­ment l’Eglise pour­rait-elle pré­tendre à l’œcuménisme ou au dia­logue des reli­gions si elle ne tolère même pas les moda­li­tés d’une messe qui a tra­ver­sé une grande par­tie de son histoire ?

    UNE « NOUVELLE » MESSE ?

    Com­ment ai-je res­sen­ti la sub­sti­tu­tion du nou­vel Ordo Mis­sae de Paul VI à la messe de Pie V ?  Tout d’a­bord je veux affir­mer que tout peut être sacra­li­sé et que le pro­fane n’est qu’un point de vue illu­soire sur les choses qui sont réel­le­ment sacrées. D’ailleurs le mot même de pro­fane relève du voca­bu­laire sacré, puisque pro­fa­num veut dire « devant le temple ».

    Cela dit, dans la mesure où nous vivons dans un état de conscience déchu, nous avons besoin de média­tions. Puisque nous ne vivons pas la tota­li­té de notre exis­tence avec une pleine conscience de la réa­li­té sacrée, nous avons besoin de mettre à part cer­tains espaces, (« déchausse-toi car ceci est une terre sacrée »), cer­tains temps, (le dimanche, les fêtes, le Carême), cer­taines per­sonnes (« consa­crées »), pour qu’à par­tir des liens qu’elle tisse avec ces par­celles sacra­li­sées, notre vie bana­li­sée puisse retrou­ver un sens.

    Aus­si n’est-ce pas sans rai­son que dans la plu­part des socié­tés, la langue sacrée ne coïn­cide pas avec le lan­gage ordi­naire. L’a­ra­méen du temps du Christ n’é­tait pas l’hé­breu de la Bible, les Russes célèbrent la litur­gie en vieux sla­von, et le sans­crit des grands textes hin­dous n’est cer­tai­ne­ment pas la langue ver­na­cu­laire. Le latin, ancienne langue véhi­cu­laire était deve­nue la langue litur­gique, qua­si-sacrée (la « révé­la­tion » de INRI « Jésus de Naza­reth Roi des Juifs » n’a­vait-elle pas été ins­crite en latin en même temps qu’en Grec et en Hébreu sur l’ins­crip­tion que Pilate avait fait appo­ser sur la Croix ?) Est-ce pour cela, parce que les mots latins expri­maient dans nos consciences un autre niveau de réa­li­té, qu’on a cher­ché à les sup­pri­mer de la liturgie ?

    Pour­tant rien n’est plus insup­por­table dans les dis­cus­sions concer­nant les rites de la messe que cet oubli de l’es­sen­tiel. Jean Ous­set disait : « Est-ce que le Christ vient à la consé­cra­tion ? Si c’est le cas, pour­quoi ne vien­drais-je pas ? » Je sup­pose que la crèche où Jésus est né devait sen­tir le purin…

    La messe n’est pas d’abord, une péda­go­gie pour la « conscien­ti­sa­tion » des fidèles.

    Qu’est-ce qui est néces­saire à la messe ?

    • Que soit res­pec­té un mini­mum de formes rituelles afin que le sacre­ment trans­mis par les pou­voirs don­nés aux apôtres soit effec­tué et actua­lise pour nous le seul sacri­fice du cal­vaire, sans bri­co­lage litur­gique qui rende l’ac­tion douteuse.

    Sous cet angle-là, il n’est pas dou­teux que la nou­velle messe – celle qui a été amen­dée par l’intervention pro­vi­den­tielle des car­di­naux Siri et Otta­via­ni –, au moins quand on en res­pecte les formes, soit la messe.

    • Acces­soi­re­ment, il faut sou­hai­ter que le rite soit « priant » ; et là, les cri­tères sont bien relatifs.

    Pour en reve­nir à la messe de Paul VI, ce qui me paraît scan­da­leux, ce n’est pas la créa­tion d’un nou­veau rite. Les mots « créa­tion »

  • Carte blanche à Marc Rousset : Mourir pour Kiev et l’Amérique ? Vers la guerre totale et nucléaire

    MARC ROUSSET.jpgLe 14 janvier 2023 est une date qui représente un tournant dans la guerre en Ukraine, les forces Wagner s’étant emparée de la ville de Soledar, ce qui pourrait entraîner une vaste offensive vers l’Ouest. Depuis lors, les Russes ont enregistré victoire sur victoire tout au long de la ligne de front. La Russie s’attaque maintenant d’une façon concomitante à douze points sensibles dont Vougledar, ville de 15 000 habitants à proximité de Donetz ; Moscou cherche à disperser les forces ukrainiennes afin de créer les conditions d’une offensive décisive. Face à l’échec de plus en plus visible de l’OTAN, les Européens atlantistes se déchaînent et n’ont trouvé rien de mieux que de fournir des chars lourds et des avions américains F16 à l’Ukraine, la course aux armements prenant un rythme effréné !

    Sur le terrain, la situation de l’armée ukrainienne est catastrophique. L’Ukraine a commencé la guerre en février 2022 avec une « ligne Maginot » locale, soit quatre lignes défensives construites depuis le coup d’État de Maïdan en 2014, dans le cadre de la guerre civile du Donbass avec ses 14 000 morts, et pour préparer la guerre programmée par l’Amérique avec la Russie. La première ligne Lysychansk, Zolote, Popasna a déjà été prise au cours de l’été 2022 par les Russes. Les combats actuels ont lieu sur la deuxième ligne défensive Marinka, Piski, Avdiivka, et sur la Troisième ligne Siversk, Bakhmut, Toretsk, New-York au nord de la deuxième ligne.

    Bakhmut représente une position stratégique clé que l’artillerie russe a transformée en « hachoir à viande de Verdun », car les Ukrainiens sont obligés de sacrifier un nombre exorbitant d’hommes pour tenir le plus longtemps possible. La Russie contrôle désormais les hauteurs au nord et au sud de Bakhmut. L’artillerie russe bénéficie d’un avantage de puissance de feu d’environ 9 contre 1. Si les lignes 2 et 3, déjà très fortement éprouvées et saignées, tombent, ce sera le tour ensuite de la quatrième et dernière ligne défensive Kramatorsk, Slavyansk.

