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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray (7)

     

    lfar bleu.jpgNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFAR

     

    2235704335.jpg1ère partie : l’Homme Masse

     

    L'ETABLISSEMENT

    Ainsi s'est constituée une sorte de mafia, un club très fermé, si l'on préfère, où l'on n'entre que par le mariage. M. Jean Noël Jeanneney, qui appartient à l'établissement, a durement critiqué l'œuvre de Beau de Loménie. Il donne un exemple des erreurs de méthode dont il l'accuse : « Ecrire que Michel Debré s'est trouvé soudain et d'un seul coup, à partir de 1956, lié directement aux grands intérêts d'affaires parce que son père a épousé à cette date, en secondes noces, une cousine de Wendel, voilà qui est risible » Vraiment ? Par une étrange coïncidence, Michel Debré commence, précisément, en 1956, la fulgurante carrière qui fera d'un petit feudataire, l'un des principaux barons du gaullisme. Est-il lié pour autant aux grands intérêts ? Il sauvera Giscard, embringué dans une vilaine affaire, qui risquait de ruiner sa carrière, et ce en désobéissant à De Gaulle. Connaissant la probité financière de Debré, son sens de l'Etat, sa loyauté envers De Gaulle, il a bien fallu qu'il subisse des pressions auxquelles il ne pouvait ou ne voulait résister.

    L'on ne comprend rien à l'Etablissement quand on l'identifie à l'industrie. Un Citroën, un Renault se sont faits eux-mêmes. Cela leur coûtera cher. Il y a de grands patrons dans l'Etablissement comme les Wendel mais c'est parce qu’ils ont construit leur empire grâce à l'Etat et non en respectant les lois du marché. Les Peugeot, les Michelin sont demeurés en dehors, même si des liens se sont noués. L'Etablissement ne s'intéresse à l'industrie ou au commerce que lorsqu'il peut s'en emparer, en évinçant les fondateurs, qui ont pris les risques à sa place. La banque l'attire davantage mais seulement parce qu'il n'existe pas de moyens plus commodes de gruger l'Etat. En effet l'Etablissement vit en parasite de la nation, dans la tradition des publicains et des traitants mais selon d'autres méthodes, qui vont du coup de bourse au trafic des commandes publiques. Un exemple suffira. L'Etablissement fera construire les chemins de fer aux frais des contribuables et les exploitera à son profit. Prétendra-t-on que la présence de la plupart des dynasties républicaines dans les conseils d'administration des compagnies de chemins de fer relève d'un pur hasard ?

    Assurément Beau de Loménie taille des verges pour se faire fouetter quand il imagine un complot permanent des grands intérêts. Il verse dans la mythologie des deux cents familles, mise à la mode par le pauvre Daladier qui se fonde pourtant sur une réalité : pratiquement les fauteuils de régents de la Banque de France s'étaient transmis, de génération en génération, aux mêmes dynasties républicaines, depuis Napoléon 1er. Etat-major de la « ploutocratie » ? Sa fine fleur, en tout cas. N'accordons pas à ces gens, une vision assez claire des mécanismes socio-économiques, une solidarité d'idées et d'ambitions qu'ils n'ont pas. Le mythe masque plus qu'il n'éclaire. En réalité nous sommes en présence de familles qui ont une origine commune, d'antiques complicités, un même réseau de relations mondaines ce qui n'exclut ni les rivalités ni même la liquidation physique de tel ou tel des leurs. L'assassinat du Prince de Broglie, dont les causes furent si soigneusement oubliées, lors du procès des hommes de main prouve que ce milieu sait se montrer impitoyable. C'est bien d'un « milieu » dont il s'agit, comme la puissance visionnaire de Balzac l'avait pressenti : les mœurs des bas-fonds et celles du « grand monde » se ressemblent étrangement. Chaque « famille », comme dans la mafia, exploite pour son compte non la drogue ou la prostitution mais l'Etat.

    Plus l'Etat confisque la société civile, plus augmentent, pour l'Etablissement, les sources de profit. C'est pourquoi les dynasties républicaines restent bonapartistes même si elles laissent parfois croire le contraire. Elles doivent tout au premier Empire, le second renforça leur prospérité, le gaullisme leur rendit leur vigueur. Ce qu'elles craignent, c'est un Etat fort, un Etat arbitre. Dès que Louis Philippe tenta de le reconstituer, elles le liquidèrent. Par contre un Etat omnipotent et impotent leur convient parfaitement. Considérons d'ailleurs la croissance des prélèvements obligatoires. Caillaux institue l'impôt sur le revenu, Fabius celui sur les grandes fortunes, tous deux appartiennent à l'Etablissement.

    Afin d'éclairer la puissance mystérieuse de l'Etablissement, il convient de prendre un exemple. Nous aurions pu choisir Fabius mais les interférences familiales avec la Haute Banque germano-américaine rendent sa généalogie d'autant plus complexe qu'il faudrait aussi étudier celle de son épouse, Madame Castro. Cela nous conduirait trop loin. Retenons plutôt Giscard. Les origines sont claires, un père juge, une mère fille de commerçants, une bonne famille de la bourgeoisie de province, proche encore de ses racines rurales, deux fils, qui, à la façon de Rastignac montent à Paris pour faire fortune. De fait ils sont intelligents, travailleurs. A la force du poignet, René le plus doué entre au Conseil d'Etat, le second Edmond, se contente de l'inspection des finances.

    La saga des Giscard commence. On les a remarqués. René va faire un mariage superbe, il épouse une Carnot, descendante de l'organisateur de la victoire, le gratin de l'Etablissement. Edmond se contentera d'une union plus modeste. May Bardoux descend d'une lignée de fidèles serviteurs des dynasties républicaines. L'ancêtre Agénor, préfet de l'Empire proclamera la République. Le père, Jacques Bardoux a donc reçu en récompense des services d'Agénor la main d'une Georges-Picot. Le voici coopté par l'Etablissement mais il ne semble pas s'être montré digne de cet honneur. Certes il deviendra sénateur mais tentera, en vain, de jouer, toute sa vie, les éminences grises. Il ne sait même pas profiter de son mandat pour gagner de l'argent. Les Georges-Picot devaient réparer ce choix malheureux. Edmond se présenta. Il se révéla un des plus redoutables pillards d'une génération qui n'en manquait pas.

    Ce jeune inspecteur des finances constate que l'empire colonial fournit de superbes occasions de profit. Il se glisse dans l'entourage d'un grand financier, Octave Homberg qui s'empare des « terres rouges » indochinoises, dépouillant les paysans pour constituer de grandes exploitations. Ayant réussi, il devait être éliminé, conformément à la règle d'or de l'Etablissement, qui consiste à s'emparer des entreprises, dès qu'elles deviennent rentables en évinçant le fondateur à la première difficulté conjoncturelle. Edmond change de camp, et rejoint celui des François-Poncet, pour déposséder Homberg, « self made man » à l'américaine. En récompense, il devient administrateur délégué de la « société financière française et coloniale (S. F. F. C.) » dans le giron de la Banque d'Indochine.

    Le 25 décembre 1945, le ministre des finances de l'époque, devait offrir à la banque d'Indochine et à sa filiale, la S.F.F.C., un royal cadeau de Noël. Il signe un décret portant le prix de la piastre de 10 à 17 francs. En Indochine, elle vaut entre 7 et 8,50 F. Ce qui va enrichir de nombreux trafiquants. Edmond Giscard, relevé d'Estaing par la grâce du conseil d'Etat et l'entregent de son frère René, est un homme honorable. Il ne se permettrait pas de frauder. Les margoulins s'en chargent, qui travaillent artisanalement. Il utilise les délégations données aux banques pour autoriser elles-mêmes certains transferts, opérations tout ce qu'il y a de plus légales.

    Mais l'Indochine, c'est fini. En mai 1949, la S.F.F.C., présidée par Edmond Giscard, relevé d'Estaing change de nom. Elle devient la « Société Financière pour la France et les pays d'Outre-mer » (S.O. F. F.O.). Son capital social est triplé et atteint 155 millions de francs. Quant au siège de la nouvelle société, il est situé non plus 23, rue Nitot, mais 23 rue de l'Amiral d'Estaing. Il est vrai qu'entre temps, le conseil municipal de Paris avait attribué à l'Amiral d'Estaing, la rue désignée jusqu'alors du nom de Nitot, un brave homme d'orfèvre qui possédait une propriété dans le coin. Les Giscard ont le sens de la famille, surtout quand ils s'y sont installés à la façon du coucou.  •  

    A suivre  (A venir : « L'Etablissement » suite)

     

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    Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray      (1)     (2)   (3)     (4)     (5)   (6)

     

    lafautearousseau

  • Une politique pour l'an 2000 de Pierre Debray (7)

     

    lfar bleu.jpgNous poursuivons la publication de notre série, dont la lecture expliquera à ceux qui ne l'ont pas connu le rôle intellectuel important de Pierre Debray à l'Action Française dans les années 1950-2000.  Cette analyse politique, économique, sociologique et historique, menée méthodiquement, à la maurrassienne, comporte de multiples enseignements, utiles aujourd'hui à notre école de pensée. Comme un stimulant de notre réflexion sur la situation présente de la France et sur l'action que nous avons à y mener. Même si le lecteur devra tenir compte des événements et des faits intervenus au cours des trois dernières décennies.  LFAR

     

    2235704335.jpg1ère partie : l’Homme Masse

     

    L'ETABLISSEMENT

    Ainsi s'est constituée une sorte de mafia, un club très fermé, si l'on préfère, où l'on n'entre que par le mariage. M. Jean Noël Jeanneney, qui appartient à l'établissement, a durement critiqué l'œuvre de Beau de Loménie. Il donne un exemple des erreurs de méthode dont il l'accuse : « Ecrire que Michel Debré s'est trouvé soudain et d'un seul coup, à partir de 1956, lié directement aux grands intérêts d'affaires parce que son père a épousé à cette date, en secondes noces, une cousine de Wendel, voilà qui est risible » Vraiment ? Par une étrange coïncidence, Michel Debré commence, précisément, en 1956, la fulgurante carrière qui fera d'un petit feudataire, l'un des principaux barons du gaullisme. Est-il lié pour autant aux grands intérêts ? Il sauvera Giscard, embringué dans une vilaine affaire, qui risquait de ruiner sa carrière, et ce en désobéissant à De Gaulle. Connaissant la probité financière de Debré, son sens de l'Etat, sa loyauté envers De Gaulle, il a bien fallu qu'il subisse des pressions auxquelles il ne pouvait ou ne voulait résister.

    L'on ne comprend rien à l'Etablissement quand on l'identifie à l'industrie. Un Citroën, un Renault se sont faits eux-mêmes. Cela leur coûtera cher. Il y a de grands patrons dans l'Etablissement comme les Wendel mais c'est parce qu’ils ont construit leur empire grâce à l'Etat et non en respectant les lois du marché. Les Peugeot, les Michelin sont demeurés en dehors, même si des liens se sont noués. L'Etablissement ne s'intéresse à l'industrie ou au commerce que lorsqu'il peut s'en emparer, en évinçant les fondateurs, qui ont pris les risques à sa place. La banque l'attire davantage mais seulement parce qu'il n'existe pas de moyens plus commodes de gruger l'Etat. En effet l'Etablissement vit en parasite de la nation, dans la tradition des publicains et des traitants mais selon d'autres méthodes, qui vont du coup de bourse au trafic des commandes publiques. Un exemple suffira. L'Etablissement fera construire les chemins de fer aux frais des contribuables et les exploitera à son profit. Prétendra-t-on que la présence de la plupart des dynasties républicaines dans les conseils d'administration des compagnies de chemins de fer relève d'un pur hasard ?

    Assurément Beau de Loménie taille des verges pour se faire fouetter quand il imagine un complot permanent des grands intérêts. Il verse dans la mythologie des deux cents familles, mise à la mode par le pauvre Daladier qui se fonde pourtant sur une réalité : pratiquement les fauteuils de régents de la Banque de France s'étaient transmis, de génération en génération, aux mêmes dynasties républicaines, depuis Napoléon 1er. Etat-major de la « ploutocratie » ? Sa fine fleur, en tout cas. N'accordons pas à ces gens, une vision assez claire des mécanismes socio-économiques, une solidarité d'idées et d'ambitions qu'ils n'ont pas. Le mythe masque plus qu'il n'éclaire. En réalité nous sommes en présence de familles qui ont une origine commune, d'antiques complicités, un même réseau de relations mondaines ce qui n'exclut ni les rivalités ni même la liquidation physique de tel ou tel des leurs. L'assassinat du Prince de Broglie, dont les causes furent si soigneusement oubliées, lors du procès des hommes de main prouve que ce milieu sait se montrer impitoyable. C'est bien d'un « milieu » dont il s'agit, comme la puissance visionnaire de Balzac l'avait pressenti : les mœurs des bas-fonds et celles du « grand monde » se ressemblent étrangement. Chaque « famille », comme dans la mafia, exploite pour son compte non la drogue ou la prostitution mais l'Etat.

