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  • LIVRES • Du traité transatlantique à Voltaire, Depardieu et Cartouche ...

      

    traité

    C'est un niveau d'alerte sans précédent que le Traité transatlantique (TTIP) actuellement négocié à huis clos loin des citoyens comme des États, fera franchir à l'ensemble des pays d'Europe, s'il est ratifié. (...)
    En faisant, plus que jamais, planer l'ombre d'une bérézina ultra-libérale sur la vision idyllique de l'immense zone de libre-échange qui doit permettre, entre les deux continents, une liberté de circulation totale des hommes, des capitaux, des services et des marchandises. Comment ignorer, en effet, que d'abord c'est  la protection du consommateur mais aussi des entreprises d'Europe, étendue aux domaines environnemental, sanitaire, salarial, etc., qui volera en éclats, chassée du dispositif légal par des normes américaines nettement moins contraignantes ? À telle enseigne que les multinationales obtiendront désormais le droit de traîner en justice les États nationaux dont elles jugeraient la législation nuisible à leurs intérêts.   Et si le prix du libéralisme à tout crin était la perte de la souveraineté nationale désormais soumise à la toute-puissance des marchés financiers ? Que représente exactement la mondialisation sinon le stade suprême de l'hégémonie du Capital ? Quant à la « gouvernance », prétendu modèle de management, ne donne-t-elle pas le moyen de diriger les États. en tenant le peuple à l'écart ?   Dans cet ouvrage très documenté, Alain de Benoist expose avec une remarquable clarté ces enjeux cruciaux et les dangers qu'ils annoncent. Avec, en guise de réponse, un seul mot d'ordre : pour faire face aux menaces, rebellez-vous ! 

    Le traité transatlantique et autres menaces
    Alain de Benoist
    Editions Pierre-Guillaume de Roux, 250 pages, 2015   
    23,00 euros

     

    voltaire

    Voltaire ! Figure des Lumières qui a donné son nom à nombre de collèges, lycées, places et boulevards. Dont on fait lire des extraits, toujours les mêmes, aux jeunes gens de nos écoles, et que l'on cite, parfois à tort, sur les plateaux télé, dans les cours de récré, dans les dîners de famille. Parce que Voltaire c'est cet ami de l'humanité, ce chantre de la liberté, que l'on veut, que l'on doit mettre en avant pour légitimer la démocratie libérale marchande - ou, dirons-nous, la social-démocratie qui lui permet de perdurer - dont nous sommes prisonniers. Il est l'un de nos geôliers, l'un des gardiens de notre prison mentale.
    Alors il faut lire Voltaire, mais le lire jusqu'au bout, le lire tout entier pour le découvrir vraiment, et découvrir dans le même temps le fond de l'esprit de notre époque, son « logiciel » comme nous dirions avec un terme d'aujourd'hui, le paradigme dans lequel nous vivons ou survivons.
    C'est ce qu'a fait Marion Sigaut. Elle nous livre ici, toujours citées, toujours sourcées, les pensées intimes de Voltaire, ce qu'il disait à ses amis, comment il se comportait, comment il jugeait ses contemporains ; en deux mots la face cachée et pourtant accessible à qui veut se donner la peine de lever le voile, d'un personnage flamboyant dont le masque commence à s'effriter.  

     

    Voltaire, une imposture au service des puissants
    Marion Sigaut
    Editions Kontrekulture,  463 pages, 2015   
    19,00 euros

     

     

    depardieu

     

    Richard Millet, romancier et essayiste, à qui l'on doit quelques chefs-d'oeuvre de la littérature contemporaine dont Ma vie parmi les ombres, Trois légendes ou L'Etre boeuf.
    Depardieu, c'est l'ultime monstre sacré, sur qui la politique n'a pas de prise. L'acteur au corps rabelaisien, pétant et éructant à la face du monde, qui a refusé d'être enterré vivant dans la masse informe. Passé à l'Est, à jamais "hors champ" pour les gardes rouges du Culturel, lui seul aura su résister à l'américanisation du modèle français. Longtemps "migrant de l'intérieur", Depardieu demeure ainsi l'homme du scandale autant que de la grâce qui, mieux que personne, aura su rendre à l'esprit français les accents de la vérité. Là où la tentation du sublime, la dérision grandissante et l'enlisement dans le banal font le lit de la décadence.
     

     

    Le corps politique de Gérard Depardieu
    Richard Millet

    Editions Pierre-Guillaume de Roux, 123 pages, 2015    17,90 euros

     

     

    cartouche

    Né dans une famille d'honnêtes artisans parisiens pendant le règne de Louis XIV, Dominique Cartouche va devenir, autour de ses vingt ans, le plus terrible des brigands que la police du roi ait eu à redouter.(...)  

     

    Dominique Cartouche, la véritable histoire
    F. Garcia et L-B. Koch.
    Editions Kontrekulture,  49 pages, 2015     20,00 euros

     

    Pour commander ...

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  • Après l'émotion, il faudra bien prendre conscience de la situation de guerre où nous sommes entrés, sans-doute pour long

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    Il était bien prévisible que l'otage français capturé en Algérie par les islamistes ne tarderait pas à être exécuté. Il a fallu que ce soit chose faite, dans les horribles conditions que l'on sait, que l'on a vues, pour que l'émotion s'empare, fortement cette fois-ci, de l'opinion française et de ceux qui la font. L'onde de choc de telles images et de telles émotions peut s'étendre loin dans l'espace (en Europe notamment), dans le temps (le renouvellement de tels actes est évidemment à prévoir), et dans l'ordre des conséquences : politiques, militaires, sociales et idéologiques. 

    Dans cette situation, le rappel des responsabilités des uns et des autres serait vain si l'on n'en tirait aucunes conséquences idéologiques et politiques. Ces dernières devraient aller de soi.

    Sur le plan extérieur, sans remonter trop loin dans l'histoire récente, il est clair que les interventions américaines en Afghanistan et surtout en Irak, à quoi s'ajoute l'initiative stupide de la France en Libye, ont bouleversé le toujours fragile équilibre proche-oriental et y ont libéré les forces - et les armes - qui nous frappent aujourd'hui. Sans-doute pour longtemps. Savait-on, à Washington et à Paris ce que l'on risquait en touchant, sans autre projet politique sérieux que d'y installer des démocraties paisibles, au monde arabe ? Les avertissements n'avaient pas manqué. Ils étaient justifiés. Mener sa politique, sans suivre aveuglément les Etats-Unis (comme elle l'a fait en 2003, où elle s'est abstenue de participer à la deuxième guerre d'Irak), en éliminer l'idéologie et le moralisme qui la corrompent trop souvent, soutenir, partout où cela sera possible, les hommes et les régimes qui constituent ou pourront reconstituer des zones d'ordre qui ne nous menacent pas, en somme, mener une politique réaliste et non une politique de principes, voilà qui devrait s'imposer à la France. Saura-t-elle opérer cette rupture ? Pour l'instant, elle n'a d'autre choix que de frapper, elle aussi, affaiblir, détruire autant qu'il sera possible, les forces en guerre contre nous, libérées par nos propres inconséquences. Il est probable que nous venons d'entrer dans une période de guerre de longue haleine. Guerre de trente ans, guerre de cent ans ? En tout cas, ce genre de guerre - dite, aujourd'hui, asymétrique - dont il n'est pas possible d'entrevoir le terme ...   

    La menace intérieure est l'autre face de ce conflit, en lien et synergie avec la précédente. Elle est majeure. Le consentement de la France à une immigration massive en provenance des pays d'Islam en est l'élément principal. Certes, comme on nous en rebat suffisamment les oreilles, les immigrés de religion ou de culture musulmane ne doivent pas, individuellement, et même collectivement, être suspectés de terrorisme. La plupart souffrent de la situation actuelle. Ces considérations n'empêchent pas que les politiques d'immigration menées en France ces quarante dernières années, aboutissant à la présence sur notre sol de dix à douze millions d'immigrés de religion ou de culture musulmane, sont directement responsables du climat d'insécurité, de la crise d'identité, et, pour une part non négligeable, des difficultés économiques, qui ont conduit à la démoralisation des Français. Le parti immigrationniste (en fait, ce que nous appelons le Système) - politiques, intellectuels, journalistes, syndicalistes (y compris le patronat), monde de l'Education, nébuleuse des associations, églises, jusqu’au plus haut niveau - ont, à quelques courageuses exceptions près, imposé leur loi politique et morale à la France. Leur responsabilité est terrible. Aujourd'hui s'ajoute au malaise identitaire, la menace terroriste intérieure. Concrète et terrifiante. Issue qu'on le veuille ou non - très minoritaire, il est vrai, mais fanatique, résolue à toutes les extrémités et en lien avec le jihadisme international - de la communauté immigrée. Une politique de l'immigration en rupture radicale avec celle suivie jusqu'à présent, devrait donc s'imposer. Ce n'est pas le lieu d'en décrire le détail. Mais nous devrions y revenir prochainement.

    Quelles seront les suites politiques, idéologiques, électorales, européennes, militaires, du choc - pour l'instant surtout émotionnel - que la France vient de connaître ? Entraînera-il une réaction déterminante, ou sera-t-il récupéré, canalisé par la conjonction des idéologues et des bonnes consciences ? Amplifiera-t-il les réactions qui commencent à poindre aussi, en Europe, comme Louis-Joseph Delanglade l'a indiqué, ici, avant-hier ? Permettra-t-il, comme le suggérait un commentaire reçu, hier, dans notre blog, de "crever l'abcès en liquidant toute cette menace mise à jour une bonne fois" ? L'on peut en douter. Il n'est pas non plus interdit de l'espérer.  u

     

    Lafautearousseau

     

  • A SUIVRE - BON A SAVOIR • Chambord : 2015, l'année François Ier

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    Tourné en grande partie à Chambord en 1970 , Peau d'âne, film de Jacques Demy. Crédits photo : Rue des Archives/Cine-Tamaris

    Le château célèbre cette année le 500e anniversaire du sacre du Roi Chevalier, qui fit édifier le monument au XVIe siècle. La restauration de la chambre du souverain est aussi à l'étude.  

    En 2015, Chambord va se mettre à l'heure de Peau d'âne. Le film de Jacques Demy, qui fut en grande partie tourné à Chambord en 1970, et vient d'être restauré, a été projeté sur écran géant dans le château, les trois derniers dimanches de décembre.

    Passé cet épisode très seventies, Chambord attaquera une période faste. Le projet d'établissement, fraîchement adopté et joliment dénommé « Chambord ou la Cité idéale », prévoit que le domaine soit totalement autofinancé d'ici à 2020 (contre 86 % aujourd'hui). Et se fixe pour objectif un million de visiteurs par an dans le château, contre 770.000 visiteurs aujourd'hui, et 1,5 million dans le domaine.

