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  • Une Europe sans l'Europe

    Viktor Orban, Premier ministre hongrois, mène l'assaut des nations contre Bruxelles 

     

    Par Hilaire de Crémiers

     

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    ANALYSE POLITIQUE. Il est des politiques qui ne tiennent aucun compte du réel. Généralement ça se termine mal. 

    Les propos du président Macron sont suffisamment clairs depuis qu'il est élu - et déjà avant ‑ pour ne pas se leurrer sur ses objectifs. Sa vision est européenne et n'est qu'européenne. Il pré­conise l'adaptation de la France à la modernité ou à ce qu'il appelle la modernité, technologique, économique, financière, sociale - et dont sans doute personne ne nie la nécessité, à condition de ne pas en faire un ab­solu -, mais il n'est pas difficile de comprendre qu'il ne s'agit pour lui que de mettre la France définitivement à l'heure de l'Europe et de la mondialisation qu'il assimile à la notion même de modernité. Cette idée qu'il affiche comme une mission, structure son quinquennat. 

    RÉFORME FRANÇAISE OU EUROPÉENNE ? 

    Qu'a-t-il dit aux agriculteurs qu'il ne voit plus comme des paysans mais comme des entrepreneurs ? Laissez-vous conduire par l'Europe où je m'engage à défendre vos inté­rêts dans le cadre de la mondialisation : ainsi l'avenir de l'agriculture française se trouverait, selon lui, entre les cir­cuits courts et les marchés internationaux, le Mercosur, le CETA. Comme toujours « en même temps » ! Macron oublie que l'agriculture, même ultra-moderne, est d'abord une tradition et un enracinement. L'agriculture française qui est déjà broyée, sera anéantie par secteurs entiers. Après de vaines tentatives de survie.

    Toutes les réformes macroniennes sont de même style et de même finalité. Pour la SNCF, c'est caractéris­tique. Tout le monde admet que cette société, à l'origine nationalisée et surendettée, est dans un état inquiétant, sinon pitoyable. Réformer est nécessaire. Mais il y a un non-dit qui fausse la perspective de cette réforme : c'est la contrainte européenne. En fait, il s'agit d'ouvrir le rail français à la concurrence de nos partenaires européens ; l'obligation est là : l'Allemand, l'Italien viendront circu­ler chez nous sans qu'il n'y ait plus aucune notion de territoire. Cette réforme est donc le plan - déjà vieux ­- des eurocrates auxquels toute la génération d'énarchie macronienne est entièrement ralliée. C'est pourquoi, sans raison ni mesure, on a construit, déconstruit, reconstruit les sociétés qui relèvent du chemin de fer français. Il serait amusant de rappeler qu'il y a cin­quante ans et plus, quand un esprit libre se permettait d'exprimer un simple doute sur la pertinence d'un État transporteur de voyageurs et de marchandises, vendeur de cigarettes et d'allumettes etc., ceux qui prétendaient être plus intelligents que les autres et, donc, dans la sainte obligation de les gouverner, ouvraient des yeux ronds. Faut-il aujourd'hui tout détruire ? Qui parle de « souveraineté » ?

    Les réformes sociales, code du travail, appren­tissage, bientôt retraites, chômage etc., tout est pro­grammé dans l'idée de nous conformer aux règles allemandes et nordiques - cela a été dit par Macron - de nous aligner sur les futures règles européennes. Des réformes fiscales sont en cours ; personne n'en voit les tenants et les aboutissants. Rien n'est clair, car là en­core, le plan - concocté, travaillé, préparé dans toutes les officines intellectuelles de « la gouvernance » dite intelligente - expression de Macron - est d'uniformiser, autant que faire se peut, la fiscalité européenne. Un exemple : la taxe d'apprentissage dont une entreprise pouvait faire profiter telle ou telle institution de son choix - en circuit court - il y a encore quelques années, est maintenant captée par l'État et les « services » ... au profit de quoi, vous ne le saurez jamais.

    Il n'est pas douteux que tout y passera ; le grand Paris, les métropoles seront encore un moyen et un prétexte de rafler les trésoreries qui justifiaient les bud­gets des collectivités. Une dizaine de grands guichets sous dénomination d'agences remplaceront le service au quotidien. Macron souhaite être entouré - il l'a dit à la Cour des comptes - de jeunes énarques qui seront à sa disposition pour prendre ces nouvelles organisations en main. Bonaparte ?

    Et tout ça, pourquoi ? Pour l'Europe dans la­quelle Macron se flatte d'assurer à la France un rôle primordial.

    L'EUROPE N'EST PLUS LA MÊME

    Il y a un hic et il est sérieux. C'est que l'Europe que le jeune Macron a appris à considérer, à admirer et à aimer dans ses cours et vers laquelle, sous la houlette de ses professeurs, il tendait de tout son esprit et de tout son cœur, n'est plus aujourd'hui que l'Europe des rêves du passé. Elle n'est plus d'actualité. Il se figure encore qu'il sera le jeune français génial, disciple et émule des Pères fondateurs, qui va rallumer la flamme de l'Europe « sou­veraine », démocratique, unie, fière et amie des peuples. Il pense mettre ce qu'il faut d'huile pour relancer la su­perbe mécanique institutionnelle, communautaire et « en même temps » si proche des peuples.

    Mais, justement, c'est là que le bât blesse : l'Europe de Bruxelles, autrement dit ceux qui assument « la gouvernance européenne » et... peut-être « mondiale », sont sûrs de savoir ce qu'il faut pour les peuples. Dans leurs esprits ils détiennent le pouvoir du savoir, comme ils ont, pour ainsi dire naturellement, le savoir du pouvoir. Les com­missaires européens, les hommes de la Commission, tel Moscovici, tel Barnier, le négociateur pour le Brexit et qui sans doute pense être le successeur de Juncker à la tête de la Commission, sont typiques de leur espèce. Ils s'étonnent et s'indignent : comment les peuples peuvent-ils, osent-ils renâcler ? Sont-ils stupides ! N'ont-ils pas compris où est leur intérêt ? Que faudra-t-il comme « pé­dagogie » - le grand mot - pour faire accéder les peuples au niveau d'initiation suffisant ?

    Et, en effet, l'Europe dont ils vivent et dans laquelle Macron veut fondre la France, se délite un peu plus chaque jour. Après le Brexit, c'est au tour de l'Allemagne, dans une sorte de chaos électoral et de désarroi institutionnel, de ne plus savoir où elle veut aller. Elle qui a su utiliser le projet européen pour en faire un projet allemand et même grand-allemand, connaît dans son peuple de si fortes incer­titudes que nul ne sait quel sera l'avenir d'Angela Merkel.

    Celle qui prend sa succession à la tête de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, aura d'autres ambitions. Il y aura un ministère de la Heimat, du « Chez soi », tenu par le président de la CSU bavaroise Horst Seehofer. C'est dire !

    L'Europe centrale est pratiquement en sécession par rapport à Bruxelles. Viktor Orban, Premier ministre hon­grois, qui sera réélu lors des législatives du 8 avril, mène la danse du scalp, à la grande fureur des eurocrates. Pour lui, pour son parti, le Fidesz, pour la majorité des Hongrois, il n'est pas question que la Hongrie renonce à son histoire, à sa souveraineté, à son droit, à sa constitution. Pas ques­tion non plus de lui imposer des quotas de migrants ! Il s'y oppose et il est assez habile pour toucher les subventions européennes ! La Hongrie économiquement se porte mieux. L'Autriche du jeune chancelier Sébastian Kurz est sur la même ligne. La Pologne de Iaroslav Kaczinski, elle, est en procès avec Bruxelles ou plutôt Bruxelles prétend la ramener à l'état de droit, comme si les Polonais n'avaient plus d'institutions ! La Commission a intenté contre Varsovie en décembre 2017 une procédure selon l'article 7, ce qui ne s'était jamais fait. En Slovaquie, le chef de gou­vernement, Robert Fico, ne veut pas laisser son pays dé­river dans un libéralisme européen destructeur. La même tendance règne en Tchéquie avec son président Milas Zeman réélu le 27 janvier 2018 sur un programme fran­chement national, la presse occidentale dit « pro-russe ».

    Un tour d'Europe suffit, au sud et même au nord, pour savoir que l'Europe n'est plus la même. Les analystes de la bien-pensance bourgeoise, comme Nicolas Baverez, parlent de démocraties illibérales : toujours des mots sur les mêmes schémas du mon­dialisme. La question est de savoir où est la vraie liberté ; celle qui consiste à être soi-même ou celle où tout votre patrimoine spirituel, moral, matériel, historique et même financier est livré au Mammon qui mène le monde. À la France de retrouver sa voie.   ■ 

    Hilaire de Crémiers

  • 150ème anniversaire • Gérard Leclerc : un entretien sur Charles Maurras

     
     

     

    Propos recueillis par Olivier François (Mercredi 25 avril 2018). On n'est pas forcément d'accord sur tout. Mais l'on peut débattre ...

    L’œuvre de Charles Maurras suscite de nouveau la curiosité, parmi une jeune génération d’intellectuels - notamment conservateurs. Des éditeurs importants tels Flammarion ou Armand Colin ont récemment publié des études consacrées à l’auteur de L’Avenir de l’intelligence, on citera celles de Stéphane Giocanti ou d’Olivier Dard. La collection Bouquins édite un choix de textes de Maurras.

    Entretien avec Gérard Leclerc qui, lui-même, prépare un recueil de certaines de ses études sur Maurras...

     

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    Comment expliquez-vous ce regain d’intérêt pour la pensée de Charles Maurras ?

    Gérard Leclerc : Cela s’explique si l’on a conscience du phénomène intellectuel et politique considérable qu’a constitué la pensée de Charles Maurras et son influence dans la première partie du XXe siècle. Même si cette pensée a subi, comme c’est la règle, son moment de purgatoire, il était inévitable qu’elle revienne dans l’actualité, ne serait-ce que pour comprendre l’emprise qu’elle a pu avoir sur les générations précédentes. Il n’y a pas seulement les intellectuels qui ont participé directement au mouvement et au journal de l’Action française, tels Jacques Bainville, Léon Daudet ou, à leur manière, Georges Bernanos et Jacques Maritain. Il y a tous les autres, qu’ils s’appellent Marcel Proust (abonné à L’Action Française, dont il disait que la lecture constituait une cure d’altitude mentale), André Gide, André Malraux (auteur d’une belle préface à un petit ouvrage de Maurras), Jean Paulhan, directeur de la NRF, pour qui le directeur de l’Action française était le seul adversaire sérieux de Marx. On pourrait encore parler de François Mauriac, qui fut d’autant plus un adversaire qu’il était un lecteur passionné de Maurras et Bainville. Et enfin de Walter Benjamin, l’adversaire absolu qui ne pouvait se passer de la lecture du quotidien de Maurras dont il appréciait la haute tenue intellectuelle.

    pierre-boutang.jpgIl faut avoir ces données à l’esprit pour prendre la mesure de l’importance historique du phénomène qui s’est d’ailleurs prolongé après-guerre, avec des héritiers de premier plan comme Pierre Boutang et Pierre Debray.

    Maurras continue de provoquer des polé­miques. Son inscription au livre des commémorations a entraîné pétitions et contre-pétitions. Croyez-vous qu’il sera un jour possible d’étudier cette pensée paisiblement ?

    La démission de 10 membres sur 12 du comité des commémorations nationales, suite à la décision de la ministre de la Culture de retirer Charles Maurras de la liste des anniversaires de 2018, est un signe très important. Des historiens classés à gauche comme Jean-Noël Jeanneney et Pascal Ory n’ont pas supporté ce qu’ils considèrent comme une faute eu égard à l’importance de l’intéressé dans l’histoire récente de la France. Il est vrai qu’une cabale s’était constituée pour dénoncer l’antisémitisme de Maurras et son soutien au maréchal Pétain. Pierre Nora a fait remarquer qu’on ne pouvait réduire Maurras à son antisémitisme et qu’il convenait d’apprécier exactement les motifs de son engagement pendant l’Occupation.

    Cela ne signifie pas que l’antisémitisme maurrassien soit une question mineure, mais il s’agit de l’étudier dans son contexte précis. Il s’agit d’une attitude politique liée à l’affaire Dreyfus et à la constitution de deux camps ennemis, l’un défendant l’innocence du capitaine, l’autre dénonçant une entreprise antimilitariste, au moment où le pays était gravement menacé. Maurras n’a jamais voulu démordre de cette hostilité à l’égard de ce qu’il appelait «  le syndicat dreyfusard  ».

    Et son hostilité a rebondi au moment du Front populaire en 1936, avec Léon Blum. Le directeur de l’Action française ne s’est pas aperçu des conséquences dramatiques de cette hostilité prolongée dans le cadre de l’occupation nazie. Cela ne signifie nullement qu’il ait pactisé le moins du monde avec Hitler, dont il fut le premier adversaire conséquent et dénonça toujours le racisme. Un racisme qu’il considérait par ailleurs comme son plus vieil adversaire intellectuel et qu’il avait combattu en dénonçant aussi bien Gobineau que Vacher de la Pouge. Sur ce sujet on doit se reporter aux travaux de Pierre-André Taguieff.

    Je me suis moi-même intéressé à l’évolution de la pensée de Maurras à propos de l’Ancien Testament. Parti d’une position très hostile à l’inspiration biblique, il l’avait par la suite totalement récusée, en réhabilitant notamment l’esprit prophétique distingué des faux prophètes modernes. On doit signaler également la mutation radicale établie par son disciple Pierre Boutang, qui non content de récuser tout antisémitisme politique considère qu’il y a une primauté de la pensée juive (dont Martin Buber est un représentant majeur) et que l’existence d’Israël constitue peut-être le fait essentiel du XXe siècle.

    Le jeune Maurras se proclamait à la fois antichrétien et ultra-catholique, profession de foi paradoxale qui peut laisser penser que sa défense de l’Église était politique et instrumentale. Quel regard le catholique engagé que vous êtes porte sur le drame spirituel de Charles Maurras ?

    Certains ont voulu faire de Maurras un athée. Je ne connais pourtant aucun texte de lui se réclamant de l’athéisme. En revanche, il est agnostique, mais un agnostique d’une espèce particulière, comme Malraux. Maurras ne professe pas qu’il est impossible de reconnaître l’existence de Dieu. Il marque son incertitude personnelle, qui ne lui a pas permis de conclure. Et il ne s’en fait pas gloire !

    Par ailleurs, c’est quand même vraiment un drôle d’agnostique. Il semble bien qu’il ait gardé sur son cœur, durant toute sa vie, le scapulaire de la Vierge Marie dont il parlait dans un conte célèbre du Chemin de Paradis. Dans son magnifique poème testament intitulé La prière de la fin, lorsqu’il veut définir l’essence même de son patriotisme, il se réfère à «  la France de mesdames Marie, Jeanne d’Arc, Thérèse et monsieur saint Michel  ». On est loin d’Auguste Comte et du positivisme. Et on se rend compte de l’erreur profonde des démocrates chrétiens qui ont toujours défendu la thèse selon laquelle il ne défendait qu’un christianisme formel.

    Maurras est mort en 1952 et ce 20 avril 2018 est le cent cinquantième anniversaire de sa naissance. Maurras a été très engagé dans les débats politiques de son époque. Quelle est la part intemporelle de sa pensée ?