    Plus l'Etat confisque la société civile, plus augmentent, pour l'Etablissement, les sources de profit. C'est pourquoi les dynasties républicaines restent bonapartistes même si elles laissent parfois croire le contraire. Elles doivent tout au premier Empire, le second renforça leur prospérité, le gaullisme leur rendit leur vigueur. Ce qu'elles craignent, c'est un Etat fort, un Etat arbitre. Dès que Louis Philippe tenta de le reconstituer, elles le liquidèrent. Par contre un Etat omnipotent et impotent leur convient parfaitement. Considérons d'ailleurs la croissance des prélèvements obligatoires. Caillaux institue l'impôt sur le revenu, Fabius celui sur les grandes fortunes, tous deux appartiennent à l'Etablissement.

    Afin d'éclairer la puissance mystérieuse de l'Etablissement, il convient de prendre un exemple. Nous aurions pu choisir Fabius mais les interférences familiales avec la Haute Banque germano-américaine rendent sa généalogie d'autant plus complexe qu'il faudrait aussi étudier celle de son épouse, Madame Castro. Cela nous conduirait trop loin. Retenons plutôt Giscard. Les origines sont claires, un père juge, une mère fille de commerçants, une bonne famille de la bourgeoisie de province, proche encore de ses racines rurales, deux fils, qui, à la façon de Rastignac montent à Paris pour faire fortune. De fait ils sont intelligents, travailleurs. A la force du poignet, René le plus doué entre au Conseil d'Etat, le second Edmond, se contente de l'inspection des finances.

    La saga des Giscard commence. On les a remarqués. René va faire un mariage superbe, il épouse une Carnot, descendante de l'organisateur de la victoire, le gratin de l'Etablissement. Edmond se contentera d'une union plus modeste. May Bardoux descend d'une lignée de fidèles serviteurs des dynasties républicaines. L'ancêtre Agénor, préfet de l'Empire proclamera la République. Le père, Jacques Bardoux a donc reçu en récompense des services d'Agénor la main d'une Georges-Picot. Le voici coopté par l'Etablissement mais il ne semble pas s'être montré digne de cet honneur. Certes il deviendra sénateur mais tentera, en vain, de jouer, toute sa vie, les éminences grises. Il ne sait même pas profiter de son mandat pour gagner de l'argent. Les Georges-Picot devaient réparer ce choix malheureux. Edmond se présenta. Il se révéla un des plus redoutables pillards d'une génération qui n'en manquait pas.

    Ce jeune inspecteur des finances constate que l'empire colonial fournit de superbes occasions de profit. Il se glisse dans l'entourage d'un grand financier, Octave Homberg qui s'empare des « terres rouges » indochinoises, dépouillant les paysans pour constituer de grandes exploitations. Ayant réussi, il devait être éliminé, conformément à la règle d'or de l'Etablissement, qui consiste à s'emparer des entreprises, dès qu'elles deviennent rentables en évinçant le fondateur à la première difficulté conjoncturelle. Edmond change de camp, et rejoint celui des François-Poncet, pour déposséder Homberg, « self made man » à l'américaine. En récompense, il devient administrateur délégué de la « société financière française et coloniale (S. F. F. C.) » dans le giron de la Banque d'Indochine.

    Le 25 décembre 1945, le ministre des finances de l'époque, devait offrir à la banque d'Indochine et à sa filiale, la S.F.F.C., un royal cadeau de Noël. Il signe un décret portant le prix de la piastre de 10 à 17 francs. En Indochine, elle vaut entre 7 et 8,50 F. Ce qui va enrichir de nombreux trafiquants. Edmond Giscard, relevé d'Estaing par la grâce du conseil d'Etat et l'entregent de son frère René, est un homme honorable. Il ne se permettrait pas de frauder. Les margoulins s'en chargent, qui travaillent artisanalement. Il utilise les délégations données aux banques pour autoriser elles-mêmes certains transferts, opérations tout ce qu'il y a de plus légales.

    Mais l'Indochine, c'est fini. En mai 1949, la S.F.F.C., présidée par Edmond Giscard, relevé d'Estaing change de nom. Elle devient la « Société Financière pour la France et les pays d'Outre-mer » (S.O. F. F.O.). Son capital social est triplé et atteint 155 millions de francs. Quant au siège de la nouvelle société, il est situé non plus 23, rue Nitot, mais 23 rue de l'Amiral d'Estaing. Il est vrai qu'entre temps, le conseil municipal de Paris avait attribué à l'Amiral d'Estaing, la rue désignée jusqu'alors du nom de Nitot, un brave homme d'orfèvre qui possédait une propriété dans le coin. Les Giscard ont le sens de la famille, surtout quand ils s'y sont installés à la façon du coucou.  •  

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  • Agaceries au sein du couple stratégique franco-allemand, par Georges-Henri Soutou.

    L’Allemagne et la France sont d'accord pour promouvoir une défense européenne. Mais Berlin aimerait que Paris abandonne à Berlin la maîtrise d'ouvrage, et qu'on laisse les Américains diriger de loin. Il n'est pas certain que la France y trouve son avantage.

    Le dernier sommet de défense franco-allemand, début février, mérite l’attention. Il a porté essentiellement sur le système de combat aérien du futur (le SCAF), franco-germano-espagnol, et sur le projet de drone européen.

    4.jpgLe premier projet, à horizon de vingt ans, pour un coût évalué à une centaine de milliards d’euros, repose sur un avion de combat dit de sixième génération, gérant un essaim d’engins sans pilote de tout type, le tout dans une architecture informatique très complexe, en vue de missions diverses et ambitieuses, y compris à long rayon d’action. C’est incontestablement pour la défense de l’Europe un projet « structurant ».

    Paris et Berlin sont d’accord pour estimer que les Européens doivent parvenir à une indépendance plus grande par rapport aux Américains en matière d’armements (une indépendance totale ne serait pas réaliste, actuellement 80 % des armements européens dépendent peu ou prou des fabrications ou au moins des brevets d’Outre-Atlantique). Mais au moins conviendrait-il d’assurer cette indépendance pour un système majeur comme le SCAF, et également pour le projet lui aussi essentiel de drone, sachant que la loi américaine ITAR impose l’accord des États-Unis pour toute exportation d’armes comportant des composants américains, et leur agrément pour toute participation de sociétés ou d’individus travaillant sur des programmes utilisant ces composants.

    Une nouvelle fois deux avions concurrents ?

    Mais l’accord s’arrête là. En effet, Mme Merkel estime que Dassault, maître d’œuvre du SCAF, tire trop la couverture à lui et ne fait pas assez de place aux industriels allemands, aussi bien pour les fabrications que pour le partage de l’expertise. Tandis que le président français souhaite que l’on signe le plus vite possible les accords lançant le programme et fixant son budget, quitte à régler par la suite la question des participations. En effet Paris est pressé : le Bundestag ne s’engage pour le budget préliminaire d’étude de faisabilité que par périodes de six mois, et ne veut pas aller plus loin avant les élections de septembre prochain en RFA. Or il est tout à fait possible que la future majorité refuse le programme SCAF, auquel les Verts sont opposés et qui divise la SPD (précisons que le Bundestag, à la différence de l’Assemblée française, intervient dès le début des programmes, y compris pour les études préliminaires).

    Pour le drone, on a un problème comparable : un drone d’observation est acceptable pour l’ensemble des partis allemands, un drone armé pose un problème beaucoup plus délicat (du pur point de vue du droit international, c’est d’ailleurs exact). Éventuellement on pourrait s’en sortir avec deux versions (observation et combat) dont la mise au point serait de toute façon nécessaire, la RFA ne faisant pas l’acquisition de la version armée. Mais cette solution industrielle ne répondrait pas au vœu affiché de coopération stratégique accrue entre la France et l’Allemagne.

    Quant au SCAF, si on tient compte en outre de ses coûts considérables dans une ambiance budgétaire problématique, le risque existe de voir la France faire cavalier seul avec Dassault, tandis que l’Allemagne soit achèterait des matériels américains (l’option a été envisagée l’an dernier, elle a été simplement suspendue, pas écartée, et là aussi la décision dépendra du prochain Bundestag) soit lancerait un autre programme, autour d’Airbus et avec d’autres partenaires. Ce serait un « remake » du duo Rafale-Eurofighter dans les années 1980, au lieu de l’avion européen unique envisagé au départ. Il est évidemment impossible de dire dans quelle mesure chacun de ces deux programmes aboutirait, mais il est évident que le doublon grèverait lourdement des ressources européennes en tout état de cause rares, et réduirait considérablement la portée de la coopération franco-allemande en matière de défense.

    Les arrière-pensées nucléaires

    Pour les Français, le SCAF sera l’un des deux vecteurs de l’arme nucléaire, à côté des sous-marins, remplaçant là aussi les Rafales, dont c’est l’une des missions. D’où l’importance essentielle du programme pour Paris : c’est en effet un élément clé dans la modernisation des forces nucléaires. Mais cette dimension n’existe pas à Berlin, ce qui explique peut-être le moindre intérêt qu’on y éprouve pour le SCAF.

    Ce n’est pas que la RFA n’ait pas un rôle nucléaire : on sait que vingt bombes thermonucléaires sont stockées sur une base américaine, destinées à être emportées le cas échéant par des avions allemands. Mais cela n’aurait évidemment lieu que dans le cadre de l’OTAN et de sa stratégie de dissuasion nucléaire. En outre ce rôle nucléaire lui-même est contesté en Allemagne, et pourrait être abandonné à l’issue des prochaines élections, étant donné la force des courants antinucléaires et antiaméricains.

    En face, le président de la République a réaffirmé devant l’École de Guerre, le 7 février 2020, la doctrine française de dissuasion, qui n’évolue d’ailleurs pas fondamentalement et reste nationale, malgré une invitation aux partenaires européens à participer à des exercices de nos forces de dissuasion. Cela n’a pas convaincu en RFA : ou bien on y conteste la notion même de dissuasion nucléaire, ou bien on ne la conçoit que dans un cadre atlantique, en dehors de quelques voix isolées.

    On peut même craindre que l’accent mis ici sur le rôle nucléaire du futur SCAF, à côté de ses autres missions, ne complique encore ce dossier à Berlin.

    Mais le nucléaire n’est pas tout

    Il y a un point sur lequel malgré tout Berlin et Paris convergent : la dégradation du système international rend la perspective de conflits majeurs, de « haute intensité », impliquant l’Europe, à nouveau pertinente. Le papier rendu public début février par la ministre allemande de la Défense, Mme Kramp-Karrenbauer, et l’Inspecteur général de la Bundeswehr rejoint les déclarations récentes des chefs militaires français, les généraux Lecointre (CEMA) et Burkhard (CEMAT).

    Mais les conclusions tirées ne sont pas les mêmes : Paris insiste sur sa capacité de frappes aériennes à longue distance, affirme son engagement dans la zone indopacifique, réaffirme le rôle de notre base à Djibouti, ne renonce pas à une présence militaire importante au Mali, avec une action anti-djihadiste dans l’ensemble du Sahel. La réponse comporte ici une ambition globale.

    La réponse allemande est différente, elle est résolument centrée sur la défense de l’Europe. La Bundeswehr doit devenir un « partenaire d’appui » pour les pays voisins, aux moyens militaires limités, en leur permettant de rationaliser et de potentialiser ceux-ci, et de former ainsi une sorte de « plaque tournante » au sein de l’Alliance atlantique et de l’Union européenne, de façon très pragmatique, par une série d’accords bilatéraux. Par exemple la RFA, l’Autriche et la Suisse collaborent déjà dans le format dit DACH (d’après les plaques minéralogiques D, A et CH !) et l’Inspecteur général de la Bundeswehr vient de proposer aux Suisses de former, avec Berlin et Vienne, « une alliance alpine » pour la défense aérienne, problème d’ailleurs crucial. Cette orientation en fait défensive est plus facile à faire admettre en Allemagne, où la plupart des responsables n’ont aucune envie de compliquer leurs relations avec la Russie et la Chine, partenaires commerciaux essentiels.

    Il existe donc une possibilité de voir Berlin réaliser dans les faits une forme de défense européenne commune concrète, quoiqu’informelle, et « faire un plus », comme le disait le très réaliste Frédéric-Guillaume Ier de Prusse, le père de Frédéric II (« Ein Plus machen »).

    Alors que les plans français de « souveraineté européenne stratégique », certes plus ambitieux, se heurtent à l’opposition américaine, au scepticisme des partenaires, au manque de moyens, et en outre au probable refroidissement de la coopération militaire avec Londres, à cause des suites mal maîtrisées du Brexit. Les enjeux sont énormes, et on ne peut que recommander un dialogue stratégique approfondi avec nos partenaires.