    Pour ce faire, événements, festivals et restaurations sont au programme. 2015 est l'année du 500e anniversaire du sacre de François Ier. Bien que le roi séjournât très peu à Chambord, il en est tout de même à l'origine et demeure la figure célèbre du lieu. Pendant quatre ans, les équipes de conservateurs vont s'attacher à reconstituer le décor de la chambre de François Ier. Dans l'immédiat, le projet se fera de manière virtuelle. Mais à terme, la pièce sera remeublée, en partenariat avec le Musée national de la Renaissance au château d'Écouen. Cela n'a l'air de rien, mais le mobilier Renaissance ou lié au roi tout simplement est extrêmement rare.

    Chambord possède 440 pièces et l'impression de vide s'impose régulièrement pendant la visite. Dans le souci de remeubler petit à petit les pièces ou de leur donner de la vie, les cuisines XVIIIe siècle, au rez-de-chaussée seront restituées, ainsi que l'arrière-cuisine, le fruitier, l'office et le four à pain… Et des salles consacrées au comte de Chambord et à la naissance de la IIIe République vont ouvrir.

    Par ailleurs, le château s'est désormais équipé d'Histopad, des tablettes en douze langues faisant appel à la réalité augmentée: les moindres recoins de salle ou fonds de tiroir sont ainsi exploités et mis en valeur.

    En 2016, outre la construction d'une nouvelle halle d'accueil à l'entrée de la place Saint-Louis ou l'illumination des façades, le grand projet sera la restitution des jardins à la française, sur le parterre nord, et à partir de plans datant de l'époque de Louis XIV.  •  

    Dates et événements : Cliquez sur Lisez la suite.

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    2015, sous le signe de François Ier et de la Renaissance (1 Janvier 2015 au 31 Décembre 2015.

    L’année 2015 sera l’occasion de célébrer en France, et particulièrement dans le Val de Loire, le 500eme anniversaire de l’avènement de François Ier (1515-2015), labellisé au titre des Célébrations Nationales du Ministère de la Culture. Le Centre d’Études Supérieures de la Renaissance et Intelligence des Patrimoines proposeront plusieurs actions d’envergure pour marquer cet anniversaire parmi lesquelles : 

    Colloque International d’Études Humanistes : « François Ier, roi de guerre, roi de paix ».

    Du 30 juin au 03 juillet 2015 – CESR / Domaine national de Chambord

    Il vise à questionner plus précisément la figure du « roi de guerre » et de son pendant le « roi de paix », qui protège et promeut les arts. Son image de « roi bâtisseur » sera notamment abordée à travers l’un des fleurons de l’architecture de la Renaissance : le château de Chambord. Il s’agira d’étudier autant l’imaginaire royal que les pratiques et les cultures de guerre de l’époque, comme la politique et l’art de la diplomatie. Cette manifestation permettra une nouvelle mise en valeur de l’image de François Ier, au regard des travaux les plus récents réalisés par les spécialistes de la question.5

    Reconstitution de la célébration de Marignan

    • 24-25 juillet 2015 au parc de Beauvais, Romorantin

    • 26-27 juillet 2015 au parc Léonardo da Vinci, Château du Clos Lucé, Amboise

    Cette manifestation vise, à partir d’un travail scientifique de haut niveau, à réaliser la reconstitution historique des plus grandes fêtes de cour organisées sous François Ier pour célébrer la bataille de Marignan.

    Cet événement est le résultat d’un projet de recherche régional (Région Centre) porté par Pascal Brioist, professeur d’Histoire et chercheur au CESR, en partenariat avec l’Association R2V2 de la Ville de Romorantin, le château du Clos-Lucé, le laboratoire Irhis, l’Equipe Alimentation LEA, le Musée de l’Armée et les offices de Tourisme du Loir-et-Cher et d’Indre-et-Loire.

    Tout au long de l’année 2015, des actions de valorisation scientifique et de médiation culturelle coordonnées par Intelligence des Patrimoines® permettront de faire partager à un large public les nouvelles connaissances autour de François Ier et la Renaissance.

    Ces actions seront développées en partenariat avec la Mission Val de Loire et plusieurs Châteaux de la région Centre.

     

  • Faut-il se « voltairiser » ? Par Péroncel-Hugoz*

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    Se trouvant actuellement en France, Péroncel-Hugoz a pu y prendre la mesure in vivo du nouvel engouement des Français pour Voltaire, philosophe du XVIIIème siècle, engouement auquel il donne un « coup de dent »… Cette chronique originellement destinée aux lecteurs marocains du site le 360, sera, par sa pertinence, extrêmement utile et intéressante, aussi, pour des lecteurs français, notamment ceux de Lafautearosseau. 

    Depuis les attentats de Paris, début janvier 2015, les Français redécouvrent Voltaire (1694-1778), leur grande plume du Siècle des Lumières (et de la Terreur révolutionnaire) un peu négligée par le public du XXIème siècle bien que restée toujours savoureuse et souvent pertinente. La mode est telle que le « Traité sur la tolérance » de cet auteur, pourtant pas son chef-d’œuvre, est en passe, ces temps-ci, de damer le pion aux trois larges succès de l’édition parisienne en 2014 : Trierweiler, Zemmour, Houellebecq. Cette «voltairisation» atteint la Francophonie nord-africaine, du Tunisien Mezri Haddad à l’Algérien Boualem Sansal, avec des échos dans les médias francophones du Caire. On en est presque à dire, comme Baudelaire au XIXème siècle : « Je m’ennuie en France car tout le monde ressemble à Voltaire » ou à s’insurger, comme John Saul dans ses « Bâtards de Voltaire » (1992), quand il raille « la sèche raison voltairienne ». 

    Si Voltaire est loin, très loin d’être toujours ennuyeux, il est quand même un penseur à double tranchant avec le même accent de conviction, un jour disant blanc, le lendemain disant noir… Résultat : question lectorat, il ratisse large y compris en 2015. Comment prendre pour référence morale un philosophe qui rompt des lances en faveur de la liberté et qui, au même moment, investit dans le commerce négrier entre l’Afrique noire et les Amériques ? Pas étonnant, que lors de la mort à Paris du célèbre essayiste, en 1778, le futur roi Charles X ait pu lancer : « La France vient de perdre à la fois un très grand homme et un très grand coquin ». J’en vois certains esquisser une moue dubitative mais j’ai des munitions… Tenez, par exemple, la fameuse phrase avec laquelle les voltairiens aiment clore le bec des détracteurs de leur idole : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai jusqu’au bout pour que puissiez le dire ! », eh bien, cette phrase, elle fut inventée en 1906 par une biographe britannique de Voltaire, Evelyne Hall ; elle l’avoua ensuite au conservateur du Musée voltairien de Genève mais la sentence avait tellement plu qu’elle est donnée pour authentique jusqu’à nos jours… Ainsi que le répétait en substance le mémorialiste royaliste Chateaubriand : Un mensonge mille fois répété devient vérité révélée.

    Séducteur, sans cesse en train de courtiser de jolies dames, Voltaire fut-il aussi féministe ? Que nenni ! Il dit un jour en public à un garçonnet : « Souvenez-vous, quand vous serez grand, que toutes les femmes sont coquettes, volages, menteuses ! », et comme une personne présente protestait, le philosophe rétorqua : « Madame, on ne doit pas tromper les enfants ! ». Voltaire tolérant ? Né catholique, il défendit, c’est vrai, les huguenots ou protestants mais ensuite il écrivit : « Mahomet ou le Fanatisme », pièce si irrévérencieuse et si grinçante que le roi Louis XV, qui n’avait guère de sujets mahométans, la fit néanmoins interdire, comme le Canton de Genève devait encore le faire, lui aussi, en 1993. Au décès du pape Clément XIII, en 1769, Voltaire crut offenser sa mémoire en le traitant de « mufti téméraire ». Cependant – toujours le double langage – en son château de Ferney, à la frontière franco-romande, Voltaire allait à la messe chaque dimanche avec les villageois et, plus tard à Paris, sentant sa fin venir, il passa une heure entière à se confesser. Le secret de la confession catholique empêche de savoir si Voltaire regretta son « Tocsin des Rois », texte dans lequel il exhorte les monarques chrétiens à « chasser enfin les musulmans d’Europe ». Toutefois, c’est aux israélites qu’il réserva ses attaques les plus virulentes : « Peuple ignorant et barbare, qui joint depuis longtemps la plus sordide avarice à la plus détestable superstition, et à la plus invincible haine pour tous les peuples qui les tolèrent et les enrichissent » (1). Aussi son collègue Bachaumont, dans ses « Mémoires secrets pour servir à l’Histoire de la république des Lettres » (1777) dénonça la propension de Voltaire à « prêcher le pour et le contre » et dénonça une épître où, après avoir prôné le « tolérantisme », il brocarde un Juif mangeant du cochon et un Turc buvant du vin…

    Quant à ceux qui ont voulu voir en Voltaire un tombeur de dynastes européens, rappelons que notre homme fût historiographe officiel du Royaume français et gentilhomme de la Chambre royale de Louis XV ; qu’il fut assidu à la Cour de Frédéric II de Prusse et à celle du roi Stanislas, beau-père de Louis XV, à Nancy. Enfin, il proclama un jour : « Je préfère être gouverné par un beau lion que par cent rats de mon espèce ! ». Pas sûr, au reste, qu’on ne trouve pas dans l’œuvre immense (300 volumes) de Voltaire une autre citation où il préfère les « rats » aux « lions » … Dès lors que faire, face à cette duplicité si péremptoire, si talentueuse ? Eh bien lire Voltaire pour son style souple et enchanteur, et équilibrer ses outrances par des auteurs plus dignes de foi. Qui ? Si j’étais Arabo-musulman, je lirais et ferais lire le modeste penseur égyptien arabophone, Farag Fodda (1946-1992), docteur en philosophie, mahométan sunnite du Juste Milieu, abattu avec son fils (grièvement blessé) en plein Caire, le lendemain du jour où il avait osé dire en public le secret de Polichinelle, à savoir que ses compatriotes chrétiens (environ 10 % des Egyptiens) étaient des dhimmis, discriminés sur une terre où ils sont autochtones. Cette banalité fut insupportable aux djihadistes locaux. Voltaire a rendu l’âme tranquillement dans son lit. Fodda lui, sur le pavé cairote, paya de sa vie son franc-parler exempt du moindre soupçon de double discours.   