    Maurras peut nous apprendre à penser les institutions, le rapport de l’État et de la société dans des termes qui tranchent avec les principes politiques modernes. Il s’oppose au contractualisme de la démocratie libérale et à la philosophie de Hobbes qui considère que l’État est fondateur de la société. Maurras est en ce sens aussi opposé au libéralisme politique qu’à l’étatisme exacerbé des régimes totalitaires. C’est un penseur de la sociabilité, et il me semble, à ce titre, toujours actuel. • 

    Gérard Leclerc

    France Catholique

    Charles Maurras, L’Avenir de l’intelligence et autres textes, sous la direction de Martin Motte, préface de Jean-Christophe Buisson, Coll. Bouquins, 1 280 pages, 32 e.

    Jacques Paugam, L’âge d’or du maurrassisme, éd. Pierre-Guillaume de Roux, 296 pages, 25 e.

    Stéphane Giocanti, Charles Maurras : Le chaos et l’ordre, Flammarion, 575 pages, 28,40 e.

    Olivier Dard, Charles Maurras, Armand Colin, 352 pages, 25 e.

    Gérard Leclerc, Un autre Maurras et autres textes, à paraître aux éd. France-Empire.

  • Travailler pour le roi de Turquie... [1]

    Le dernier sultan, Mehmed VI 

     

    Par Péroncel Hugoz 

     

    2293089609.14.jpgAncien correspondant du Monde en Algérie puis en Egypte, grand-reporter, auteur d’une dizaine de volumes sur les pays du Sud (notamment Le Radeau de Mahomet, 1983, et 2000 ans d’histoires marocaines, 2014) éditeur en France ou au Maroc de 60 ouvrages orientalistes, chroniqueur sur lafautearousseau depuis 2016, Péroncel-Hugoz, ce qui est moins connu, a joué un rôle au début de la carrière du géopolitiste et essayiste Alexandre Del Valle, pied-noir franco-italien, né en 1968 à Marseille, dont la dizaine de consistants essais tend à dévoiler la vraie nature de l’offensive panislamiste sur les cinq continents,  le dernier de ces ouvrages étant, en mars 2018, La stratégie de l’intimidation, véritable bréviaire de ce mal qui ronge nos sociétés: l’islamiquement correct. Un mal, sorti certes de l’Islam mais où les Etats-Unis d’Amérique ont joué, et continuent de jouer un rôle trouble, équivoque et plus que jamais inquiétant à l’heure du trumpisme. 

    3679871411.3.jpgNous laissons donc la parole à Péroncel-Hugoz, sur la genèse de ses relations avec Alexandre Del Valle avant de publier deux des textes qu’il a écrits pour soutenir le géopolitiste : ISLAMERIQUE, préface en 1997 d’Islamisme et Etats-Unis. Une alliance contre l’Europe (l’Age d’homme, 330 p.) puis Travailler pour le roi de Turquie…, préface en 2004 de La Turquie dans l’Europe. Un cheval de Troie islamiste ? (Edition des Syrtes, 2004, 460 p.)  Lafautearousseau

     

    Le siècle dit des Lumières nous a légué l'expression popu­laire « Travailler pour le roi de Prusse », à la suite d'une bataille livrée en 1757 par la France, à Rossbach (Saxe), au seul bénéfice, tout compte fait, du souverain prussien, Frédé­ric le Grand.

    Le XXIe siècle, que nous entamons et qui se voudrait la cen­turie de la « démocratie universelle », pourrait bien, d'un point de vue européen, laisser un jour derrière lui la formule « Travailler pour les Turcs » (sinon pour le « roi de Turquie », qu'Atatürk, atatiurk-741.jpghélas ! supprima). Si du moins aboutit le projet, ce qui pour l'heure est à craindre, mis au point hors de tout contrôle direct des peuples, à Washington, Bruxelles et Ankara, de faire entrer la Turquie et ses bientôt quatre-vingts millions de ressortissants dans l'Europe-Unie...

    En ce nouveau livre, Alexandre Del Valle, derechef, ne se paie pas de mots, va droit au but, appelle un chat un chat et une forfaiture une forfaiture, tout en accumulant les preuves concrètes de sa démonstration ; le jeune politiste international démonte une par une les caractéristiques historiquement, civilisationnellement, politiquement, religieusement absurdes d'un tel projet.

    Plus que tout, démographiquement, ce plan est — consciemment ou non, peu importe, le résultat serait iden­tique — criminel, à moins de considérer que l'Europe euro­péenne, gréco-latino-chrétienne, ainsi que de Gaulle, entre autres, la définissait, a fait son temps et qu'elle n'a plus qu'à s'effacer, sans même laisser s'exprimer son instinct vital. En l'exerçant spontanément, lui, au nom d'un continent dont l'intelligentsia n'est plus occupée que de meaculpisme (et effec­tivement, de Staline à Castro, de Ben Bella à Pol Pot, de Mao à N'Krumah, elle s'est trompée sur tout depuis plus d'un demi-siècle, comme elle se trompe maintenant sur l'Islam), Alexandre Del Valle s'exposera à l'opprobre, aux calomnies, aux médisances, aux porteurs de pancartes et d'idées reçues ; on lui jettera à la figure la trilogie « racisme-fascisme-xéno­phobie », à la façon de ce qui s'est passé lors de ses précédents ouvrages, notamment, en 1997, l'extraordinairement clair­voyant et documenté Islamisme et États-Unisque j'eus le plaisir, avec le général Gallois, de présenter, inventant pour l'occasion le néologisme Islamérique qui, depuis lors, a fait son chemin...

    Je récidive donc pour ce La Turquie dans l'EuropeD'au­tant plus volontiers qu'en 2003, m'étant rendu en reportage à Bakou, capitale de l'Azerbaïdjan, nation turque indépen­dante, issue de l'ancien Caucase soviétique, quelle n'a pas été ma surprise de constater que les huit millions d'Azéris, certai­nement encouragés par une décision géopolitiquement aber­rante en soi — l'admission de l'« Azéristan » parmi les États membres du Conseil de l'Europe —, voyaient déjà leur pays partie intégrante de l'Union européenne... « Dès que la Tur­quie sera à Bruxelles, elle nous y fera venir », déclarait tout à trac un responsable azéri à un diplomate autrichien en poste sur les bords de la mer Caspienne. Celui-ci, l'un des rares Occidentaux séjournant à Bakou à faire preuve d'un peu de lucidité et de jugeote, me confiait 1485997-1977180.jpgensuite : « Pourquoi les quatre autres États islamo-turcophones de la région n'emboî­teraient-ils pas ensuite le pas à la Turquie et à l'Azerbaïdjan ? » En effet, sans oublier bien-sûr la minorité turco-ouïgoure de Chine, forte déjà, dit-on, de quinze millions d'âmes et qu'il serait vraiment cruel de séparer des autres Turcs... L'Europe pourrait alors se livrer à un immense mamamouchi — sans Molière, hélas ! pour se moquer de ces Européens pressés de se turquifier...

    Une telle perspective trouve naturellement de chauds parti­sans à Ankara — où le rêve de domination ottomane de l'Europe, fracassé sous les murs de Vienne, pour la dernière fois en 1683, se réaliserait alors sans effort sur un plateau —, mais aussi à Washington et chez les obligés des États-Unis à Bruxelles. Même le « libéral et progressiste » président Clinton vint un jour en Anatolie mettre en demeure ces fri­leux d'Européens de s'ouvrir aux braves Turcs, bons alliés de l'Amérique et d'Israël. Les WASP (White Anglo-Saxon Protes­tantencore au pouvoir sur les bords du Potomac ne redou­tent vraiment qu'une chose : l'émergence d'une hyperpuissance paneuropéenne, seule capable de tenir la dragée haute à la quasi planétaire hégémonie états-unienne. Ils ont calculé que si l'Europe occidentale, outre le vieillissement de ses indi­gènes, se trouvait aux prises en permanence avec des troubles ethno-confessionnels type Liban, Yougoslavie ou « djihad de proximité » de nos banlieues, notre continent s'épuiserait à résister aux désordres socioculturels inévitablement liés à l'is­lamisation de vieilles terres chrétiennes. Déjà désorientés par la forte immigration afro-arabo-islamique non désirée, les Européens n'auraient sans doute pas assez de force (en plus, on ne manquerait pas de les démoraliser en les accusant de racisme, exclusion, etc.) pour contenir un islam conquérant, dès lors renforcé sur notre sol par le consistant apport humain du jeune colosse turc...

    Et il ne faudrait pas compter, comme certains « prévisionnistes » professionnels le font déjà, sur une opposition entre Turcs et Arabes ! Il est exact que les premiers méprisent les seconds et leur en veulent d'avoir, durant la Première Guerre mondiale, abandonné le sultan-calife ottoman de Constantinople-Stamboul, pour une alliance impie avec les « infidèles » de Londres et Paris.

    Cependant, ce dédain, ce reproche ne tiendraient pas face à la solidarité interislamique, neuf fois sur dix au rendez-vous quand il s'agit de contrer, voire de détruire des non-mahométans. Sans remonter jusqu'aux massacres d'Arméniens, Syriaques et Assyriens, entre 1894 et 1922, dans l'Empire ottoman, ordonnés par des Turcs et générale­ment exécutés — et ils ne se firent pas prier — par leurs enne­mis héréditaires kurdes mais coreligionnaires, il n'y a qu'à voir ce qui se passe de nos jours, sous nos yeux (fermés, il est vrai) en Anatolie, où militaires turcs et maquisards kurdes conti­nuent à se combattre, à s'entretuer mais — ainsi que je l'avais personnellement constaté sur place dès 1986 à Mardine, à Mydiat et dans le Tour-Abdine — se serrent extemporané­ment les coudes, se couvrent les uns les autres dès qu'il s'agit de dépouiller les derniers paysans chrétiens de ces régions, parfois de les égorger, ou encore d'enlever leurs filles nubiles ou leur bétail...   •  (A suivre ...)

    Illustrations ci-dessus :

    Ataturk (1881-1938)

    La minorité turco-ouïgoure de Chine

  • L’avenir de la nation, l’avenir du nationalisme

    Drapeaux  ...  

    Par  Mathieu Bock-Côté 

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgCe sont des concepts fondamentaux que manie Mathieu Bock-Côté - brillamment comme toujours - dans cette tribune du Journal de Montréal [23.0]. On y ressent l'influence que la question québécoise exerce sur sa réflexion. Comme notre attachement à la France dont nous voyons le déclin au fil des deux derniers siècles, fonde notre propre nationalisme. Maurras le définissait, non comme un absolu, mais comme une « douloureuse obligation » du temps présent. L'actuelle évolution géopolitique du monde, si on l'observe bien, nous semble lui donner raison. Au reste, le livre de Gil Delannoi porte un sous-titre : La nation contre le nationalisme, ou : La résistance des nations. L'on peut en débattre !   LFAR  

     

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    La science politique, lorsqu’elle est bien pratiquée et s’abstient de verser dans les modes idéologiques, peut être d’une grande aide pour clarifier notre compréhension de la vie politique et des concepts à partir desquels nous cherchons à la saisir.

    C’est la première réflexion que nous inspire spontanément la lecture de La nation contre le nationalisme (PUF, 2018), le remarquable essai du politiste français Gil Delannoi. Disons-le tout de suite, le titre est un peu trompeur, car si Delannoi n’hésite pas à critiquer les excès du nationalisme, il s’occupe surtout à dissiper le brouillard idéologique qui l’entoure, en rappelant que si la politologie française en entretient une conception exagérément négative, au point d’en faire une pathologie politique immédiatement condamnable, il n’en est pas nécessairement ainsi ailleurs dans le monde. Le nationalisme, nous dit Delannoi, n’a rien de diabolique. Il y en a de bons usages, comme de mauvais. Pour le dire avec ses mots, Delannoi essaie « avant tout de comprendre ce que sous-entendent la natiophobie et la passion d’abolir les frontières qui ont cours aujourd’hui » (p.11). Il ajoute même qu’à « son extrême, cette natiophobie revient aujourd’hui à nazifier tout passé national pour cause d’exclusion de l’Autre » (p.240). Tel est l’air que nous respirons, en effet.

    1517452255_9782130800460_v100.jpgQu’est-ce qu’une nation ? Cette question, attachée à une célèbre conférence de Renan prononcée à la Sorbonne en 1882, continue de travailler la philosophie politique et les sciences sociales ; même elles en proposent rarement une définition satisfaisante, et encore moins exhaustive. La nation, nous dit Delannoi, est à la fois politique et culturelle. C’est une communauté politique avec un substrat historique particulier, qu’on ne juge pas a priori interchangeable avec un autre. Ces deux dimensions ne coïncident pas toujours, ou du moins se recoupent souvent imparfaitement. Delannoi entend d’abord définir la nation comme forme politique singulière, qu’il distingue de la cité et de l’empire, en rappelant qu’elle semble le plus à même d’accueillir et de permettre l’expérience de la démocratie dans la modernité. Mais Delannoi le note bien, « la plupart des théoriciens récents de la nation et du nationalisme ont envers leur objet d’étude une attitude allant de l’hostilité à la condescendance » (p.17). La remarque est très fine : ceux qui étudient la nation sont généralement en mission pour la déconstruire, comme si elle représentait un artifice historique vieilli. L’antinationalisme est habituel dans l’enseignement universitaire en plus d’être la norme chez les intellectuels qui considèrent généralement l’attachement à une nation historique et à sa souveraineté comme une forme de crispation identitaire. Cette absence radicale d’empathie pour ceux qu’on appellera les gens ordinaires attachés à leur patrie fait en sorte qu’on fera passer toute forme de patriotisme pour une forme de xénophobie. La modernité radicale est l’autre nom du refus du particulier.

    À la recherche d’une définition du nationalisme, Delannoi propose la suivante : « le nationalisme est la volonté de faire coïncider la forme culturelle et la forme politique de la nation autant que possible. Telle est l’impulsion qui engendre et entretient le nationalisme : superposer davantage les deux dimensions culturelle et politique de la nation » (p.122). Le nationalisme, nous dit Delannoi, « est la volonté pour un groupe d’endurer l’adversité, de résister à l’extinction sur une base nationale. Au sens culturel, c’est préserver une langue, un territoire, un mode de vie. Au sens politique, ce nationalisme de faible intensité appelle une autonomie politique locale ou provinciale. Il ne parvient pas toujours à accéder à la souveraineté étatique, bien qu’il vise souvent celle-ci comme ultime garantie de l’indépendance Son premier ressort est de craindre que, privé de moyens politiques et de continuité culturelle, le groupe ou le pays identifiés à une nation disparaisse » (p.123). On pouvait ou non approuver la tentation d’accession à l’indépendance des Catalans ces derniers mois : elle n’avait rien de risible, comme ont pu le dire certains commentateurs. Elle n’était pas non plus inintelligible dans les catégories de la modernité. Chose certaine, une communauté politique n’est jamais une association strictement formelle, dépassionnée, où des individus étrangers à la chose publique cohabitent pacifiquement sans rien avoir en partage.