    Illustration : Le SCAF. Ou plutôt sa maquette. Belle comme un projet. Profilée comme un mausolée.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Hijab Day : quand Sciences-Po hisse les voiles du politiquement correct

     

    Des étudiants de Sciences-Po Paris ont lancé l'opération «Hijab Day», invitant leurs camarades à « se couvrir les cheveux d'un voile le temps d'une journée », ce mercredi. Une initiative idéologique et déconnectée des réalités, estime Laurent Cantamessi. [Figarovox 20.04] Dans une tribune faite d'humour, d'imagination et de bon sens ...  LFAR

     

    A Sciences-Po chaque jour est une fête. Grâce à un bureau des étudiants hyperactif, l'année est plus rythmée qu'une semaine au Club Med. On connaissait bien sûr la Queer Week, «espace d'action et de réflexion autour des genres et des sexualités», organisée depuis 2010, dont la marraine était cette année la «lesbienne invisible» Océane RoseMarie. Cette année, durant une semaine en mars 2016, les étudiant-e-s et leurs professeur-e-s ravi-e-s ont pu admirer les stands de la Brigade du Stupre, ou celui du collectif GARCES dont l'animatrice confie « arpenter les manifs pour crier des misandries intersectionnelles et emmerder les mascu ». Après Océane Rosemarie, il se dit que le Concombre Masqué parrainera l'édition 2017, placée sous le signe de l'intersectionnalité heureuse et du mascu vaincu.

    Si le mois de mars était celui de la guerre des genres, du dévoilement transgressif et de la chasse au mascu, en avril en revanche on ne se découvrira pas d'un fil à Sciences-Po puisqu'un autre collectif « d'étudiant-e-s » a décidé d'organiser cette fois un « hijab day » dans les murs de la vénérable institution qui doit quelquefois se fatiguer elle-même d'être de tous les combats. Après la récente polémique de la mode islamique, les étudiants de Sciences-Po ont dû penser qu'il était temps d'inverser la vapeur et de hisser les voiles pour voler au secours des minorités opprimées tout en restant trop tendance. Non mais c'est vrai quoi : H&M se lance dans le burkini et le petit hijab fashion et Sciences-Po devrait rester les bras croisés sans réagir ? Pas question, quand on étudie à deux pas des plus jolies enseignes parisiennes, de laisser passer la sortie d'une nouvelle collection printemps-été ! Et puis afficher sa solidarité avec les femmes voilées c'est bien, Esther Benbassa l'avait dit et Europe-Ecologie-Les Verts avait organisé une ‘journée hijab' contre la voilophobie il y a près de trois ans, en août 2013, dans le sillage de la styliste américaine Nazma Khan qui a lancé l'initiative reprise aujourd'hui dans 140 pays… sauf la France, se désolaient il y a quelques mois les initiateurs du World Hijab Day Lyon, « un événement destiné à déconstruire les préjugés », malheureusement interdit en janvier dernier par le méchant préfet Delpuech et la préfecture de Lyon, sous couvert d'état d'urgence. Heureusement que Sciences-Po Paris est là pour rattraper le coup ! Quand on pense que 116 pays ont pu tranquillement organiser une journée du hijab, que la ville d'Ottawa a même accepté que s'organise une journée d'ateliers d'essayage pour inviter les non-musulmanes à « porter le foulard islamique pour mieux comprendre la réalité des hijabis, leurs sœurs voilées », on comprend qu'un collectif d'étudiants de Sciences-Po ait décidé qu'il était temps que la patrie d'Yves Saint-Laurent, Dior et Chanel soit moins voilophobe et textilorétrograde. Et puis même Geneviève de Fontenay est d'accord : « Moi je les soutiens ces femmes musulmanes ! Quand on voit la mode française avec ses jeans troués et rapiécés, tout cet exhibitionnisme, soyons au moins tolérants ! » Avec une caution pareille, comment ne pas se sentir légitime ? Pour remercier Geneviève, les étudiants de Sciences-Po auraient dû imposer en sus du hijab celui du chapeau à large bord pour toutes les étudiantes. Que les réfractaires se rassurent cependant, Fatima Elo, présidente-fondatrice de l'association Politiqu'Elles, association féministe soutenant l'initiative du Hijab Day de Sciences-Po, expliquait ce mercredi matin à l'antenne de Jean-Jacques Bourdin sur RMC, que « personne ne sera forcé à porter le voile, c'est du volontariat ». Par contre, on ne s'assiéra plus à côté des grincheux voilophobes à la cantine.

    Fatima Elo expliquait également ce matin chez Bourdin que derrière l'initiative du Hijab Day de Sciences-Po, « l'idée était d'aborder la question du voile avec humour ». Apporter son joli foulard pour aborder avec humour le traitement des femmes voilées et même dans certains coins de banlieue de France où le port du voile n'est pas vraiment présenté comme du volontariat, c'est vrai que la blague était à faire, et les nombreuses intéressées qui subissent menaces, insultes et violences quand elles refusent de porter le voile ont dû bien rire à cette bonne blague et être soulagées que les étudiants de Sciences-Po s'intéressent enfin à leur sort. Comme les y invitait ce matin une twitto : « Aux nanas de @sciencespo qui font le #HijabDay n'oubliez pas de servir les garçons à table à midi et de mettre des gants pour serrer la main. »

    Mais la blagounette a l'air d'être mal passée, à en juger par l'avalanche de réactions négatives qu'elle a provoqué dans la presse. On pourrait presque croire que le sujet est devenu ces derniers temps un peu sensible… Et comme on n'est jamais aussi bien trahi que par les siens, voilà que l'antenne FN de Sciences-Po Paris produit un communiqué assassin : « Ce geste relève de l'imposture politique d'une bourgeoisie parisienne déconnectée des réalités sociales, qui exacerbe par ce jeu naïf les tensions communautaires ». Maudit Richard Descoings ! En instituant ses antennes ZEP et ses bourses à destination des étudiants plus défavorisés, l'ex-vénéré directeur de Sciences-Po a fait rentrer dans les murs une cohorte de jeunes loups qui ont grossi les rangs du parti lepéniste et lui ont permis de faire une entrée fracassante dans le pré carré du progressisme éclairé où il vient désormais s'autoriser à gâcher la fête en toutes occasions.

    Et puisqu'un malheur n'arrive jamais seul, voilà qu'un collectif d'empêcheurs de voiler en rond s'est rassemblé contre le Hijab Day pour proposer de contrecarrer l'initiative de l'association Politiqu'Elles, en organisant une odieuse agitprop' vestimentaire : « En réaction au « Hijab Day », qui propose aux étudiants de Sciences Po de venir voilés, nous proposons une journée pour s'habiller comme on veut : du crop top à la jupe longue, tout est permis ! (Sauf les collants chairs, évidemment depuis la jurisprudence Cristina Cordula). Pour les plus audacieux, un bikini peut même se tenter ! », proclame la page Facebook du « Bikini/Jupe/Robe/Whatever Day à Sciences-Po », organisé aujourd'hui à partir de 8h.

    Au XVIIe siècle, Miguel de Cervantès s'était moqué de la querelle des Anciens et des Modernes, opposant les partisans de l'imitation des modèles antiques à ceux qui voulaient s'en détacher:

    «Dans ce grand tumulte tous ensemble se jettoient leurs Livres à la teste, & se faisoient des armes de leurs Ouvrages. Vous jugez bien que les auteurs de petite taille, comme vous pourriez dire les In-Douze, n'eurent pas l'avantage dans ce démêlé ; certains géants qu'on appelle les Infolio les battirent à plate couture, et c'étoit une pitié de voir comme on en accabloit d'autres, qui n'avoient que des feuilles volantes pour leur défense.»

    La civilisation de l'écrit étant sur le déclin, nous voici parvenus à l'ère du bout de tissu politisé et médiatisé. A l'image des auteurs de Cervantès, verra-t-on à Sciences-Po, en ce jour de confrontation entre Hijab Day et N'importe quoi Day, les porteuses de voiles et leurs adversaires se battre à coups de foulards et de minijupes, le petit top skinny se confrontant au burkini, les hijabs volant dans les plumes des robes à frou-frou et la bretelle apparente lutter pied à pied contre la tunique musulmane de chez Mark&Spencers? L'affrontement promet d'être tendu comme une ficelle de string.

    Pour leur prochain coup d'éclat, les assos étudiantes de Sciences-Po devront en tout cas faire encore plus assaut d'originalité pour être à l'avant-garde de la subversion. Après la Queer Week et le Hijab Day, il va falloir sérieusement se creuser les méninges pour trouver quelque chose de nouveau et d'innovant. A l'approche de la clôture des primaires américaines, on pourra leur proposer d'organiser en juin un «Donald Trump Day». Chaque étudiant sera invité à venir coiffé d'un postiche blond pour rendre hommage au tribun new-yorkais d'avoir déconstruit de manière foucaldienne l'establishment politique de nos voisins d'outre-atlantique et fichu un fameux boxon au parti Républicain. Après la Queer Week, le Hijab Day et les Class Actions de tout acabit, ce serait la classe américaine, tout simplement. 

    Laurent Cantamessi    

    Laurent Cantamessi est co-animateur du site Idiocratie.        

  • La fin des villes-monde et la revanche des ploucs ?, par Georges-Henri Soutou.

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

    Se souvient-on des nombreux colloques depuis le début des années 2000 autour du thème de la « ville dense », luttant contre la tendance à la prolifération des zones résidentielles éloignées des centres urbains, pour favoriser et simplifier les déplacements et les économies d’énergie ? Ce qui a valu à Paris quelques nouveaux projets de gratte-ciels.

    6.jpgSe souvient-on aussi de la première rencontre entre Anne Hidalgo et Sadiq Khan, alors tout nouveau maire de Londres, et de leurs déclarations vantant les villes-monde, pionnières de la globalisation, de l’innovation, de la lutte contre le réchauffement climatique et de l’inclusivité multiculturelle, vibrante et apaisée ? « Le XIXe siècle était celui des empires, le XXe celui des États-nations et le XXIe est celui des villes », déclara le Britannique. C’était en août 2016. Anne Hidalgo allait prendre pour trois ans la présidence du C 40, réseau de grandes villes mondiales axé sur la lutte contre le changement climatique.

    Capitales déconnectées

    Effectivement, pour prendre le cas de trois villes que je connais, New York, Londres et Paris, elles devenaient depuis les années 1990 de plus en plus déconnectées de leur environnement national, sur le plan économique mais aussi humain, culturel et politique. C’est particulièrement vrai pour Londres et Paris, elles représentent, grâce aux services, un pourcentage considérable de leur PIB national respectif (75% dans le cas de la région parisienne, dans un pays largement désindustrialisé). Et elles concentrent un pourcentage considérable des centres de recherche et de la matière grise en général. C’est particulièrement vrai pour la région parisienne, selon une tendance séculaire, mais très renforcée, et ce très consciemment, par la Ve République.

    Ceci rappelé, il y a des différences : les États-Unis pourraient vivre sans New York, mais pas la Grande-Bretagne sans Londres, et encore moins la France sans Paris. Et l’on parle ici de villes englobées dans les réseaux de la mondialisation : en effet bien des pays connaissent des phénomènes de croissance urbaine démesurée liés à la pauvreté et à l’exode rural, mais il s’agit d’un autre phénomène.

    Constatons cependant qu’un pays peut très bien être plongé en pleine économie mondiale, comme l’Allemagne ou la Suisse, sans avoir développé chez lui une ville-monde. Le Grand Berlin, aussi étendu que l’Île de France mais avec trois millions et demi d’habitants, ne joue absolument pas le même rôle que Paris. Très rares sont les itinéraires professionnels allemands ou suisses qui imposent de passer par Berlin ou Berne !

    On ne peut certes pas tout traiter dans l’abstrait : le Grand Paris n’existe pas, ou pas encore, de façon comparable au Grand Londres. Ivillel existe désormais de nombreuses métropoles chinoises gigantesques, mais l’opacité de l’information dont on dispose est telle que l’on devra les laisser ici de côté.

    Mais notre question est de savoir si Sadiq Khan a raison et s’il est vrai que les véritables parties prenantes et acteurs de la mondialisation sont les villes-monde et, si oui, si elles vont le rester ? De plus en plus peuplées et, si on suit les écologistes et la Mairie de Paris, de plus en plus denses, les villes-monde contribuent-elles de façon décisive au développement mondial sous toutes ses formes, et par là aussi au développement de leur pays dans le contexte d’une économie mondialisée, ou ne sont-elles pas plutôt des parasites qui prospèrent sur l’appauvrissement des espaces environnants (c’était la grande thèse de Mao Tsé-toung, on s’en souvient) ? Ou ne procèdent-elles pas des deux schémas à la fois, insertion dans l’économie mondiale et appauvrissement relatif de leur environnement national, dans des proportions variables selon les cas. Des grandes villes africaines qui pompent beaucoup de substance locale, à New York, dont le rôle mondial n’est certainement pas lié à un appauvrissement quelconque de l’économie américaine, le système fédéral interdisant un pompage des ressources au profit de la ville-monde… Tout cela, après tout, se discute, même s’il est clair que le cas français illustre jusqu’à la caricature le très ancien thème de Paris et le désert français (titre du livre du géographe Jean-François Gravier en 1947, ouvrage aux origines très « Révolution nationale », certainement daté et vigoureusement contesté par les partisans des villes-monde à partir de la fin du siècle dernier), thème qui a retrouvé une actualité avec les délocalisations.

    La province réhabilitée ?