    (1) « Dictionnaire des méchancetés », page 989 ; par F-X Testu, Ed. R. Laffont, Paris

  • Liberté d'expression, religions, caricatures : le décryptage de François Huguenin*

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    Quelles sont les limites à la liberté d'expression? Les religions sont-elles un richesse pour les sociétés ? Les réponses de l'historien des idées François Huguenin.

    AVT_Francois-Huguenin_3293.jpegFrançois Huguenin est historien des idées et essayiste. Il est l'auteur notamment d'une Histoire intellectuelle des droites (2013, Perrin).

    La France unanime a donc défilé le 11 janvier au nom de Charlie pour défendre la liberté d'expression. Est-il utile de dire que j'ai consonné à cet instant d'unité nationale autour de la condamnation de ces actes terroristes abjects et que je me suis félicité d'entendre quelques voix courageuses oser nommer enfin le péril: l'islamisme radical. Mais je suis étonné et inquiet de voir toute une France, dont celle issue de la «diversité» est apparue bien absente, devenir supportrice d'un journal qu'elle n'avait jamais lu. La défense de la liberté d'expression semble avoir créé une épidémie de cécité par rapport aux problèmes que pose, non la liberté d'exprimer des idées, mais la manière de le faire.

    Il est clair que la liberté d'expression est encadrée en France, que certains propos comme ceux qui incitent à la haine raciale sont légitimement passibles de poursuite, et qu'il n'y a pas de législation contre le blasphème. Mais la question que pose l'humour de Charlie Hebdo, que chacun appréciera selon ses critères, me semble être au-delà du juridique. Si la liberté est une valeur essentielle de notre société, conquise après bien des luttes, est-elle pour autant une valeur absolue qui serait supérieure à toutes les autres? La devise de notre République ne met-elle pas au même niveau l'égalité et la fraternité? Au nom de cette fraternité, ne peut-on pas prendre au sérieux une valeur qui n'est pas de nature à être encadrée dans des textes juridiques car elle est impossible à codifier, mais qui est inhérente à la dignité de l'homme et inscrite au cœur de chacun, celle du respect de l'autre. C'est ce qui fait d'ailleurs une large part du charme de l'existence: se lever dans le bus pour laisser s'asseoir une personne âgée, demander poliment à son voisin de baisser le son de sa musique au lieu de hurler dans l'escalier «moins fort»: tout cela n'est pas prescrit par la loi, mais rend la vie meilleure. Or, s'il est une valeur à respecter chez autrui, c'est bien sa religion. La foi d'un être humain est sans doute l'attachement le plus fort qui soit.

    Elle se développe au plus intime de l'être. La moquer, la ridiculiser peut être particulièrement blessant. Elle est un choix qui engage profondément l'existence et mérite d'être respecté. Comprenons-nous bien: il ne s'agit pas de restreindre la liberté d'expression par la loi ; il s'agit que chacun soit responsable de la manière dont il dit les choses. On peut s'adonner à la critique des religions, le débat d'idées est toujours enrichissant ; l'insulte et la moquerie sont toujours blessantes et n'avancent à rien. Ne nous cachons pas derrière le droit à l'humour. On peut rire sans blesser, je pense à feu Pierre Desproges, notamment son sketch sur les Juifs. Jamais la loi ne saurait évidemment codifier cela, mais je propose une règle simple que nous pourrions chacun nous appliquer à nous-même. Et si je ne publiais que ce que je serais capable de dire à une personne que je rencontrerais en face à face? Derrière la plume, il est facile d'oublier que l'on s'adresse à des personnes vivantes qui ont des sentiments. On me dira que je discrédite de fait toute une tradition polémiste dont la littérature française s'honore: les vacheries de Saint-Simon, les imprécations de Léon Bloy. Avouerais-je que ces écrivains ne m'inspirent pas ?

    Nous aurions, au contraire de ce que l'on entend ces jours-ci, intérêt à apprendre à l'école la liberté et le respect. Et notamment le respect des religions. Nous sommes soucieux de respecter les races et nous avons raison. Pourquoi ne pas respecter les religions? Derrière notre laïcité neutre se tapit un laïcisme qui n'aime pas les religions. C'est un tort. Les religions sont en effet partie intégrante de notre bien commun à tous, quelles que soient nos croyances. Dans un monde de plus en plus matérialiste et désespéré, elles apportent une respiration, une espérance, une autre manière d'envisager les questions. Elles portent en elles l'aspiration des hommes à une transcendance qui, au cœur du monde, est une affirmation de la dignité de l'homme, un refus de la marchandisation universelle, un rappel de l'existence du bien et du mal. Elles ont appris à dialoguer. Que l'islam, et pas seulement celui des terroristes, pose de sérieuses questions au regard de ces valeurs me parait évident. Il doit faire son analyse critique. Pour cela, il doit dialoguer, mais pour dialoguer il est nécessaire qu'il se sente respecté. Si j'ai pu me sentir personnellement blessé par les dessins de Charlie Hebdo sur l'Eglise catholique que j'aime comme ma mère, j'ai été dégouté par les trop fameuses caricatures de Mahomet. Un trait de plume mérite-t-il que l'on blesse des milliers de personnes? Ce n'est pas une question de droit, mais de morale. Elle ne peut être imposée à quiconque, mais chacun peut y réfléchir. C'est aussi une question de paix. Le non-respect des croyances est une manière de dresser les uns contre les autres, les rieurs et les indifférents contre les humiliés. La paix est de tous nos biens communs le plus essentiel, écrivait saint Augustin dans La Cité de Dieu. Le respect mutuel est un des socles de la paix. Nous ferions bien de ne pas l'oublier. 

    FIGAROVOX/OPINION 

  • Une impressionnante évocation : Bouvines, 27 juillet 1214, par Pierre de Meuse (3)

    Il s'agit, en vérité, de bien davantage qu'un récit - quoique tout y soit décrit par le menu - et de bien davantage que d'une évocation. Mais, outre tout cela, d'une étude politique, militaire, historiographique de la bataille de Bouvines, dont la France commémore les 800 ans. Compte-tenu de son importance, nous publierons cette étude en trois parties, dont voici la troisième et dernière.  Signalons encore que ce texte est repris du numéro 36 de La nouvelle revue universelle (avril-mai-juin) - que nous recommandons de lire en totalité *. 

     

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    Quelle leçon nous apporte aujourd'hui le souvenir de Bouvines ? D'abord la preuve de l'épigénèse dans l'Histoire, c'est-à-dire l'imprédictibilité des évènements. Les hommes qui décidèrent de l'issue de la bataille (Tristan, Montigny, des Barres, bien davantage que les sergents ou les milices communales) étaient des personnages de second plan, des chevaliers sans puissance, mais animés d'une volonté de fer. Montigny avait gagé son fief pour pouvoir s'acheter un cheval avant de suivre l'ost. Si Tristan avait été moins prompt à réagir ou à sacrifier sa vie, Philippe Auguste aurait été tué, les coalisés se seraient retrouvés à Paris, la France n'existerait peut-être que comme une hypothèse historique écartée par les faits, exactement comme la Suède impériale rêvée par Gustave-Adolphe ou la Bourgogne lotharingienne du grand-duc Charles. De plus, Jean sans Terre aurait réalisé son projet d'une France anglaise ; les gains de la victoire lui auraient permis d'échapper aux contraintes qui l'obligèrent à signer la Grande Charte, et la Grande-Bretagne n'aurait peut-être jamais connu le parlementarisme. Ni d'ailleurs la Réforme de Wyclif, due pour l'essentiel à l'emprise de la papauté sur la monarchie anglaise. Tout est possible, rien n'est écrit. Maxime terrifiante, mais aussi roborative, car génératrice d'énergie et de volonté.

    Un autre enseignement est la capacité des Français, à la condition qu'ils ne soient pas dégénérés, à agir admirablement lorsqu'ils sont bien commandés. Philippe Auguste n'était nullement sûr de la victoire, et sa retraite prudente devant des forces supérieures (pas autant qu'on I'a dit) résulte d'une appréciation lucide des faits. Cependant, à aucun moment il ne s'explique sur ses motivations, de sorte que lorsqu'il constate que le projet qu'il avait conçu est impraticable, il peut en changer sans susciter aucune incertitude de la part de ses subordonnés. Bien au contraire, les contemporains laissent entendre qu'il savait, et que c'est intentionnellement qu'il a entraîné derrière lui les poursuivants afin de mieux les prendre au piège. Tel est le résultat d'une autorité tranquille et incontestée. Le pouvoir, comme le dit Joseph de Maistre, est toujours solitaire et absolu dans son exercice.

    On peut aussi considérer les évènements de 1214 comme un exemple de situation assez rare, mais récurrente, dans laquelle la France n'a pas d'alliés et ne doit compter que sur ses seules forces. Dans ces momnts-là, le besoin principal est l'unité, une denrée qui fait malheureusement défaut à l'état naturel dans notre pays celtique, toujours prêt à se diviser en factions. À Bouvines, ce sont nos ennemis qui sont divisés et la France qui obéit à son pouvoir légitime incontesté. Car il ne suffit pas d'être un chef talentueux, et même génial, pour triompher dans l'adversité. Il faut aussi que la dévotion au pouvoir « aille de soi », selon l'expression de Burke. C'était le « charme séculaire de la monarchie » que d'offrir aux Français un civisme simple et digne, ne nécessitant pas de calcul ni de raisonnements, mais une simple acceptation des évidences. Ce charme, assemblé par les siècles, ne peut être retrouvé sans de dures épreuves surmontées. Notre avenir ne manquera pas d'épreuves, certes, mais nous aurons bien besoin des exemples donnés par les preux des temps engloutis pour y faire survivre la patrie déchue.

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    Gisant de Richard  Cœur de Lion, à l'abbaye de Fontevraud

    Enfin, le rappel de ces temps si différents du nôtre ne doit pas nous tromper. Les hommes de ce IIIe siècle semblent rudes et brutaux, ils pratiquent le pillage et le rançonnage, ils portent des surnoms dignes de soudards, et pourtant ils se complaisent à composer des poésies, comme Richard Cœur de Lion, grand poète occitan, ou Pierre Mauclerc ; ils trouvent la mort dans les tournois mais pratiquent en permanence l'hospitalité et le pardon. Après Bouvines, aucun des prisonniers, même soupçonné de félonie, ne sera exécuté, encore moins jugé comme les vaincus des guerres modernes. La brutalité du XIIIe siècle est douce au regard des violences d'aujourd'hui. 

     

    La nouvelle revue universelle, 7 rue Constance, 75018 PARIS - 4 numéros par an - Tarif : m Normal, 1 an, 70 €  m Soutien, 1 an 100 €  m Normal, 2 ans, 130 € m Réduit, 1 an (étudiants, chômeurs) 40 €. 