    Les Russes ont déjà en fait détruit deux armées ukrainiennes ; ils sont en train de détruire la troisième armée otano-kievienne à Bakhmut et ils s’apprêtent à faire face à une quatrième armée otano-kievienne équipée cette fois-ci de blindés modernes et de chasseurs américains F16. Dans les premiers mois qui ont suivi le début du conflit en février 2022, les Russes ont détruit l’essentiel des armes lourdes de l’Ukraine et tué un très grand nombre de militaires professionnels. Puis ils ont fait face à une deuxième armée avec plus de mobilisés et moins de professionnels, équipée de matériel lourd soviétique provenant des stocks des anciens membres du Pacte de Varsovie (Pologne, Bulgarie, République tchèque) ; fin juin 2022, cette armée a été aussi pulvérisée. L’OTAN a alors commencé à constituer une troisième armée otano-kievienne, cette fois-ci avec du matériel occidental tel que le Caesar français et les obusiers américains M777. C’est cette troisième armée que la Russie est en train de finir de détruire à Bakhmut.

    D’où la rencontre à Ramstein en Allemagne tout récemment pour constituer la quatrième armée otano-kievienne avec mobilisation forcée en Ukraine, 200 tubes d’artillerie, des chars modernes ainsi que des avions F16 américains. Le Danemark et l’Estonie viennent de faire don à l’Ukraine de la totalité de leur stock d’obusiers, ce qui dénote le dénuement le plus total de la pauvre Ukraine défaite militairement pour la troisième fois. Les patriotes français qui ne veulent pas du protectorat de l’Amérique sur l’Europe doivent espérer que cette quatrième armée sera la dernière avec la victoire complète de la Russie car la cinquième, ce ne sera plus une nouvelle armée otano-kievienne avec des mercenaires et des soldats occidentaux, souvent polonais, qui se font passer pour des Ukrainiens, mais tout simplement la guerre nucléaire Russie/ États-Unis-Otan !

    L’Armée russe va donc avancer dans l’immédiat vers l’ouest, mais se mettra probablement en position défensive lors de l’attaque des blindés livrés à Kiev par l’Occident d’ici 3 mois, afin de mieux les détruire avec son artillerie hyper-puissante. Ces blindés très lourds (74 tonnes) seront difficilement acheminés en Ukraine par rail et auront toutes les difficultés du monde pour passer les rivières car les ponts en Ukraine sont encore moins solides qu’en Pologne ! Nous allons vivre certainement sur le plan stratégique une deuxième bataille de Koursk (1943) qui a été la plus grande bataille de chars dans l’histoire mondiale, et qui a s’est traduite par la plus grande défaite allemande après Stalingrad. Après la bataille de Koursk, plus rien ne pouvait arrêter les Russes jusqu’à l’Atlantique et c’est la seule raison pour laquelle les Américains ont débarqué en juin 1944.

    L’OTAN aura toutes les difficultés du monde pour fournir les munitions et assurer la maintenance de ces chars, s’ils arrivent à destination par voie ferrée. L’OTAN n’a pas de stocks suffisants de munitions, d’armement et les capacités de production sont très limitées. La guerre en Ukraine sera donc tout simplement prolongée de trois mois, le temps de détruire ces derniers chars occidentaux. De plus les F16 ne sont même pas le type d’avions dont ont besoin les Ukrainiens ; ce dont ils ont besoin, ce sont des avions d’attaque au sol. Les F16 n’ont aucune chance et seront détruits par les avions et surtout les batteries anti aériennes russes ! Ce sera ensuite la continuation de l’effondrement de l’armée ukrainienne ! On peut estimer les pertes ukrainiennes actuelles au minimum à 150 000 morts, 200 000 blessés et les pertes russes au minimum à 30 000 morts et 50 000 blessés.

    L’Allemagne a donné son accord aux pays européens tels que la Pologne et la Finlande qui souhaitent envoyer des chars Leopard. Elle même enverra 14 blindés Leopard, l’un des plus récents modèles. La Pologne est prête aussi à livrer aussi 14 chars. Les Européens devraient réussir à faire parvenir, nonobstant la livraison de chars Leclerc par la France, d’ici 6 mois, en incluant les 14 challenger britanniques et les 31 chars Abrams américains livrables fin 2023, environ 150 chars modernes, avec des tankistes opérationnels, une logistique et une maintenance suffisante. Ces chars représentent environ 75 % ceux que possèdent respectivement la France ou l’Angleterre ! Les chars Leopard allemands rappellent aux Russes les combats de chars avec la Wehrmacht de la deuxième guerre mondiale, ce qui a pour effet de développer leur sentiment patriotique et de faire corps avec Poutine en se plaçant derrière lui !

    Selon l’ambassadeur de France en Ukraine, 321 chars lourds ont même été promis à l’Ukraine car la Pologne par exemple va fournir 60 vieux chars PT-91 de fabrication polonaise en plus des 14 Léopard. Zelensky estime avoir besoin d’entre 300 et 500 chars. Poutine est d’ores et déjà en droit de considérer les Européens et les États-Unis comme des nations cobelligérantes ! On est donc en présence d’un engrenage, d’une véritable escalade guerrière irresponsable. Les généraux réalistes et bien informés que l’on ne voit pas sur BFM/TV savent que la guerre est déjà perdue d’une façon irréversible pour l’Ukraine, d’où la fuite en avant désespérée et irréfléchie des Occidentaux conduisant par paliers successifs à un affrontement direct OTAN et États-Unis/Russie qui lui ne peut être que nucléaire avec l’emploi des dernières armes russes imparables, terrifiantes et invincibles dont ne disposent pas les États-Unis!

    Comme le dit très bien sur twitter le député européen Thierry Mariani :
    « Il fallait des moyens financiers, on les a donnés
    Il fallait des armes antichars et des canons, on les a livrés
    Il fallait des blindés, on va les livrer
    Désormais il faut des missiles longue portée et des avions, on va aussi les livrer
    Puis, il faudra nos soldats… et on les enverra ? »

    Le député AfD allemand Petr Bystron a tapé du poing sur la table, le 19 janvier 2023, lors d’un discours enflammé et argumenté devant le Bundestag, en soulignant le rôle de valet de l’Allemagne aux ordres de l’Amérique, que cette folie allemande conduit à la guerre avec la Russie et que la deuxième guerre mondiale s’est terminée avec dizaines de millions de morts et les chars russes à Berlin ! Il estime que « la Russie dispose de 10 000 chars, peut mobiliser 2 millions d’hommes et que cette guerre folle ne peut donc pas être gagnée par les Occidentaux » ! Il a enfin reproché au chancelier Scholz « d’avoir jeté par-dessus bord les fondements de la politique étrangère allemande de l’après-guerre ». Il serait souhaitable pour l’Europe que l’AfD, parti de Droite nationale, prenne un jour le pouvoir en Allemagne. 43 % des Allemands, en nombre croissant, sont hostiles aux livraisons de chars à l’Ukraine.