    Mais la pandémie actuelle change la donne. Il ne s’agit plus seulement d’optimisation économique. À Paris, Londres et New York, le taux d’infection par la Covid-19 paraît tourner autour de 20%, beaucoup plus élevé donc qu’ailleurs, ce qui n’est pas en soi étonnant avec une population nombreuse et « dense ». S’il s’agit d’un événement isolé dans l’histoire, comme la grippe « espagnole » de 1918, on pourra tourner la page ; il n’en ira pas de même si la maladie se révèle saisonnière ou endémique, au moins tant qu’on n’aura pas mis au point vaccin ou médicament.

    Par ailleurs, l’expérience actuelle montre que les grandes métropoles « denses » sont très difficiles à confiner, et également à déconfiner, de façon ordonnée et disciplinée. Le cas de Paris, où beaucoup d’habitants résident encore dans le centre (à la différence de Londres) dans de petits logements est particulièrement délicat.

    Il est clair que la crise et ses conséquences de toute nature à long terme vont faire évoluer nos systèmes économiques et notre organisation urbaine. Certains vont jusqu’à dire que la montée du télétravail va rendre la concentration urbaine moins inévitable. Je n’en suis pas sûr, car le télétravail a ses limites, mais d’autres tendances de fond vont probablement jouer dans le même sens.

    Sur le plan économique, on évoque de nécessaires relocalisations, la crise ayant souligné ce que les gens informés savaient, c’est-à-dire notre dépendance à 80% de l’Asie pour les principes actifs des médicaments, et pour bien d’autres « chaînes de valeurs optimisées ». Cela conduirait à une réindustrialisation, au recul en pourcentage du poids des services, accompagnant la mise en place de nouveaux circuits économiques, où les provinces joueraient un rôle plus important, correspondant aussi à de nouveaux besoins et à des changements dans les modèles de consommation et les modes de vie… Un exemple pour me faire comprendre : les Allemands aisés possèdent rarement une résidence secondaire. Ils vivent toute l’année dans des villas avec jardin, dans les banlieues agréables, aérées, verdoyantes, de villes comme Munich, Berlin, Francfort. Et ils rejoignent leur lieu de travail sans problème, dans un réseau de villes moyennes non congestionnées, mais dans le centre desquelles ils ne logent pas. Ce modèle est aussi celui des Britanniques, des Suisses, des Belges, dans une certaine mesure des Italiens. La ville-monde dense n’est pas le seul moyen possible d’organisation de l’économie et de l’espace.

    Revitaliser le territoire

    La ville mondialisée est aussi le lieu de projection idéal des tensions sociales, ethniques, etc., toutes rassemblées et se confortant les unes les autres dans une contestation permanente et avec des explosions de violence, le tout commodément placé sous le regard des médias. La très grande difficulté du maintien de l’ordre dans ces conditions et l’affaiblissement des pouvoirs politiques confrontés à ces phénomènes constituent un facteur essentiel de la situation. Notre actualité depuis 2018 me dispense de développer ce thème…

    Bien entendu, il est tout à fait possible que la mondialisation reprenne après le choc actuel et que les Occidentaux renoncent finalement à relocaliser. C’est la conviction et le vœu de la plupart des spécialistes de ces questions, et c’est l’intérêt des groupes dont le chiffre d’affaires et les financements dépendent en partie, souvent croissante, de la Chine. Mais alors ce serait au profit de cette dernière, capable de faire jouer les « chaînes de valeur » dans son sens, face aux grandes métropoles occidentales appauvries, affaiblies, divisées.

    Une autre voie serait évidemment la relocalisation, en tout cas les relocalisations indispensables au vu de la crise actuelle et pour le développement futur de nos économies (informatique, puces, batteries, etc.). Et un rééquilibrage Paris-province avec une revitalisation concomitante de nos provinces, et une vraie revitalisation, pas la simple délocalisation d’administrations centrales, ou, comme cela s’est produit à partir de la loi de décentralisation de 1982, le renforcement des capitales régionales au détriment du plat-pays. Mais, en particulier pour la France, ce serait l’effort d’une génération…

    Illustration : Rats parisiens dans un jardin public.

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  • L'éthique de la reconquète…, de Frédéric Winkler.

    « Souviens-toi que tu dois mourir… Et paraître devant ton créateur… » En chevalerie, tout est beau, aventure, passion et joie… « A l’heure où le mal a souvent droit de cité parmi les hommes, et jusque dans les plus hautes institutions, le réveil de la vocation chevaleresque est une urgence, à laquelle le ciel n’a jamais tardé à répondre. » P. Philippe-Emmanuel Rausis.

    frédéric winkler.jpgIl s’agit donc de trouver voir de retrouver l’esprit qui animait les hommes épris de libertés et d’indépendance qui, sous l’ombre du chêne royal se réunissaient, organisaient la vie de la cité et de leurs communautés, légiféraient, créaient les lois, les perfectionnaient. Que ce soit pour l’autonomie des métiers, des familles, des villages et villes, par l’enchevêtrement des représentations librement désignés jusqu’aux conseils du roi. Cet amalgame naturel, cette juxtaposition de ce qu’Aristote considérait comme l’équilibre des pouvoirs : démocratie dans la commune, aristocratie dans la province, couronnées par la monarchie dans l’Etat. Il ne s’agit pas de revenir dans le temps passé mais de recréer l’esprit qui permit aux hommes de s’élever, par cet empirisme productif, riche que fut notre histoire capétienne, où « peuple et roi » étaient de droit divin, disait Marcel Jullian, vieil ami disparu…
    « Moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28,20)

    Nous allons souvent chercher ailleurs ce que nous avons oublié chez nous. On découvre des cultures, voir des religions exotiques autres, afin de trouver une voie spirituelle qui, chez nous fait défaut mais qui pourtant fut jadis riche et prometteuse. Il ne s’agit pas de parler d’une bigoterie mal placée, ni d’une interprétation catholique de façade, trop souvent actuelle aujourd’hui, qui ressemble quelquefois plus à du puritanisme qu’à la foi de nos ancêtres.
    Malheureusement, certains se comportent, par l’air du temps, en donneur de leçons. Ils paradent devant l’Eglise comme les bourgeois du XIXe, strictes et hypocrite bon teint, machisme mal placé, femmes objets avec un ou deux enfants bien sages, tout cela sentant un peu la naphtaline aurait dit Bernanos. C’est aussi, ceux qui redécouvrent la religion en réaction à d’autres, allant chercher la croix de la grand-mère perdue dans une boite au grenier, afin de se créer une identité, depuis longtemps perdue. Tout cela sans grande conviction et parfaitement éloigné de ce que pouvait donner une foi vécue dans les temps anciens…
    « Melissent la sereur le conte de Triple qui mout estoit sage pucele et de grant biaute » (Guillaume de Tyr)


    Les temps médiévaux de profonde croyance étaient autres, vécues pleinement dans les engagements, de la foi aux rapports d’hommes, ce que l’on nommait la féodalité. Il ne reste qu’à redécouvrir cette voie oubliée, ce chemin dentelé de nos espérances enfouies. Il s’agit de s’élever en se détournant de l’égoïsme. Bien sûr, cela reste contraire à notre époque, tourné vers son bien être personnel, pour satisfaire sa vanité, sa vénalité. Cette quête dans l’accomplissement de l’être « chevaleresque » est source d’une inépuisable fécondité, René Guenon disait : « Toute action qui ne procède pas de la connaissance manque de principe et n’est plus qu’une vaine agitation ».

    Tout rayonnement humain va de pair avec la richesse intérieure et non extérieure, illusoire, superficielle et vaine. On est efficace, convaincant, rassembleur, que lorsque nous sommes épanouie en nous. Bref pour agir, il faut être. Un être dans le doute ne peut avancer, il est ébranlé par les forces destructrices, qui le minent. Lorsque le matérialisme corrompt les nations et les hommes, s’ouvre la voie de la turpitude, lâcheté, faiblesse, aveuglement, égoïsme pour finalement arriver au renoncement : « Hommes, tueurs de Dieux, les temps ne sont pas loin. Où, sur un tas d’or vautrés dans quelque coin. Ayant rangé le sol nourricier jusqu’aux roches. Ne sachant faire rien ni des jours ni des nuits. Noyés dans le néant des suprêmes ennuis. Vous mourrez bêtement en emplissant vos poches » (Leconte de Lisle).

    L’éthique des chevaliers par la lumière guidée, entraînera : courage, fidélité, service comme loyauté et honneur. La société mercantile entraîne l’homme vers un activisme forcené et une agitation stérile : « Mais où se joue cet éternel présent qui nous émeut dans le mythe ? Nulle part ailleurs qu’en l’homme, qui doit sans cesse, nouvel Héraclès et prince des origine, prendre position sur ces cimes intérieures pour rejeter aux abîmes les puissances aveugles qui s’agitent en lui, confirmant ainsi le monde de lumière, qui est en même temps celui de la liberté et du droit » Ernst Jünger (1953).

    Nous devons tout faire pour vivre la réalité de nos pensées, au risque de finir par penser comme malheureusement on aura vécu ! : « La vie n’est que ce que l’on en fait, c’est un bien perdu, quand on ne l’a pas vécu comme on l’aurait voulu » disait Imonescu. Ce sont les hommes qui font l’histoire (Bernanos), retrouvons par empirisme, la sagesse des anciens, cet arbre de vie, cette lumière de la spiritualité des temps médiévaux. Retrouver ce calme, cette sérénité et la contemplation de l’art roman ou gothique, se retrouver en communication avec soi-même. Ecouter les bruits oubliés, l’eau sur les cailloux des sources au bruissement du vent dans les branches et feuilles des arbres. Prendre son temps, hors des montres Humer le matin cette odeur de fougères dans les sous-bois, quand la nuit commence à disparaître et que le jour se lève. Percevoir au loin dans les champs cette brume formant des nuages perdus au-dessus des herbes. Peut-être même imaginer encore quelques trolls où elfes jouant encore dans la brume du matin présente au-dessus des blés, où parcourant ces bois dans les profondeurs des forêts françaises à l’image de Brocéliande. Puis, observer le ciel dans le bal des nuages et la clarté du jour, s’appuyer sur le tronc d’un chêne. Sentir les rythmes de son cœur, battre comme le fluide de son sang, sève de la vie, au lieu de sombrer dans la soumission à l’objet, des passions et appétits momentanés :

    « Que sert à l’homme de gagner le monde s’il vient à perdre son âme ? C’est la première question à poser à l’homme moderne qui n’a trouvé au bout de ses conquêtes que le désarroi, la terreur de lui-même et de sa vaine puissance, et le désespoir. C’est la question intrépide, sans peur et sans reproche, qui dressait saint Loup devant Troyes et sainte Geneviève sauvant Paris du flot des barbares, parce que contre celui dont l’âme est fortifiée par cette question et cette affirmation vécue, contre celui dont l’âme est pacifiée à jamais par ce choix sans retour et cette adhésion tranquille à l’ordre des choses divines et humaines, aucune arme n’a plus de pouvoir. La Chevalerie était d’abord le refus de gagner le monde au prix de son âme, d’emporter la victoire au mépris des lois de Dieu, d’amasser des trésors sur la terre où la rouille et les vers rongent, et où les voleurs fouillent et dépouillent, le refus de bâtir la maison sur le sable au moment où soufflent les vents, où la pluie descend, où les fleuves débordent. La Charte de la Chevalerie n’avait pas besoin d’être écrite, la Charte de la Chevalerie c’est le Sermon sur la Montagne » (Jean Louis Lagor, Une autre Chevalerie naîtra)

    Frédéric Winkler (L’Ethique de la Reconquete, à suivre…)

  • Alain de Benoist : De l’ultra-droite en France à l'affaire Benalla ...

     

    Par Alain de Benoist

    TRAVAUX DIVERS - Largeur +.jpgLes entretiens qu'Alain de Benoist donne régulièrement à Boulevard Voltaire consistent toujours en d'intéressantes et utiles analyses. Celui-ci [7.088] traite à la fois de l'ultra-droite française et de l'affaire Benalla. Nous ne dirons rien du premier sujet. Presque de tous temps, l'ultra-droite en France a été une machine à perdre. A perdre tous les combats, parfois justes, qu'elle entreprend. Sur l'affaire Benalla, nous retiendrons l'essentiel que nous croyons avoir dit aussi* : L’affaire Benalla ? « C’est ce qui permet de se désintéresser de tout ce qui se passe d’important dans le monde ». Ce n'est « quand même pas l’affaire du siècle ». Sauf à aimer les ragots, l'agitation parlementaire, l'hystérie médiatique et les manoeuvres politiciennes des partis, le tout coalisé et réuni. Quant à la question de savoir le pourquoi et le comment de « la carrière météorique de Benalla », il nous semble qu'Alain de Benoist y répond lui-même suffisamment dans les toutes dernières lignes de cet entretien.   LFAR   

     

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    « L’ultra-droite en France ? Ne refait pas la Fraction armée rouge qui veut ! »

    L’affaire Benalla l’a un peu fait oublier, mais on a récemment démantelé un « réseau d’ultra-droite » en France. Son meneur est un retraité de plus de 60 ans. Xavier Raufer, spécialiste reconnu des questions de sécurité, assure que ce n’est pas à cet âge qu’on débute une carrière de terroriste. Tout cela est-il bien sérieux ?