  • Denis Tillinac : « Il n’en faut pas beaucoup pour que la France sorte de ses gonds, tant la légitimité du pouvoir est su

    « Des plus nobles aux plus inavouables, les raisons de vouloir tout faire valser sont légion ! »

    Excellent, Denis Tillinac, une fois encore dans Valeurs actuelles. Sa critique ne porte pas sur la Gauche plus que sur la Droite, mais sur l'ensemble. Sur le Système.  Nous ne disons rien d'autre, ici, dans Lafautearousseau, depuis sa création, il y a maintenant huit ans. Les choses ont changé, depuis. Ils sont légion aujourd'hui ceux qui mettent en doute la légitimité d'un tel régime. Comme Houellebecq le fait dire au héros de son dernier roman : « nous n'aurons pas à le regretter ». 

      

    2594939590.jpgLes penseurs libéraux ont souvent ce travers de postuler que les choix politiques sont motivés exclusivement par l’intérêt économique. Pourtant leur maître, Tocqueville, avait prédit qu’à l’ère de la démocratie de masse, l’envie serait un mobile déterminant. La fascination pour la gloire en est un autre. Elle permit à Napoléon de sacrifier impunément des Français par centaines de milliers et ceux qui en réchappaient, plus ou moins éclopés, s’enorgueillissaient d’avoir été de la chair à canon à Austerlitz, à Wagram, à Friedland, à Moscou.

    Le sentiment de l’ennui fut à l’origine des événements de Mai 68 si l’on en croit l’éditorial célèbre de Viansson-Ponté au mois de mars de la même année, dans un pays libre, respecté et prospère. « La France s’ennuie », écrivait-il. L’ennui, la peur, la colère, la honte, la hantise du déclassement, la « fatigue d’être soi » diagnostiquée par le sociologue Ehrenberg, la soif d’aventure peuvent également inciter un peuple à ruer dans les brancards au mépris de ses intérêts. Ou de ce qu’il croit être ses intérêts.

    Par les temps qui courent, un désir politique semble habiter à des degrés divers l’inconscient des Français, et peu à peu gagner leur conscience : l’appel de la catastrophe. Du grand chambardement. Du coup de pied dans la fourmilière. Ce désir, aucun sondage ne le détectera. Il a des précédents historiques. L’événement le plus imprévisible, le fait divers le plus anodin peuvent l’embraser, et gare à l’incendie !

    C’est un désir presque invincible, car enfanté dans les fors intimes par un mélange d’exaspération et d’incrédulité. On ne supporte plus l’état des lieux et on ne croit plus qu’un remède proprement politique soit susceptible de le modifier. À la limite on veut le pire, il aura au moins le mérite de surprendre en rompant la monotonie. De rebattre les cartes, et rabattre les caquets en prime.

    Ici et là, des gens raisonnables et pas forcément miséreux, habitués à voter pour les partis dits de gouvernement — UMP, PS, MoDem —, avouent en privé leur aspiration au désordre. Il en sortira, estiment-ils, quelque chose d’inédit. Quoi ? Ils l’ignorent. Ils s’en fichent : tout ou son contraire plutôt que ce statu quo nauséeux. Brûler les cartouches est un sport qui a partie liée avec la transgression, ça les érotise. Ils en escomptent au minimum le plaisir d’assister en live à la trouille des gouvernants et de leur valetaille.

    Mille raisons peuvent expliquer l’essor du FN dans les urnes et, certes, on ne peut nier une part d’adhésion aux thèses de ce parti. Mais on aurait tort d’occulter cette évidence que la peur du FN, la violence de son rejet par les politiciens, les intellos et les médias nourrissent un désir de FN en phase avec le désir plus profond d’en découdre avec le « système ». Avec des moeurs combinardes maquillées en « démocratie » dans le vase clos de partis démonétisés. Avec un langage politico-mondain dont les mots sont pipés par le cynisme des communicants.

    Quand la charmante Marion Maréchal-Le Pen, du haut de ses 25 printemps, apostrophe sans ménagement le premier ministre à l’Assemblée, une France frondeuse se réjouit à coeur ouvert et ses contours vont très au-delà des sympathisants du FN. Le pauvre Valls incarne moins le PS, le gouvernement, l’autorité publique que l’usure d’une machinerie respectée par personne.

    Quand les crimes des terroristes islamistes font l’objet immédiat d’une récupération partisane aussi grossière, avec l’aval de l’opposition officielle (« esprit du 11 janvier », « Je suis Charlie », etc.) et la rengaine sémantique de socio-culs sur le « vivre-ensemble » le respect n’est plus de mise. Les Français subodorent qu’on les manipule et très logiquement, ils prennent la mouche.

    Je ne prêche pas une sédition à bien des égards proche du nihilisme, j’essaye juste d’interpréter un état d’esprit qui manifestement prend de l’ampleur. Les historiens à venir pèseront la part de responsabilité respective d’une gauche aux abois et d’une droite aux abris.

    L’histoire nous enseigne qu’il n’en faut pas beaucoup pour que la France sorte de ses gonds, tant la légitimité du pouvoir est sujette à caution, et presque naturelle, depuis la Révolution, la quête de l’homme providentiel. Faute d’un Bonaparte ou d’un de Gaulle, elle peut s’offrir au premier démagogue venu. On en est presque là. 

  • MEDIAS • Il avait pour nom… Jacques Chancel ... Par Bruno Stéphane-Chambon

    Chancel             

     

    Jacques Chancel, de son vrai nom Joseph Jacques André Régis Crampes, était né le 2 juillet 1928, en pays bigourdan, sur le flanc des Pyrénées.

    Il avait donné ses lettres de noblesse à la radio et à la télévision. A une époque où le dégueulis médiatique et l’exclusion de certains chroniqueurs impertinents sont de rigueur, comment ne pas avoir la nostalgie de ces grandes émissions qu’il avait créées et qui relevaient de l’excellence de par le choix des thèmes et des invités ?

    A partir de 1968, il anima l’émission quotidienne Radioscopie sur France Inter. Depuis 22 ans, 6 826 émissions furent enregistrées ! Ces entretiens se déroulaient avec les personnalités les plus marquantes de notre époque, personnalités politiques de tous bords, grands médecins, scientifiques, artistes, musiciens et écrivains. Il est surprenant de relever la diversité des personnages qu’il recevait : de Brigitte Bardot à Henry de Montherlant, en passant par le cardinal Daniélou, d’Abel Gance à Chagall en passant par Léon Zitrone, et de Jean-Paul Sartre à Raymond Devos. Plus encore, il recevait la grande classe politique avec Jacques Duclos, Marcel Dassault, Régis Debray, le général Bigeard, Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Attali, Jean-Pierre Chevènement, Jacques Chirac, Georges Marchais, Michel Poniatowski, Michel Rocard…. Le choix de ses invités était parfois ressenti comme de la provocation. Mais Jacques Chancel ne craignait ni la polémique ni la confrontation avec ses pairs : il n’hésita pas à recevoir dans son studio Lucien Rebatet ou Monseigneur Lefebvre.

    Sur le petit écran, il anima de 1972 à 1989, une émission phare : Le Grand Échiquier.

    Son principe ? Inviter de grandes personnalités, musiciens, chanteurs, peintres, écrivains, philosophes, historiens, scientifiques et, même, sportifs de haut niveau. L’émission de déroulait en direct sur une durée de trois heures dans un studio des Buttes Chaumont, décoré avec goût et magnificence. Le premier invité fut Yves Montand. Pour la dernière, qui eut lieu le jeudi 21 décembre 1989, ce fut le chanteur d’opéra Ruggero Raimondi. On ne saurait citer tous les prestigieux intervenants, mais on notera de façon non exhaustive leur diversité. Ainsi, grâce à ce magicien de l’audiovisuel, nous pouvions partager notre soirée en famille avec Léo Ferré, Herbert Pagani, Arthur Rubinstein, Lino Ventura, Maurice André, Alain Delon, Herbert von Karajan, Luciano Pavarotti, Ray Charles, Isabelle Adjani, Charles Trenet, Alain Prost, Bernard Hinault, François Truffaut et combien d’autres encore.

    Depuis ses jeunes années, Jacques Chancel n’avait cessé d’écrire. On relèvera plus de vingt romans et essais dont, en 2001, une anthologie, La Mémoire de l’encre, les 365 plus belles pages de la littérature française.

    Comment ne pas rappeler son premier roman, paru en 1950 aux éditions Catinat, L’Eurasienne (éd.Hachette littérature) qui reçut le Prix des Maisons de la Presse ? Sans oublier le message d’espoir constitué par N’oublie pas de vivre, Journal 2007-2010(Flammarion, 2011). Mais c’est aussi avec émotion que nous citerons Le Livre des listes (Olivier Orban, 1980) et Franchise postale (Mazarine, 1983) qui ont été écrits en collaboration avec Marcel Jullian, qui fut membre du Comité de parrainage de Politique Magazine.

    Membre du Haut Conseil de la Francophonie, il avait été promu en 2008 commandeur de la Légion d’honneur. Passionné de cyclisme, il suivait chaque année le Tour de France et reçu en 2005 le Prix Henri Desgrange de l’Académie des sports qui est décerné à un journaliste ayant servi, par la qualité de son écriture et de ses interventions, la cause sportive.

    Le 11 mars 2014, Franck Ferrand dans son excellente émission « Au cœur de l’Histoire » sur les ondes d’Europe 1, avait interviewé Jacques Chancel qui lui raconta ses souvenirs de la guerre d’Indochine regroupés dans son ouvrage La nuit attendra, édité chez Flammarion. Nous avions eu l’honneur de présenter ce livre le 9 octobre 2014, sur notre site. Correspondant de guerre à l’âge de dix-sept ans, Chancel était resté dans le sud-est asiatique, de 1950 à 1958. Cette expérience l’avait profondément marquée. Il était resté profondément attaché à ces contrées lointaines où il avait forgé des amitiés avec les grands reporters et cinéastes qui couvraient, comme lui, la tragédie qui s’y déroulait. Ils avaient pour noms, Lucien Bodard, Jean Lartéguy, Max Clos, André Le Bon, Georges Kowal, l’américain Dixie Reese, Jean Péraud et Pierre Schœndœrffer.

    Ce 23 décembre 2014, à l’âge de 86 ans, Jacques Chancel vient de les rejoindre pour toujours… Le réalisateur et directeur de la photographie, Raoul Cotard, et l’héroïne Geneviève de Galard, infirmière à Dien Biên Phu, restent les derniers témoins de cette grande aventure. 