    Si la prose de Delannoi est toujours mesurée, il ne s’interdit pas, néanmoins, de lancer quelques piques aux post-nationaux fiers de l’être qui dominent l’université et les médias. Ainsi, il demande : « un nouveau monde fait de cités financières et d’empires territoriaux présente certainement quelques avantages comparatifs sur un monde international classique fait de nations. Mais pour qui ? Et à quel prix ?» (p.11) Il ajoute que « l’absence de frontière est un luxe d’enfants gâtés, profondément antipolitique » (p.231). De manière audacieuse mais tout à fait lucide, il conteste aussi l’idée souvent reprise qui fait du nationalisme le grand coupable de la seconde guerre mondiale, en rappelant que le nazisme était une doctrine de la race et non pas de la nation. Il conteste même l’idée que la première guerre soit une guerre des nationalismes: il y voit plutôt un affrontement des empires (p.148-156). Ceux qui répètent sans cesse que, « le nationalisme, c’est la guerre » se contentent d’une facilité rhétorique qui leur donne à la fois l’impression de comprendre le mal qui hante l’histoire de la modernité et de se positionner en surplomb sur le commun des mortels encore ignorant des ravages du sentiment national. En fait, ils se condamnent à ne pas comprendre le dernier siècle et certains besoins fondamentaux de l’âme humaine.

    Redisons-le, La nation contre le nationalisme est un essai d’une richesse conceptuelle extraordinaire, et il faut s’y jeter pour apprécier toutes les observations de l’auteur que nous n’avons pas pu noter ici, par souci de ne pas transformer cette recension en long commentaire de l’ouvrage. Sans jamais se transformer en militant, Delannoi nous démontre de manière convaincante qu’un monde sans nations serait probablement un monde moins humain. À la lumière d’une philosophie politique qui se tient loin de l’esprit de système, et qui médite sur la liberté humaine et ses conditions historiques, Delannoi nous offre ici un livre brillant qui passionnera à la fois ses compatriotes soucieux de mieux comprendre le phénomène national et les nôtres qui trouvent trop peu d’ouvrages sur les tablettes capables de fonder théoriquement ce que nous appellerons encore sans gêne le nationalisme québécois.     

    Mathieu Bock-Côté

    Mathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB éditeur, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012) de La dénationalisation tranquille (Boréal, 2007), de Le multiculturalisme comme religion politique (éd. du Cerf, 2016) et de Le Nouveau Régime (Boréal, 2017).

  • Bock-Côté : « Pour peu qu'on souhaite restaurer la souveraineté populaire, il faut en convenir : la question du régime

     

    2293089609.14.jpgC'est une analyse importante - sous l'angle politique, juridique et institutionnel - que Mathieu Bock-Côté a publiée hier - mercredi 11 juillet - dans Le Figaro. Le grand quotidien du matin l'a fait précéder de la mention suivante : « Pour notre chroniqueur québécois, le Canada constitue l'avant-garde d'un gouvernement des juges hostile à la souveraineté populaire ». Mais, on le verra, Mathieu Bock-Côté parle tout aussi bien pour la France, notamment lorsqu'il mentionne pour la critiquer avec pertinence « la récente décision du Conseil constitutionnel de supprimer le délit de solidarité au nom du principe de fraternité, en limitant considérablement pour l'avenir la possibilité d'œuvrer contre l'immigration clandestine. » Lorsqu'il conclut : « Pour peu [...] qu'on souhaite restaurer la souveraineté populaire, il faut convenir d'une chose : la question du régime vient de se rouvrir », nous savons bien que cette remise en cause du régime n'a pas le même sens pour lui que pour nous, qui sommes monarchistes. A nous de faire valoir nos arguments !  Lafautearousseau

     

    tile00x02.jpgDepuis une dizaine d'années, le Québec a amplement débattu du meilleur encadrement possible des accommodements raisonnables. Mais un rappel revenait en boucle: toute tentative de se dégager des contraintes du multiculturalisme fédéral ne passerait pas le «test des tribunaux» qui démonteraient la loi québécoise au nom de la Constitution canadienne. C'est en partie pour cela que le présent gouvernement québécois s'est contenté, avec la récente loi 62, d'un cadre minimaliste rendant obligatoire le fait d'offrir et de recevoir les services publics à visage découvert sans pousser plus loin la quête de la laïcité. Mais c'était encore trop.

    Fin juin, un juge de la Cour supérieure du Québec a invalidé pratiquement le cœur de la loi sous prétexte qu'elle serait discriminatoire à l'endroit des musulmanes en niqab. Cette décision n'est pas surprenante, toutefois, si on tient compte de la transformation de la culture politique canadienne depuis le milieu des années 1980, qui a basculé dans une dynamique de judiciarisation du politique.

    La logique est la suivante : dans une société pluraliste, la souveraineté populaire serait frappée d'obsolescence: elle ne serait rien d'autre que le masque de la tyrannie de la majorité. La figure du peuple elle-même est remplacée par celle de la diversité : la société se présente plutôt comme un rapport de force entre une majorité qu'il faut contenir et des minorités qu'il faut émanciper. La formule est répétée religieusement : on ne saurait soumettre les droits des minorités aux caprices de la majorité. Prises pour elles-mêmes, les revendications minoritaires, traduites en droits fondamentaux, pourraient se déployer sans entraves.

    À l'abri des passions populaires, qui pousseraient toujours au populisme, les juges pourraient librement délibérer de la chose commune et des questions les plus sensibles. Cette forme de sagesse suprême prêtée aux tribunaux réactive le fantasme du despotisme éclairé. Pour emprunter le vocabulaire de l'époque, on dira que le Canada a accouché du régime démophobe par excellence.

    On l'aura compris, le gouvernement des juges ne repose pas seulement sur une extension exagérée du contrôle de constitutionnalité. Les juges ne se voient plus eux-mêmes comme les interprètes, mais comme les producteurs du droit, au nom d'une interprétation créative de ce dernier, ayant peu à voir avec ce qu'on appelait traditionnellement l'intention du législateur. Ils le font au nom de la Charte des droits et libertés inscrits au cœur de la Constitution canadienne, considérée comme une sorte de texte révélé, qui porte une conception radicalisée du droit-de-l'hommisme. On constate aussi qu'ils font reposer leur compréhension de la société sur la sociologie antidiscriminatoire - c'est en son nom qu'ils entendent remodeler les rapports sociaux selon les exigences de l'égalitarisme multiculturel.

    Au rythme où les enjeux collectifs remontent vers eux, les juges étendent leur empire. Les questions les plus fondamentales sont évacuées de la délibération publique. On assiste à un rétrécissement du domaine de la décision politique légitime, désormais condamnée à une forme de réduction gestionnaire. La rhétorique des droits fondamentaux permet ainsi de prendre des décisions politiques majeures sans avoir à les confronter aux préférences populaires, réduites à des humeurs mauvaises. Quel que soit le gouvernement en place, la Cour suprême le surplombe et peut le rappeler à l'ordre, et toujours, le programme diversitaire se déploie.

    Des enjeux liés à la diversité aux salles de shoot en passant par la question du suicide assisté et la reconnaissance de la famille à trois parents, ce sont les tribunaux qui ont le dernier mot et qui exercent la souveraineté. Certains commentateurs ont prétendu que les tribunaux étaient particulièrement activistes dans la mesure où les politiques ne savaient pas suivre le rythme des évolutions sociétales. L'argument est bancal : on postule alors que ce sont les mutations sociétales qui doivent commander le droit, et le politique se disqualifie s'il ne sait pas suivre à bon rythme. Le droit devient dès lors un instrument privilégié d'ingénierie sociale pour forcer la transformation d'une société qui, sans les juges, se refermerait et réactiverait les systèmes discriminatoires qu'ils prétendent combattre.

    On notera toutefois, comme on vient de le voir aux États-Unis avec la nomination de Brett Kavanaugh à la Cour suprême par Donald Trump, que lorsque l'activisme judiciaire change de camp, une partie du camp progressiste peut se montrer inquiète. On l'a souvent répété ces jours-ci: l'équilibre idéologique de la Cour suprême vient possiblement de basculer. L'histoire des idées nous le rappelle : si une certaine gauche mise sur la supériorité morale des tribunaux lorsqu'elle désespère d'un peuple jugé réactionnaire, elle peut se montrer méfiante devant l'aristocratie juridique quand le gouvernement des juges risque de se retourner contre le progressisme.

    sans-titre  C C.pngSans plaquer la situation française sur celle du Canada, on constatera que la tendance au gouvernement des juges a depuis un bon moment traversé l'Atlantique, comme en témoigne la récente décision du Conseil constitutionnel de supprimer le « délit de solidarité » au nom du « principe de fraternité », en limitant considérablement pour l'avenir la possibilité d'œuvrer contre l'immigration clandestine. D'ailleurs, les souverainetés nationales sont déjà très limitées, pour ne pas dire neutralisées, par la Cour européenne des droits de l'homme, qui croit porter une conception transcendante du droit, alors que sa légitimité semble plus incertaine que ne le croient ses partisans.

    Le gouvernement des juges correspond à une forme de régime post-démocratique et diversitaire qui repose sur un transfert de souveraineté dissimulé derrière les apparences de la continuité institutionnelle. Le théâtre électoral est maintenu, mais les élus disposent d'un pouvoir de plus en plus fictif. Le gouvernement des juges représente moins la nouvelle étape de la démocratie libérale que son dévoiement. Au nom du déploiement sans fin de la logique des droits, il condamne la possibilité pour un peuple de s'autodéterminer. Il programme l'impuissance du politique, qu'on maquille ensuite en forme supérieure d'humanisme. Pour peu qu'on refuse de naturaliser son avènement et qu'on souhaite restaurer la souveraineté populaire, il faut convenir d'une chose : la question du régime vient de se rouvrir.  

    Mathieu Bock-Côté        

    XVM7713ddbc-9f4e-11e6-abb9-e8c5dc8d0059-120x186.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politiquevient de paraître aux éditions du Cerf [2016].

  • Le feu et le sang, par Aurélien Marq.

    © NICOLAS MESSYASZ/SIPA Numéro de reportage : 01030523_000021

    C'est l'incurie de l'Etat qui est responsable de la mort du père Maire

    En dépit des déclarations du ministre de l’Intérieur, la mort du père Maire est le résultat direct de l’incurie de l’Etat

    Est-il permis d’éprouver de la colère devant l’assassinat d’un prêtre, ou est-ce trahir ce à quoi le mort avait voué sa vie ? Que d’autres répondent à cette question, et que le père Olivier Maire, s’il le faut, me pardonne : sa mort me révolte, et j’entends bien dénoncer ses responsables, et les réactions indignes de ceux qui regarderaient sans broncher la France entière subir le même sort.

    Le parcours du meurtrier, Emmanuel Abayisenga, avait été retracé avec humanité dans La Croix par Héloïse de Neuville, du temps où ce Rwandais débouté de sa demande d’asile n’était encore « que » l’incendiaire de la Cathédrale de Nantes. Mentalement perturbé, mais aussi poussé, semble-t-il, par la rage de s’être vu refuser ce qu’une propagande absurde lui avait présenté comme un dû – comme si la France n’était qu’un espace géographique ouvert à tous, et que les Français avaient pour seul destin de fournir de quoi verser des rentes appelées « aides » à quiconque viendrait les réclamer.

    Emmanuel Abayisenga aurait dû être expulsé

    Le père Olivier Maire et les autres religieux de sa communauté avaient, depuis, choisi de l’héberger malgré tout parmi eux à Saint-Laurent-sur-Sèvre. Geste généreux, plus peut-être qu’on ne l’imagine. Qui sait ce qui se serait passé si les frères missionnaires montfortains ne l’avait pas accueilli ? Qui sait si, livré à lui-même, il ne s’en serait pas pris à quelqu’un au hasard dans la rue, qui sait s’il n’aurait pas tué un enfant ? Question à laquelle nous n’aurons évidemment jamais de réponse, mais il est bien possible que le père Olivier Maire ait, en fait, donné sa vie pour en sauver d’autres. Qu’il en soit à jamais remercié, avec tous les frères de sa communauté missionnaire.

    Reste que cet accueil n’aurait pas dû avoir lieu. Il n’aurait pas dû être nécessaire. Pourquoi Emmanuel Abayisenga n’a-t-il pas été expulsé en 2019, une fois sa demande d’asile refusée ? Pourquoi, après avoir volontairement incendié la cathédrale en 2020, n’a-t-il été ni expulsé, ni incarcéré, ni enfermé dans un hôpital psychiatrique – ou du moins, pourquoi en est-il sorti alors qu’il était manifestement encore dangereux ? Incurie criminelle de l’Etat, dont cette situation n’est qu’un cas particulier parmi d’autres, incurie manifestement volontaire tant les situations similaires sont nombreuses.

    Et les déclarations de Gérald Darmanin qui tente de se laver les mains de ce drame sont aussi pathétiques qu’indignes. « Cet étranger n’était pas expulsable malgré son arrêté d’expulsion » affirme le ministre, formulation dont il est révélateur qu’il n’ait pas senti l’odieuse absurdité, « tant que son contrôle judiciaire n’était pas levé. » Aurait-il oublié qu’un gouvernement ne fait pas que subir la loi, il propose aussi au Parlement de la modifier ? Aurait-il oublié que les élus sont responsables des lois qu’ils votent, mais aussi de celles qu’ils choisissent de garder en l’état alors qu’elles sont à l’origine de dysfonctionnements manifestes ?

    « Nous considérons qu’un étranger qui a commis un acte grave n’a plus sa place en France » déclarait pourtant Gérald Darmanin le 8 mai dernier. Est-ce à dire qu’incendier une cathédrale n’est pas un acte grave ? Ah, mais c’est à cause du contrôle judiciaire ! Les magistrats qui ont décidé de ne pas l’incarcérer rendront-ils donc des comptes ? Le garde des Sceaux rendra-t-il des comptes ? Ah, mais c’est à cause de son état psychiatrique ! Les experts qui ont choisi de le laisser sortir de l’hôpital rendront-ils donc des comptes ? Ah, mais…. Mais, toujours mais : les excuses s’accumulent, le constat demeure, le gouvernement est aussi inefficace face aux vrais dangers qu’autoritaire face aux citoyens ordinaires, l’État a failli et un homme bon et généreux est mort.

    Indigne, aussi, cette déclaration d’Emmanuel Macron : « Protéger ceux qui croient est une priorité. » Non : la priorité est de protéger tous les Français, peu importe qu’ils croient ou non, et Emmanuel Macron ne l’a pas fait. Son gouvernement et sa majorité ne l’ont pas fait. Le résultat est là, sanglant et implacable : le meurtrier du père Olivier Maire aurait dû être expulsé en 2019, et ne l’a pas été.

    Indigne, et même infâme : pourquoi « ceux qui croient » ? Est-ce parce qu’il serait sans importance de protéger ceux qui ne croient pas – athées, formez vos bataillons, l’État ne se soucie pas de votre sort ? Est-ce parce qu’Emmanuel Macron s’imagine que seuls les croyants se sentent concernés par la mort d’un croyant, que seuls les membres d’une « communauté » se sentent concernés par la mort de « l’un des leurs » ? Mais nous sommes la communauté nationale, et tous les Français sont concernés par le meurtre atroce d’un Français, plus encore lorsque ce meurtre aurait pu être évité si le gouvernement n’avait pas à ce point manqué à ses devoirs. Immonde réflexe de celui qui fait du marketing au lieu de la politique, et ne cherche qu’à courtiser des parts de marché électoral, au lieu de servir son peuple.