    Même sans les remous soulevés par les agissements d’Alexandre Benalla, cette histoire aurait rapidement été oubliée, tant elle manquait de sérieux. Elle n’a été médiatisée que dans l’espoir d’établir une fausse symétrie entre le terrorisme islamiste et les projets fumeux de quelques conspirateurs d’opérette : d’un côté 250 morts en trois ans, de l’autre des propos de comptoir. Personne ne pouvait s’y laisser prendre. Comme le terrorisme, la clandestinité ne s’improvise pas. C’est un choix de vie difficile, où il n’y a pas de place pour les pieds nickelés, les branquignols et les charlots. Elle exige une discipline féroce, des nerfs à toute épreuve, de la rigueur dans tous les domaines, un sens aigu de l’appréciation des situations. Ne refait pas la Fraction armée rouge (RAF) qui veut – surtout à une époque où les moyens de surveillance et d’investigation policières sont plus perfectionnés que jamais.

    Cela dit, il y aura toujours aussi des esprits fantasques, mais surtout un peu limités, pour rêver d’Anders Behring Breivik et de sa logique imparable : je trouve qu’il y a trop d’immigrés en Norvège, donc je tue 70 Norvégiens « de souche ». Mais Breivik a agi seul, ce qui est rarement le cas de ceux qui rêvent de guerre civile sans réaliser qu’ils l’ont déjà perdue. Ce genre de mythomanes paranos, les asiles en sont pleins. Je suis même étonné qu’il y en ait si peu qui passent à l’acte.

    À droite, la tentation de l’« action directe » n’a rien de nouveau. Mais, de la Cagoule au réseau en question, tout en passant par l’OAS, on ne saurait prétendre que tout cela ait véritablement fait un jour trembler qui que ce soit…

    D’une façon générale, la droite est assez légaliste (« la police avec nous ! »), ce qui explique qu’elle hésite toujours à remettre en question l’ordre en place – même si celui-ci, comme le disait Mounier, n’est jamais qu’un désordre établi. On pense à ce que Lénine disait de certains révolutionnaires allemands : quand ils sont chargés de commettre un attentat dans une gare, ils commencent par acheter un ticket de quai. Lorsque la droite s’engage dans l’illégalité, c’est en général sous le coup de l’enthousiasme ou de l’indignation, avec parfois le goût du panache et un certain dandysme, le goût du défi et des beaux « coups », mais surtout avec une imprudence, une naïveté et un amateurisme confondants, bref, sans grand sérieux. Sous l’Occupation, combien de réseaux de résistance ont-ils été démantelés suite à des indiscrétions, des bavardages, des rivalités, des trahisons liées à des histoires de sexe ?

    52748575.jpgVous citez l’exemple de la Cagoule. Il est révélateur. Le 11 septembre 1937, les « cagoulards » font sauter, rue de Presbourg, à Paris, le siège de la Confédération générale du patronat français, l’ancêtre du MEDEF. Deux gardiens de la paix sont tués. Les comploteurs n’ont pas du tout agi par anticapitalisme, mais parce qu’ils pensaient que l’armée, scandalisée par cette attaque contre le patronat, l’attribuerait aux communistes et se soulèverait pour renverser le Front populaire ! On voit le niveau politique de ces gens-là. Quant à l’OAS, comme disait quelqu’un qui savait de quoi il parlait, elle était certes armée, mais très mal organisée et encore moins secrète. Là encore, les Filochard du quai des Orfèvres n’ont pas eu grand mal à ramasser tout le monde, ou peu s’en faut. Allez donc demander à des gens sérieux comme les anciens chefs de l’Armée révolutionnaire irlandaise (IRA) ce qu’ils pensaient de leurs émules du continent…

    L’affaire Benalla ? C’est ce qui permet de se désintéresser de tout ce qui se passe d’important dans le monde. 

    C’est le feuilleton de l’été (plus de 25 articles ou billets sur Boulevard Voltaire !), ce qui permet de se désintéresser de tout ce qui se passe d’important dans le monde. Au-delà des démonstrations de vigueur musculaire de l’intéressé, place de la Contrescarpe et sans doute ailleurs, qui ne sont quand même pas l’affaire du siècle, la vraie question qui se pose est de savoir comment Alexandre Benalla a pu, dans l’ombre d’Emmanuel Macron, bénéficier d’une carrière météorique qui lui a donné autant de privilèges exorbitants du droit commun.

    Comment un Rambo de supermarché, apparemment incapable de contrôler ses poussées de testostérone, et aujourd’hui suspecté d’avoir voulu mettre en place un réseau de sécurité indépendant des pouvoirs publics officiels (en clair, une police parallèle), a-t-il pu se rendre indispensable au point de pouvoir injurier et humilier gendarmes et policiers pendant des mois sans s’attirer de sanctions autres que symboliques ? Comment a-t-il pu se sentir couvert aussi longtemps au plus haut niveau de l’État ? Macron est-il totalement incapable d’évaluer ceux qui l’entourent, ce qui serait déjà inquiétant, ou y a-t-il une autre raison ? Question subsidiaire, à laquelle on attend toujours une réponse : qui a fait fuiter cette affaire par le truchement de la presse ? Pour punir qui et pourquoi ? Bien d’autres hommes politiques ont accordé leur confiance dans le passé à des individus douteux, voire à des voyous dont ils appréciaient l’« efficacité » ou les capacités à jouer les « intermédiaires » dans des affaires délicates. Ils s’en sont toujours mordu les doigts. 

    * François d'Orcival : Un 1er mai peut en cacher un autre. Le 1er mai, le vrai, qu'en est-il ?

    Intellectuel, philosophe et politologue

     
     
    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier 
  • De la solidarité, du cœur et du bon sens…, par Nicolas BOUREZ (Directeur d'école).

    OPINION. Les jeunes français préoccupés par l’avenir de leur pays sont aujourd’hui sommés de taire leurs angoisses et d’adhérer au catéchisme mondialiste. Pourtant, selon notre lecteur, il n’est point de véritable solidarité sans souveraineté.

    8.jpgJ’ai 50 ans, et j’ai supporté dans ma jeunesse, non sans sourciller, voire en râlant certaines fois, les qualificatifs de réac ou de facho parce que je défendais une certaine idée de la France, qui aujourd’hui est en train de sombrer sous les coups de boutoir des idéologies qui veulent la détruire. Je ne sais pas pour vous, mais là, je commence sérieusement à saturer des accusations de fermeture d’esprit, de manque de grandeur d’âme et autre étroitesse de cœur dont les tenants de la bien-pensance ne cessent de nous gratifier. Quand elles ne sont pas formulées dans un vocable autrement plus salé et beaucoup moins digeste !

    Hormis le ressenti négatif que cela engendre inévitablement, ces accusations faciles et futiles ont un impact très défavorable sur notre jeunesse. Comment à 18 ans se situer dans l’échelle des valeurs quand on a un choix aussi peu étoffé entre le bien et le mal absolu ? Cette pseudo culture ne supporte pas la contradiction, et tous ceux qui ne l’épousent pas sont à bannir et à exclure de ce monde complètement dénué de repères, où tout se vaut si cela marque une différence. Les jeunes n’osent plus exprimer leurs interrogations et leurs souhaits de conserver certaines valeurs qui ont fait notre pays. Bien sûr ensuite la société va feindre de découvrir l’état de nos universités, de nos institutions et de nos enseignants en termes de pensées soi-disant progressistes… voire au sujet de l’islamo-gauchisme. Mais comment les jeunes pourraient-ils assumer certaines idées quand leurs aînés et la société ne jugent qu’au travers de filtres idéologiques qui les relégueraient au banc des accusés ? Et les isoleraient à l’âge où le lien social est essentiel dans la construction de la personnalité et de son devenir d’adulte. Les dégâts sont considérables et le mutisme de certaines personnes ajoute à la difficulté.

    La solidarité ne se décrète pas, elle se choisit

    Quand ces adultes ne sont pas à l’origine de cette doxa dominante, où les morts ne se valent pas et où il faut s’insurger de celle d’un petit garçon sur une plage, mais pas de celle d’une victime de la violence dans nos villes. Il est plus que temps de stopper cette mascarade et d’exprimer clairement les choses. Il est plus que temps d’exposer sa colère, de dire enfin pourquoi ces idées de pseudo-bien-pensance ne font que discréditer les jeunes qui tentent de comprendre le monde qui les entoure en cherchant à œuvrer pour qu’il soit meilleur, mais en offrant d’autres solutions. Le temps de la jeunesse est celui de l’action vers l’autre, de la recherche d’un sens à sa vie et de qualités morales. Oui, aider son voisin est une preuve de cœur ! Oui, il n’est pas nécessaire que les gens soient étrangers pour que l’aide revête une valeur morale digne de ce nom ! Oui, il est normal d’avoir envie d’être utile à ceux qui nous ressemblent et qui nous le rendent avec sourire et compassion, davantage qu’auprès de personnes qui rejettent notre mode de vie et nous renvoient haine ou mépris. La solidarité ne se décrète pas, elle se choisit. Et cela a toujours été. Quand notre système social a été mis en place, il le fut en rapport avec la France d’après-guerre. La solidarité s’exerçait entre Français qui venaient de partager une histoire de vie, qui se reconnaissaient dans un peuple unifié par une langue, un système de pensées et un avenir en commun.

    Comment ne pas reconnaître aujourd’hui que la situation a tant évolué qu’elle n’a plus rien à voir ! Les bouleversements profonds ne peuvent être occultés sous peine de tremblements terribles d’ici peu dans une population qui ne peut plus faire semblant d’être dupe. La souveraineté n’est pas un vilain mot. Être souverain, c’est avant tout être en mesure de décider et d’agir sur son environnement et son avenir. Cela n’est nullement une question de richesse ou de géographie, c’est une question d’autonomie. Et les jeunes doivent se construire en exerçant leur autonomie à la fois matérielle et spirituelle. L’autonomie exige liberté et clairvoyance. Tout le contraire de ce qu’on leur vend à longueur d’émissions télé qui scindent de manière simpliste le monde en deux camps, celui du bien… et celui du repli sur soi, symbolisant le mal absolu. Comment leur permettre cette autonomie de pensée sans casser le dernier repère qu’il leur reste, la défense d’une juste cause, en hiérarchisant les valeurs morales dans un nuancier aussi riche que sensible, se déclinant entre le bien et le mal ? Il faut leur autoriser leur propre analyse de ces valeurs, leur acceptation voire leur refus de s’y inscrire. Nous, adultes, devons absolument les accompagner dans cette recherche du bon, du bien ! Sans cela nous laissons ces idées du lointain, forcément meilleur et plus attrayant que le proche ; du différent, inévitablement plus nécessiteux que le semblable complètement démuni ; et de l’amour du nouveau, beaucoup plus beau que l’amour du passé et de nos racines, se développer sans contradicteurs, et gagner le cœur de nos jeunes.

    Les mondialistes n’ont pas le monopole du cœur

    Et je ne parle pas de la jeunesse qui se reconnaît dans la violence et autres pensées déviantes. Je veux m’en tenir à cette jeunesse intelligente qui tente de comprendre le monde que nous ne lui présentons plus de manière intelligible. Quelles images leur montrons-nous et quel avenir leur proposons-nous avec ces raisonnements où tout est inversé ? Les valeurs positives sont vomies, le vrai courage est banni, et seule la différence est louée. Nous avons le devoir de résister face à ces assauts de plus en plus puissants et multiples. Nous devons leur opposer une autre façon de s’exercer au monde en communiant avec son prochain, et en apportant joie et bonheur à son entourage. Nos jeunes ne peuvent pas croire que nous leur abandonnons notre pays délabré, que nous ne leur proposons que cette solidarité mondiale qui du coup n’a plus rien de solidaire, puisqu’imposée.

    Je veux redire ici à notre jeunesse que la souveraineté peut aussi signifier humanité ! Je veux réaffirmer d’autant plus fort que la situation s’aggrave, que les mondialistes et autres progressistes « n’ont pas le monopole du cœur » ! Contrairement à l’adage populaire, cette gauche aurait dû réfléchir avant, car on ne peut pas faire feu de tout bois. Maintenant elle se meurt de ses choix nauséabonds, et ces derniers soubresauts n’en sont que plus pathétiques. Mais nous n’avons pas le droit de la laisser emporter dans sa chute une partie des jeunes qui ne peuvent pas se construire ensemble un avenir en commun. Et ne ferons plus France. Attention à la mutation du danger et à son habillage linguistique, sémantique et écologique qui semblent reprendre le flambeau des anciennes luttes des minorités et les agréger afin d’obtenir une majorité. Cette jeunesse française ne doit pas se laisser berner, amadouer, voire endoctriner par cette pensée soi-disant progressiste, mais qui nous fait régresser à tous les niveaux. Là, nous pourrons alors parler de sécession et de réel séparatisme.

    Mais l’évolution est rapide, le temps est compté. Nous assisterons bientôt au délitement de notre pays, et compterons alors les parties entières de la société qui s’en détacheront tels des icebergs à la dérive dans l’océan immonde de cette soi-disant bien-pensance. Rétablissons le sens des mots, renouvelons notre contrat social, et de nouveau faisons briller ensemble l’idée d’un avenir commun. Notre France le mérite de par son histoire, et nous le devons à notre jeunesse pour son avenir !