     

    Politique magazine
  • 26 Décembre 2014 ... De longues listes de disparus ou de morts sont affichées à la Dorotheanstrasse

    wilhelmstrasse_reichstagspraesidentenpalais.jpgLe Journal de Genève, dont les sympathies pour la France ne sont pas douteuses, imprime le message suivant :

    « Le voyageur qui se rend de Suisse à Berlin, via Stuttgart ou via Munich, est tout d'abord vivement impressionné par le calme qui règne en Allemagne : les trains circulent avec une parfaite régularité; on ne constate nullement de grands mouvements de troupes; seuls, quelques officiers ou soldats isolés, par-ci, par-là des blessés transportés sur une civière rappellent la douloureuse actualité de l'heure actuelle.

    La campagne, partout labourée et ensemencée, est pleine de promesses d'avenir; à Berlin et à Munich, la vie est intense, beaucoup de gens d'affaires, des hommes dans la force de l'âge, qu'on s'étonne de rencontrer vaquant paisiblement à leurs occupations ordinaires au lieu d'être à l'armée; tous les magasins sont ouverts et paraissent avoir leur clientèle habituelle d'acheteurs. On circule très tard dans les rues de Berlin parfaitement éclairées, et les principaux hôtels regorgent de monde; on y soupe gaiement, sablant champagne et bordeaux, comme aux jours de la plus grande prospérité.

    Est-ce à dire que l'Allemand ne se rend pas compte de la gravité de la situation ? Nullement.

    Mais, dans toutes les classes de la population - du petit bourgeois à l'officier supérieur - tout le monde est tellement convaincu de la victoire finale de l'Allemagne que celui qui se permettrait d'émettre une inquiétude ou un doute serait considéré comme un traître à la patrie.

    Il faut admirer cette puissance de suggestion et cette discipline morale qui caractérisent l'Allemand à l'heure actuelle et donnent à ce grand pays cette cohésion et cette unanimité qui sont un des éléments de sa force. De longues listes de disparus ou de morts sont affichées à la Dorotheanstrasse; quelques passants s'arrêtent un instant pour les consulter, puis retournent paisiblement à leurs occupations, sans paraître autrement affectées par les pertes énormes que subit l'armée allemande.

    L'organisation militaire est si puissante que l'Allemagne est toujours prête à la guerre. Il semble qu'il suffise de presser un bouton électrique pour qu'à l'instant même tous les rouages de cette formidable organisation soient mis en mouvement. On a certainement été inquiet de la marche en avant des armées russes, mais, aujourd'hui, on considère l'offensive russe comme brisée au moins jusqu'au printemps...»

    Ce tableau de la vie en Allemagne pendant la guerre est tellement contraire à ce qu'on pense généralement en France (où l'on annonçait la famine et la misère à Berlin quinze jours après la déclaration de guerre) que j'estime intéressant de lui faire place ici.   

    * Les idées, même fausses, ont sur l'homme une telle prise, que nous les voyons survivre en présence de la réalité la plus terrible et la plus sanglante. Par la puissance que l'unité a donné aux peuples germaniques, toute la France est atteinte dans sa chair. De plus en plus nombreux, des Français en viennent à se dire : "Cette unité allemande, qui est la cause visible de tant de maux, c'est avec elle qu'il faut en finir, c'est c e principe de guerres et d'invasions qu'il faut supprimer. Nous étions en sécurité quand, de l'autre côté du Rhin, au lieu d'un formidable Empire, il y avait une mosaïque d'Etats, une poussière de villes libres et de principautés. Voilà où il faut revenir, voilà le but à atteindre, si nous ne voulons pas avoir à reprendre éternellement le même combat." Pourtant, à cette solution, la seule qui ait pour elle l'expérience, quelque chose, dans l'esprit d'autres Français, répugne.    

    Chez des bourgeois libéraux, chez des prolétaires socialistes, dont l'intelligence se croit libre, des traditions survivent et règnent, l'autre siècle trouve un écho. Les voix de Quinet, de Michelet résonnent encore. Leurs "nuées", les "nuées" de 1848, épousent (nous le savons) parmi certains groupes d' hommes influents, écoutés dans les conseils, la forme de conceptions diplomatiques, et risquent d'énerver l'action de la France, d'en troubler les desseins, comme elles avaient dirigé vers les catastrophes la politique de Napoléon III. Ces mêmes hommes parlent quelquefois avec dédain de ceux qui se reportent, "expérimentalement", aux leçons de l'Histoire. Et c'est eux que le passé emprisonne, par des traditions d'erreur, les traditions de ceux qui ont disparu après s'être si gravement trompés sur l'avenir de l'Europe et du monde...  

    Que l'Allemagne soit abattue d'abord, que sa puissance militaire soit écrasée, c'est la première tâche à accomplir. Elle ne doit pas empêcher de perdre de vue les grandes directions.   

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    * Tome I du Journal de Jacques Bainville (1901/1918)

  • PRESSE • L'analyse de Jean-Claude Lauret, dans Boulevard Voltaire, du livre de Benjamin Dormann : Ils ont acheté la pres

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    Benjamin Dormann nous a donné, hier, sur le thème très actuel de la liberté de la presse, un article reprenant quelques uns des points forts de son ouvrage - dont il vient de publier une édition actualisée - Ils ont acheté la presse. Une excellente analyse en a été faite par Jean-Claude Lauret, dans Boulevard Voltaire. Nous croyons utile de la publier nous aussi, en recommandant la lecture du livre ! Lafautearousseau  

    Une analyse solidement documentée qui s’avère à la fois édifiante et consternante. Liberté, je crie ton nom !

    Jean-Claude Lauret Journaliste, critique littéraire. 

    Ils ont acheté la presse, telle est la provocante affirmation de Benjamin Dormann et qui sert de titre à son ouvrage. Ces « ils » sortent vite de l’anonymat. Ils s’appellent Serge July, Laurent Joffrin, Denis Olivennes, Matthieu Pigasse, Pierre Bergé.

    Benjamin Dormann, qui fut journaliste dans la presse financière et a été trésorier d’un parti politique « divers gauche », n’est pas un néophyte. Il sait ce dont il parle et va le montrer dans cet ouvrage, véritable bouquet de révélations. Elles sont tour à tour déroutantes, surprenantes, déconcertantes. L’auteur nous invite à passer de l’autre côté du miroir. On part en sa compagnie explorer les méandres souvent obscurs de Mediapart, des Inrockuptibles, du Nouvel Observateur, de Libération et du Monde. Une plongée dans la presse de gauche.

    On considère la presse comme étant le quatrième pouvoir. Théoriquement, cette affirmation suppose qu’elle est objective, un lieu de réflexion, d’analyse et, naturellement, de contestation. Elle aurait donc la noble fonction d’informer le citoyen et, au besoin, d’alerter l’opinion publique des dérives du pouvoir en place. Aujourd’hui, l’idée même d’une presse indépendante, autrement dit libertaire, tient de l’utopie.

    À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France s’est libérée de l’occupant. Les journaux furent, eux, emprisonnés dans le carcan de plus en plus étroit d’une idéologie où l’œil de Moscou veillait. Il ne fallait pas trop s’écarter d’une certaine vision de l’histoire. Il s’agissait de marcher droit et de penser à gauche.

    En analyste rompu aux subtilités du monde financier, Benjamin Dormann constate que la presse écrite, dans son ensemble, se trouve dans une situation économique désastreuse. Certains titres friseraient le dépôt de bilan. L’auteur relève là un singulier paradoxe. Les bilans de nombreux titres devraient faire fuir tous les investisseurs conséquents, assurés qu’ils sont de ne jamais pouvoir retrouver leur mise. Il n’en est rien. Au contraire, ils s’empressent, Pierre Bergé en tête, et sortent leur carnet de chèques. L’auteur nous donne les raisons d’une telle démarche. Les équipes rédactionnelles sont de plus en plus emportées par le militantisme politique. Du fait de leur engagement, les journalistes perdent toute crédibilité. La prétendue objectivité disparaît, avalée par les brumes du combat idéologique. Les journalistes partisans se transforment en agents de publicité et les titres deviennent insidieusement des agences de communication.

    Benjamin Dormann étaye ses analyses et ses démonstrations d’exemples concrets. Avec une ironie mordante, il épluche le dossier de la lamentable affaire DSK. Il n’est pas original de constater que le satyriasisme du directeur du FMI était connu de l’ensemble des médias. Les plus effrontés en faisaient des gorges chaudes. Tout le monde savait, mais tout le monde se taisait. Ah, la sacro-sainte atteinte à la vie privée ! Les gardiens si sourcilleux de l’éthique avaient moins de scrupules lorsqu’il s’agissait de raconter les frasques érotiques d’un Berlusconi.

    Une nouvelle étape allait bientôt être franchie. Le quatrième pouvoir agonisant est remplacé par un cinquième pouvoir, selon l’auteur. On est insensiblement passé de l’ère de la communication à celle de la manipulation, puis à celle du mensonge délibéré. Les frontières entre ces genres, théoriquement incompatibles, deviennent chaque jour plus ténues.

    Benjamin Dormann met à mal bien des idées reçues. À des médias qui crient famine, il montre (chiffres à l’appui) que l’État subventionne avec une constante régularité les grands organes de presse. Celle-ci se complaît fort bien de cet assistanat étatique.

    Pour reprendre le sous-titre de l’ouvrage, « aujourd’hui, la presse se tait, étouffe, ou encense ». Il ne faut pas s’étonner qu’elle se trouve de plus en plus coupée de l’opinion. Voici une analyse solidement documentée qui s’avère à la fois édifiante et consternante. Liberté, je crie ton nom !  •

     

    « Ils ont acheté la presse »,

    Editions Jean Picollec, 23,00 €

    sortie 13 janvier 2015 

     

  • Affaire Ménard : un lynchage stalinien, par René Tallavigne*

     

    Les règles de la tragédie classique ont été respectées ; le psychodrame s’est joué en trois actes :

    - 1er acte : le lundi 4 mai aux environs de 23h, Robert Ménard, maire de Béziers, participe à une émission télévisée. Il évoque, en terminant, le pourcentage d’enfants d’origine musulmane présents dans les écoles de sa ville, pourcentage qu’il déduit de la lecture des listes qui lui sont communiquées par le Rectorat, comme cela se pratique pour tous les maires. A priori rien d’extraordinaire. Personne, sur le plateau, ne s’étonne ni ne proteste.

    Le lendemain, chez Bourdin (BFMTV), il confirme qu’avec des taux de 80 % d’enfants d’origine musulmanes dans certaines écoles, toute tentative d’intégration est impossible et qu’il est important de connaître les réalités pour pouvoir intervenir, dans le propre intérêt de ces enfants.