    Les Atlantistes font l’impasse sur la défaite possible d’une puissance nucléaire dans une guerre conventionnelle, susceptible de provoquer une guerre nucléaire. On voit mal également comment tout ce matériel lourd, complexe et sophistiqué pourrait être pleinement opérationnel en 2023, sans une participation physique directe de militaires de l’OTAN.

    Poutine a raison d’affirmer que l’envoi de ces chars représente une nouvelle « provocation flagrante » pour la Russie, mais il se trouve que ses Armées disposent, d’au minimum 3 000 chars, surtout des T-72 et aussi des T-90 en service depuis 1992 qui sont nettement supérieurs au char Léopard car assez banal, conçu dans les années 1970, ayant montré ses limites en Syrie lors de l’utilisation par les Turcs ! De plus la Russie dispose de ressources illimitées en matériel hérité de l’ère soviétique (cf les 10 000 chars de Pietr Bystron).

    Le porte-parole de de la présidence russe Dmitri Peskov estime « que ces tanks occidentaux vont brûler comme tous les autres »  et il ajoute : « Les livraisons de chars de bataille ne changeront rien en ce qui concerne la progression de la partie russe vers l’accomplissement de ses objectifs ». De plus l’Ukraine va se trouver avec un trop grand nombre de types de types de chars différents, et faudra-t-il encore que les Ukrainiens sachent bien s’en servir avec des munitions suffisantes et différentes, une logistique satisfaisante et une maintenance efficace !

    La Vérité bonne à dire vient même parfois de la Corée du nord ! Selon Kim Yo Jong, la sœur du dictateur coréen, numéro deux du régime, « derrière cela se cache la sinistre intention des États-Unis de réaliser leur objectif hégémonique en étendant encore la guerre par procuration pour détruire la Russie. Le monde serait plus sûr, plus brillant et plus calme aujourd’hui, s’il n’y avait pas les États-Unis ». « Là où il y a l’Amérique, il y a la guerre » vient également de déclarer l’ambassadeur de Chine en France.

    Personne ne voulait la guerre en 14/18 et pourtant elle a eu lieu ! L’évidence saute aux yeux ! La Russie est en guerre avec l’OTAN, pas avec l’Ukraine car sinon la guerre serait déjà finie depuis l’été 2022 ! Le problème, c’est que les escalades peuvent mal finir et se transformer, de nos jours, en guerre nucléaire, ce que ne souhaitent pas les peuples européens !

    L’appétit naissant en mangeant, Zelensky le corrompu, cité nommément dans les Pandora papers, avec son administration tout aussi corrompue qui n’a pas un sou ni d’aéroports opérationnels, demande maintenant, après les chars sophistiqués, des avions F16 et des missiles à longue portée! Ben voyons ! Pourquoi pas la lune et la victoire en déclenchant, pour les beaux yeux de l’Amérique et d’une Ukraine corrompue, une guerre nucléaire avec la Russie, afin de la rayer de la carte du monde ? Monsieur Zelensky n’aurait pas dû écouter les paroles anglo-saxonnes fielleuses de Boris Johnson et de l’Amérique, lorsqu’il voulait négocier en mars 2022 avec la Russie ! Trump a critiqué et résumé ainsi d’une façon sibylline la livraison de chars à l’Ukraine : « D’abord les chars, puis les armes nucléaires ». Il serait temps que les médias occidentaux et les Gamelin inconscients de BFM TV commencent aussi à changer leur petite musique !

    Mais le plus incroyable avec ces hypocrites d’Américains mercantilistes, c’est que l’envoi d’avions est pratiquement déjà décidé, ce qui est un pas inadmissible vers la guerre et doit amener les Français dans la rue pour dire : Non à l’Amérique non à l’OTAN et à l’UE va-t-en guerre, et arrêtez la fourniture d’armes à l’Ukraine ! À quand une manifestation de Reconquête conduite par Éric Zemmour pour s’opposer à la livraison d’armes à l’Ukraine, afin, comme le souhaite Trump, de mettre fin à l’escalade et d’arrêter la course vers le conflit nucléaire ? Le constructeur américain Lockheed Martin propose déjà d’augmenter la production d’avions F16 pour les pays de l’OTAN qui enverront des avions de chasse à l’Ukraine : « Nous allons augmenter la production de F16 à Greenville en Caroline du Sud pour fournir les pays qui choisiront de faire des transferts pour aider l’Ukraine », a annoncé au Financial Times Frank St John, directeur d’exploitation de Lockheed Martin. Tout est bon pour l’Amérique : vendre du gaz de schiste, des armes et des avions aux Européens imbéciles qui s’entretuent avec les Russes, au lieu de constituer ensemble la première puissance mondiale de l’Atlantique au Pacifique !

    Quant à Rheinmetall, le fabricant des chars Leopard, son action s’envole en bourse ! La firme allemande rêve maintenant de fabriquer pour l’Ukraine et les pays européens, en investissant et en augmentant ses capacités de production, des munitions, des nouveaux chars et même des lance-roquettes Himars américains, sous licence de Lockheed Martin, ce qui lui permettra de verser de plus gros dividendes aux actionnaires ! Faire mourir les peuples, afin que les conglomérats industriels américains de la guerre et les marchands de canon européens puissent faire de super-bénéfices !

    Selon des rumeurs, 70 appareils Mig-29s et SU-25s ont été déjà fournis par la Pologne, la Slovaquie et la Bulgarie. Et le bouquet, c’est que tout comme l’Amérique a préparé cette guerre dès 2014 , après le coup d’État de Maïdan par la CIA , pour préparer la guerre par procuration avec la Russie, Uyri Ignat, porte-parole des forces armées aériennes ukrainiennes a déjà fait des révélations au site « Army Inform : « Nos pilotes militaires sont déjà allés aux États-Unis et des fonds ont été alloués à leur formation. Le sujet de l’aviation n’a jamais quitté l’ordre du jour. Le type d’avion susceptible de nous être fourni et les conditions de formation ont déjà été déterminées ». L’Amérique et l’OTAN préparent donc la guerre dans le dos des peuples européens !