    Source : https://frontpopulaire.fr/

  • DÉCIVILISATION ou DÉFRANCISATION ? par Guy Adain

     
    Sommes-nous à l'ère de la «dé-civilisation»?
     
    Le Président de « RENAISSANCE » pense que nous sommes entrés dans un « processus de décivilisation » .
    Déjà, l’Académie ne semble pas retenir ce vocable… Et si d’aventure il existait, on peut mettre en doute ce soi-disant processus !
    Encore que, dans les rangs de certains l’on puisse ressentir 
    ce mal-être, et cette impression de perte d’identité, cette certitude de ne plus être dans notre civilisation d’origine, mais où est donc passée la France ?
    Rassurez-vous citoyens politiciens, si elle n’est plus dans vos rangs de Sans-culottes, elle est bien à l’abri dans les nôtres. Vous la cherchez partout au point de fonder une coterie « Renaissance ! »
    Nous n’avons nul besoin de renaître, nous sommes bien présents et audibles… Oyez, oyez le chant des casseroles, elles vous chantent le « Chant du départ » !
    Les Français mettent à leur tête celles et ceux qu’ils estiment les plus valeureux, les plus…civilisés ! N’est-il pas vrai ?
    Décivilisation ? Vous avez dit décivilisation ; comme c’est bizarre !
     
    Dans nos rangs, chez les Français moyens, ceux qui ne savent toujours pas traverser la rue…La question ne se pose pas, nous nous trouvons assez civilisés !  
    Sans doute, les séides du Président se sentent « décivilisés voire défrancisés, ils peuvent comprendre le désarroi de leur chef et le partager.
    Nous, nous sommes « Gens de France » fiers et heureux, nous avons l’Honneur en partage, la Courtoisie et tout l’esprit de Chevalerie qui va avec, nous avons la Foi, nous avons un Roi (même s’il n’est ni sacré ni couronné) ; mais nous l’avons dans notre cœur.
    Nous voyons notre France « telle que nous désirons qu’elle soit, et pas toujours comme elle est. » (Sic)
    Les horribles exactions qui nous frappent actuellement et celles qui motivent l’emploi d’un vocabulaire de l’effroi, ne nous terroriseraient pas si nous étions en charge du Royaume car en lieu et place de décivilisation, nous remettrions en place un code de Chevalerie, et le ferions respecter…strictement.
    Hors de question de nous défranciser ! 
    Si nous avons nécessité d’entamer une Reconquista, osons appeler les choses par leur nom, et n’utilisons pas des circonlocutions alambiquées pour masquer des menaces qui mettraient en péril l’identité profonde de la France. 
    Non il n’y a pas de processus de décivilisation, mais plutôt un délitement certain de notre société par abandon de principes et de valeurs morales qui sont l’ossature et le squelette d’une société choisie.
    Ci-après :
    La vision royale, du Comte de Paris, celle qu’il affiche pour la France et au service des Français.
     
    La notion de royauté n’a rien perdu de son actualité dans nos démocraties occidentales. En Europe, ce sont pas moins de dix États dont le chef est un prince héréditaire. Dans des régimes maintenant démocratiques, la fonction princière a pleinement trouvé sa place, au service des populations et du bien commun.
    Au-delà des partis, la présence d’un roi garantit en effet la continuité dans le destin d’un pays : le respect de son identité profonde, la préservation de ses principes fondamentaux, la défense de sa langue et son rayonnement dans le monde entier. Elle permet également de se détacher de la pression des lobbies, des media, des biais du système électoral pour exprimer d’une voix forte la protection des plus faibles, la défense de l’environnement, ou celle du patrimoine matériel et spirituel.
    Une vision de long terme
    Avec à peine deux siècles et demi d’existence, notre jeune démocratie française est parfois aveuglée par l’idéologie du progrès, le mythe de la mondialisation heureuse, et l’attrait des profits immédiats. Héritier de mille ans d’histoire de la royauté, le comte de Paris est le garant d’un projet d’ensemble dont la vision politique n’est pas à l’horizon d’un quinquennat mais des générations futures. Du côté non pas de l’action qu’on achète et qu’on revend quelques secondes plus tard, mais de l’arbre que l’on plante pour ses petits-enfants.
    Jean de France Comte de Paris.
     
     
    Nous voilà loin de la décivilisation, notre optimisme reste au beau fixe, chez les Gens de France, nos racines sont profondes, bien ancrées dans la terre de France, toute notre histoire (celle de la France) nous montre et nous prouve que quand : 
    « Tout est perdu fors l’honneur » !
    Tout reste possible, et notre confiance en la Divine Providence est absolue.

  • La désindustrialisation, une fatalité ? par François Reloujac*

    En un peu plus de trente ans, la France a perdu 40 % de ses emplois industriels, soit plus de 65 600 emplois par an pendant cette période. Ces « destructions » d’emplois n’ont pas donné lieu à autant de médiatisation que les affaires qui ont secoué PSA ou Arcelor-Mittal ces derniers temps, mais elles ont toutes donné lieu à des drames personnels que les médias se sont empressés d’oublier. 

     

    Economiquement, la production industrielle française ne représente plus que 12% du PIB contre plus du double trente ans auparavant. L’essentiel du PIB est donc aujourd’hui dû à des emplois tertiaires, notamment dans l’administration, qu’elle soit nationale ou territoriale. Il ne s’agit là ni d’une fatalité, ni d’une nécessité, mais d’un choix politique assumé par des majorités différentes.  

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    Certains journalistes constatent que, grâce à une telle politique et malgré un marché du travail particulièrement rigide, la France encaisse plutôt correctement la crise actuelle, l’emploi y ayant proportionnellement mieux résisté que dans d’autres pays européens. Mais ces mêmes journalistes oublient souvent d’ajouter que le niveau de chômage est, en France, en moyenne plus élevé que dans ces autres pays. Pierre-Antoine Delhommais constatait ainsi dans Le Point (3 décembre 2012) que « de tous les grands pays industrialisés, la France est le seul – avec l’Espagne – où, depuis trente ans, le taux de chômage ne soit jamais descendu au-dessous de 7,5% ». Ce ne sont pas les mesures de l’actuel plan gouvernemental qui inverseront sérieusement la tendance ; ce n’était pas non plus la hausse de la « TVA sociale » décidée sous le précédent gouvernement qui aurait pu véritablement changer la donne. La France a perdu une grande partie de son industrie malgré des hommes politiques qui, tous, ont promis pour se faire élire de défendre l’emploi ! 

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    La théorie des avantages comparatifs

    C’est pour « défendre » la compétitivité de la sidérurgie française qu’avait été créée Arcelor, que la société avait été « européanisée » et que son siège social avait été déplacé au Luxembourg. De la même façon, c’est pour « défendre » la sidérurgie européenne qu’Arcelor a été vendue à Mittal ! On connaît la suite. Car si la France est plutôt « en pointe » dans cette politique, elle n’est pas la seule à la pratiquer. Tous les pays développés connaissent une même évolution. Tous suivent un modèle économique postulant « la recherche de la maximalisation du profit et de la consommation, dans une optique individualiste et égoïste » (Benoît XVI).

    Les hommes politiques d’aujourd’hui ont oublié les valeurs qui font l’unité d’un pays et la solidité d’une société, au profit de l’affichage de performances financières chiffrées, toujours en progression. Le PIB doit augmenter et peu importe qu’il ne soit plus exclusivement calculé à partir du prix de vente des produits fabriqués mais surtout à partir du prix de revient des administrations. L’important est que l’on puisse communiquer sur « la croissance ». Dès les années 1970, on avait commencé à expliquer que les coûts de fabrication étant plus élevés dans les pays développés que dans les pays en développement ; il fallait délocaliser la production technique et ne conserver que les actions de conception. Les pays développés étaient alors censés disposer d’un avantage comparatif – au sens que les économistes libéraux, à la suite de Ricardo, donnent à cette expression – en ce qui concerne la « matière grise ». Idéologie de la toute puissance de la concurrence oblige, si chaque pays se spécialisait exclusivement dans la production pour laquelle il disposait d’un avantage comparatif, le monde entier devait obligatoirement en bénéficier. Mais une société qui se spécialise risque de laisser de côté une partie de sa population. De plus, pour que cette théorie des avantages comparatifs puisse connaître un semblant de réussite, il faut que toute la production soit uniformisée et que tout le monde produise la même chose sous toutes les latitudes. Ainsi, les chaussures de sport d’une grande marque, autrefois fabriquées en France, peuvent désormais venir du Vietnam ; des avions qui ont fait la réputation de Toulouse peuvent aujourd’hui être en provenance du Mexique ; une grande marque de voitures, nationalisée à une certaine époque, peut assembler ses modèles en Roumanie ou au Maroc… et cette liste est loin d’être exhaustive. De nombreuses sociétés ayant encore un nom français sont devenues apatrides ; toutes celles qui ont assez grossi pour pouvoir délocaliser une partie de leur production s’arrangent désormais pour payer le moins possible d’impôts en France. Elles pratiquent, non pas l’évasion fiscale – ce terme étant essentiellement réservé aux particuliers – mais l’optimisation. Comme le remarque Géraldine Meignan, dans L’Expansion (décembre 2012-janvier 2013) : « Dans la formidable partie de Monopoly industriel qui se joue, les multinationales excellent dans l’art de jongler avec les écarts de salaires pour s’approvisionner au meilleur prix » ; elles excellent aussi dans l’art de jongler avec les motifs des subventions pour obtenir les plus intéressantes, et dans l’art de jongler avec les taux d’imposition pour ne payer que les moins élevés. En ce début du xxie siècle, les entreprises ne sont plus dirigées ni par le propriétaire du capital comme au xixe, ni par un ingénieur comme au xxe, mais par une administration qui est passée maître dans le maniement des réglementations et dont les principaux fournisseurs sont désormais les « conseils » et les « communicants ». 

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    Vers la réindustrialisation ?

    Sur le plan social, outre le problème du chômage déjà évoqué et celui du déficit croissant des états (sous l’effet combiné de la multiplication des « subventions d’appel » et de la diminution de la matière imposable), il faut encore noter l’impossibilité pour une classe moyenne d’émerger : dès qu’une population commence à sortir de la pauvreté et réclame sa part du gâteau, l’entreprise qui l’emploie délocalise. Une usine qui s’installe un jour à un endroit n’y reste que tant qu’elle y perçoit des subventions, qu’elle y est exonérée d’impôts ou qu’elle n’y paye que des salaires plus faibles qu’ailleurs. Dès qu’elle ne dispose plus de ces avantages comparatifs, elle ferme et s’implante autre part laissant sur le site précédent non seulement des chômeurs, mais encore des infrastructures devenues inutiles.

    Il reste cependant un espoir, c’est que l’augmentation des coûts du transport, la complexification des chaînes d’approvisionnement, la fragilisation des processus de fabrication soient considérées bientôt comme autant de facteurs polluants. Alors, demain la réindustrialisation ? Peut-être, mais celle-ci ne pourra être réellement effective que lorsque l’on aura remis l’homme au centre de la vie économique et politique du pays, de chaque pays. « La compétitivité nationale n’est pas qu’une question de prix et de coût », comme l’a écrit très justement Frédéric Sanchez dans Les échos du 14 décembre 2012. 

     

    * Analyse économique parue dans le n° 114 de Politique magazine, janvier 2013.

  • « L'insincérité » budgétaire de la République en fin de règne Hollande : un scandale à onze milliards d'euros

     

    Par Jean-Philippe Chauvin

     

    1262631406.jpgUne « insincérité » à 11 milliards d'euros (si l’on en croit la presse économique qui avance ce chiffre), peut-être plus encore : c'est le petit cadeau d'adieu du gouvernement de M. Cazeneuve et particulièrement de son ministre des Finances M. Sapin, révélé par Le Canard enchaîné et la Cour des comptes dans son audit des finances publiques du pays.

    Cela mettrait ainsi le déficit de la France à 3,2 % du PIB quand M. Hollande avait promis qu'il serait à 2,8 % en 2017, pour se conformer aux exigences de l'Union européenne et plus exactement des règles issues du traité de Maëstricht, mais aussi aux promesses faites par la France à ses partenaires européens. Comme le signale dans son édition du 29 juin le quotidien libéral L'Opinion : « Pour la première fois, elle sera le seul et unique pays de la zone euro à être en déficit excessif », alors que les autres pays de la zone euro annoncent des déficits moins élevés, voire des excédents budgétaires comme le voisin allemand qui prévoit environ 15 milliards d'excédent (quand la France est, chaque année, à environ 70 milliards de déficit, qui se rajoutent à la dette actuelle)... Peut-on mieux résumer par ces quelques chiffres le désastre budgétaire de la République française en Europe ? 

    Cette situation, qui complique encore le travail de l'actuel gouvernement, affaiblit la France au moment même où elle cherche à retrouver sa place sur la scène internationale, et elle nous menace d'une situation « à la grecque », même s'il s'agit, pour l'heure, d'une menace plutôt que d'un risque avéré et immédiat. 