    C’était sans compter sur la surveillance des bien-pensants, « républicains » donneurs de leçons.

    - 2ème acte : dès le début de la matinée du lendemain, toutes les radios et télévisions annoncent, à la une de leur journaux, l’ouverture d’une enquête judiciaire. La nuit n’a pas manqué d’être agitée place Vendôme ! Et de fait, dans l’après-midi, des inspecteurs de la police judiciaire de Montpellier, dont un spécialiste des nouvelles technologies, perquisitionnent certains services de la mairie et fouillent les disques durs. Pour des faits d’une telle gravité, il était évidemment impératif de déployer des moyens exceptionnels. La forte délinquance constatée dans la région et la sécurité des braves gens pouvaient attendre !

    Le président de la République, en visite au Qatar, modèle de libertés et de tolérance religieuse comme l’on sait, y va de son couplet sur la discrimination ethnique. Ce non incident était, n’en doutons pas, une préoccupation essentielle de la politique extérieure de la France.

    A l’Assemblée, Cécile Duflot demande ni plus ni moins la destitution du maire de Béziers. Au nom du premier ministre, Najat Vallaud-Belkacem, sentant le mauvais procès, tout en s’indignant avec des propos convenus sur « les valeurs de la République », répond à côté.

    - 3ème acte : le mercredi dans la matinée, le maire est entendu dans les locaux du SRPJ de Montpellier. La Licra, le MRAP, la Maison des potes sont plein d’espoir, le scandale prend de la consistance.

    Mais, soudain, le ciel s’effondre sur tout ce petit monde politico-médiatique : le procureur de Béziers laisse entendre que les perquisitions n’ont rien donné et que l’on s’oriente vers une absence de poursuite …
    Brusquement la presse nationale, déchaînée la veille, n’évoque plus le sujet. Seuls quelques journaux locaux tentent de maintenir la mobilisation et d’éviter le ridicule. Jusqu’au député UMP, battu aux précédentes municipales, qui déposera la gerbe du 8 mai en marge de la cérémonie officielle « pour ne pas créer d’ambiguïté ». Là, manqué, le ridicule sera atteint.

    Devant cet échec annoncé, une technique bien connue va prendre le relai. Les provocateurs professionnels, appuyés par des éléments extérieurs à la ville, tentent la mobilisation des quartiers difficiles, ceux où depuis plusieurs décennies les gouvernements dits de droite ou de gauche ont regroupé les immigrés … et où Robert Ménard a résidé à son retour d’Algérie ; des quartiers qui ont voté majoritairement pour les candidats qu’ils soutenaient lors des dernières élections. Là encore rien n’y fait ; deux ou trois petites centaines de personnes déambulent tristement dans la ville.

    Le soufflet s’est effondré

    L’épisode est cependant instructif. Le mot fichier n’a jamais été employé par le maire de Béziers mais a été repris à satiété, aucun propos discriminatoires n’a été prononcé mais « les heures les plus sombres de notre histoire » ont sans cesse été évoquées. Le représentant du Front de gauche au conseil municipal arborait au veston une étoile et un croissant jaune.

    Les déclarations de Manuel Valls qui, en 2009 dans sa ville de Vitry, souhaitait qu’on rajoute « quelques blancs, quelques whites, quelques blancos » et envisageait de déposer un projet de loi pour favoriser les statistiques ethniques, estimant que « c’est l’absence de mesures concrètes qui est à craindre », étaient oubliées, de même que l’article de Libération qui, pour mesurer la diversité, indiquait le 30 mai 2012 avoir employé la méthode « utilisée par l’Observatoire des discriminations, consistant à répertorier les prénoms non francophones ».

    Et que dire des propos de Georges Felouzis, sociologue, auteur de plusieurs ouvrages sur les inégalités scolaires, qui, étudiant la situation de 144 000 élèves, écrivait « pour construire un indicateur nous permettant d’accéder aux élèves étrangers et issus de l’immigration, nous avons pris en compte deux éléments significatifs : la nationalité et le prénom de l’enfant ».

    Ah ! si on avait pu prendre en défaut ce maire dont les décisions courageuses, toujours blâmées, déformées, triturées, manipulées, ne cessent de porter leurs fruits.

    Manipulation indécente de l’opinion, lynchage stalinien parfaitement mis en œuvre, tentative d’intimidation, opération de déstabilisation, tous ces procédés orchestrés par ceux qui constatent avec horreur que la France se réveille, semblent devenir la méthode préférée de gouvernement. 

    Addendum : le tribunal administratif de Montpellier a rejeté, le 11 mai, la saisi de la Coordination contre le racisme et l’islamophobie (CIR) qui demandait l’interdiction du fichage des enfants musulmans de Béziers. 

     

     Politique magazine

  • Livres & Actualité • Éric Zemmour: Les droits de l'homme ou la vie

     

    Comment notre religion des droits de l'homme favorise la conquête silencieuse de l'islam. Démonstration implacable d'un grand juriste. Et une remarquable recension d'Eric Zemmour [Le Figaro - 18.05]. Est-il vraiment utile de souligner sa proximité avec ce que l'école d'Action française a professé de tous temps, comme, d'ailleurs, les divers penseurs de la contre-révolution ?   LFAR

     

    XVMad37cc34-1d0b-11e6-a407-30bb1f38b0e0.jpgC'est le débat politique qui vient. Débat philosophique, idéologique, juridique. Débat existentiel. Débat qui revient. Dès 1980, Marcel Gauchet avait, le premier, annoncé que la conversion des démocraties occidentales à la politique des droits de l'homme les « conduirait à l'impuissance politique ». En 1989, Régis Debray avait brocardé « la doctrine des droits de l'homme, la dernière de nos religions civiles ». Mais la question a pris une tout autre ampleur. Il ne s'agit plus seulement de disserter doctement sur les limites désormais reconnues par tous d'une politique étrangère qui ne se soumettrait plus aux canons de la realpolitik. Il ne s'agit même plus de pointer les risques de désagrégation d'une citoyenneté républicaine minée par un individualisme démocratique revendicatif.

    Les Cassandre ont eu raison. Au-delà même de leurs craintes. Les droits de l'homme sont bien devenus notre seule religion civile, la seule identité à laquelle nos élites nous autorisent d'identifier la Nation. La religion des droits de l'homme est allée au bout de sa logique nihiliste. Mais l'enjeu est désormais encore plus vital. Dans ses décombres, et sous sa protection, on assiste impuissant à l'émergence, sur des parcelles de plus en plus nombreuses du territoire français, d'un nouvel ordre politico-juridique et d'un nouveau peuple dans le peuple, façonnés et unifiés par l'islam. Cette rencontre des droits de l'homme et de l'islam évoque celle du nitrate et de la glycérine. Elle est en train de faire exploser notre pays. Il fallait pour décrire cette collusion tragique à la fois un juriste et un théologien. Jean-Louis Harouel est notre homme. Agrégé de droit, professeur à Assas, et spécialiste de l'histoire des religions en général et du christianisme en particulier. Derrière un style parfois pesant d'universitaire, son scalpel est acéré. D'un côté, il nous démontre, après bien d'autres, que « c'est une erreur de considérer l'islam seulement comme une religion », car « l'islam est à la fois religion et régime politique ». L'islam est une loi implacable qui ne tolère aucune contestation : « La déclaration sur les droits de l'homme en Islam adoptée au Caire en 1990 interdit d'exprimer toute opinion en contradiction avec les principes de la charia ». De l'autre côté, il nous retrace la généalogie religieuse, idéologique et juridique de notre folle conversion aux droits de l'homme : « Les droits de l'homme sont la religion séculière qui a pris le relais de la religion séculière communiste… la promesse de perfection sociale ne réclame plus la suppression de toute propriété mais la négation de toute différence entre les humains. » Harouel est particulièrement passionnant lorsqu'il nous conte les origines chrétiennes de ces droits de l'homme. Reprenant la célèbre formule de l'écrivain anglais Chesterton, sur les « idées chrétiennes devenues folles », il la nuance et la corrige, en y voyant plutôt l'influence d'hérésies du christianisme, la gnose et le millénarisme : « le gnostique est un homme-Dieu au-dessus des lois et de la morale ordinaire du Décalogue… Le millénarisme annonce la promesse terrestre du royaume de Dieu alors que Jésus l'avait déplacé vers les cieux… La gnose et le millénarisme ont en commun le refus de considérer que le mal peut résider en l'homme. »

    On remarquera avec notre auteur que la gnose et le millénarisme étaient déjà aux sources du communisme et de ses pratiques totalitaires ; et que les militants de gauche, guéris du communisme, sont devenus les militants les plus fanatisés des droits de l'homme. Pendant un siècle et demi, les droits de l'homme n'étaient pas du droit, mais un ensemble de principes guidant l'action politique. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale, et le traumatisme nazi, que la Convention européenne des droits de l'homme en 1950 instaura le « culte des droits de l'homme » et transforma les grands principes en droit positif et les juges en une « nouvelle prêtrise judiciaire ». Le professeur de droit Georges Lavau dira, sévère, que « les hauts magistrats se sont arrogé, en créant des règles nouvelles au nom des principes généraux du droit, une fonction de type prophétique ». Les droits de l'homme n'étaient plus les droits de l'homme : ils passaient de la défense des libertés pour protéger les individus d'un État trop puissant au principe de « non-discrimination » qui empêche l'État de protéger et défendre son peuple menacé d'éviction et de destruction sur son propre territoire.

    La boucle était bouclée. Celle qui tourne des droits de l'homme à l'islam. D'une religion à l'autre. D'un ordre totalitaire qui empiète sur la sphère privée (le principe de non-discrimination) à un ordre totalitaire qui nie la distinction entre sphère privée et sphère publique (l'islam). Les peuples européens sont coincés entre le marteau et l'enclume, menacés de mort: « Le millénarisme immigrationniste est de nature totalitaire… Il a remplacé le combat communiste pour la destruction des bourgeoisies par le combat pour la destruction des nations européennes. » L'analyse est implacable, le constat accablant, l'impasse totale. L'issue radicale. « Il est indispensable de discriminer… Soumettre l'islam à un statut dérogatoire pour le contraindre à se limiter à la sphère privée… S'inspirer du modèle discriminatoire suisse… La France ne peut espérer survivre qu'en rompant avec son culte de la non-discrimination. »

    Les droits de l'homme ou la vie. On connaît d'avance la réponse de nos élites politiques, intellectuelles, médiatiques, culturelles, artistiques, économiques : les droits de l'homme. Au nom des grands principes et des grands sentiments. Et aussi des petits calculs et petits intérêts. D'un amour de l'Autre jusqu'au mépris et la haine de soi. C'est la reprise de la célèbre formule de Robespierre: « que l'Empire périsse pourvu que les principes demeurent ». Sauf que l'Empire, c'est la France et les Français. Les deux camps vont dans l'avenir se conforter, s'insulter, s'affronter. Les droits-de-l'hommistes contre les populistes. Chacun flirtant avec sa propre caricature et ses certitudes. Chacun prétendra agir pour éviter « la guerre civile » qui vient. En vain. 