    À Ramstein, le sujet a été abordé et les Pays-Bas ont déjà annoncé qu’ils étaient prêts à fournir des F16 à Kiev. Le rêve des Américains, c’est de vendre aussi des F-35 aux Européens au lieu des Rafale français, pour qu’ils donnent leurs F16 aux Ukrainiens, jusqu’au jour où Poutine va lancer en guise d’avertissement une arme nucléaire tactique sur l’île aux Serpents !

    Il semble qu’à Ramstein la fourniture des fusées à longue portée n’ait pas été encore envisagée sérieusement, mais Zelensky souhaite maintenant convaincre les États-Unis de lui fournir des missiles de longue portée pour détruire les dépôts de munitions russes ; il affirme même que « les négociations se déroulent à un rythme accéléré ». Poutine ne laissera jamais l‘Ukraine tirer des missiles à longue portée sur la Russie où il détruira pour chaque missile tiré par l’Ukraine, soit une ville ukrainienne, soit une ville du pays belligérant qui aura livré les missiles de longue portée à l’Ukraine ! Livrer des missiles à longue portée, c’est comme si les Russes avaient mis des missiles à Cuba en 1962 ! L’Ukraine ne fait pas partie de l’OTAN, mais tout se passe scandaleusement, par la seule volonté de l’AmÃ

  • Le Kosovo ou la réussite d’une manipulation, par Antoine de Lacoste

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    Le bombardement de la Serbie, décidé par les Américains en 1999 pour obliger ce pays à abandonner sa province du Kosovo, a donné lieu à une manipulation des faits d’une ampleur rare.

    Les principaux médias occidentaux, au garde à vous comme il se doit, ont relayé en cœur cette fable selon laquelle la Serbie n’avait plus de légitimité à conserver le Kosovo dans ses frontières. En effet, au fil du temps, d’une immigration incontrôlée et d’une démographie plus dynamique, les immigrés albanophones et musulmans sont devenus majoritaires au détriment des Serbes.

     

    1A.jpgLes Américains, docilement suivis par la France, l’Angleterre et l’Allemagne entre autres, ont alors décidé de transformer ce fait démographique en droit de sécession.

    L’histoire du Kosovo se confond pourtant avec celle de la Serbie.

                                                                  

    UN PAYS TÔT CHRISTIANISÉ

     

    Comme presque partout ailleurs, les Balkans firent l’objet de multiples invasions dans les premiers siècles de l’ère chrétienne. Illyriens, Romains, Avars, Slaves se succédèrent. Puis, la grande lutte entre Byzantins et Bulgares à partir du IXe siècle domina toute la région.

    Les chroniques byzantines mentionnent l’existence des Serbes dès le VIIe siècle. Convertis au christianisme, grâce notamment à Saints Cyrille et Méthode, ils vécurent à l’ombre de Constantinople qui les encouragea à peupler les Balkans après le départ des barbares Avars.

    Le premier prince serbe de renom, Jovan Vladimir, fut assassiné par les Bulgares en 1016. Il est aujourd’hui révéré comme saint par l’Eglise orthodoxe. Ses reliques font l’objet de nombreux pèlerinages dans la cathédrale orthodoxe de Tirana et la croix qu’il avait avec lui le jour de son assassinat est exposée une fois par an dans un village du Monténégro.

    L’affaiblissement progressif de l’Empire byzantin et le début de la conscience nationale serbe engendra de nombreuses tentatives de secouer le joug grec et de s’affirmer comme une nation indépendante.

    Stefan Nemanja fut le fondateur de la dynastie royale qui devait mener la Serbie à l’indépendance. Rome fut un soutien précieux et le pape Honorius III, en octroyant au fils de Stefan (qui s’appelait également Stefan) le titre de roi de Rascie, permit à la future Serbie de s’émanciper définitivement de Byzance. La Rascie englobait l’actuel Monténégro ainsi qu’une partie de la Croatie et de l’Herzégovine.

     

    UNE GLORIEUSE MONARCHIE

                   

    Plusieurs rois prénommés Stefan se succédèrent et agrandirent progressivement le royaume. Un tournant décisif se produisit en 1330 lorsque les Byzantins, alliés cette fois aux Bulgares, attaquèrent la Serbie qui s’était mêlée de la succession dynastique à Constantinople. Les Serbes gagnèrent la bataille de Velbajdqui marqua le début de la domination serbe sur les Balkans.

    Le règne de Stefan Douchan (1331-1355), qui se fit même couronner empereur, permit ensuite au royaume de conquérir l’Albanie et la Macédoine ainsi que le nord de la Grèce actuelle.

    Mais la faiblesse des souverains suivants entraîna l’affaiblissement du nouvel empire qui se fissura, certains chefs locaux profitant de cette conjoncture pour s’en détacher.

    L’invasion turque mit, hélas, tout le monde d’accord. Elle se fit progressivement et fut particulièrement sanglante. Les Turcs remportèrent en 1371 la bataille de la Maritsa (en Grèce) qui leur permit de conquérir la Macédoine et la Bulgarie. L’Empire serbe disparut alors définitivement. Puis un prince serbe, Lazar Hrebeljanovic, parvint à s’allier avec d’autres princes pour contrer l’immense armée ottomane.

     

    LUTTE CONTRE LE CROISSANT

     

    L’affrontement décisif eut lieu en 1389. Ce fut la célèbre bataille de Kosovo Polje, le champ des merles. Lazar était parvenu à rallier des Hongrois, des Albanais, des Bosniaques, des Croates. Après des heures de batailles indécises, les Turcs l’emportèrent malgré la mort du sultan Mourad Ier, tué dans sa tente par un Serbe. Lazar et les princes serbes furent faits prisonniers et décapités sur le champ de bataille. Il n’y eut alors plus d’aristocratie serbe.

    Les Ottomans avaient cependant subi d’énormes pertes et ils durent attendre 1459 et la prise de Smederevo, au cœur de la Serbie actuelle, pour assoir solidement leur pouvoir.

    Cette occupation dura jusqu’en 1804 et fut très dure. Les Turcs tentèrent constamment de convertir les Serbes à l’islam. Peu le firent, contrairement aux Albanais (après la mort du grand Skanderberg en 1468) et aux Bosniaques, et beaucoup émigrèrent en Autriche-Hongrie. Le Kosovo, foyer important de résistance aux Ottomans perdit ainsi une grande partie de sa population. Certains villages se convertirent à l’islam pour ne plus payer l’impôt des chrétiens, le kharadj.

    A partir de 1804, plusieurs révoltes serbes éclatèrent contre l’occupant. Ce fut une longue guerre de libération sous la houlette des princes de la famille des Karageorges et des Obrénovic. De nombreux Serbes de Hongrie se joignirent à ce vaste mouvement dont Belgrade fut le foyer.

     

    LIBÉRÉS DU JOUG OTTOMAN

     

    Tandis que d’incessants combats se poursuivaient, églises et monastères furent reconstruits dans la ferveur. Finalement, en 1815, l’insurrection menée par Milos Obrenovic aboutit à l’autonomie de la Serbie dont il fut élu Prince. Le grand reflux de l’Empire ottoman se poursuivit tout au long du XIXe siècle et, comme une confirmation, le Congrès de Berlin accorda l’indépendance à la Serbie en 1878. Quatre ans plus tard, Milan Obremovic devint roi de Serbie sous le nom de Milan Ier de Serbie.

    Mais le Kosovo resta encore sous domination turque. Il constituait en quelque sorte la frontière entre le sud de la nouvelle Serbie et le nord de l’Empire ottoman. C’est alors que des milliers d’Albanais, ne voulant pas vivre dans le nouveau royaume serbe, émigrèrent vers le Kosovo. Ce fut le début d’un processus fatal.

    Après la première guerre mondiale, le Kosovo put retrouver ses origines serbes et intégrer le royaume des Serbes, Croates et Slovènes, nouvellement créé et regroupant la Serbie et les anciennes régions de l’Empire austro-hongrois : Croatie, Slovénie, Bosnie-Herzégovine. Le Monténégro, plus au sud, fit également partie du regroupement.

    Le roi serbe, Alexandre Ier transforma l’entité existante en Royaume de Yougoslavie en 1928. L’invasion allemande de 1941 mettra fin au royaume qui fut démantelé. Le Kosovo fut alors inclus dans l’Albanie passée sous contrôle italien.

     

    PASSÉ ENTRE TOUTES LES MAINS

     

    La victoire du communiste Tito (Josip Broz de son vrai nom) contre les Allemands, lui permit de reconstituer une Yougoslavie récupérant tous les territoires de la monarchie, y compris le Kosovo qui bénéficia toutefois d’un statut d’autonomie. Tito le Croate, désireux d’affaiblir les Serbes, détacha même par la suite le Kosovo de la Serbie. Le Kosovo devint ainsi une province à part entière.

    La mort de Tito va modifier le sort du Kosovo. Son successeur, le Serbe Slobodan Milosevic supprima l’autonomie du Kosovo en 1989, ordonna la dissolution de son parlement et de son gouvernement et interdit la langue albanaise. Les Albanophones réagirent et proclamèrent l’indépendance du Kosovo dont le président quasi-clandestin fut Ibrahim Rugova.

    L’embrasement des Balkans et la pluralité de guerres qu’il engendra n’empêcha pas la reconnaissance internationale de l’appartenance du Kosovo à la nouvelle République fédérale de Yougoslavie créée par Milosevic en 1992. En 1995, les accords de Dayton furent signés à Paris par les présidents serbe (Milosevic), croate (Franjo Tudman) et bosniaque (Aliza Izetbegovic). L’Américain Richard Holbrooke parraina ce traité qui mettait fin à la guerre en Bosnie-Herzégovine. Bien que signés à Paris, ces accords s’appellent Dayton, nom de la base américaine où ils furent négociés entre les différentes parties.

    La première partie du plan américain était ainsi accompli en démantelant la Yougoslavie par les indépendances successives de la Slovénie, de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine. La question du Kosovo ne fut pas abordée. Cela viendrait plus tard, tout comme l’indépendance du Monténégro en 2006.

    L’objectif était clair : affaiblir la Serbie, trop proche de la Russie, et rapprocher les nouveaux pays de l’Union européenne et de l’OTAN, les deux fonctionnant de pair comme chacun sait.

     

    LE FAUX MASSACRE DE RACAK

     

    La seconde partie du plan concerna cette fois le Kosovo.

    L’Armée de libération du Kosovo, la sinistre UCK, entra en scène. Rejetant l’ancien président clandestin Rugova, jugé trop modéré, elle lança l’insurrection contre la Serbie. Attentats, assassinats de policiers et soldats serbes, combats sporadiques, tout y passa. Les armes et les financements ne manquèrent pas grâce aux services secrets occidentaux. Les exactions contre les civils serbes se multiplièrent. On peut lire à ce sujet l’excellent livre du colonel Hogard, L’Europe est morte à Pristina.

    Mais cette insurrection n’ayant guère de chances de vaincre l’armée serbe, les occidentaux décidèrent de passer à la vitesse supérieure. Ils organisèrent ce qu’ils savent très bien faire : un faux massacre.

    Il eut lieu le 15 janvier 1999 à Racak. Une quarantaine de cadavres furent découverts dans ce village et aussitôt la presse occidentale dénonça un massacre de villageois commis par l’armée serbe. Les Serbes protestèrent, affirmant qu’il s’agissait de combattants de l’UCK tués au cours d’un affrontement contre l’armée. A part quelques voix indépendantes, personne ne releva qu’il n’y avait ni femmes, ni enfants, ni vieillards parmi les victimes, mais seulement des hommes jeunes. En outre, les blessures constatées faisaient davantage penser à des combats qu’à un massacre délibéré.

     

    DÉSINFORMATION CONCERTÉE

     

    Une équipe médicale de l’Union européenne, dirigée par la Finlandaise Helena Ranta, se rendit sur place et confirma le massacre. Beaucoup plus tard, elle révèlera qu’elle avait été soumise à de fortes pressions par les Américains, en particulier le diplomate William Walker : « Walker voulait que je déclare que les Serbes étaient derrière afin que la guerre puisse commencer Â» dira-t-elle en 2008 dans un livre finlandais qui lui était consacré. Trop tard.

    Une grande opération de désinformation se déversa alors. Les journaux et la classe politique occidentale rivalisèrent d’imagination pour accabler les Serbes et faire passer les terroristes de l’UCK pour de valeureux libérateurs.

    On parla de « génocide », de meurtres « de 100 000 à 500 000 personnes », de matches de football « avec des têtes coupées », de fœtus arrachés puis grillés, d’incinération de cadavres dans des fourneaux « du genre de ceux utilisés à Auschwitz », rien n’y manqua. La palme revint aux Allemands, révélant la préparation d’une vaste opération d’épuration ethnique appelée « Potkova », c’est-à-dire « fer à cheval » en Serbe. C’est le ministre des Affaires étrangères allemand, le vert Joschka Fisher qui annonça gravement la nouvelle.

    Tout était faux. Des enquêtes ultérieures le démontrèrent, comme celle de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel (10 janvier 2000) ou celle du Wall Street Journal (31 décembre 1999). Certaines voix avaient d’ailleurs alerté dès le début que fer à cheval ne se disait pas « Potkova » mais « Potkovica ». Le document était un faux grossier mais peu importe, il fallait mettre les Serbes à genoux.

    Le Monde Diplomatique, dans son numéro d’avril 2019, a fait une excellente synthèse de cette affaire sous ce titre plaisant : Â« Le plus gros bobard de la fin du XXe siècle Â».

     

    LES BOMBES DU MENSONGE

     

    Sans mandat de l’ONU, l’OTAN déclencha alors une de ses nombreuses guerres illégales. Une armada aérienne procéda à des bombardements massifs sur la Serbie. Ils durèrent 78 jours et tuèrent des milliers de civils. Des pilotes français participèrent hélas à ces crimes.

    Au bout de 78 jours, les Serbes demandèrent grâce. Une « autorité internationale civile Â» fut décidée par l’ONU pour administrer le Kosovo désormais « libéré Â» de la Serbie. L’opération américaine avait parfaitement réussi et Poutine n’était pas encore au pouvoir en Russie, alors empêtrée dans les dernières années catastrophiques de Boris Eltsine.

    Le très belliciste Bernard Kouchner fut nommé haut-représentant de l’ONU. Cet adepte du « droit d’ingérence humanitaire Â», notion floue qui peut tout justifier, exerça son mandat pendant dix-huit mois avec un rare sectarisme anti-serbe.

    C’est alors que les rumeurs concernant des assassinats de prisonniers serbes suivis de trafics d’organes organisés par l’UCK commencèrent à prendre corps. Interrogé par un journaliste serbe sur cette question, Kouchner éclata d’un rire mauvais, l’image est encore visible sur internet.

    Le Kosovo va vivre ainsi sous le contrôle de l’ONU jusqu’en 2007. Cette année-là, les extrémistes de l’UCK, partisans de l’indépendance, remportèrent les élections législatives. Le décès lâ€

  • Pierre-Joseph Proudhon, le père de l’anarchisme, par Karl Pey­rade *.

    Il est sou­vent pro­fes­sé, qu’avant le XXe siècle, la France n’a four­ni au monde que très peu de méta­phy­si­ciens à l’exception de Des­cartes et de Pas­cal. Bien qu’un peu gros­sière en ce qu’elle fait fi de l’humanisme fran­çais et des phy­sio­crates, cette asser­tion conserve une part de véri­té. 

    La pen­sée fran­çaise s’est indé­nia­ble­ment moins pas­sion­née pour la méta­phy­sique que sa voi­sine alle­mande. En revanche, la théo­rie poli­tique a fait l’objet d’une atten­tion gal­li­cane toute par­ti­cu­lière qu’on pense à La Boé­tie, Bodin, Rous­seau, Mon­tes­quieu ou encore Toc­que­ville. Rien d’étonnant à ce qu’à la suite de ces auteurs majeurs de la phi­lo­so­phie poli­tique, on trouve Pierre-Joseph Prou­dhon, le père de l’anarchisme. Cette théo­rie poli­tique a irri­gué le XIXe siècle autant d’un point de vue concep­tuel que sur le plan de la pra­tique poli­tique comme en témoignent les nom­breux cercles anar­chistes ayant eu recours la vio­lence directe. Elle est res­tée vivace au siècle sui­vant et conti­nue d’influencer cer­tains pen­seurs actuels comme David Grae­ber et cer­tains groupes poli­tiques anti­fas­cistes et alter­mon­dia­listes. Il faut d’ailleurs sou­li­gner le reten­tis­se­ment occi­den­tal et eur­asia­tique qu’a eu cette théo­rie fran­çaise puisqu’elle a don­né nais­sance à l’anarchisme russe, amé­ri­cain, ita­lien et espa­gnol. C’est dire la place qu’occupe Prou­dhon dans l’histoire des idées politiques.

    Quelques élé­ments biographiques

    Fils d’un ton­ne­lier et d’une cui­si­nière, Pierre-Joseph Prou­dhon naît en jan­vier 1809 à Besan­çon au sein d’une famille modeste. Bour­sier, il obtient de nom­breux prix d’excellence mais est contraint de quit­ter l’école à dix-sept ans pour aider ses parents dans le besoin. Il devient alors ouvrier typo­graphe dans une impri­me­rie qui finit par faire faillite. Chô­meur, il sera embau­ché quelques années plus tard par des amis, les frères Gau­thier, récents fon­da­teurs d’une impri­me­rie. Ces der­niers le poussent à reprendre des études. C’est ain­si que Prou­dhon, après avoir obte­nu une bourse de l’Académie de Besan­çon, se lance dans un mémoire inti­tu­lé Recherches sur les caté­go­ries gram­ma­ti­cales pour lequel il reçoit une men­tion hono­rable. Il obtient son bac à vingt-neuf ans et se met à suivre des cours au Col­lège de France et à l’école des Arts et Métiers. L’Académie lui accorde une nou­velle bourse qui sera sup­pri­mée en rai­son de la polé­mique consé­cu­tive à la paru­tion de son ouvrage Qu’est-ce que la pro­prié­té ? en 1841. Une nou­velle fois grâce aux frères Gau­thier, Pierre-Joseph Prou­dhon devient le fon­dé de pou­voir de leur socié­té de transport.

    En 1847, le père de l’anarchisme fonde le jour­nal Le repré­sen­tant du peuple et devient dépu­té une année plus tard. Très viru­lent dans ses articles envers Napo­léon III, il finit même par être incar­cé­ré pen­dant trois ans dans la pri­son de Sainte-Péla­gie. Pro­fi­tant des quelques heures de sor­tie auto­ri­sées par semaine, Prou­dhon se marie et devient père de famille. Il résu­me­ra la pra­tique poli­tique de la sorte : Â« Faire de la poli­tique, c’est laver ses mains dans la crotte Â». L’anarchiste fran­çais met un terme à la poli­tique poli­ti­cienne pour se consa­crer uni­que­ment à la théo­rie. De ces études sor­ti­ront de nom­breux ouvrages qui mar­que­ront les futures géné­ra­tions d’ouvriers. Avant sa mort à Paris en 1865, il ten­te­ra sans suc­cès d’influencer la Pre­mière Inter­na­tio­nale contre Marx. Connu pour son ton pam­phlé­taire à l’égard des capi­ta­listes, des poli­tiques, des chré­tiens, des femmes, des juifs et des afri­cains, Pierre-Joseph Prou­dhon aura été au cours de sa vie rela­ti­ve­ment iso­lé en rai­son de son côté franc-tireur. Même au sein de sa loge maçon­nique, il gar­de­ra ses dis­tances mal­gré une adhé­sion totale à la méta­phy­sique du Grand Archi­tecte. Contrai­re­ment à de nom­breux anar­chistes, Prou­dhon n’était pas athée.

    La théo­rie de la pro­prié­té de Proudhon

    « La pro­prié­té, c’est le vol. Â» Il n’est pas rare d’entendre cette phrase débi­tée avec la fier­té quelque peu feinte d’avoir résu­mé et com­pris la doc­trine prou­dho­nienne alors qu’en géné­ral le contre-sens est de mise. Cet apho­risme, un peu cari­ca­tu­ral, fait vite oublier les nuances de Prou­dhon au sujet de la pro­prié­té. En effet, il condamne dans la pro­prié­té ce que le capi­ta­liste vole au pro­lé­taire mais ne rejette pas le prin­cipe même de pro­prié­té puisqu’il fait l’éloge de la pro­prié­té col­lec­tive à tra­vers des coopé­ra­tives et des asso­cia­tions ouvrières.

    Pierre-Joseph Prou­dhon pose même une ques­tion émi­nem­ment inté­res­sante dans sous ouvrage trai­tant de la ques­tion Qu’est-ce que la pro­prié­té ? [1] paru en 1840. Loin de toute atti­tude posi­ti­viste, il se demande quel est le fon­de­ment du droit de pro­prié­té. Le théo­ri­cien anar­chiste rejette un peu vite le droit natu­rel comme assise de la pro­prié­té au motif qu’il n’existe pas dans la nature et chez les peu­plades pri­mi­tives [2]. Le tra­vail comme fon­de­ment de la pro­prié­té ne trouve pas non plus grâce à ses yeux car le tra­vail ne per­met pas néces­sai­re­ment la pro­prié­té mais uni­que­ment d’acquérir ses fruits. La contre­par­tie du tra­vail consti­tue le salaire indi­vi­duel sans que la force col­lec­tive géné­rée par l’addition des tra­vailleurs ne soit jamais rému­né­rée. Or, c’est bien cette force mul­ti­pliée qui per­met d’achever l’œuvre com­man­dée par le capi­ta­liste. Pour résu­mer, la force col­lec­tive est supé­rieure à la somme des forces indi­vi­duelles et pour­tant elle n’est pas rémunérée.

    L’inégalité des capa­ci­tés per­met de satis­faire les besoins dif­fé­rents de la socié­té. Il n’est donc pas juste d’octroyer plus à ceux qui ont le plus de pré­dis­po­si­tions géné­tiques car ces der­nières émanent de la socié­té à laquelle ils sont donc rede­vables. L’homme en tant qu’animal social a besoin des autres pour vivre. Cette inter­dé­pen­dance jus­ti­fie l’égalité maté­rielle des hommes entre eux de sorte qu’il n’existe aucune rai­son que le bour­geois s’enrichisse sur le dos de la masse. Le salaire suf­fit seule­ment à faire vivre le sala­rié mais on oublie vite qu’il enri­chit le capi­ta­liste qui ne le rétri­bue pas en tant que par­ti­ci­pant au tra­vail collectif.

    Pierre-Joseph Prou­dhon rejette donc la pro­prié­té indi­vi­duelle pour lui pré­fé­rer la pos­ses­sion pour tout le monde. L’objet de la pos­ses­sion peut bien enten­du évo­luer à la hausse ou à la baisse en fonc­tion de la démo­gra­phie. Le droit d’occupation ne peut donc être que tem­po­raire. Mais contrai­re­ment à Marx [3], l’anarchiste fran­çais ne plaide pas pour l’abolition de toute pro­prié­té puisqu’il pro­meut l’idée d’organisations col­lec­tives d’essence mutualiste.

    La doc­trine poli­tique de Prou­dhon : le fédéralisme

    Prou­dhon a conso­li­dé défi­ni­ti­ve­ment sa doc­trine poli­tique dans son livre Du prin­cipe fédé­ra­tif et de la néces­si­té de recons­ti­tuer le par­ti de la révo­lu­tion [4] paru en 1863. Il part du pos­tu­lat que deux élé­ments sont néces­saires à une orga­ni­sa­tion poli­tique : l’autorité qui est d’essence natu­relle et la liber­té qui est une pro­duc­tion de l’esprit néces­sai­re­ment supé­rieure à ladite auto­ri­té. Par­mi les régimes d’autorité, il dis­tingue ceux où l’autorité est exer­cée par un seul sur tous (monar­chie, tyran­nie) et ceux où l’autorité est exer­cée par tous sur tous (com­mu­nisme). Les régimes de liber­té se répar­tissent aus­si selon un dua­lisme : soit le gou­ver­ne­ment de tous est le fait de cha­cun (démo­cra­tie), soit le gou­ver­ne­ment de cha­cun est le fait de cha­cun (anar­chie). Aucun de ces sys­tèmes ne trouve grâce aux yeux de Pierre-Joseph Prou­dhon. C’est pour­quoi, il serait plus judi­cieux de le nom­mer le fédé­ra­liste plu­tôt que l’anarchiste car il n’a jamais énon­cé que l’ordre social résulte des échanges entre indi­vi­dus. Mais le terme anar­chie a fini par recou­vrir plus de situa­tions que la défi­ni­tion éma­nant de son étymologie.

    Au sujet de la démo­cra­tie qui prend de l’importance à son époque, Prou­dhon reprend l’argument aris­to­té­li­cien selon lequel la démo­cra­tie est sou­vent cap­tée par une mino­ri­té ce qui l’a fait bas­cu­ler dans l’oligarchie. Ce pro­pos ne semble pas s’être démen­ti avec l’expérience poli­tique du XXe siècle et le début du sui­vant. À pro­pos de la monar­chie, il regrette qu’elle finisse tou­jours en tyran­nie ou en abso­lu­tisme à mesure qu’elle s’étend. Cette consi­dé­ra­tion n’est mal­heu­reu­se­ment pas démon­trée par l’auteur. Pour lui, la monar­chie a fini par s’adapter au régime démo­cra­tique à cause du déve­lop­pe­ment de l’économie poli­tique. En effet, la démo­cra­tie semble plus com­pa­tible avec le capi­ta­lisme car l’individu pro­duit mieux s’il est libre et s’il se consacre exclu­si­ve­ment à son acti­vi­té. Prou­dhon résume le dilemme de la sorte :

    « Presque tou­jours les formes du gou­ver­ne­ment libre ont été trai­tées d’aristocratie par les masses, qui lui ont pré­fé­ré l’absolutisme monar­chique. De là, l’espèce de cercle vicieux dans lequel tournent et tour­ne­ront long­temps encore les hommes de pro­grès. Natu­rel­le­ment, c’est en vue de l’amélioration du sort des masses que les répu­bli­cains réclament des liber­tés et des garan­ties ; c’est donc sur le peuple qu’ils doivent cher­cher à s’appuyer. Or, c’est tou­jours le peuple qui, par méfiance ou indif­fé­rence des formes démo­cra­tiques, fait obs­tacle à la liber­té […] Que la démo­cra­tie mul­ti­plie tant qu’elle vou­dra, avec les fonc­tion­naires, les garan­ties légales et les moyens de contrôle, qu’elle entoure ses agents de for­ma­li­tés, appelle sans cesse les citoyens à l’élection, à la dis­cus­sion, au vote : bon gré mal gré ses fonc­tion­naires sont des hommes d’autorité, le mot est reçu ; et si par­mi ce per­son­nel de fonc­tion­naires publics il s’en trouve un ou quelques-uns char­gés de la direc­tion géné­rale des affaires, ce chef, indi­vi­duel ou col­lec­tif, du gou­ver­ne­ment, est ce que Rous­seau a lui-même appe­lé prince ; pour un rien ce sera un roi. On peut faire des obser­va­tions ana­logues sur le com­mu­nisme et sur l’anarchie. Il n’y eut jamais d’exemple d’une com­mu­nau­té par­faite et il est peu pro­bable, quelque haut degré de civi­li­sa­tion, de mora­li­té et de sagesse qu’atteigne le genre humain, que tout ves­tige de gou­ver­ne­ment et d’autorité y dis­pa­raisse. Mais, tan­dis que la com­mu­nau­té reste le rêve de la plu­part des socia­listes, l’anarchie est l’idéal de l’école éco­no­mique, qui tend hau­te­ment à sup­pri­mer tout éta­blis­se­ment gou­ver­ne­men­tal et à consti­tuer la socié­té sur les seules bases de la pro­prié­té et du tra­vail libre. Â» [5]

    Pour le théo­ri­cien besan­çon­nais, c’est la lutte des classes qui déter­mine le régime poli­tique. L’alliance de telle classe avec une autre va donc défi­nir la teneur du régime poli­tique. Ain­si la bour­geoi­sie a réus­si faire adve­nir en régime monar­chique ses idées libé­rales tout en gar­dant la cen­tra­li­sa­tion admi­nis­tra­tive per­met­tant le contrôle des masses et en ins­ti­tuant un suf­frage cen­si­taire pour s’en pré­ser­ver. Cette ana­lyse est d’une brû­lante actua­li­té au vu des nom­breux pro­pos mépri­sants des élites poli­ti­co-média­tiques au sujet du peuple [6]. En défi­ni­tive, Prou­dhon n’est pas tendre avec la démocratie :

    « Tou­jours le dra­peau de la liber­té a ser­vi à abri­ter le des­po­tisme ; tou­jours les classes pri­vi­lé­giées se sont entou­rées, dans l’intérêt même de leurs pri­vi­lèges, d’institutions libé­rales et éga­li­taires ; tou­jours les par­tis ont men­ti à leur pro­gramme, et tou­jours l’indifférence suc­cé­dant à la foi, la cor­rup­tion à l’esprit civique, les États ont péri par le déve­lop­pe­ment des notions sur les­quelles ils s’étaient fon­dés […] Ne vous fiez pas à la parole de ces agi­ta­teurs qui crient, Liber­té, Éga­li­té, Natio­na­li­té : ils ne savent rien ; ce sont des morts qui ont la pré­ten­tion de res­sus­ci­ter des morts. Le public un ins­tant les écoute, comme il fait les bouf­fons et les char­la­tans ; puis il passe, la rai­son vide et la conscience déso­lée. Â» [7]

    Mais que pro­pose-t-il après avoir conspué tous les régimes poli­tiques exis­tants ? Le théo­ri­cien besan­çon­nais pro­pose la voie du fédé­ra­lisme. Dans un esprit très contrac­tua­liste et très juri­dique, le citoyen est invi­té à adhé­rer à la fédé­ra­tion puisqu’il a autant à lui don­ner qu’à rece­voir de sa part. Cette adhé­sion est à dif­fé­ren­cier du contrat social de Rous­seau qui pré­sup­pose un état de nature idéal et anté­rieur à la socié­té. À mesure que les com­mu­nau­tés humaines se déve­loppent, les indi­vi­dus ne peuvent plus vivre en tant qu’individus purs et inno­cents sépa­rés les uns des autres ; ils doivent donc par un contrat social abs­trait, c’est-à-dire via une adhé­sion abs­traite, voire incons­ciente, se regrou­per pour faire socié­té. Il n’existe rien de tout cela chez l’anarchiste fran­çais peu sus­pect d’amour envers les théo­ries idéalistes.

    Pour lui, Â« Ce qui fait l’essence et le carac­tère du contrat fédé­ra­tif, et sur quoi j’appelle l’attention du lec­teur, c’est que dans ce sys­tème les contrac­tants, chefs de famille, com­munes, can­tons, pro­vinces ou États, non-seule­ment s’obligent synal­lag­ma­ti­que­ment et com­mu­ta­ti­ve­ment les uns envers les autres, ils se réservent indi­vi­duel­le­ment, en for­mant le pacte, plus de droits, de liber­té, d’autorité, de pro­prié­té, qu’ils n’en aban­donnent [8]. Â» Cette approche qua­si civi­liste [9] de la fédÃ