    Il serait bon et très pédagogique que les responsables du dernier dérapage budgétaire, de cette « insincérité », soient traduits en justice, au moins pour le principe et pour le symbole : après tout, n'est-ce pas ce qui arrive quand un Kerviel est accusé d'avoir fait perdre « quelques » milliards à la Société Générale ? Sa condamnation à 5 milliards d'euros, remise en cause depuis, avait été applaudie, à l'époque, par certains milieux économiques, alors que sa manœuvre financière ne concernait, à l'origine, que la banque dans et pour laquelle il travaillait. Quant à M. Cahuzac, il a été condamné à deux ans de prison pour une fraude de quelques centaines milliers d'euros qui en a fait perdre à l’État quelques dizaines de milliers, loin des 11 milliards d'aujourd'hui. La politique passée de M. Sapin, elle, affecte le pays tout entier, aujourd'hui, ses finances comme ses contribuables : pourquoi s'en tirerait-il à si bon compte, avec seulement quelques articles vengeurs qui ne l'affectent guère et ne provoquent, jusqu'à cette heure, aucune réaction de sa part, ni contestation ni regret ? Un grand procès qui permette de comprendre les mécanismes des dérives budgétaires et de « l'insincérité » financière serait aussi une occasion de responsabiliser ceux qui nous gouvernent. 

    Bien sûr, il ne s'agit pas de punir toute politique économique gouvernementale qui échouerait à atteindre ses objectifs initiaux et d'empêcher toute prise de risque qui, parfois, peut s'avérer utile, plus à moyen et long termes qu'immédiatement. Mais il s'agit d'en finir avec des pratiques irresponsables et surtout malhonnêtes et fort coûteuses pour les contribuables français. 

    Je suis surpris, je l'avoue, par la discrétion des médias et des politiques devant cette véritable « fraude en bande organisée » dont, à mon sens, les principaux coupables, peut-être plus que le Président ou le Premier ministre, sont le ministre des Finances et, plus encore, un système plus sensible aux quelques dizaines de milliers d'euros acquis immoralement par MM. Fillon et Ferrand (mais légalement, semble-t-il, et jusqu'à plus ample informé) qu'aux milliards pris dans la poche des Français... 

    45658831_p.jpgEn 1934, l'escroquerie de M. Stavisky, favorisée par les milieux politiques de la République et ses usages malvenus, dénoncée par Le Canard enchaîné et L'Action française, avait provoqué une crise de la République qui ne s'en était sortie qu'en faisant tirer sur la foule des indignés du moment et en jetant le discrédit sur les protestataires, qualifiés de « fascistes » ou de « factieux » : « qui veut noyer son chien l'accuse de la rage », dit le proverbe. En 2017, la République, en ses autorités les plus importantes et forcément temporaires, peut voler des milliards aux contribuables, rien ne semble devoir se passer... Où sont les justes colères du pays contre les voleurs ?  

    M. le Président de la République s'honorerait en appelant les protagonistes de « l'insincérité » à assumer leurs responsabilités et leurs fautes. Le fera-t-il ? Il est vrai qu'en République, la morale est brandie plus qu'elle ne règne, en somme... Mais, en ce cas particulier, il s'agit de faire œuvre, plus encore que de morale, de justice. De justice sociale, pourrait-on ajouter...  

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • LIVRES & VOAGES • Rabat, nid d'espions ? Par Péroncel-Hugoz

     

    Mi-fiction mi-réalité, le récit d’espionnage garanti rbati publié par un Français de Salé, fait soudain basculer la tranquille capitale du royaume dans un univers inquiétant… Où l'on verra que cette recension de Péroncel-Hugoz, vue du Maroc, concerne la France et même la Famille de France et les royalistes français. LFAR

     

    peroncel-hugoz 2.jpgD’abord expert en café puis en finances russes, ensuite historien du Maroc protectoral, Guillaume Jobin, installé en Chérifie depuis moins de dix ans, peut-il, comme une divinité hindoue, revêtir successivement plusieurs avatars ? On a tendance à le penser en sortant de sa «Route des Zaërs», récit publié en ce début d’été 2015 et qui nous empoigne et nous plonge d’autorité dans un monde où tout bouge à 200 à l’heure, sur le rythme endiablé et diabolique d’un James Bond allié pour une fois à un Gérard de Villiers tempéré par Tintin, avec un brin de littérature Art déco, le tout bien mixé, bien pimenté jusqu’à nous rappeler certains bouquins « services secrets-polar-jolies femmes » d’un autre Français du Maroc, feu le pied-noir érudit Jean-Pierre Koffel, le « romancier de Kénitra ». Ce n’est pas tout, « Route des Zaërs » rappelle certains films faciles mais excellents du XXe siècle, type « Salonique nid d’espions » ou « Danger à Tanger ». Oui, ça fait beaucoup de références mais lisez et vous comprendrez : ce monsieur ultra-moderne a lu et voyagé et il nous en fait profiter. En plus il connaît la bonne orthographe française, traits d’union compris, même s’il abuse parfois des anglo-américanismes… 

    Donc, un faux journaliste européen, beau mec hédoniste et dynamique, devient espion franco-russe dans le Maroc de 2014-2015, sur fond de (réelle) tension entre Paris et Rabat (sans parler des tripotages états-uniens), manigancée par l’omnipotent lobby algéro-socialiste que le régime hollandiste, tout en multipliant les risettes à l’endroit du Makhzen, laisse agir à sa guise sur les bords de Seine... Où cela nous ménera-t’il ? Allah seul le sait sans doute mais, ici ou ailleurs, au final ça risque de laisser de douloureuses cicatrices. Sur ce thème sérieux, voire tragique, l’auteur fait rouler ses billes colorées dont certaines pourraient être des balles maquillées… 

    La célèbre route des Zaërs est un lieu si on peut dire prédestiné car il fut, dans les troubles années 40, le fief du prétendant royaliste français, Henri, comte de Paris (1908-1999), alors politiquement interdit de séjour en France mais ayant ses entrées dans les maisons alaouites en tant que « cousin », en vertu de la tradition, rappelée volontiers par Si Mohamed Cherkaoui, l’un des beaux-frères (et le plus savant) d’Hassan II, selon laquelle la reine Blanche de Castille, avait apporté du sang arabe chérifien dans la dynastie française… Sur cette fameuse voie rbatie, Jobin fait donc défiler de nos jours hauts flics et diplomates toutes pointures, chauffards et journaleux, personnages inventés, recomposés ou bien réels comme la gastronome de haut vol Fatima Hal ou la styliste intercontinentale Fadila El Gadi – une partie de ces « beautiful people » se retrouvant du Grand-Comptoir, au Balima et surtout dans de discrètes et moelleuses demeures du Souissi. 

    Cependant, et c’est sans doute l’un des attraits de cette intrigue, l’action se déplace sans cesse, au Maroc ou à l’étranger, progressant par sauts ou séquences rapides et courtes, tantôt à Moscou ou Malaga, à Feucherolles (Ile-de-France), en Seine-Saint-Denis ou à New-York, Londres etc. Et bien sûr à Paris où on assiste même à un aparté détonnant entre les deux ministres de la Justice les plus contrastés du monde : Christiane Taubira et Mustapha Ramid… 

    Tous ces lieux et ces gens volent et virevoltent tant que le lecteur moyen finit par s’égarer un peu dans ce labyrinthe géopolitique, le tournis le prend voire la panique car il finit par confondre fiction et réalité et s’imaginer que le sort des relations franco-marocaines est vraiment entre les mains de ces messieurs et dames « zaëristes » peu rassurants, souvent entre une vodka « Samir Nof » ou un whisky « Réda Label »… A la fin, qui est un peu une queue de poisson pour le lecteur trop cartésien (tant pis pour lui !), celui-ci parvient quand même à se tirer sain et sauf de ces méandres diplomatico-politico-policiers ; et il est satisfait car, outre les distractions poivrées rencontrées le long de cette « Route des Zaërs », il a échappé un moment aux rengaines « droitsdelhommistes », « democratoïdes » et « laïcardes » et même il a vu l’auteur oser égratigner cathos de gauche, snobs et bobos mondialisés voire tel ex-sportif marocain intrigant en quête de prébendes… 

    Pour Ramadan, que vous soyez jeûneurs ou pas, vous pouvez vous reposer le cerveau en empruntant cette « Route des Zaërs » (ou bien des romans de Mohamed Nédali, Jean-Pierre Koffel ou Réda Dalil). Et en tout cas rendez-vous sur « le360 », Inchallah, le 30 juillet, après l’Aïd-Srir ! 

     

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    Guillaume Jobin au bord du Nil, à Zamalek

     

    * G. Jobin, « Route des Zaërs », Ed. de Talents, Casablanca-Paris, 190 p. 100 dh. 

     Péroncel-Hugoz - Le 360

     

  • Pourquoi parler d’Europe ?

    Par Jean-Philippe Chauvin

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    « Cette confrontation, qui ressemble plutôt à un dialogue de sourds, se fait sans joie ni émoi particulier. »

    Les élections européennes se dérouleront dans moins d’une quinzaine de jours et le moins que l’on puisse dire, c’est que la campagne ne passionne guère les foules, et ce qui est vrai en France l’est aussi chez nos voisins membres de l’Union Européenne, fût-ce pour quelques semaines seulement encore…

    Le Royaume-Uni enverra, si l’on en croit les sondages, une majorité de députés favorables au Brexit, ce qui relativise fortement les discours évoquant une « foucade » référendaire en juin 2016. En France, en revanche, les élections confirmeront sans doute la complexité du paysage politique malgré la tentative présidentielle de ramener le débat à une simple confrontation entre « nationalistes » et « progressistes », des termes dont il serait pourtant bien utile de rappeler et de préciser les définitions, les contours et les ambiguïtés. Mais cette confrontation, qui ressemble plutôt à un dialogue de sourds, se fait sans joie ni émoi particulier : l’abstention dominera sans n’avoir aucune influence concrète, comme c’est le cas depuis une trentaine d’années pour ce scrutin. « Les absents ont toujours tort », dit le proverbe, mais les suffrages exprimés sont-ils plus écoutés au-delà des commentaires du soir et du lendemain ?

    Et pourtant ! Je me souviens de l’engouement qu’avaient suscité les premières élections de l’assemblée européenne au suffrage universel. Les grandes affiches du dessinateur Folon présentant une Europe prenant son envol comme un grand oiseau côtoyaient celles valorisant la statue de la victoire de Samothrace tandis que l’enthousiasme saisissait les partis qui semblaient trouver dans l’idéal européen un nouveau souffle. C’était une « première fois » pleine de promesses et d’illusions : la réalité étouffera vite l’espoir, et les maux de la démocratie représentative, déjà présents au niveau des nations européennes, se reproduiront à l’échelle de ce que l’on n’appellera l’Union Européenne qu’à partir de 1993. Le rejet du traité constitutionnel européen en 2005 par les électeurs français et néerlandais (pour des raisons d’ailleurs fort différentes), puis son contournement par les gouvernements et les parlements des pays européens, finiront de discréditer la démocratie européenne aux yeux des électeurs, et éloigneront un peu plus les Français des urnes, en un divorce marquant entre le pays réel et le pays électoral, ce « pays légal » dont la base se rétrécit sans qu’il s’en inquiète, préservé par le système lui-même dont « l’inertie » assure la survie quelles que soient les alternances ou les surprises politiciennes… L’arrivée d’un président « inattendu » à la tête de la République française en mai 2017 n’a fondamentalement rien changé au système en place, et « le nouveau monde » ressemble furieusement à « l’ancien », en ce domaine, avec quelques vagues nuances.

    athena-guerre.jpgLes élections du 26 mai prochain verront en tout cas s’affronter trente-quatre listes de toutes les tendances possibles, y compris royaliste, sans que l’on sache vraiment si les débats les plus nécessaires seront abordés, et si les idées évoquées, bonnes ou mauvaises, dépasseront le petit cercle des commentateurs politiques et celui, moins restreint, des militants des listes en lice. Peut-on se satisfaire de ce constat ? Je ne crois pas, et il me semble, qu’une fois de plus, il faudra emprunter des chemins de traverse pour retrouver la voie de la passion politique, celle qui bouscule et qui fonde, celle qui peut ouvrir des perspectives, non pour le mandat court d’un député européen, mais pour les générations qui sont, qui viennent et qui viendront. Il est des enjeux que l’on ne peut méconnaître : autour du souci environnemental et de ses diverses déclinaisons ; autour de la grande question de la guerre et de la paix (les deux ne pouvant être disjointes) ; autour de la pérennité et de la transmission renouvelée d’une civilisation française qui ne peut être figée sous peine de disparaître, et du dialogue incessant avec les civilisations voisines ; autour de la place et du rôle des hommes dans le processus économique et de leurs implications sociales ; etc. Autant d’enjeux qui, aujourd’hui, ne sont qu’effleurés (dans le meilleur des cas) quand ils devraient irriguer les réflexions et les projets des listes et des candidats au Parlement européen, même s’il faut bien reconnaître que celui-ci n’a guère d’autre pouvoir que de discuter des textes préparés ailleurs et par d’autres, et de les voter ou de les refuser… Mais qu’importe ? Le débat électoral n’est-il pas là, justement, pour dépasser les seules contingences électorales et évoquer d’autres fondations possibles ?

    Les royalistes sont gens de longue mémoire, et, s’ils peuvent paraître encore loin de peser sur les débats en cours, il ne leur est pas interdit de réfléchir et de proposer, autant lors de la joute électorale que dans ses prolongements et ses éloignements. L’Europe, ou ce que l’on appelle ainsi, mérite, au-delà des polémiques, un vrai engagement politique, non pour seulement la défaire ou la défendre, mais pour en concevoir, sans a priori les formes les meilleures pour relever les défis de l’actualité comme de « l’avenir que tout esprit bien né souhaite à sa patrie » et aux générations qui y vivent et la poursuivent par leurs actions et combats. Elle ne peut négliger ce qui fonde aujourd’hui l’enracinement des familles et des personnes, et que l’on nomme « les nations » qui, disons-le sans peur, peuvent se conjuguer sans se confondre.    

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    Visuel La Couronne 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

  • Vers un nouveau krach boursier en juillet-août, par Marc Rousset.

    Source : https://www.bvoltaire.fr/

    Depuis son point bas du 18 mars à 3.754 points, le CAC 40 a cependant rebondi de plus de 33 %. Selon Robert Ophèle, président de l’Autorité des marchés financiers, les cours des actions paraissent, aujourd’hui, « déconnectés des fondamentaux économiques et de l’absence de guidance des entreprises ». Le gouvernement envisagerait de racheter les boutiques et commerces pour sauver les centres-villes. Une nouvelle correction des marchés est à craindre.

    marc rousset.jpgSelon la chaîne américaine CNBC, la BCE pourrait encore ajouter 1.000 milliards d’euros aux 1.350 milliards d’euros déjà prévus pour le programme d’urgence pandémique PEPP. Ce sont ces seuls milliers de milliards d’euros des banques centrales qui évitent l’effondrement dans l’immédiat. À ce jour, la BCE et la Banque de France détiennent conjointement 480,7 milliards d’euros, soit 19,7 % de la dette publique française de 2.438,5 milliards d’euros. L’Allemagne de Merkel a peur de perdre son marché européen et va détourner l’attaque juridique fondée de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe en faisant écrire, par le ministre des Finances allemand Olaf Scholz au président du Bundestag, que la BCE a respecté le principe de proportionnalité, même si cela est complètement faux.

    Le directeur général adjoint de la BRI (Banque des règlements internationaux), dans un rapport annuel publié le mardi 30 juin, met en garde devant « l’addiction à l’argent magique » pour éviter un scénario noir de surendettement incontrôlé, d’hyperinflation, et de perte de confiance dans la monnaie. Il ne croit pas du tout au rêve très français de l’annulation des dettes publiques par l’effacement d’un coup de crayon dans les bilans des banques centrales.

    La Cour des comptes réclame une stratégie « crédible » et dresse un tableau apocalyptique post-crise, le 1er juillet, des finances publiques de la France. Estimé à 50 milliards d’euros avant la crise, le déficit public devrait monter en flèche à 250 milliards d’euros, soit 11,4 % du PIB. La chute massive des recettes publiques de 135 milliards d’euros et le plan d’urgence de 136 milliards de dépenses expliquent cette augmentation du déficit. Quant à la dette, elle devrait passer à 120 % du PIB à la fin de l’année, soit 40.000 euros par Français, précisent Les Échos. Dans l’hypothèse d’une croissance déprimée, la dette devrait même bientôt s’envoler à 140 % du PIB. La Cour des comptes met en garde sur « le risque d’une crise de la dette dans laquelle les créanciers refusent de prêter à l’Etat ».

    L’endettement des entreprises, une hausse des défaillances et l’augmentation des créances douteuses constituent aussi une menace pour les banques dans leurs bilans, et plus particulièrement en Italie où, avant la crise du coronavirus, les créances douteuses pesaient déjà pour 6,7 % des prêts, contre une moyenne de 3,2 % dans la zone euro. En juin 2019, les banques françaises avaient déjà accumulé 124 milliards d’euros de prêts non performants, ce qui les plaçait en deuxième position derrière les banques italiennes. Les entreprises les plus mal notées au niveau mondial représentent 600 milliards d’euros. Et si les taux d’intérêt étaient normaux, de l’ordre de 10 % aujourd’hui et non pas à zéro ou négatifs, presque la moitié des entreprises, dans le monde, ne pourraient pas payer les intérêts et les remboursements de la dette ; elles seraient donc, en réalité, des entreprises zombies.

    Aux États-Unis, le chômage recule à 11,1 % en juin, mais reste très élevé. Le cours de Tesla a gagné 20 % en une semaine à la Bourse de New York, soit 33 milliards de dollars, alors que Renault et PSA cumulés représentent moins de 20 milliards d’euros en Bourse (Le Figaro). Tesla, qui fabrique 370.000 voitures, passe à 208 milliards de dollars de capitalisation, contre 180 milliards pour Toyota, qui produit 10 millions de voitures. Quant au bilan de la Fed de 7.000 milliards de dollars, il représente maintenant 33 % du PIB américain, avec une dette publique de 26.000 milliards de dollars, soit 120 % du PIB.

    Morgan Stanley et Citigroup prévoient une once d’or à 2.000 dollars en 2021, tandis que sur le marché de l’or du COMEX, à New York, les investisseurs demandent de plus en plus la livraison du métal, en lieu et place de l’or papier. Pas étonnant, donc, qu’un krach puisse se produire en juillet-août avec, comme épilogue de la tragi-comédie, une Europe qui connaîtra, un jour, ce qui se passe, aujourd’hui, dans le petit Liban plongé dans un marasme sans fin, avec appauvrissement accéléré des Libanais, une dette irrécouvrable, hyperinflation, écroulement de la livre, un chômage de 30 % qui continue d’augmenter et spoliation des comptes bancaires en devises.

  • Éric Zemmour, Michel Onfray : convergence des luttes ?

    OPINION. Qu’elle se concrétise ou non, l’hypothétique candidature d’Éric Zemmour suscite les passions. Si ce dernier accepte certaines concessions avec Michel Onfray, c’est aussi une occasion inespérée pour faire émerger une nouvelle voie souverainiste à la présidentielle de 2022.

    Au commencement de Front Populaire, venait un slogan : « fédérer les souverainistes de gauche, de droite ou d’ailleurs » ; un projet : former un socle d’idées communes pour restaurer l’indépendance et la dignité de la France ; un but : porter un candidat à l’élection présidentielle 2022. Un an plus tard, Front Populaire a réussi la gageure de rendre au souverainisme ses lettres de noblesse. Autrefois accolé à des personnages volontiers moqués ou marqués au fer d’une ringardise franchouillarde, le souverainisme et aujourd’hui porté en étendard par un nombre grandissant de personnalités politiques, et jusqu’à Emmanuel Macron, bien que déployé en un sens oxymorique dont il est coutumier, avec sa fumeuse souveraineté européenne.

    Dans cette année extraordinaire à tout point de vue, des digues mentales ont sauté, la parole s’est libérée, et la majorité a trouvé les nouveaux moyens de son expression. Submergée par une vague de colère venue du fond de l’âme française, la République de Paris tremble à présent sur ses bases. Le Monde a depuis longtemps perdu son magistère moral, l’esprit Canal est passé de mode, et France Inter n’est plus qu’un refuge pour fonctionnaires d’extrême centre, tendance tiédasse. Plus qu’une victoire culturelle, on peut y voir la prise de pouvoir (enfin !) de la majorité silencieuse sur une élite nourrie au même sein bruxello-germanopratin.

    Une vague que l’on ne peut que malaisément nommer — est-elle conservatrice ? réactionnaire aux changements brutaux de civilisation que l’on nous assène ? un simple retour de flamme face aux exagérations des idéologues racisés, verts, rouges, ou intersectionnels ? — est en formation. Et pourtant, au grand désespoir d’une majorité de Français, cet élan ne trouve toujours pas de représentation politique. À 10 mois de l’élection suprême, Front Populaire n’a pas pu, su ou voulu lancer l’incarnation de son projet. C’est un échec d’autant plus grave que les choix disponibles sont condamnés à une identique impasse, que cela soit sous la forme d’un second quinquennat Macron dans lequel la France finira d’être absorbée par l’Union européenne, ou une présidence Le Pen de tous les dangers, tant la compétence de l’impétrante est sujette à caution.

    Alors, quoi ? Pour ceux qui votent, pour ceux qui refusent de n’être que les spectateurs impuissants d’un jeu où c’est la France qui perd toujours à la fin, il y a peut-être un recours : Éric Zemmour.

    Deux idées certaines de la France

    Dans une interview donnée depuis sa bibliothèque à Apolline de Malherbe, Michel Onfray s’est confié sur ses relations avec Éric Zemmour, duquel il diffère principalement s’agissant de l’angle par lequel la pensée se transforme en action politique. Pour Michel Onfray, tout part du peuple, de la glaise et du verger. Le pouvoir est une sève qui trouve son faîte à l’Élysée, et pas outre-Quiévrain. Éric Zemmour, quant à lui, croit en la force du monarque tout-puissant, en un pouvoir radial qui innerve les canaux multiples du corps social. Quand l’un voit la précarité du quotidien, l’autre veut recréer l’empire carolingien.

    L’autre différence saillante concerne l’Union européenne. C’est le point d’achoppement qui peut tout empêcher. Pour justifier son peu d’enthousiasme à briser les chaînes de Maastricht, Éric Zemmour parie sur une politique gaullienne de chaise plus ou moins vide, suivant les sujets. L’on s’assiérait gaiement sur les condamnations de la Cour de justice de la Communauté européenne, ignorerait les procédures de sanctions enclenchées par la Commission pour non-respect des traités ; en somme, l’on ferait ce que veut bien, et la Commission n’aurait qu'à bien se tenir. Pour séduisante et pratique que cette solution soit, elle ignore les moyens de coercition énormes que le machin de Bruxelles possède désormais. L’allocation des postes clés dans les institutions de l’UE ; le budget de la Politique agricole commune, la fronde permanente des députés européens, des médias et autres affidés post-macronistes empoisonnerait l’air et rendrait d’autant plus difficile la mise en œuvre de tous les autres chantiers prioritaires que notre situation exige.

    Éric Zemmour, davantage que Michel Onfray ou d’autres penseurs familiers à Front Populaire, réfléchit dans une optique de prise de pouvoir. Il tire donc les mêmes conclusions sur une sortie de l’UE que Marine Le Pen dont le volte-face vise à ne pas effaroucher les épargnants, chefs d’entreprises et autres voyageurs sans frontières pour lesquels un tel Frexit représenterait un saut dans l’inconnu, une angoisse.

    Il faudra donc s’accorder sur ce point, à partir duquel tant d’autres découleront. Cet argument porte fort et loin, mais il va trop à l’encontre de l’idée souverainiste pour être totalement acceptable. Seul un projet radical portant en lui les ferments d’une renaissance française peut faire bouger les lignes si confuses de notre panorama politique. Sortir de cette union pour en créer une meilleure, par les peuples et pour eux seuls, voilà la seule qui vaille. Les idées de Michel Onfray et de nombre d’abonnés ou lecteurs de Front Populaire apporteraient également au projet d’Éric Zemmour la dimension humaine, sociale et environnementale dont il manquera immanquablement, vu la prééminence des sujets identitaires et sécuritaires. La compréhension et l’empathie à la cause des Gilets jaunes, la reconnaissance de la souffrance des agriculteurs, des salariés déclassés des zones périurbaines, sont autant de sujets dont l’importance est égale au risque venu des banlieues ou d’une éventuelle alliance franco-russe.

    Pas le meilleur candidat, le seul

    Une telle convergence ne coule donc pas de source. Un débat doit s’engager le plus rapidement possible entre Front Populaire et les promoteurs d’une candidature Éric Zemmour, afin de dégager les bases d’un projet de civilisation qui nous unisse. Ce pourrait alors être la naissance d’un candidat qui ne serait pas à droite, mais au-dessus. Alors, fort d’un soutien élargi, avec le soutien des nombreuses personnalités publiques favorables au souverainisme, il est possible qu’une dynamique s’enclenche. La médiocrité de l’offre politique actuelle, la déshérence des idées et le désenchantement de nombre de français a fini d’exploser le monde d’avant, un monde dans lequel cette candidature n’aurait eu aucune portée.

    Alors, laissez votre imagination s’envoler pendant une minute, jusqu’à une belle soirée d’avril 2022. 10 pupitres font face à deux journalistes. Pendant plus de deux heures, un débatteur professionnel s’attaque aux sophismes d’Emmanuel Macron, aux dangereux discours créoles de Jean-Luc Mélenchon, aux approximations de Marine Le Pen. La France et les Français sont au cœur du débat, l’ordre et la justice sont les piliers d’un discours clair, limpide, pragmatique et radicalement différent. Référendums, communalisme, éducation, les mots oubliés tintent aux oreilles… Et là, tout deviendra possible.