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    Les droits de l'homme contre le peuple. Jean-Louis Harouel, Desclee de Brouwer, 140 p., 14 €

  • L’heure terroriste

     

    par Hilaire de crémiers

     

    hilaire-de-cremiers-510x327.jpgAucune analyse de l’actualité, aucune prévision raisonnable, aucune protestation des populations maltraitées, pressurées, rejetées n’ont jusqu’à présent changé les habitudes politiciennes et l’inconcevable permanence de leur médiocrité. Voilà que la violence absolue surgit... Alors ?

    Il était beau d’entendre Bernard Cazeneuve célébrer triomphalement, le vendredi 28 mars au soir, l’arrestation de Salah Abdeslam. Le propos ministériel était martial : la République allait vaincre le terrorisme ; déjà, disait-il, il était vaincu et cette arrestation en était le signe précurseur. Cependant, il convient d’admirer l’implacable logique des évènements et la non moins fatale inconséquence de nos gouvernants. Le lendemain, samedi 19 mars, le président de la République en personne, avec toute l’autorité que lui confère son rang, – la cérémonie était prévue pour des raisons électorales – célébrait ce qui fut dans la terrible réalité de l’époque la victoire politique du terrorisme – et du terrorisme islamique – en 1962 sur le territoire alors français d’Algérie, victoire que la France entérinait par la fausse paix et les honteux accords d’évian. Le président avait ce style homilétique qui est propre à toute cette bande de faux curés – ou de « faux-culs » si vous préférez – qui nous dirigent, tous, ou à peu près, sortis des bons collèges dont ils n’ont retenu, tout en abandonnant quant à eux toute foi et toute morale, que l’art d’imposer un discours moralisateur pour dissimuler leurs propres lâchetés. Le pathos présidentiel, embrouillé comme d’habitude, incitait les mémoires à oublier pour apaiser et réconcilier. Il n’y avait en l’occurrence et sur ce point d’histoire précis aucun devoir de mémoire ! Pas de victimes, pas d’assassins ni de bourreaux ! Or ce qui s’est passé avant et après le 19 mars 1962 est parfaitement connu. Il suffit de lire sur le site de Politique magazine l’article de Jean Monneret, l’un des historiens les plus méticuleux de cette sinistre période : des dizaines de milliers de musulmans français, qui avaient manifesté leur attachement à la France, en particulier les harkis et leurs familles, livrés sans pitié en pâture à leurs tortionnaires dans l’horreur d’indicibles supplices, des milliers de Pieds-Noirs, hommes, femmes, enfants, enlevés, massacrés sous l’œil indifférent et la complicité passive, parfois active, des autorités officielles, civiles et militaires, des soldats français laissés entre les mains du FLN et à jamais disparus, un mépris souverain pour les innombrables exilés et un rejet ignoble des familles musulmanes sauvées en cachette, voilà la réalité de 1962. Et François Hollande la sait, au moins par son père qui, lui-même, fut à l’époque indigné de tels comportements. L’écrivain algérien Boualem Sansal a parlé de « faute morale » à propos d’une célébration qui conforte à Alger la dictature d’un FLN terroriste et d’un Bouteflika sans scrupule à qui la malheureuse Algérie, mise en coupe réglée, a été depuis lors abandonnée en prébende. Ce n’est pas le seul Algérien à penser ainsi ; il est facile de constater aujourd’hui les effets d’une telle politique : l’Algérie est une bombe à retardement. 

    Complicité de trahison

    François Hollande, un jour donc après l’arrestation de Salah Abdeslam, a fait, avec hypocrisie et sans le nommer, l’éloge du terrorisme et du terrorisme efficace, celui qui finalement réussit à obtenir le résultat qu’il escompte. François Mitterrand, le prétendu maître de cette gauche bourgeoise, à plusieurs reprises, en 1954, en 1956, comme ministre de l’Intérieur – n’est-ce pas, Cazeneuve –, comme ministre de la Justice – n’est-ce pas, Urvoas –, avait déclaré solennellement que jamais la République ne céderait devant le terrorisme : il parlait du terrorisme du FLN. On sait trop bien ce qui est advenu. Et c’est sans doute la raison pour laquelle lui, Mitterrand, n’a jamais consenti à célébrer le 19 mars ; cet homme, si cynique par ailleurs, à défaut d’honneur, savait, du moins, ce que c’était que la honte.

    Après les grandiloquentes déclarations de Cazeneuve et les indignes palinodies de Hollande, les Français qui se souviennent et réfléchissent un tant soit peu, doivent se méfier. Les Français musulmans en premiers, ceux qui aiment la France, qui y sont attachés, sachant qu’ils ne sont dans pareil système, comme tous les Français, que de vulgaires enjeux électoraux. Qu’adviendra-t-il si le terrorisme, comme il est plus que probable, redouble et que villes et banlieues incontrôlées se mettent à s’agiter… ? 

    Alors, comme fait exprès, le dimanche 20 mars, tel un éclair de vérité dans ce ciel si sombre, Philippe et Nicolas de Villiers recevaient avec toute la pompe qu’ils savent déployer dans leur parc du Puy du Fou, l’anneau de Jeanne d’Arc qu’ils venaient d’acheter à Londres, sans que la République française s’y intéressât. La cérémonie d’une dignité parfaite est retracée par Fabrice Madouas sur le site de Politique magazine. Le peuple était là au rendez-vous et les Cyrards aussi, la jeunesse militaire française qui voit dans la Pucelle d’Orléans le plus beau des modèles héroïques de la France séculaire, cette France que le politicien par nature n’aime pas. Philippe de Villiers a su faire vibrer les cœurs et a répondu avec son panache habituel aux réclamations tardives du gouvernement anglais. L’aventure de Jeanne est la réponse précise, exacte, parfaitement appropriée à notre problème français, toujours le même. Le livre que notre ami et collaborateur Jacques Trémolet de Villers a consacré à son procès, en est l’illustration. La chevauchée de la reconquête française ne peut passer que par Reims. Merci aux Villiers d’avoir offert aux Français ce fabuleux cadeau, inattendu autant qu’inespéré.

    Le sang comme prix de leur politique

    Et puis, le lundi 21 mars, avec l’implacabilité des systèmes répétitifs usque ad nauseam, les querelles partisanes reprenaient de plus belle en France sur la loi El Khomri, sur la déchéance de nationalité, sur l’état d’urgence, sur les primaires à droite, à gauche, au centre et pendant que les étudiants et les syndicats annonçaient à qui mieux mieux des manifestations et des grèves, le gouvernement osait prévoir un redémarrage de la croissance et une inversion de la courbe du chômage, tout cela sollicité par les chiffres de la conjoncture agencés à cet effet. Hollande, donc…

    Et voilà que le mardi 22 mars deux attentats terroristes ensanglantaient Bruxelles, obligeant Hollande et Cazeneuve à baisser de ton. Le drame n’est pas derrière nous ; il est devant nous. Les terroristes sortent les uns après les autres des cités qu’ont fabriquées les monstrueuses politiques de nos politiciens ; ils se promènent partout dans l’Europe telle que l’ont constituée ces mêmes politiques d’incapables et d’idéologues ; ils sont charriés aujourd’hui par les flux migratoires qu’ont multipliés encore et toujours les mêmes politiques insensées, jusqu’aux accords Merkel-Erdogan d’une inconcevable duperie et jusqu’aux dernières lois françaises, y compris celle du 18 février, passée inaperçue, votée à la dérobée dans la suite des directives de Bruxelles, en l’absence de presque tous les députés, et qui ouvre encore davantage nos portes devant lesquelles le gouvernement place maintenant vainement des sentinelles !

    La suite… ? Elle est prévisible. Quand paraîtra cet article, fasse le ciel que les évènements ne confirment pas la prévision. « On aura les conséquences », disait Jacques Bainville, citant l’Ecclésiaste : « On aura les conséquences. Celui qui creuse un fossé y tombe ». 

  • Une hirondelle républicaine ne suffira pas à faire un printemps français

     

    Le Printemps républicain a été lancé le 20 mars à Paris. Pour Vincent Coussedière, la souveraineté ne suffit pas à définir une République, laquelle réside dans la légitimité populaire |Figarovox - 8.04]. Une autre façon, en fait, de contester cette république idéologique qu'est spécifiquement la république française et ses non moins idéologiques valeurs. Une autre façon, aussi, de réaffirmer la prééminence de la nation sur tel ou tel régime particulier et celle de son peuple défini par son histoire, par ses mœurs et par l'attachement qu'il leur porte. Ainsi se fonde en effet une souveraineté légitime, aujourd'hui perdue. Faut-il l'incarner par l'élection ? Son arithmétique barbare, les divisions qu'elle creuse entre Français, les ambitions qu'elle remue, l'espace qu'elle ouvre tout grand à l'interventionnisme des puissances d'argent, la démagogie avilissante à laquelle elle conduit les candidats, la négation qu'elle perpétue de toute pérennité et de toute transcendance du Pouvoir, qu'elle rend ainsi éphémère et terriblement faible, la disqualifient, selon nous, comme mode de désignation du Chef de l'Etat. Il n'est pas sûr que - sans envisager encore le recours monarchique auquel nous pensons - nombre d'esprits qui réfléchissent sur le malaise de notre démocratie n'en soient pas déjà arrivés à ce type d'analyse et de conclusion. Lafautearousseau     

     

    Un refrain bien connu commence d'être entonné à l'approche des élections présidentielles, une chanson douce qui vient bercer les rêves de nos intellectuels. Une fois encore, on nous fait le coup du retour à la République et à ses fondamentaux. Jean-Pierre Chevènement est invité sur tous les plateaux de télévision, on le consulte pour savoir qui sera son « successeur ». L'hebdomadaire Marianne propose sa énième pétition pour refonder la république et la laïcité. On nous annonce un « printemps républicain », réunissant intellectuels et acteurs de la société civile, bien décidés à peser à gauche sur l'élection de 2017.