    Une mort prophétique

    Comment, enfin, ne pas voir ce que la mort du père Olivier Maire a de symbolique, et même de prophétique ? Comment ne pas voir que le sang de ce prêtre retombe aussi sur l’Église ? Comment ne pas voir qu’il est exactement ce que le Pape François – qui avait reçu son meurtrier en 2016 – appelle l’Europe entière à être ? Généreux, accueillant sans limite, et… mort. « Il aura vécu dans la suite du Christ jusqu’au bout, dans l’accueil inconditionnel de tous » a déclaré Monseigneur de Moulins-Beaufort. Cet « accueil inconditionnel de tous » a un prix, le sang d’un prêtre et la mort des hommes, les flammes d’une cathédrale et la mort des cultures. Demander à des peuples de payer ce prix est criminel, et ce n’est pas le fait d’un bon berger : le bon pasteur n’engage pas ses brebis à ouvrir les portes de la bergerie aux loups. L’Europe n’a pas vocation à accueillir tous les esprits tourmentés du monde, ni la France à devenir l’asile de fous de la planète. Et ceux qui poussent ainsi notre civilisation et nos peuples sur la voie du chaos sont des criminels de la pire espèce.

    À l’heure du drame, dans le deuil et le recueillement, dans la colère et la soif de justice, que la mort d’un prêtre nous fasse prêter l’oreille aux paroles trop peu écoutées d’un autre prêtre. En novembre 2000 déjà, à Berlin, le Cardinal Joseph Ratzinger – il n’était pas encore Pape – dénonçait la véritable cause de l’assassinat du père Olivier Maire :

    « Il y a là quelque chose d’étrange et que l’on ne peut considérer que comme une attitude pathologique : l’Occident semble se haïr lui-même. Certes, il s’efforce de s’ouvrir avec beaucoup de compréhension aux valeurs étrangères, mais il ne s’aime plus lui-même ; de sa propre histoire, il ne retient plus désormais que ce qui est déplorable et causa des ruines, n’étant plus en mesure de percevoir ce qui est grand et beau. Si elle veut survivre, l’Europe a besoin de s’accepter à nouveau elle-même. »

     

    Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Disciple de Plutarque.
     

    Source : https://www.causeur.fr/

  • Vaccin et pass sanitaire : la colère n’est pas un argument, par Elisabeth Lévy.

    Konarzewski/SIPA/2107312333 Manifestation contre le pass sanitaire, Montparnasse, 31 juillet 2021

    On a le droit d’être d’accord ni avec le pouvoir ni avec ceux qui le contestent. Ainsi, je suis pour le vaccin tout en m’opposant au pass sanitaire.

    8.jpgDepuis quelques semaines je reçois des messages indignés. « Comment, Causeur du côté du pouvoir ? » « Pour la dictature sanitaire ?! » « Vous vous soumettez au politiquement correct ? » Certains vont jusqu’à « Collabos ! »

    Si je n’ai pas répondu plus tôt, c’est un peu parce que je ne sais pas comment convaincre des gens qui pensent vraiment que ce que nous vivons s’apparente à l’occupation nazie et au génocide des juifs, à supposer qu’il y en ait, et beaucoup parce que, pour l’essentiel, j’étais en vacances et que, je l’avoue, je suis moins passionnée que la plupart de mes contemporains par cette histoire de pass sanitaire. Je suis bien obligée de constater, cependant, que c’est la grande affaire du moment. Et si elle suscite tant de remous, c’est probablement parce qu’elle révèle autre chose que ses enjeux manifestes.

    Quelques rappels s’imposent.

    Il n’y a pas de ligne de Causeur, chacun dans la rédaction et parmi nos auteurs pense ce qu’il veut. Le point de vue que je défendrai ici est seulement le mien. Et le déterminer en réaction au politiquement correct serait une autre façon de se soumettre à lui. Inutile de le nier, il est plus gratifiant d’être minoritaire mais je ne vais pas changer d’avis parce que je suis (plus ou moins d’ailleurs) d’accord avec la majorité. La France qui se rebiffe a certainement d’excellentes raisons de se sentir oubliée, voire surnuméraire (voir Guilluy), je n’approuve pas pour autant le nouveau combat qu’elle s’est choisie. La colère ne prouve pas qu’on a raison.

    J’aimerais faire entendre à tous les amoureux sincères de la liberté qui manifestent chaque samedi qu’il est paradoxal de vouer aux gémonies (macronistes et/ou totalitaires) tous ceux qui ne partagent pas leur opinion. En clair, j’en ai marre de me faire insulter parce que je n’éprouve pas d’aversion pour le vaccin anti-Covid. Gil Mihaely m’a fait remarquer récemment que, pour la plupart des gens, un débat pluraliste, c’est quand on est d’accord avec eux. Pas ça, pas vous, chers lecteurs de Causeur ! De grâce, contestez mon point de vue, mais épargnez-moi ces conjectures sur mes troubles motivations. Si un labo me propose un pot-de-vin, promis je balance !

    Sur le fond, en résumé, je suis pro-vaccin et plutôt anti-pass sanitaire.

    Alors que nous ingérons quotidiennement et volontairement des tas de cochonneries concoctées par l’industrie agro-alimentaire, que nous sommes les plus gros bouffeurs de médocs du monde (et je ne parle pas de ce que nous nous envoyons quotidiennement dans le cerveau à coups de tweets idiots et de séries stupides ou le contraire), il me parait étrange de considérer qu’un vaccin déjà testé sur 4 milliards d’êtres humains est une menace terrible, pour la santé et pour la liberté. On a le droit d’avoir peur du vaccin. On a aussi le droit de ne pas avoir peur.

    On peut s’inquiéter de notre incapacité collective à accepter le moindre risque et, partant, à accepter la mort comme une circonstance de la vie. Nous ne tolérons plus les morts que nous décrétons « évitables », qualificatif qui mériterait une longue discussion. Quoi qu’on en pense, le précautionnisme ambiant n’est pas une invention ex absurdo de politiciens passablement trouillards mais leur réponse paniquarde à une demande sociale pimentée d’une frénésie de procès. Si nos élus se prennent pour nos mères juives, connues pour s’ingérer dans les moindres recoins de la vie de leurs fils, c’est parce qu’ils entendent toute la journée que les citoyens veulent être protégés et que s’ils ne répondent pas à cette exigence, ils seront traînés au tribunal. L’ennui, c’est que toute cette protection finit par étouffer.  

    Ce n’est pas l’argument de la plupart des contestataires. Au contraire, beaucoup invoquent les dangers inconnus (et qu’on voudrait nous cacher) du vaccin. En somme, on ne prendrait pas assez de précautions et il faudrait attendre d’avoir des certitudes absolues. À ceux-là, on a envie de dire, primo que même les plus cyniques des capitalistes et des gouvernants n’ont intérêt à encourager un produit dangereux, et deuxio que les dangers d’une technique vaccinale utilisée pour bien d’autres maladies sont bien mieux connus que ceux de la Covid, dont certains médecins redoutent les conséquences à long terme, notamment sur les enfants.

    En revanche, l’argument principal contre le pass sanitaire, celui des libertés, ne saurait être rejeté en bloc. La multiplication des contrôles et des personnes habilitées à y procéder représente un changement qu’il ne faut pas sous-estimer. Et aussi légitime soit le motif (enrayer l’épidémie ou minimiser ses conséquences, conformément à l’exigence d’une majorité de la population), une fois le pli pris, on ne sait pas où ça nous mènera. Pourquoi ne pas interdire de restau les fraudeurs fiscaux qui, après tout, font aussi du tort à la collectivité ?  

    Le contrat social suppose l’acceptation de certaines limitations de nos libertés. Personne ne s’offusque de devoir s’arrêter au feu rouge (sinon les libertariens dont parlait Jeremy Stubbs dans Causeur). Encore faut-il que ces restrictions soient justifiées et proportionnées. L’obligation de porter le masque dans la rue ou de présenter un pass sanitaire en terrasse ne répondent à aucun de ces critères. C’est de la com.  Du « vous voyez bien qu’on agit » destiné à rassurer les foules ­ – en leur rappelant en permanence le danger, ce qui est assez paradoxal.

    Je ne serais nullement choquée en revanche que le vaccin soit obligatoire pour les adultes.  Le rôle d’un gouvernement est de faire prévaloir l’intérêt général, parfois en faisant violence (symbolique) à une minorité réfractaire. Il y a pas mal de raisons de penser que la vaccination de tous est le moyen d’y parvenir. La plupart des mesures prises par le pouvoir font des mécontents.

    Seulement, notre Jupiter de comédie a été incapable d’imposer une décision qu’il considère pourtant comme indispensable à la collectivité – la vaccination pour tous. Très mauvais calcul politique : pour ne pas s’aliéner une minorité qui pour l’essentiel, le vomit déjà, Emmanuel Macron choisit de pourrir la vie de tous, y compris celle de ces Français qui sont allés se faire vacciner, parce qu’on leur a dit que c’était la condition de leur liberté. C’est ce que la macronie appelle la persuasion. On n’impose pas, on tracasse, on enquiquine, on flique, bref, on surveille et punit. En plus du pass sanitaire, on a donc le droit, à la carte c’est-à-dire au gré des pulsions protecto-répressives des maires et préfets, au couvre-feu, au masque en extérieur et à d’autres diableries hygiénistes. C’est Macron au pays des merveilles, comme la Reine de Lewis Carroll qui décrète qu’Alice sera pendue et décapitée. Nous, nous sommes vaccinés et fliqués, vaccinés et masqués, vaccinés et protégés à en mourir, pour paraphraser le titre de Neil Postman, Se divertir à en mourir

    L’obligation vaccinale est attentatoire à nos libertés mais beaucoup moins somme toute que l’usine à gaz qui est en train de se mettre en place, usine à gaz à la mise en œuvre de laquelle notre administration pleine de sollicitude apportera certainement une amusante couche de complications. Le vaccin, c’est deux coups de cuillères à pot. L’alternative qu’on nous propose est une litanie d’interdits et d’intrusions dans nos vies.

    Paniquant à l’idée d’imposer une décision brutale, Macron veut nous avoir à l’usure. In fine, il s’agit bien d’obliger les gens à se vacciner sans le dire tout en le disant puisque les ministres ne s’en cachent pas. C’est ajouter l’hypocrisie à la faiblesse. Et en prime, nos dirigeants se prévalent de quelques ultras, éventuellement antisémites, pour disqualifier toute contestation. Dans ces conditions, au risque de mécontenter tous mes lecteurs, je ne me sens en phase ni avec le gouvernement, ni avec ceux qui le contestent chaque samedi.  Reste à comprendre pourquoi ce combat est en train de devenir symbolique. Le diesel, les ronds-points, l’URSAFF, c’était clair. Mais cette détestation d’un médicament, je ne vois pas. Les antibiotiques font peut-être le bonheur du Big pharma, mais qui voudrait vivre sans antibiotiques ? Quoi qu’on pense des décisions, elles sont le fait d’un gouvernement légitimement élu. Et s’il s’agit de dénoncer la démocratie représentative, encore faudrait-il dire par quoi on propose de la remplacer. Pour ma part, je dénie à une assemblée de citoyens que je n’ai pas élus tout droit de s’immiscer dans ma vie. Enfin, alors que la campagne présidentielle approche, je meurs d’ennui à l’idée qu’elle pourrait être focalisée sur cette fichue épidémie. Apprendre à vivre avec elle, c’est d’abord penser à autre chose.

     

    Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.
     
  • Un système politique moribond au bord de l'implosion, par Yves Morel.

    L’abstention massive aux élections successives est le signe manifeste d'un rejet populaire du système politique français. Tous les partis sont touchés, et même le régime des partis, car tous ont prouvé et leur mépris et leur impuissance.

    Taux d’abstention au second tour des dernières élections départementales et régionales : 65,7 %. (rappelons que, lors du second tour de la présidentielle de 2017, il s’élevait déjà à 25,3 %). Les Français boudent les urnes et les partis politiques, et ils ne croient plus aux institutions non plus qu’en la capacité des responsables politiques à remédier à leurs difficultés. Et ils ont remisé au grenier les idéologies et les projets de société. Ce n’est pas là la manifestation d’une révolte, ni même un refus hargneux, mais, pire encore, une désaffection, et encore bien pire, un désintérêt total.

    On ne peut pas parler de rejet : le rejet est toujours précédé et/ou accompagné de propos publics (oraux ou écrits) malveillants et agressifs, ou de défilés dans les rues, et se traduit, au plan électoral, par un vote marqué en faveur des partis protestataires. Rien de tel ne s’est produit à l’approche des dernières élections, ni pendant leur déroulement. Les Français n’ont pas manifesté de colère particulière à l’égard du président de la République ou du gouvernement ; et ce d’autant plus que la crise sanitaire a suspendu depuis plus d’un an le cours habituel de notre vie politique, suspension favorisée d’ailleurs par la mise sous le boisseau, de la part de l’exécutif, des sujets propres à susciter le mécontentement, tels la réforme des retraites. On peut alors se demander si cette mise entre parenthèses de la vie politique, en forme de léthargie, n’a pas joué un rôle dans la démobilisation des électeurs, lors du dernier scrutin. C’est possible, mais il semble douteux que ce rôle ait été déterminant. Assurément, la cause du mal n’est pas d’ordre simplement conjoncturel ; elle traduit une grave crise de notre système politique.

    La profondeur du mal. Le rejet silencieux du système

    Certes, la crise en question est silencieuse. Mais ce silence assourdissant révèle sa profondeur. On ne conteste pas le système ou le pouvoir, on l’ignore, on le supporte passivement ; non parce qu’on juge son action nécessaire et incontournable, mais parce qu’on est intimement persuadé, au plus profond de l’être, que toute contestation est inutile, même si on pense que la politique suivie est mauvaise ou, tout au moins, critiquable. Parce qu’on pense que d’autres ne pourraient ni ne voudraient faire mieux ou autrement. Et parce qu’on pense aussi, confusément, que le système est absurde, et que ce ne sont pas le vote et la succession démocratique des présidents et des majorités parlementaires qui peuvent accoucher d’un pouvoir efficace, capable de changer les choses. En principe, on utilise le système pour essayer de changer les choses. Ou, on conteste le système en votant pour des partis qui, sans vouloir explicitement le détruire, le remettent en question en critiquant l’usage pernicieux qu’en font les représentants des autres formations et de la classe politique en général : ceux-ci sont perçus comme formant une nomenklatura coupée des préoccupations du peuple et unie par des privilèges communs et des pratiques communes, cette communauté de pratiques s’expliquant par le refus de bouleverser un ordre existant en entreprenant des réformes sérieuses en faveur des Français de base. Or, la présente abstention révèle que dans l’esprit des électeurs, les partis protestataires sont désormais inclus de plain pied dans cette nomenklatura, et qu’ils sont considérés comme des partis comme les autres, dirigés par des politiciens comme les autres, et qui, de toute façon, n’ont pas la possibilité – faute de compétence et/ou de moyens – de changer quoi que ce soit. Les électeurs estiment que ce n’est plus la peine de voter, ni même de protester ouvertement, et ils s’abstiennent de voter comme de manifester ou de dénigrer verbalement.

    Un mécontentement et un sentiment de révolte privés d’exutoire

    Il serait cependant spécieux de prendre cette abstention totale pour une forme de résignation. Les gens en ont assez, souffrent matériellement et moralement (ils sont « moroses », aiment à dire nos journalistes de radio et de télévision), ils sont intimement et sourdement révoltés, mais ils ne se sentent plus les moyens de le faire savoir, et n’ont donc plus d’exutoire à leur mécontentement. Et cela est pire que tout, cela peut devenir une cocotte minute sur le point d’exploser. Car on ne peut imaginer la durée indéfinie d’une situation caractérisée par la coexistence sourdement tendue d’un peuple exténué, impuissant à exprimer ce qu’il ressent et qui lui fait mal, et d’un système politique qui subsiste sans lui. On ne peut savoir ce qui en résultera. Toutes les hypothèses sont envisageables. On peut imaginer une explosion sociale et politique, bien que cette éventualité paraisse peu probable dans la conjoncture actuelle. Une implosion semble plus plausible. Les Français, déprimés, prostrés, abattus, sans ressort, toute velléité de rébellion (mais non de sentiment d’indignation) éteinte, se laisseraient aller au marasme, à un désespoir muet, à une passivité apparente dissimulant une révolte impuissante à s’exprimer, et s’enfonçant dans la déchéance morale (et aussi matérielle), bref dans une espèce de trou noir qui finirait par emporter toute notre société. D’autres scénarios peuvent se présenter à l’esprit, non dénués de vraisemblance.

    Le discrédit général des partis

    Ce qui est certain, en tout cas, c’est que nous vivons la fin d’un système. Nos compatriotes se désintéressent totalement de la vie politique, des partis qui l’animent, des hommes et des femmes qui l’incarnent, qu’ils représentent le « système » ou qu’ils s’inscrivent contre lui. Les Républicains et les socialistes peuvent bien se targuer de leurs succès aux dernières élections, ils ne représentent chacun qu’une faible portion des 34,3 % des électeurs qui ont accompli leur devoir civique les 20 et 27 juin dernier. Ni les uns ni les autres ne suscitent l’engouement des Français. Tout au plus ont-ils arrêté momentanément la dégringolade que leur avaient value la présidentielle et les législatives de 2017. Les socialistes, en particulier, ne redeviendront jamais le grand parti qu’ils étaient avant cette date. La France insoumise confirme son incapacité à entraîner le peuple mécontent à sa suite, et pâtit de l’extravagance tonitruante et souvent choquante et grotesque de son chef vieillissant. Le parti communiste tend à l’inexistence, tout comme l’extrême gauche trotskyste. Le Rassemblement national, comme La France insoumise, n’engrange aucun fruit du mécontentement populaire. Il connaît désormais les inconvénients de sa stratégie de dédiabolisation. Devenu un parti à peu près comme les autres aux yeux du grand public (non, certes, à ceux de l’intelligentsia et de la classe politique), il se voit boudé par les électeurs comme les autres. Nombre de ceux qui auraient voté pour lui du temps où il était le Front national de Jean-Marie Le Pen, le délaissent, d’autant plus qu’ils ne le créditent d’aucune capacité à gouverner le pays. Seuls les écologistes tirent avantageusement leur épingle de ce jeu électoral dérisoire en raison à la fois de la brûlante actualité des questions environnementales et du discrédit frappant leurs concurrents.

    Un sentiment général d’impuissance et de vanité

    Le cœur du problème siège en ceci que les Français se sentent désormais étrangers au système politique qui commande le fonctionnement de leurs institutions. Mécontents dans leur très grande majorité, aux prises avec mille difficultés matérielles, déprimés, désillusionnés, revenus de tout et de tous, ils ne se hérissent pas contre l’imposture du système, comme ils ont pu le faire à certains moments de crise de leur longue histoire. Ils sont persuadés de son incurie et de celle de nos dirigeants, croient vaine toute tentative de changement, ont oublié depuis longtemps toutes les grandes idées de droite et de gauche qui transportaient leurs ancêtres, et n’écoutent plus les « ténors » de la politique et ne lisent plus leurs professions de foi (lorsque celles-ci leur parviennent). Ils subissent les décisions des maîtres du moment avec, au cœur et à l’âme, un sentiment d’impuissance et de vanité de toute opposition (à quoi bon protester, songent-ils), les voient se succéder avec indifférence, et ne se dérangent donc plus pour glisser quelque bulletin dans une urne (ils se sentent d’ailleurs incapables de choisir) lorsqu’ils y pensent (lors du dernier scrutin, on a vu des gens oublier que les dimanches 20 puis 27, étaient des journées électorales !) Un tel climat incite à penser à bon droit que les Français, dont on rebat sans cesse les oreilles avec les « valeurs de la République » et la démocratie, ne sont plus ni républicains ni démocrates, même s’ils n’aspirent pas à l’instauration de quelque autre régime.

    Un système moribond

    En vérité, il semble loisible de croire que notre régime est aujourd’hui proprement épuisé, sénile, moribond. Il n’a plus rien à proposer aux Français, et est à bout de ressources morales et intellectuelles propres à le légitimer. Il ne survit que par sa seule présence, sa masse inerte (un poids mort), et parce que personne ne lui conçoit une alternative.

    Oui, décidément, la question de la nature du régime se pose, en France, et depuis déjà beaucoup plus longtemps que les effets de la crise sanitaire actuelle. Nos compatriotes n’imaginent pas un régime de substitution à celui qui nous régit présentement. Mais ils ne croient plus, n’adhèrent plus du tout, fût-ce passivement, à ce dernier, qu’ils supportent tout en le dédaignant, au point de s’abstenir de voter. Une telle situation ne pourra durer sans provoquer une crise majeure, de nature inédite, dans notre pays. Le régime actuel ne peut plus rien donner, pas même des illusions et ne pourra tenir longtemps le pays. Son remplacement s’impose.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Patrimoine • Versailles ou le Soleil à la fête [III]

    Pierre Paul Rubens (1577-1640), La Chute de Phaéton, c. 1604-1608 

     

    « Les plaisirs ont choisi pour asile, ce séjour agréable et tranquille » : l’apparition d’une spécificité culturelle

    La cour de la seconde moitié du XVIIe siècle voit plusieurs expressions artistiques bien à elle se développer, parmi lesquelles le ballet pour la danse, et la tragédie classique pour le théâtre et les arts lyriques quand elle est mise en musique. Le spectacle a dès lors une vocation : une mise en ordre symbolique, s’effectuant par le biais de constructions savantes et complexes, d’ordre artistique, esthétique et idéologique.

    L’opéra français résulte des premières tentatives de Mazarin d’importer les opéras italiens à la cour. Pour le jeune Louis, il fait jouer La finta pazza de Francesco Sacrati, précurseur de l’opéra-ballet. En avril 1659, la Pastorale d’Issy, comédie française en musique, est jouée dans la maison de campagne de René de la Haye, sieur de Vaudetart, orfèvre du roi. Elle est composée sur un livret de Cambert d’après les Poèmes de Perin. Son succès est tel qu’il permet, un peu plus de dix ans plus tard, la fondation de l’Académie d’opéra qui deviendra, en 1669, l’Académie royale de musique. Après quoi, le genre est saisi par les grands maîtres déjà en grâce à l’intendance des plaisirs du roi. À Versailles, les représentations données sont le fruit d’une étroite collaboration entre Lully et Molière, composant entre autres Le Mariage forcé, George Dandin, Monsieur de Pourceaugnac, Le Sicilien ou l’Amour peintre… On s’efforce d’y inscrire des moments musicaux et chorégraphiques dont l’exemple le plus célèbre est celui du ballet turc du « grand mamamouchi » dans Le Bourgeois gentilhomme. En 1673, naît Cadmus et Hermione, tragédie lyrique de Jean-Baptiste Lully composée sur un livret de Philippe Quinault. La première est jouée en présence du roi qui, selon la chronique, s’est « montré extraordinairement satisfait de ce superbe spectacle. » Dès lors, de nombreux « opéras à la française » puis « tragédies en musique » sont composés : Alceste, Atys et Armide deviennent les pièces maîtresses étalons de la musique du roi, synthèses des genres précédents que sont le ballet de cour et la comédie-ballet. On chante l’action dramatique suivant le modèle de la tragédie classique : cinq actes d’une intrigue suivie et d’un ton soutenu. Le récit y prend une place capitale, dramatisé par la musique de la déclamation tragique de Corneille et Racine. Le spectaculaire se renforce d’autant plus à l’heure des ballets qui entrecoupent les actes pour y adjoindre leur part de festivité.

    Issu du balletto italien, c’est en France que le ballet gagne ses lettres de noblesses. Le Ballet comique de la reine, chorégraphié par Balthazar de Beaujoyeulx, est présenté à Paris en 1581 et inaugure la tradition du ballet de cour qui donnera, au XVIIe siècle, les opéras-ballets et les comédies-ballets de Lully et Molière. Le ballet, comme la musique ou le théâtre, répond au service d’un message politique. Dans le Ballet royal de la nuit, sont liées thématiques astrologiques et astronomiques, parées des vertus et des insignes du pouvoir, gravitant autour du Soleil. La danse permet alors, par le mouvement et contrairement aux arts plastiques, d’incarner véritablement, de manière organique, l’astre qui luit. En 1661, l’un des premiers actes de gouvernement de Louis XIV est la fondation de l’Académie royale de danse, où l’on forme les danseurs et codifie l’art chorégraphique. Pierre Beauchamp, danseur et chorégraphe à la cour, codifie les cinq positions classiques et met au point un système de notation de la danse. Il s’agit de développer une pédagogie du langage des images compréhensible et reproductible. Le jésuite Claude-François Ménestrier, qui rédige deux ouvrages d’anthologie entre 1681 et 1682 sur la question : Des représentations en musique anciennes et modernes puis Des ballets anciens et modernes selon les règles du théâtre, pose ainsi cette réflexion : « Les spectacles publics font une partie de la Philosophie des Images que je me suis proposée comme la fin de mes études. »
    Ces médias artistiques entrecroisés s’expliquent en partie par la recherche d’un art total, mêlant musique instrumentale, vocale, poésie, danse, décors et images, issu de l’humanisme de la Renaissance, à l’heure où érudits et artistes redécouvrent l’Antiquité.

    La fondation d’une mythologie française

    Le Grand Siècle brille par la volonté de Louis XIV à faire de la France une nouvelle Rome. Avec Phaéton, tiré des Métamorphoses d’Ovide, le dieu Jupiter endosse son soc fleurdelisé et déploie les « vertus alliées de la force » pour reprendre saint Thomas : Magnificence et Magnanimité, apanages des grands monarques, face à l’orgueil démesuré de Phaéton qui, désireux de s’approcher du soleil, se brûle les ailes. La première est donnée sur une scène éphémère, dans la Salle des Manèges. Les machines absentes sont compensées par l’abondance et le luxe des costumes dessinés et conçus par Bérain. Les sujets développés après Phaéton tels que ceux d’Amadis, de Roland ou d’Armide, abandonnent progressivement les thématiques ayant trait aux dieux pour représenter des héros à visage humain. Après l’Antiquité, force est donnée aux légendes médiévales et à leurs mythes chevaleresques. À travers son répertoire mêlant sujets à l’Antique et hauts faits baroques, Louis XIV domine le temps et l’espace. Dans Amadis, composé en 1684, l’intérêt est porté au héros du même nom très en vogue dans la littérature du XVIIe siècle. Plus encore, on appelle cet Amadis de Gaule « la Bible du Roy » sous Henri IV. Dans ses Chroniques secrètes et galantes, Georges Touchard-Lafosse écrit : « Le roi se croyait quasi auteur du poème ; l’incitation de l’amour propre domina quelque peu chez lui le sentiment de la bienséance : un poète par métier n’eût pas fait plus. La pièce était remplie d’allusions à la louange de Sa Majesté, et Lully fit chanter, le mieux qu’il put, ce panégyrique obligé. » [1] D’abord issu de la littérature portugaise, de l’auteur Garci Rodriguez de Montalvo, Louis XIV s’approprie cette histoire d’amour mettant en scène Amadis, chevalier courageux surmontant mille obstacles pour Oriane, fille de Lisuarte, roi de Bretagne. L’épopée retrace la conquête de ce héros baroque à travers l’Europe, triomphant tour à tour en Bohème, en Allemagne, en Italie et en Grèce. La figure du roi est désormais une figure bien humaine, capable de dépasser sa faiblesse et de conquérir le monde malgré son être mortel.

    Roland, dont le thème est emprunté à l’Arioste, est joué à Versailles le lundi 9 janvier 1690. Comme pour Amadis, la trame est au sujet guerrier. Le Prologue est chanté par Démorgon, roi des fées, chantant les louanges de Louis XIV sur son trône car « le plus grand des héros » a ramené la paix. Pour Philippe Beaussant, « avec ces œuvres qui abandonnent la mythologie et les images traditionnellement chargées de transmettre la symbolique royale, nous sommes plus près que jamais de la personne et de l’esprit du roi. » Ce goût du roi consiste en cette appropriation transversale de légendes, de contes et de mythes européens, forgeant l’être-même du souverain comme image inaliénable destinée à sa descendance et à la postérité. Louis XIV est résolument ce « maître absolu de cent peuples divers » que chante la Sagesse dans le Prologue d’Armide. Un sauveur, à l’instar du Renaud de la tragédie, libérant peuples comme amours de la barbarie par la « douceur de ses lois. »

    Epilogue

    Au fil des années, les deuils qui frappent la famille royale, l’âge du roi, le déficit des caisses de l’Etat et les guerres imposent des divertissements plus intimes. Au crépuscule de sa vie, Louis XIV réserve le faste aux baptêmes et aux mariages princiers, avec le souci toujours prégnant d’impressionner ambassadeurs et souverains en visite officielle. Les jardins achevés, ils ne peuvent plus accueillir les grands dispositifs éphémères qui ont marqué la vie des bassins, des parterres et des bosquets. Pour autant, l’héritage qu’il a légué à la France s’incarne toujours avec vivacité dans les pages des tragédies que l’on continue de mettre en scène et de la musique que l’on continue de jouer. Louis XIV, en monarque soucieux de léguer à sa descendance un royaume en plus bel état qu’il ne l’avait trouvé, a également transmis sa passion des fêtes toute française à l’ensemble de ses sujets d’aujourd’hui. Mieux encore : au monde entier, que le mythe du Roi-Soleil fascine et continuera de fasciner pour la révolution culturelle qu’il lui a donné. Si Louis XIV vit encore derrière chaque vers de Molière ou Corneille déclamé, chaque note de Jean-Baptiste Lully ou de Marc-Antoine Charpentier pincée, l’on pourrait aisément pasticher le mot fameux : « Je m’en vais, mais la fête demeurera toujours. » (FIN)   

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    Les Quatre Vertus, Balet comique de la Royne, faict aux nopces de Monsieur le Duc de Joyeuse & madamoyselle de Vaudemont sa sœur. Par Baltasar de Beaujoyeulx, valet de chambre du Roy, & de la Royne sa mere, Gallica, p. 40  

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    Le Rouge et le Noir

  • IDÉES • GUERRE CULTURELLE, FAUT-IL DIABOLISER LA NOUVELLE DROITE ?

    Alain de Benoist

    Entretien avec Édouard Chanot journaliste chez Sputnik

    Publié dans Le bien commun* - N° 4 - février 2019

    Les lecteurs de Lafautearousseau liront, commenteront.

    téléchargement.pngÉdouard Chanot est journaliste chez Sputnik. Il a mené l’enquête sur les idées de la Nouvelle Droite dans un reportage remarquable. Jeune journaliste, passionné de philosophie politique, il a accepté de répondre au Bien Commun pour expliquer sa démarche. Un reportage intitulé : Guerre culturelle, Faut-il diaboliser la nouvelle droite ? Fidèle à la tradition d'Action française, Le Bien Commun discute avec toutes les intelligences.

    unnamed.jpgAlors que la nouvelle droite a ébranlé le débat intellectuel français, il y a maintenant quelques décennies, pourquoi leur avoir consacré un reportage ?

    La renaissance d'un mouvement, où tout du moins son retour, est en soi un phénomène assez rare et remarquable. La Nouvelle Droite ébranle de nouveau le débat, ne serait-ce que par les inimitiés qu’elle s’attire. Tout cela peut sembler marginal bien sûr – les intellectuels accompagnent ou expriment les bouleversements davantage qu’ils ne les provoquent… Mais quand même, quelquefois tiennent-ils des propos prémonitoires. Alors dans notre pays qui affectionne les polémiques et traverse une crise du sens, les intellos ont leur mot à dire et l’on ne perd jamais son temps à lire ceux de la nouvelle droite.

    Raphael-Glucksmann-a-gauche-et-tres-adroit.jpgEn fait, trop de contre-vérités, mêlant diabolisations calomnieuses et ignorances délibérées, circulent sur celle-ci. La palme revenant à Raphaël Glucksmann (Photo) , qui fit d’Alain de Benoist le père du poutinisme… Il est évidemment possible de critiquer la ND, mais dans ce cas faisons-le sans moralisme. Le philosophe Léo Strauss pensait en premier lieu nécessaire, pour saisir un penseur, de le comprendre tel qu'il se comprenait lui-même. Je suis journaliste, et non inquisiteur, j'ai tâché de faire de même. Il fallait traiter les Neo-droitiers honnêtement. J’espère y être parvenu.

    La pensée de la nouvelle droite put paraître hégémonique dans son camp lors de son apparition. En un temps d’hégémonie politique de la gauche ces questions étaient elles intéressantes d’un point de vue journalistique ?

    La ND était, me semble-t-il, plus avant-gardiste qu’elle n’était hégémonique à ses débuts. Elle a cherché à ouvrir des pistes à une droite dominante au début du siècle dernier, mais a été peu à peu brisée par ses défaites successives. Ses inspirations très nietzschéennes, son européisme, son néopaganisme, qui peuvent paraître étranges, exprimaient aussi l'air du temps New Age et la révolution
    sexuelle. Bien qu’elle prît le contre-pied du libéralisme conquérant à droite, elle a épousé son époque plus aisément que d'autres, qui rechignaient à abandonner des combats perdus.

    Aujourd’hui, l’hégémonie de la gauche est déjà fissurée – d’ailleurs, il me semble plus juste de qualifier de libérale libertaire la doxa hégémonique, ce qui revient à relativiser qu’elle soit purement de gauche. Dès lors, l’intérêt actuel de la ND devient plus évident : ses idées centrales remettent justement en cause cette doxa.

    buisson-zemmour.jpgIl me semble aussi que la droite, au sens le plus large, a remporté trois grandes victoires conceptuelles et sémantiques depuis une décennie : d’abord, le concept d’identité, ensuite celui de grand remplacement et, plus récemment, celui de désignation de l’ennemi, à la suite des attaques dhihadistes. Deux des trois sont le fait de la ND et l’autre, vous le savez bien sûr, provient de Renaud Camus. Car c'est le GRECE qui a lancé le concept d’identité dans les années 70, et c’est Julien Freund et Alain de Benoist qui ont rendu Carl Schmitt et sa désignation de l’ennemi accessibles en France. On la retrouve désormais dans les essais de Zemmour ou de Buisson (Photo)pourtant étrangers au courant révolutionnaire conservateur germanique dont la ND est l’héritière.

    Vous faites intervenir Charles Gave en réponse aux arguments d’Alain de Benoist. La réponse libérale à ces arguments est de plus en plus minoritaire L’école libérale française est-elle encore partie prenante du débat intellectuel ?

    Grand paradoxe en effet : Charles Gave est une figure d’un libéralisme théoriquement pur et dur, classique et orthodoxe, mais libéralisme néanmoins minoritaire parmi les libéraux de nos jours. L’école libérale française est numériquement faible, sur le déclin, même si des personnalités comme Agnès Verdier-Molinié ou cet enfant gâté de Gaspard Koenig ont leurs ronds de serviette aux bonnes enseignes médiatiques. Mais au fond peu importe : le libéralisme ne s’impose pas en France par les intellectuels et le débat public hexagonal, il l’a perdu depuis belle lurette. A quoi bon débattre là, quand la classe dirigeante se forme dans les business schools et lit The Economist, avant de rejoindre les firmes américaines ou les institutions supranationales ? Tout cela est bien plus efficace pour modifier ouvertement les moeurs et les esprits des Français.

    On a souvent reproché à la nouvelle droite de cacher une critique racialiste derrière la dénonciation de l’idéologie du même. Cette critique vous semble-t-elle fondée ?

    Vous me contraignez là à un procès d’intention ! Cela étant dit, le discours caché de la ND est inconcevable : par définition, comme tous les -ismes, le racialisme circonscrit une cause première et unique de l'histoire humaine, en l’occurrence la race. Or, il suffit de lire les revues de la ND pour se rendre compte de son sens extrême des pluralités. Ses intérêts et ses perspectives sont innombrables. 

    Bien sûr, Alain de Benoist évoque le métissage dans cette idéologie du même. Mais cela fait quand même trois décennies qu’il se préoccupe bien peu des questions ethniques, même si l'on trouve une petite page sur les avancées génétiques dans Eléments. Je crois Alain de Benoist très honnête quand il critique l’ethnocentrisme,
    et il a eu une influence considérable à cet égard, en éloignant les efforts des intellos de la droite radicale vers d’autres problématiques, 

  • Livres & Actualité • Alain de Benoist contre le libéralisme (et ce qu’il a fait de nous)

     

    Par Jean-Paul Brighelli

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpgNous avons mis en ligne, vendredi, une vidéo dans laquelle Alain de Benoist présente lui-même le livre qu'il vient de publier, Contre le libéralisme.

    Voici ce qu'en a pensé Jean-Paul Brighelli. Nous avons dit souvent aimer son style, son humour, son expression directe et sans ambages, son érudition, son bon sens, son non-conformisme et jusqu'à la verdeur de son langage. Cette excellente recension - parue sur son blog le 25 février - ne manque pas à la règle. Voici !  LFAR  

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    Tous les hommes ne sont pas interchangeables

    Seule l’extrême densité de l’actualité m’a fait retarder le compte-rendu déjà écrit du dernier livre d’Alain de Benoist, Contre le libéralisme.

    FIC147777HAB0-768x1234.jpgUne actualité si épaisse qu’elle a permis le déferlement de la sottise la plus élémentaire, non pas celle supposée des « gilets jaunes », qui n’en sont pas encore à formaliser l’ensemble de leurs revendications, et auxquels il est un peu vain de reprocher en bloc les bêtises de quelques-uns, mais celle des commentateurs : faut-il qu’ils aient peur pour qu’on lise sous la plume de gens ordinairement mieux avertis (Jean-François Kahn ou Jacques Julliard, par exemple) des pauvretés idéologiques d’un tel calibre… Cela me rappelle les éructations de la bonne madame Sand au moment de la Commune (lire absolument Les Ecrivains contre la Commune, de Paul Lidsky) : la « socialiste » de Nohan a soudainement craint que le peuple dont elle chantait les louanges tant qu’il fermait sa gueule ne vienne dévaster sa gentilhommière… Que voulez-vous, le peuple braille, gueule, éructe, et parfois même coupe des têtes. Et parfois, il n’a pas tort de le faire : nous exaltons la Révolution chaque mois de Juillet selon un rite magique – pour qu’elle ne se reproduise pas.

    Nous ne sommes pas des Alain Minc

    Contre le libéralisme donc… Entendons-nous : Alain de Benoist n’a rien contre l’idée que son boulanger ou son menuisier soient des entrepreneurs libéraux — tant qu’ils ont du talent. Un homme qui cite si souvent Ayn Rand (si vous n’avez pas vu le Rebelle, de King Vidor, empressez-vous !) n’a rien contre l’expression du génie, de l’individu porté à son plus haut point d’incandescence. Mais il s’agit ici de l’individuation libérale, l’assurance fournie par le libéralisme actuel que la médiocrité de chacun pourra s’exprimer sans contrainte, pourvu que chacun soit libre de consommer, c’est-à-dire au fond d’être asservi à l’objet, à l’avoir, faute d’être, qui est au cœur de son ouvrage. L’autre versant, c’est l’économisme, c’est-à-dire la tendance à remplacer le politique par un prêt-à-porter financier : « It’s the economy, stupid ! » beuglait James Carville, l’organisateur de la campagne de Clinton en 1992 — en écho au « There is no alternative » de Thatcher — « affirmation impolitique par excellence ». Ou à l’idée que, comme le proclame Alain Minc, « le capitalisme ne peut s’effondrer, c’est l’état naturel de la société ». L’illibéralisme contemporain, la pensée alter-mondialiste, le souverainisme sous toutes ses formes, nourrissent leurs critiques et leurs révoltes de ces affirmations péremptoires qui font les beaux jours des banques, mais pas les nôtres.

    Loana, c’est Jeremy Bentham

    Qu’est-ce que l’individu libéral ? « La culture du narcissisme, la dérégulation économique, la religion des droits de l’homme, l’effondrement du collectif, la théorie du genre, l’apologie des hybrides de toute nature, l’émergence de « l’art contemporain », la télé-réalité, l’utilitarisme, la logique du marché, le primat du juste sur le bien (et du droit sur le devoir), le « libre choix » subjectif érigé en règle générale, le goût de la pacotille, le règne du jetable et de l’éphémère programmé, tout cela fait partie d’un système contemporain où, sous l’influence du libéralisme, l’individu est devenu le centre de tout et a été érigé en critère d’évaluation universel. »

    C’est ce qu’il y a de bien avec les philosophes (et beaucoup moins avec les penseurs d’opérette qui se répandent en éditos chiasseux), c’est qu’ils savent poser un problème, pour en détortiller les nœuds dans les pages suivantes. Alain de Benoist montre avec une grande rigueur le lien qui unit Jeremy Bentham et John Stuart Mill à Loana ou à Macron (dont Marcel Gauchet dit qu’il est « le premier vrai libéral, au sens philosophique du terme, à surgir sur la scène politique française »).

    « L’immigration se résume à une augmentation du volume de la main d’œuvre et de la masse des consommateurs »

    Comment ? protestent déjà les demi-habiles (rappelons au passage que le demi-habile pascalien est, comme le « presque intelligent », un gros connard qui se croit habile). Vous êtes contre la liberté ? Oui — chaque fois que, comme l’explique Pierre Manent, le règne sans partage des droits individuels fait automatiquement périr l’idée de bien commun. L’idée quantitative de l’individu, qui finalement renonce à être pourvu qu’on le laisse avoir, explique par exemple l’accueil que le libéralisme fait à l’immigration incontrôlée : « Le libéralisme, explique Alain de Benoist, aborde cette question dans une optique purement économique : l’immigration se résume à une augmentation du volume de la main d’œuvre et de la masse potentielle des consommateurs grâce à des individus venus d’ailleurs, ce en quoi elle est positive. Elle se justifie en outre par l’impératif de libre circulation des hommes, des capitaux et des marchandises, et permet aussi d’exercer une pression à la baisse sur les salaires des autochtones ». Et d’ajouter : « On raisonne ainsi comme si les hommes étaient interchangeables ». L’idéologie des Droits de l’homme, appliquée de façon aveugle, finit par nier ces droits mêmes. Carton plein pour le vendeur d’i-phones et autres babioles onéreuses et jetables – mais pour nous ?

    Un exemple qui a surgi au fil de ma lecture — et c’est toujours bon signe quand un livre agite en vous des idées. On propose plusieurs dates pour la fin de l’empire romain : 410, avec le sac de Rome par les Wisigoths d’Alaric, ou 455 avec les Vandales de Genséric, ou 476, avec l’abdication du dernier empereur, Romulus Augustule. Mais pour moi, le début de la fin, c’est, en 212, l’édit de Caracalla, faisant de chaque habitant de l’Empire un citoyen romain. Ce n’était plus la peine désormais de chercher (souvent en servant dans l’armée) à devenir romain. Et on eut très vite recours à des Barbares pour remplacer les citoyens qui pouvaient dès lors se contenter de péter dans leurs toges. On leur avait donné un droit, et supprimé les devoirs. Le reste n’est qu’histoire des cataclysmes et de la décadence, comme le peignait Thomas Couture. 

    Que la liberté de consommer soit un asservissement est une évidence qui n’échappe qu’aux libéraux, pour qui « la liberté est en fait avant tout liberté de posséder. » Caracalla, le premier, en banalisant le « citoyen », a proclamé l’avènement de l’individu — rendant, du coup, le plaisir vulgaire et la citoyenneté obsolète.

    Y a-t-il de l’espoir ? Eh bien oui : le système est en train d’atteindre ses limites. « À l’endettement du secteur privé s’ajoute aujourd’hui une dette souveraine, étatique, qui a augmenté de manière exponentielle depuis vingt ans, et dont on sait parfaitement qu’un dépit des politiques d’austérité, elle ne sera jamais payée. » Plus vite on la dénoncera, plus vite nous récupèrerons le droit d’être des individus ré-organisés en société, unus inter pares, comme on disait à l’époque où « aristocratie » n’était pas un vain mot. Et nous balaierons les oligarques qui se prennent pour des élites auto-proclamées.

    Quant à savoir où se situe Alain de Benoist dans l’échiquier politique… Un homme qui cite souvent Jean-Claude Michéa ne peut être tout à fait mauvais. Mais j’imagine que Jacques Julliard et Jean-François Kahn doivent penser qu’il est le diable — contrairement aux esprits éclairés qui lisent ou écrivent dans son excellente revue, Eléments, en vente dans tous les kiosques.  

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    Jean-Paul Brighelli
    Enseignant et essayiste, anime le blog Bonnet d'âne hébergé par Causeur
  • Gilets jaunes antifascistes : les nouveaux idiots utiles, par Laurent Vergniaud.

    Le rassemblement contre la dissolution de Génération identitaire du 20 février 2021 donna lieu à une arrestation remarquée de Jérôme Rodrigues aux côtés des contre-manifestants gauchistes. Profitons donc de l’occasion pour effectuer l’autopsie du cadavre du mouvement des Gilets jaunes.

    Compte tenu du contexte électrique, on aurait pu s’attendre, en ce samedi de février, à ce que la manifestation contre la dissolution de Génération identitaire livre les rues de Paris à un chaos sans précédent. Pendant des semaines, les anathèmes ont fusé depuis les rangs de la gauche plurielle, sur les plateaux télés, les réseaux sociaux et dans les communiqués : racistes, terroristes, milices fascistes ! Des reportages chocs ont été ressorti de derrière les fagots, du fait divers sordide pour choquer le bon notable de gauche. On a rappelé l’invasion du Capitole, un océan plus loin. Nombreux avancèrent que l’État de droit était assurément menacé par les actions du groupe, que nous étions au bord de la guerre civile. Comme de bien entendu, les antifas parisiens ne manquèrent pas à l’appel.

    Les antifas entrent en scène

    Dans une déclaration aux accents insurrectionnels publiée sur la plateforme de propagande appeliste ACTA, l’Action antifasciste Paris-Banlieue a appelé fermement à contre-manifester. Toutes les gymnastiques intellectuelles furent de mise pour convaincre son auditoire de cette nécessité révolutionnaire : si le Système dissout Génération identitaire, c’est un complot pour mieux renforcer l’extrême droite, et dissimuler au peuple que les idées identitaires sont déjà au pouvoir. Mieux encore, si le pot au rose n’est pas dénoncé, c’est le Rassemblement national qui sera le grand gagnant de l’histoire. Plus direct, le mouvement de jeunesse marxiste Jeune Garde a salué une dissolution qu’il réclamait de longue date et a annoncé continuer son action sur le terrain de la rue en publiant sur les réseaux sociaux des photos de militants prêts à en découdre. « Ça va swinguer ! » promettaient-ils, singeant les codes du hooliganisme. Syndicats d’extrême gauche, partis politiques, pages Facebook insurrectionnelles, tous contresigneront. Des appels qui pousseront la préfecture à déployer par prudence un important dispositif policier, dans le souci d’éviter une bataille rangée entre extrêmes.

    Le jour J, chacun fut donc au rendez-vous pour y jouer sa partition, rassemblement et contre-rassemblement. Mais ce que les caméras auront montré, c’est un sans-faute en termes de mobilisation et communication de la part du camp identitaire. De bons Français indignés mais respectueux des lois, le soutien de nombreux élus de droite, un rassemblement à l’organisation sérieuse, une place remplie, des profils variés à mille lieues de l’image d’Épinal du terroriste en puissance au crâne rasé. Bien embêtés devant l’absence des ligues fascistes prêtes à renverser la République, les caniches du système tenteront en dernier recours de débusquer un salut hitlérien. Une pathétique manœuvre qui sera rapidement débunkée par les prudents décodeurs de l’AFP.

    Le clown Jérôme Rodrigues

    La seule échauffourée notable ne mettra pas en scène des militants antifas ultraviolents, au grand dam du spectacle médiatique, mais quelques poignées de Gilets jaunes avinés. Pas de romantiques affrontements entre bandes rivales, pas de choquantes agressions fascistes, juste quelques perturbateurs expulsés sans ménagement par le service d’ordre. Introuvables sur le terrain, les militants antifascistes auront manqué leur coup. En mobilisant à leur place les Gilets jaunes pour aller au contact du rassemblement identitaire, l’intention initiale était très certainement de montrer que l’opposition au fascisme ne venait pas de militants radicaux, mais du peuple, éternelle chimère de tous les gauchismes. Raté sur toute la ligne, le contribuable français ne s’est pas reconnu dans ce Lumpenprolétariat dégénéré, ces chômeurs-casseurs qui n’ont plus d’identité nationale ou de patrimoine à conserver. Point ici de large mobilisation antifasciste de la France d’en bas, mais le triste spectacle d’une poignée de gogos paumés aux revendications peu identifiables. Affaibli et brisé par des mois de mobilisation et de répression dont le sens lui échappe, le Gilet jaune survivant n’a plus grand-chose à voir avec le terreau dont il est issu. Il manifeste, par tradition religieuse, tous les samedis. Ne se définissant plus que par leurs « gilets », ces nouveaux damnés de la terre lutteront jusqu’au bout, peu importe contre quoi. Face à ces déclassés, ces « intouchables », on aura vu se dresser la France, de toutes les classes, de tous les horizons, fédérée par le drapeau, unie dans la défense de la liberté d’expression. Deux mondes qui se regardent de chaque côté d’une ligne de CRS. L’aboutissement de cette récupération du Gilet jaune aura seulement eu pour effet de mettre dans les pattes de l’extrême gauche de rue cet encombrant boulet.

    Il suffira pour s’en convaincre de regarder l’intervention ubuesque du clown borgne Jérôme Rodrigues au micro de Russia Today. Sans crainte du ridicule, il ânonne une bancale démonstration dont on peine à distinguer les tenants et les aboutissants. On comprend vaguement que le pauvre homme serait en guerre contre « Macron » et « l’Allemand » – Jérôme Rodrigues veut parler de Lallement, Didier de son prénom, préfet de police de son état. Hier c’étaient les Allemands, aujourd’hui c’est « l’Allemand ». Le Gilet jaune est pour la liberté d’expression, il doit donc manifester contre Génération identitaire car tous les points de vue doivent se faire entendre. Eh oui, en dissolvant Génération identitaire, Macron a fait le choix de leur donner parole ! La manifestation des identitaires n’a pas été interdite par « l’Allemand », on en déduit donc que les identitaires sont de mèche avec lui. À moins que ce ne soit l’inverse. Les argumentaires calculés des théoriciens antifascistes sont mis à nus. Privés du jargon sociologique et de leur lyrisme militant, dans le cerveau brouillon du gogo Rodrigues, ils retournent à leur état naturel de bouillie inintelligible. Point d’orgue de cette clownerie, le nouveau bouffon du roi se plaindra piteusement d’un violent toucher aux testicules par les forces de l’ordre. L’État tremble devant tant d’ardeur révolutionnaire et le public se gausse. On croirait entendre un de ces délinquants banlieusards se victimiser sur le plateau de Konbini pour tirer les larmes et les sous du bobo bien-pensant. Révélateur de la castration mentale et de la soumission totale de celui qui, on le rappelle, rejoindra prochainement le cirque d’Hanouna comme chroniqueur.

    L’art du recyclage idéologique

    Bien avant la « récupération » gauchiste, c’est la société du spectacle qui aura terrassé les Gilets jaunes. Le 17 novembre 2018, acte un des Gilets jaunes, il n’y avait précisément pas de « gilets jaunes », il y avait des Français en colère qui se plaignaient du matraquage fiscal. Sur Internet, on parlait de « mouvement national contre la hausse des taxes », de « France en colère ». Le gilet jaune n’était qu’un outil pour se reconnaître, on portait le gilet jaune, on n’était pas « un Gilet jaune ». Puis la mise en scène permanente fit naître l’identité du Gilet jaune. On était plus Gilet jaune parce qu’on voulait payer moins d’impôt, on était Gilet jaune car on défilait tous les samedis et qu’on se revendiquait comme tel sur les réseaux. Les Gilets jaunes étaient une grande famille, une communauté dans la communauté. Au fur et à mesure que le mouvement perdait en dynamique, au fur et à mesure que la fracture avec le Français moyen s’accentuait, la tentation de se reposer sur le tissu associatif de la gauche pour continuer d’exister et de se faire entendre devenait de plus en plus importante. Il fallait prêter allégeance au dogme de la convergence des luttes. Le Gilet jaune devenait l’homme de tous les combats : écolo, antiraciste, syndicaliste même ; dans une totale contradiction avec ses revendications de départ. Mieux encore, par opposition à la police, seule constante du mouvement, il fallait adopter les slogans et les codes visuels du black block et par extension de l’antifascisme. L’identité du Gilet jaune antifasciste était née. D’abord construction médiatique pour assimiler le mouvement aux « casseurs », la synthèse finit par devenir réalité.

    La pieuvre identitaire gauchiste, habituée à assimiler en son sein tous les combats d’arrière-garde, était impuissante, dépassée, larguée face à la mobilisation spontanée du peuple français. Des Gilets jaunes cependant, elle n’aura fait qu’une bouchée. Sa spécialité reste de rabattre les multiples identités que revendiquent les proscrits pour les rallier à la haine de l’homme bourgeois blanc, personnifié par le flic et par le militant de droite. La gauche intersectionnelle a cela de magique qu’elle multiplie les cautions au fur et à mesure qu’elle perd les masses. À défaut d’avoir eu les prolos, elle aura eu les Gilets jaunes. On a connu le Beur de service pour se dédouaner du racisme, on a à présent le Gilet jaune de service pour se dédouaner du mépris de la France périphérique. Encombrant allié, mal à l’aise devant les caméras, inutile dans la rue, mais nécessaire pour préserver l’illusion morale que la lutte gauchiste est celle des « sans-dents » contre les élites.

    On a pu longtemps débattre du statut d’« idiots utiles du système » des antifas, personne ne niera aujourd’hui que les Gilets jaunes sont devenus les idiots utiles de la gauche.

    Source : https://www.revue-elements.com/

  • Les nouveaux hérétiques, par Bruno Lafourcade.

    La République prône moins un droit au blasphème qu'un devoir d'approbation ; et elle traque l'hérétique avec vigilance, aidée par les bons citoyens, ivres de justice sociale – dont ils seront assurément les prochaines victimes. Les vertueux n'aiment rien tant que se dévorer eux-mêmes.

    7.pngLa République laïque s’enorgueillit de son « droit au blasphème ». Ce droit, évidemment, a cessé d’exister depuis longtemps : il s’est transformé en « devoir d’approbation », qui étend le blasphème à la race, au sexe et au corps, des domaines autrefois profanes et désormais sacralisés.

    Ainsi peine-t-on à trouver une publicité pour des assurances qui ne mette en scène un couple métissé ; un film qui ne dénonce l’avilissement des femmes par l’hétéro-patriarcat ; un livre qui ne décrive avec émotion le calvaire des migrants, des gays ou des obèses – car les librairies sont devenues, au même titre que la télévision, le cinéma et les journaux, un des hauts lieux du catéchisme antiraciste, antisexiste, antivalidiste[1]. C’est la raison pour laquelle, comme l’a montré un de nos plus brillants romanciers, Patrice Jean[2], on sera obligé de réécrire ou de censurer les classiques : il est hors de question que Rabelais, Molière ou Shakespeare continuent de se moquer des femmes, des étrangers et des surchargés pondéraux. Un metteur en scène italien, Leo Muscato, soucieux de lutter contre les « féminicides », a déjà changé la fin de Carmen : finalement, c’est la bohémienne qui tuera Don José.

    On comprend que l’une des plus fameuses gardiennes de la foi, Mme Caroline De Haas, se soit réjouie, dans un français d’adolescente de quarante ans, au-dessus d’une photo des livres d’Alice Coffin et de Constance Debré[3] : « Y a des librairies, tu rentres et en un clin d’œil aux tables dans l’entrée, tu sais que tu vas t’y sentir bien. Et y en a où tu sens que ça va pas le faire. »[4]

    Toujours prête à dénoncer l’hérétique, elle était venue surveiller la bonne tenue des rayons. Dieu merci, l’apostat menacé de l’Index, ou d’un tweet de Mme De Haas, a déjà été banni, ou se tait, le plus souvent : il met un couvercle sur les blasphèmes qui lui viennent assez naturellement.

    De temps en temps, néanmoins, l’eau bout tant que le couvercle saute :

    « Madame Diallo se plaint de la France, elle se plaint des Blancs, a récemment remarqué une auditrice de Sud Radio. [Mais] Madame Diallo, elle n’aurait pas bénéficié de tout ce que donne la France, il y a de fortes chances qu’elle serait en Afrique avec trente kilos de plus, quinze gosses, en train de piller le mil par terre, et d’attendre que Monsieur lui donne son tour entre les quatre autres épouses. »[5]

    Ces sacrilèges, qui ont surgi sans crier gare, et dont on sentait que l’auditrice se libérait, n’ont pas échappé à Mme Diallo, l’interpellée :

    « Ces propos traduisent un mélange de mépris de “l’Afrique” […] et de négation de la légitimité politique des non Blanc.he.s en France (+ grossophobie). Pour les signalements CSA, voici la vidéo entière qui m’avait échappée [sic]. »[6]

    Le « signalement », c’est le nom que les tenants du respect de la religion donnent à l’excommunication, pour laquelle ils ont deux arguments : le feu et le jeu – un mécréant, toujours, « jette de l’huile » (sur le feu) et « fait le jeu » (des « extrêmes »).

    Il y a quelques incommodités à être un gardien de la foi : on est obligé de se passer de bons livres pour faire l’éloge d’œuvres qui ont pour titre, par exemple, Chattologie – un essai menstruel avec des dessins dedans, de Mlles Louise Mey et Klaire Fait Grr [c’est son « nom »], aux éditions Hachette Pratique (sic). Mais ces inconvénients sont bénins par rapport aux bénéfices : on y gagne très confortablement sa vie, par exemple, grâce au détournement de l’argent public. Ça s’appelle du racket dans la mafia ; et des subventions dans la République.

    On peut très bien prévoir comment vont finir la plupart des défenseurs de l’orthodoxie ; et ça pourrait en surprendre plus d’un, et d’abord eux-mêmes. Il y a toujours un moment, en effet, dans la course à l’excommunication, où les Torquemada deviennent littéralement fous, se plaisant à imaginer, par exemple, que des policiers, postés dès potron-minet à Trappes ou à Bobigny, guettent les premiers banlieusards pour les « massacrer », en se repérant à leurs cheveux frisés[7]. Mais la folie n’est que la première étape ; la seconde, c’est l’entre-dévoration : dans les périodes de terreur, les plus méritants chasseurs d’impies deviennent toujours, à leur tour, gibiers. Tous les Savonarole finissent sur un bûcher, tous les Robespierre, sur la guillotine : il y a toujours plus pur que soi.

    J. K. Rowling, l’auteur de Harry Potter, ou l’historien Ivan Jablonka, ou même le premier ministre Justin Trudeau, malgré les preuves de leur allégeance au dogme, et même leurs génuflexions, ont déjà été soupçonnés d’hérésie : la première est accusée d’être transphobe ; le second de « minimiser l’apport théorique de la pensée féministe » ; le troisième de s’être livré au blackface dans sa jeunesse.

    Ce ne sont que trois exemples parmi d’autres : les dévots les plus sincères recevront un jour l’anathème. « Ils ne mourront pas tous, mais tous seront frappés » : un texto, une photo, un mot suffiront.

    En ce moment, c’est Mme Françoise Vergès qui est menacée d’illégitimité. Cette universitaire, fameuse « féministe décoloniale », qui depuis vingt ans ne cesse de pourfendre le « racisme systémique » et le « blantriarcat », a un défaut, un seul, mais il se voit : elle « n’a pas une goutte de sang afro » ; « elle bégaye quand on lui demande de se situer racialement donc quelque chose n’est pas net ». Certains la défendent en disant qu’elle est « métisse et asiatique ». « Et alors ? Ça lui donne le droit d’employer le mot nègre ? »[8]

    Accusée de se livrer au « blackfishing », c’est-à-dire de s’approprier indûment la culture et l’Histoire des Noirs, on la soupçonne en outre d’être une « descendante de colons ».

    Ce n’est que le début : d’autres bûchers viendront. Ce sera la victoire des premiers hérétiques, qui regarderont brûler leurs anciens persécuteurs. Personne n’a dit que la parousie devait se dérouler sans petites satisfactions.

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    • Dernier livre paru : Les Cosaques et le Saint-Esprit (éditions La Nouvelle Librairie)
    • À paraître : La littérature à balles réelles (éditions Jean-Dézert)

    [1]  On appelle « validisme » l’automatisme qui fait de l’individu qui ne souffre pas de maladies ni de handicaps, qui est donc « valide », la norme, provoquant une discrimination à l’égard des invalides, des infirmes, des malades.

    [2]  Dans L’homme surnuméraire (Rue Fromentin) et dans La Poursuite de l’idéal (Gallimard).

    [3]  Auteurs connus pour leur engagement lesbien.

    [4]  Twitter, 13 février.

    [5]  Les Vraies Voix, Sud Radio (20 déc. 2020).

    [6]  Rokhaya Diallo, Twitter, 20 déc. 2020.

    [7]  On aura reconnu les délires de la chanteuse et actrice Camélia Jordana.

    [8]  Témoignages parus sur les réseaux sociaux et recueillis sur le site Observatoire de la déconstruction (25 janv. 2021).

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Goldnadel: «La négation du racisme anti-Blancs relève de la névrose collective».

    Gilles-William Goldnadel. JOEL SAGET/AFP

    Pour l’avocat Gilles-William Goldnadel, la lutte antiraciste est aveugle au racisme anti-Blancs et se traduit de plus en plus par une haine obsessionnelle de l’Occident.

    La ségrégation raciale enfin reconnue, quoi que laborieusement, par la présidente de l’UNEF nous permet cette semaine d’explorer une nouvelle face de la folie du temps présent.

    On peut et l’on doit l’analyser sur deux niveaux superposés: la tolérance de l’intolérance raciale par l’antiracisme officiel ainsi et peut-être surtout que la négation du racisme anti-blanc (ou anti-occidental) qui confine par sa cécité butée au négationnisme intellectuel et médiatique.

    La ségrégation raciale tout d’abord. Dans la réalité, l’organisation, notamment par l’UNEF, de réunions indigénistes ou «racisées» interdites aux blancs est connue depuis longtemps. Je l’ai évoquée, notamment dans ces colonnes, à plusieurs reprises, sans que ces évocations ne provoquent aucune contestation.

    Ainsi, à une période d’antiracisme permanent autant qu’obsessionnel, le fait d’interdire à des blancs de participer à des réunions n’aura provoqué aucune massive protestation.

    Mon imagination est impuissante à décrire la réaction médiatique et judiciaire, si, par hypothèse hardie, je ne sais quelle organisation identitaire avait décidé d’organiser, aux fins d’évoquer la souffrance blanche, des réunions interdites aux personnes colorées.

     

    Ces silences, ces abstentions signifient clairement que l’on peut impunément pratiquer la ségrégation raciale honnie dès qu’il s’agit des blancs. 

     

    L’aversion pour les blancs par des membres de l’UNEF a été documentée depuis longtemps.

    C’est ainsi, notamment, que pour qualifier l’incendie de Notre-Dame, la vice-présidente de l’organisation estudiantine à Lille, Hafska Askar, considérait sur Twitter qu’il s’agissait d’un: «délire de petits blancs» et se proposait de «gazer tous les blancs, cette sous- race».

    Plus tard, la gazouillante indiqua via Médiapart qu’il s’agissait de faux forgés par la fâcheuse sphère... (Marianne 18 mars).

    En dépit de ce qui précède, aucune organisation antiraciste traditionnelle n’a cru devoir saisir la justice à l’encontre d’une organisation ayant glissé par la pente du temps, du gauchisme classique de classe à l’islamo-gauchisme de race. Raison pourquoi, l’association Avocats Sans Frontières a décidé de pallier à cette carence significative de cette passivité, coupable voire complice, de l’antiracisme professionnel.

    Je rappellerai en effet les termes sans ambiguïté des articles 225- 1 et 2 du Code Pénal:

    «Constituent une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille…»

    «Lorsque l’acte discriminatoire… est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’interdire l’accès, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende».

    J’en viens de ce fait au deuxième aspect de la folie du temps de cet antiracisme devenu raciste.

    Car ces silences, ces abstentions signifient clairement que l’on peut impunément pratiquer la ségrégation raciale honnie dès qu’il s’agit des blancs.

    Pire encore, le président d’un parti représenté à l’Assemblée Nationale, Jean-Luc Mélenchon, a tenu vendredi dernier à exprimer officiellement sa solidarité avec le syndicat ségrégationniste.

    Mais au-delà de cette folle dérive politique assumée, le pire est ailleurs.

    Il habite dans cette posture intellectuelle massivement adoptée par les médias et qui revient à refuser de voir ou à contester l’évidence aveuglante: l’existence d’un racisme anti-blanc que l’on nie effrontément. Cette cécité obstinée confine au négationnisme.

    Il y a d’abord ce permis d’exclure qui émane des prétendues élites blanches et qui autorise les dérives à venir. Ce permis d’exclusion vient de haut. Il culmine au mont Olympe, lorsqu’avec désinvolture on dénie à un mâle blanc de commander un rapport à un autre mâle blanc pour tenter de régler le problème des banlieues bigarrées. Ou quand celle qui préside à la destinée de l’audiovisuel public télévisé se propose d’écrémer les blancs de plus de 50 ans.

     

    Ce racisme habite dans l’insolence de ce monde artistique de la gauche extrême qui peut manier l’insulte raciste impunément. 

     

    Ce racisme habite dans l’insolence de ce monde artistique de la gauche extrême qui peut manier l’insulte raciste impunément. C’est ainsi, exemple parmi mille, que l’an dernier aux César, l’inévitable Corinne Masiero, invectiva, toute habillée cette fois, les «blancs catholiques», sans s’attirer le moindre quolibet réprobateur.

    Il attise cette violence raciste mais indicible qui existe en banlieue et qui fait que trop souvent des bandes colorées en capuche s’en prennent à des petits blancs qu’on nomme avec mépris «babtous», cette injure qui n’existe pas puisqu’elle est inaudible.

    Par un complexe obscur que j’ai tenté d’éclairer par l’histoire de la deuxième guerre mondiale, alors que toute agression policière sur une personne «racisée» tourne obsessionnellement au soupçon de racisme, quand cinq personnes «racisées» agressent une seule qui ne l’est pas, il est malséant comme je viens de le faire, de convoquer un racisme anti-blanc.

    Ce racisme indicible devrait encore s’entendre dans ce silence de cathédrale qui couvre les milliers d’assassinats de fermiers blancs en Afrique du Sud.

    Il devrait sauter aux yeux du plus myope des observateurs de bonne foi, en matière de repentance à sens unique. C’est ainsi, que le Monde du 17 mars a diligenté une «enquête sur le thème des viols commis par les militaires français» lors de la guerre d’Algérie.

    En revanche, le quotidien du soir reste taisant sur les viols commis contre les femmes siciliennes par les goumiers maghrébins en 1945 et qui , eux, relèveraient du tabou s’ils n’avaient pas été évoqués dans sa Ciocciara par Moravia.

     

    Les négateurs de l’évidence, les Diafoirus diplômés de l’Université, vous raconteront qu’à l’instar de l’islamo-gauchisme, il n’a aucune existence scientifique. 

     

    De même, silence de mort sur ces viols commis par des voyous pakistanais sur des gamines blanches de la classe ouvrière anglaise et qui, eux, sont tellement tabous que la police britannique a reconnu les avoir traités avec tact pour ne pas être taxée de raciste.(cf mon article dans le Figarovox du 19/3/18 sur les viols de Telford: «le racisme anti-blanc impose l’omerta médiatique»)

    Mais l’essentiel est ailleurs et sa négation relève de la névrose collective.

    Pourquoi ne pas vouloir voir que l’essentiel du discours idéologique aux États-Unis comme à présent en France revient à faire le procès systématique et permanent de l’homme blanc, et de sa culture raciste forcément raciste , machiste, forcément machiste?

    Tandis que le racisme et le machisme de l’Autre, autrement plus violents, sont soigneusement minimisés.

    S’il existe un racisme désormais culturellement systémique, c’est bien celui-là.

    Les négateurs de l’évidence, les Diafoirus diplômés de l’Université, vous raconteront qu’à l’instar de l’islamo-gauchisme, il n’a aucune existence scientifique.

    Tout comme les réunions interdites aux blancs, ces asiles d’antiracistes racistes devenus fous.

     

    Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox.

    Source : https://www.lefigaro.fr/vox/

  • Dette publique : la bombe à retardement, par Jean-Baptiste Leon.

    Avec 2650 milliards d’euros au 4e trimestre 2020, la dette publique est un boulet mortifère : elle nous empêche de mener une politique économique efficace, elle condamne les Français à des impôts élevés et porte atteinte à la souveraineté de la France.

    Avant le premier confinement, la santé budgétaire de la France était déjà au plus mal, la Cour des comptes s’alarmait fin février 2020 du redressement « quasiment à l’arrêt » des finances publiques. Une crise économique et sanitaire plus tard, rien ne va plus.

    3.jpegDepuis 1974, tous les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, ont préparé et voté des budgets en déficit. Par la faute de nos dirigeants, l’État s’est mis à dépenser plus qu’il ne gagne et à vivre à crédit. La France n’a jamais profité des bonnes conjonctures pour assainir ses comptes. Conséquence, notre pays accumule depuis près de 50 ans un endettement devenu abyssal. La dette publique désigne la dette de l’ensemble des administrations publiques de la France. Elle comprend la dette de l’État (80 % de la dette publique) ; la dette des collectivités locales ; la dette des administrations relatives à la sécurité sociale (dette des hôpitaux, Sécu, retraites, assurance chômage).

    Avant la crise sanitaire et le grand plongeon de 2020, le montant officiel de la dette était de 2380 milliards d’euros. Au premier trimestre 2021, nous en sommes à 2733 milliards d’euros, comme l’indique le compteur de la dette en temps réel sur le site de Contribuables Associés. Soit un montant de 40 800 euros par habitant.

    7000 milliards d’euros de dette, soit 100 000 euros par habitant

    Mais ceci n’est que la face émergée de l’iceberg, le gouffre financier est en réalité encore plus effrayant. L’État a glissé sous le tapis des dépenses qu’il va devoir payer un jour ; ce sont les « engagements hors bilan », garantis par l’État et… non provisionnés. La dette hors bilan a bondi de 204,2% entre 2002 et 2018 : il y en a pour 4119 milliards d’euros exactement, selon un rapport du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2020. À lui seul, le futur paiement des retraites des fonctionnaires et militaires s’élève à 2287 milliards d’euros. Cet argent leur est dû.

    Dette cachée + dette officielle, le vrai montant de la dette publique avoisine donc les 7000 milliards d’euros, plus de 100 000 euros par habitant !

    Les risques de laisser cette situation hors de contrôle sont immenses et constituent un véritable enjeu de souveraineté, sachant notamment que la moitié des détenteurs de la dette publique française sont des non-résidents. Le niveau d’endettement ne laisse plus de marges de manœuvre à l’État pour assumer ses responsabilités essentielles, et entrave tout redressement réel de l’économie.

    La crise du Covid a fait grimper la dette de la France au plafond. Comme si notre pays avait besoin de ça…  Après ce coup de massue sanitaire, il sera plus difficile pour notre pays que pour d’autres de remonter la pente.

    Record du monde des impôts

    Longtemps il a été de bon ton de railler les Grecs et leur impéritie. Mais 13 ans après la crise de 2008 et un passage forcé par toute une batterie de réformes (réduction du périmètre de l’État, réforme des retraites, privatisations, défonctionnarisation, etc.), ne voilà-t-il pas que la Grèce a aujourd’hui un montant de la dette publique par habitant inférieur à celui de la France !

    Bientôt nous serons le pays le plus endetté d’Europe par habitant, devant l’Italie. Et tout en ayant le triste privilège d’être, parmi les pays riches, la contrée où l’on paie le plus d’impôts. La France parvient à se maintenir encore au-dessus de la ligne de flottaison car elle peut emprunter à des taux négatifs. Mais ceux-ci vont immanquablement remonter, ce n’est qu’une affaire de temps.

    Quand les dealers (Banque centrale européenne et compagnie) couperont le robinet de l’argent facile, la cure de sevrage fera mal, très mal au patient français. S’il ne veut pas mourir, il doit très vite se guérir de la gangrène bureaucratique et taxatrice. Nos élus doivent se libérer du démon clientéliste qui les possède et conduit à des politiques toujours plus dépensières. Afin que l’on puisse envisager dans ce pays le vote d’un budget de l’État en équilibre et la mise en place d’un vaste plan de désendettement public. C’est maintenant ou jamais.

    La France reste la championne du monde des impôts et des dépenses publiques, parmi tous les pays riches (pour combien de temps sommes-nous encore un pays riche ?). Et ce n’est pas près de changer, quoi qu’en disent MM. Le Maire, Castex et Macron.

    625 000 euros par emploi créé !

    Le plan de relance est censé créer 160 000 emplois en 2021, comme l’a expliqué le Premier ministre. Cette estimation est très faible au regard des 100 milliards d’euros investis dans « France Relance ». Chaque emploi coûterait donc 625 000 euros aux contribuables français. Cela laisse planer un sérieux doute quant à l’efficacité du plan de relance et la gestion de la dépense publique par le gouvernement. Le « Quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron coûtera très cher au pays. Les trois précédents plans de relance se sont soldés par autant d’onéreux échecs financés via la matraque fiscale. Celui de 2009, sous Sarkozy, n’a créé que 18 000 à 72 000 emplois pour 400 000 escomptés. Et il y a fort à craindre que l’histoire ne se répète…

    Ce plan de dépenses, il va bien falloir le financer à un moment. Face à un tel montant, du jamais vu en temps de paix, nos gouvernants veulent faire croire à la France entière que les impôts n’augmenteront pas. C’est du flan, un odieux mensonge.

    Des mesures ont déjà été prises pour taxer encore plus les Français. Dès le mois de juillet 2020, un premier impôt Covid a été entériné : la CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale). Prélevée à la source sur tous les revenus (7,67 milliards d’euros par an), elle devait s’éteindre en 2024. Eh bien, la voilà reconduite jusqu’en 2033, soit 77 milliards de ponction supplémentaire !

    Les mutuelles paient une nouvelle surtaxe pour un total de 1,5 milliard d’euros qu’elles vont répercuter sur les cotisants. Le prix des jouets augmentera en 2022 à cause d’une nouvelle taxe de 3 % sur le recyclage. Un malus sur le poids des voitures de plus de 1800 kilos a été adopté à l’Assemblée nationale, en novembre dernier.

    Le gouvernement a aussi prévu une harmonisation (vers le haut bien sûr) du taux de la taxe communale sur la consommation d’électricité. Les habitants de 7600 communes seront touchés.

    Toujours plus d’impôts

    Pas de quoi être rassurés, d’autant plus que l’État lorgne sur l’épargne « dormante » des Français. La spoliation légale toujours et encore…

    Et cerise sur l’indigeste gâteau fiscal, pour financer le plan de relance européen (750 milliards d’euros), l’Union européenne a instauré, à compter du 1er janvier 2021, une nouvelle taxe sur les déchets plastiques. La France recycle peu ses plastiques. Elle sera donc le plus gros contributeur de cet impôt, avec 22,5 % du total, et devrait débourser plus d’un milliard d’euros. Un plan de relance européenne, dont la France ressort « Fanny » de 45 milliards d’euros, la contribution financière de notre pays étant supérieure au montant des subventions que nous sommes appelés à toucher.

    Ce n’est pas à coups de milliards de dépenses publiques et d’endettement massif que l’on remet un pays en marche après une crise économique, ni en appauvrissant ses citoyens. Nous avons l’administration et les services publics les plus chers du monde, pour un résultat plus que médiocre.

    Le coût de production des services publics est, en France, supérieur de 97 milliards d’euros par an à ce qu’il est en Allemagne (et de 84 milliards par an à la moyenne des pays européens, source OCDE), à la charge des contribuables français

    La stratégie de dépenser sans compter est dangereuse pour les Français car l’argent public vient des contribuables. Dès lors, l’État devra ponctionner ceux-ci pour rembourser ses créanciers. Afin d’éviter cette situation, la France doit s’inspirer des États (Allemagne, Suisse, Danemark, etc.) qui ont mis en place des freins législatifs à la dette. De même, de véritables réformes structurelles doivent être faites en France afin d’assurer un environnement budgétaire sain. Mais cela nécessite aussi un changement de mode de pensée : l’État français ne doit pas et ne peut pas intervenir dans tous les domaines, mais se concentrer sur ses missions régaliennes. Les pays européens qui ont réussi à tenir leurs finances ont préféré revoir le périmètre d’action de leur État pour laisser l’économie et les entreprises créatrices de richesse se développer.

     

    • Étude #38 de Contribuables Associés « Dette publique : une bombe à retardement pour les Français » – octobre 2020, 10 euros, frais de port offerts. À commander sur agir.touscontribuables.org/etudes.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/