    Soit, mais comment nos républicains entendent-ils reconstruire cette fameuse laïcité qu'ils présentent comme un « ciment » seul capable de faire de nouveau « vivre ensemble » les Français ? Possèdent-ils la formule chimique de cette laïcité qui apparaît de plus en plus comme une potion magique apte à faire renaître le village d'Astérix ? En réalité les ingrédients de cette formule restent toujours les mêmes depuis que le druide du républicanisme français, Jean-Pierre Chevènement, les a formulés dans les années 80 : l'État, la Loi, l'Ecole. Ces trois ingrédients, à condition d'être habilement dosés, constituent la potion magique républicaine. Chacun peut alors se presser autour du chaudron pour s'en abreuver : l'enfant comme la femme, l'étranger comme l'autochtone, le gouvernant comme le gouverné, il subira alors la transmutation magique et deviendra un invincible citoyen.

    Si par malheur un esprit chagrin s'aventurait à faire remarquer à nos sympathiques républicains que l'État, la Loi, l'Ecole, se sont justement montrés singulièrement impuissants, depuis 30 ans, à produire un sursaut républicain et citoyen, et qu'il serait peut-être bon, du coup, de s'interroger sérieusement sur le logiciel « républicain », il ne pourrait espérer les faire douter aussi facilement. La réponse serait toute prête et elle claquerait comme un coup de fouet : Souveraineté. Ici se marque la véritable supériorité des druides républicains, qui savent non seulement reconnaître les ingrédients nécessaires pour confectionner leur potion magique, mais qui disposent aussi du critère permettant de s'assurer de leur fraîcheur indispensable. Seul un Etat souverain, une Loi souveraine, une Ecole souveraine pourraient nous faire retrouver, diraient-ils, notre être de citoyens unis dans une même nation.

    Mais comment, insisterions-nous encore naïvement, faire retrouver à l'État, à la Loi et à l'Ecole, leur souveraineté perdue ? Là encore nos interlocuteurs n'hésiteraient pas longtemps, et nous expliqueraient que c'est une affaire de volonté. Ecoutons par exemple la parole de cet autre grand druide républicain, Régis Debray: « Il faudrait un volontarisme de fer, à contre-courant des valeurs les plus chères à notre soi-disant société civile et aux tendances majoritaires de notre environnement géographique pour oser faire renaître un Etat, une Ecole, une République. »*

    Vouloir la souveraineté de l'État, de la Loi, de l'Ecole, tel est au fond le programme de nos républicains, celui qu'ils répètent depuis 30 ans sous la forme d'une sorte de catéchisme. Ils sautent sur leur chaise comme des cabris en répétant « souveraineté », «souveraineté », pensant ainsi s'opposer suffisamment à ceux dont de Gaulle se moquait déjà et qui eux répètent, « Europe, Europe ».

    Mais la souveraineté ne suffit pas à définir une République, laquelle réside dans la légitimité populaire de cette souveraineté. De quel peuple la souveraineté qu'on prétend réinstaurer tire-t-elle sa légitimité ? Du peuple français s'il s'agit de la république française, du peuple américain s'il s'agit de la république américaine, etc. Et cette souveraineté qui est effectivement nécessaire pour parler de république n'exprime que l'indépendance et l'autorité d'une décision non le contenu de celle-ci. Dans le cadre d'une république le contenu de la décision souveraine doit être légitimé par le peuple (ce qui ne veut pas dire obligatoirement voté) car c'est le peuple qui est souverain. On ne voit pas alors en quoi la souveraineté protégerait à elle seule la laïcité par exemple, puisque celle-ci renvoie à la décision commune de donner une certaine forme aux mœurs. Un peuple peut très bien décider souverainement de renoncer à la laïcité si celle-ci est pensée sur le seul plan de la Loi et de l'État.

    Non, décidément, la République ne pourra se refonder elle-même en se tirant de son marasme par les cheveux comme le baron de Münchhausen des sables mouvants. Elle a besoin d'une mystique qui ne sera pas produite ex nihilo par une poignée d'intellectuels, car cette mystique n'est rien d'autre que l'attachement de tout un peuple à ses mœurs, dont les lois ne sont que l'expression consciente et volontaire. Elle a besoin de ce peuple et de son populisme actuel, qu'elle doit comprendre comme un attachement profond à une forme de mœurs appelée nation. Elle a besoin de se dégager de son recouvrement libéral pour affirmer son sous-bassement national, lequel ne réside pas dans le « citoyennisme », mais dans des mœurs qui donnent une certaine forme à la vie la plus quotidienne. Ce qui sous-tend la laïcité c'est cette forme de vie et non un kantisme abstrait du respect de la volonté libre.

    Revenons aux sources, revenons à Rousseau, qui, dans sa Lettre à d'Alembert, nous mettait ainsi en garde: « Mais ne nous flattons pas de conserver la liberté en renonçant aux mœurs qui nous l'ont acquise. ». 

    Une hirondelle républicaine ne suffira malheureusement pas à faire un printemps français.

    * Régis Debray: Revue Le Débat n°185.

    Vincent Coussedière           

    Agrégé de philosophie, Vincent Coussedière a été révélé au grand public avec son premier livre Eloge du populisme. Son second opus, Le retour du peuple, An I, vient de paraître aux éditions du Cerf.

  • Cette République faible et arbitraire...

     

    Par Jean-Philippe Chauvin

     

    arton8470-7b8cd.jpgLa contestation multiforme de la loi Travail n'a pas cessé malgré les concessions faites par MM. Valls et Hollande, et les tensions montent, autant autour des raffineries et des stations d'essence que dans les rues, au risque d'affrontements et de violences qui, à l'approche de la coupe européenne de balle-au-pied, font planer le spectre de désordres plus graves encore. Le plus surprenant, pour l'observateur étranger, est que, dans le même temps, l'état d'urgence en vigueur depuis novembre 2015 vient d'être prolongé pour deux mois, alors même que les forces de l'ordre semblent « dépassées » par les émeutes qui dévastent, à chaque grande manifestation, les centres-villes de l'Ouest et de Paris : pourtant, ces mêmes forces de l'ordre sont reconnues, en Europe et à juste titre, comme les meilleures du continent : en somme, ne faut-il pas rechercher ailleurs le problème ? Drôle d'ambiance, en tout cas ! Fin de règne ou de régime ? Crise de l'autorité ou malaise, voire faiblesse de l’État ? 

    Plusieurs réponses possibles, en fait : tout d'abord, nous sommes entrés dans la dernière année du quinquennat de M. Hollande, déjà reparti en campagne électorale présidentielle et à la recherche, sinon de tous ses électeurs perdus, du moins des électeurs de gauche et européistes qui voudront bien lui faire crédit de quelques réformes plus sociétales que sociales, comme la légalisation du mariage homosexuel, et d'un alignement constant sur la ligne « la plus européenne », ayant renoncé à faire preuve d'originalité française sur de nombreux sujets touchant la politique générale de l'Union européenne (les Grecs en savent quelque chose...). Son partenariat inégal avec la chancelière allemande, qui fait de cette dernière la seule autorité reconnue en Europe (reconnue ne signifie pas bienvenue...), a nettement dégradé l'indépendance de la France et sa possibilité d'être écoutée, voire celle de manœuvrer par elle-même. Or, cela plaît aux élites européistes qui, de tout temps, vantent l'idée d'un fédéralisme continental en ayant aussi intégré l'idée que, pour toute fédération il faut un fédérateur, c'est-à-dire une autorité unique naturellement reconnue et seule « légitime » à entraîner (donc à commander) les autres : souvenons-nous des « briandistes » des années 1940 qui se résolurent, sans être nazis, à rallier l'idée hitlérienne de « l'Europe nouvelle », non par extrémisme (ils ne l'étaient pas, mais bien plutôt modérés, « raisonnables et réalistes » dira l'un d'entre eux dans L'Illustration de l'époque, journal on ne peut plus « convenable » avant-guerre et se proclamant tel en temps de guerre tout en collaborant avec l'Allemand), mais juste par européisme revendiqué et pragmatique... 

    Ainsi, pour en revenir à la situation présente, c'est plus encore la compétition présidentielle sur fond d'impopularité du président en quête de réélection qu'une simple fin de règne annonciatrice d'un possible (ou illusoire) renouveau politique. 

    Mais la tension actuelle autour du projet de loi El Khomry révèle surtout la faiblesse d'un régime, de cette Cinquième qui reste une république, lorsque s'approchent les échéances électorales et que s'aiguisent les longs couteaux des ambitieux qui se veulent tous César quand ils ne sont que Brutus ou Créon... 

    632a_2.jpgCertains en profitent pour vanter les mérites d'une hypothétique Sixième République qui ne serait rien d'autre, à bien les lire, que le retour aux jeux démocratiques illimités et parlementaires de la Troisième et de la Quatrième, et cela au détriment de l'autorité de la magistrature suprême de l’État, voire de l’État lui-même. 

    Or, si crise de régime il y a, elle tient dans l'autorité défaillante d'une République qui ne sait plus donner de la légitimité à son « Pays légal » : le processus électoral de la démocratie représentative ne fonde plus qu'une légalité de moins en moins légitime aux yeux des électeurs qui attendent des réponses et des solutions là où les élus, parlementaires ou président, ne leur donnent que des promesses et ne leur imposent que des oukases. Si le recours au 49-3 passe désormais si mal dans l'Opinion publique, c'est qu'il est devenu un mode de gouvernement quand il ne devrait être qu'une exception utilisée avec prudence et fermeté, et non avec brutalité comme c'est le cas aujourd'hui par MM. Valls et Hollande. 

    Cette République qui se veut autoritaire quand elle n'est qu'arbitraire (et non arbitrale) doit faire  face à de multiples mécontentements et mouvements de révoltes, dont certains sont fort motivés quand d'autres ne sont que les soubresauts des anciennes forces jadis promptes à défendre une République qui, finalement, n'en a plus besoin. Mais elle ne peut durer, sa faiblesse menaçant de désarmer complètement notre pays face aux défis du monde contemporain. Il nous faut bien, alors, reposer la question première qui est celle du Politique et de son incarnation institutionnelle, de celle qui est nécessaire au maintien et au déploiement de toutes les possibilités de la France dans le monde, pour aujourd'hui comme pour demain. 

    Le mot « crise » vient du grec « Krisis » qui signifie la séparation entre un avant et un après : si, désormais, c'est la République qui tient lieu « d'ancien régime », il est temps de rappeler que la Monarchie peut tenir lieu et place de « nouveau régime », non pour sa simple nouveauté mais pour sa capacité à durer, à se renouveler, à s'éterniser dans le sens le plus noble du terme, celui de l'enracinement qui permet à un pays, arbre de familles et de provinces, d'histoires et de visages, d'âmes et d'esprits, de s'élever vers le ciel, florissant et vigoureux... 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin