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Rechercher : Rémi Hugues. histoire & action française. Rétrospective : 2018 année Maurras

  • Cinéma • Tout l’argent du monde

     

    Par Guilhem de Tarlé 

    Tout l’argent du monde, un thriller, américain, de Ridley Scott, avec Romain Duris, Christopher Plummer, Michelle Williams, Mark Wahlberg et Charlie Plummer. 

    On le sait, l'argent ne fait pas le bonheur, mais on sait aussi qu'il contribue grandement au bien-être matériel. Je peux donc, pour cette nouvelle année 2018, vous souhaiter, après le Paradis à la fin de vos jours, en monnaies sonnantes et trébuchantes, Tout l'argent du monde.

    Ce thriller, quant à lui, ne vaut certes pas tout l'argent du monde, mais n'en est pas moins un bon long-métrage qui retient notre haleine pendant plus de 2 heures. Je n'ai franchement pas de souvenirs de cette affaire Getty en 1973. Elle pose, avec une scène très violente (je me suis caché la tête sous mon manteau), la question grave de la résistance au chantage. Faut-il payer la rançon ? Et se soumettre ainsi à la loi du plus fort ? En mettant son doigt dans un engrenage qui peut ne pas finir et au contraire s'amplifier ?

    Mutatis mutandis, je pense au Silence de Martin Scorcese : dois-je céder au chantage, et financer des « terroristes » politiques et/ou mafieux, pour tenter de délivrer mon petit-fils de leurs tortures ? Dois-je apostasier devant les autorités japonaises pour tenter de délivrer des chrétiens de leurs tortures ?

    Pour ma part, je « condamne » davantage J.Paul Getty pour son chantage subsidiaire que pour son refus initial de céder au chantage.    

  • Prince Jean de France : Déclaration à l’occasion des Journées du Patrimoine

    Visite de la Chapelle Royale, Dreux

     

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    En ces temps de culte immodéré du progrès et de la technique, les Français, plus que jamais chaque année, montrent leur attachement au patrimoine de notre pays.

    L’amour du patrimoine n’est pas l’amour d’un passé, même récent, qu’on veut à tout prix figer. Le peuple français n’est pas cet enfant qui cherche vainement à protéger son château de sable des assauts de la marée montante.

    Au contraire, ce que nous avons reçu, ce sont des châteaux de pierre, des forêts de chênes millénaires, des artistes au retentissement universel, des constructions contemporaines exceptionnelles. Devant cet héritage, il n’est d’autre choix que de chercher à préserver, à transmettre, mais surtout à incarner.

    Car le patrimoine n’est rien, sans ce couple qui décide de sacrifier tout pour rénover la maison de famille, sans cette dame qui chaque jour ouvre la petite église du village, sans ces habitants qui parlent avec fierté de leur cathédrale, sans ces promeneurs qui patiemment entretiennent les chemins creux qui sillonnent leur pays, sans ces artisans qui transmettent leur savoir-faire immémorial, ou sans ce maire qui décide de protéger et de faire vivre le monument contemporain de sa ville.

    En tant que prince de France, il est important pour moi, comme les rois qui m’ont précédé, d’incarner et de protéger ce patrimoine spirituel et matériel, celui qu’aucun fond d’investissement ne pourra jamais sauver. C’est ce patrimoine-là qui nous fait regarder avec fierté notre pays, et le fait rayonner dans le monde entier.

    Je vous souhaite à tous de très bonnes journées du patrimoine !   

     

    Le 15 septembre 2018

    Jean de France, duc de Vendôme

    Le site officiel du Prince Jean de France

  • Du nouveau monde à la préhistoire ou la revanche de la nature et le déroulement d'une catastrophe annoncée, par Yves Mor

    L’état désastreux du monde et de notre pays n’est pas la conséquence d’un hasard aveugle mais d’une série de dérèglements anthropologiques et d’aveuglements politiques.

    2020 restera dans les mémoires comme une année maudite, ce que les Romains appelaient annus ater ou annus horribilis, et ce dans le monde entier. La Covid-19, partie de Chine, s’est répandue sur toute la planète, semant la souffrance, la mort, le chagrin et la ruine, et faisant, à ce jour, près de 50 millions de victimes et environ 1 300 000 décès. Et ses ravages humains, économiques et sociaux sont très loin d’être terminés.

    Un état d’exception sans précédent depuis longtemps

    Cette pandémie a totalement bouleversé notre économie, notre vie sociale et professionnelle, notre vie personnelle, notre vie politique, et jusqu’au fonctionnement même de nos institutions. 1 543 321 de nos compatriotes ont été atteints par la Covid-19, et 38 614 d’entre eux en sont morts. Et bien des pays (États-Unis, Inde, Brésil, Russie, Belgique, Espagne, entre autres) connaissent une situation pire que la nôtre. Chacun de nous est en danger de contamination, et donc de mort. Nous vivons désormais en état de siège. Nos libertés individuelles ont, par la force des choses, subi un recul sans précédent depuis l’Occupation de 1940-44. Il nous est désormais interdit de sortir sans avoir une bonne raison de le faire, indiquée sur une feuille d’ « attestation de déplacement » exigée des forces de police, et dont l’absence vaut à l’imprévoyant (ou au contrevenant volontaire) une amende de 135 euros. Les déplacements ne peuvent d’ailleurs excéder une centaine de kilomètres depuis son domicile. On ne peut circuler dans l’espace public sans porter un masque, là encore sous peine de contredanse. La plupart des commerçants ne peuvent plus travailler et prennent le chemin du dépôt de bilan. Le télétravail est imposé partout où il est possible, c’est-à-dire dans toutes les activités professionnelles autres que manuelles. Les lieux de culte, de culture et de spectacles sont fermés, et toute manifestation à caractère cultuel, culturel ou festif est interdite. L’État et le gouvernement décident de tout, sans opposition et sans contrôle, même du Parlement ; et, du coup, la vie politique devient inexistante.

    Une situation aussi dramatique qu’inextricable qui suspend le cours de toute vie normale

    Nos dirigeants agissent suivant les recommandations (on devrait dire les directives) d’un « conseil scientifique » qui transforme notre régime en « médicocratie ». De surcroît, la situation comporte d’inextricables dilemmes : le confinement produit des faillites en cascades, une recrudescence du chômage, l’élévation vertigineuse du montant de la dette publique, la chute abyssale du PIB ; mais son assouplissement ou sa suppression permet à l’épidémie de poursuivre sa galopade effrénée, et provoque l’engorgement de nos hôpitaux et l’impossibilité, pour nos personnels soignants, surchargés et trop peu nombreux, de faire face à l’afflux continu des malades ; de plus, le même confinement et les autres contraintes se révèlent indispensables pour avoir une chance de reprendre le contrôle de la pandémie, mais sont de plus en plus mal supportés par la population, désespérée de voir s’éterniser une situation d’exception et doutant de l’efficacité des mesures prises et des sacrifices consentis ou imposés, suivant les cas, et en vient à se demander si le mal sera vaincu un jour et si elle pourra retrouver des conditions de vie normales. Bien des Français vont passer seuls la fête de Noël et le réveillon du Nouvel An, sans leurs parents, leurs grands-parents, leurs frères ou sœurs, puisque le confinement leur interdira de les rejoindre ou d’être rejoints par eux. Beaucoup vivront ces fêtes sur un lit d’hôpital ou en ayant un parent ou un enfant hospitalisé. Beaucoup n’auront guère le cœur à se réjouir en raison de la menace pesant sur leur emploi ou leur entreprise. La lutte contre l’épidémie de Covid-19, depuis les mesures de prévention jusqu’à la lente et difficile élaboration d’un vaccin, en passant par les tests de dépistage et le traitement médical des malades, est devenue la préoccupation majeure, voire unique, exclusive, de toute l’activité gouvernementale, la condition impérieuse du retour à une vie personnelle, sociale, économique et politique normale. Tout lui est subordonné, et le cours normal de la vie politique, avec ses débats, ses grandes questions, ses affrontements classiques, est suspendu sine die. Nécessité fait loi.

    Une pluralité de fléaux mondiaux propres à rendre notre monde invivable

    Certes, nous n’avons pas le choix. L’implacable réalité nous écrase. Mais, si nous n’avons plus le choix aujourd’hui, nous l’avons eu – et nous l’avons fait – en d’autres temps. Car, il faut en avoir une claire conscience, l’actuelle pandémie de Covid-19 n’est pas et ne sera pas le seul mal à s’abattre sur nous et la population mondiale.

    En premier lieu, nous devons nous souvenir qu’elle n’est pas le seul fléau microbien qui nous a affectés. Rappelons-nous des épidémies de SRAS (2002-2004) et de grippe A (2009-2010), d’ailleurs annonciatrices de la présente pandémie de Covid-19, sans oublier le SIDA, apparu au début des années 1980, qui fit des ravages, et demeure une menace permanente nous obligeant à une prévention contraignante.

    Par ailleurs, nous sommes confrontés aux redoutables problèmes de la pollution, de la destruction des écosystèmes régulateurs de la vie sur terre et du réchauffement climatique. Sur ce dernier point, nous savons que, même si tous les pays du monde s’accordaient pour une action concertée et énergique (ce qui n’est pas présentement le cas), nous ne parviendrions à arrêter le réchauffement qu’autour de 2050, après des hausses inévitables de température jusqu’à cette date approximative. Notre planète devient donc à la fois un cloaque et un chaudron.

    Notre civilisation libérale dominée par la loi du marché nous a amenés à ne rien tenter pour conjurer des risques connus depuis longtemps

    Pourtant, cet avenir dramatique aurait pu être évité. Depuis longtemps, en effet, nous savons que les mouvements continus et déplacements incessants de quantités d’individus dans le monde, l’urbanisation et les concentrations de populations massives, engendrent la mutation et la prolifération des virus parmi les hommes (lesquels ne sont pas naturellement immunisés contre leur action), et que nos manipulations microbiologiques douteuses en laboratoire peuvent avoir des conséquences dangereuses. Par ailleurs, l’aggravation continue de toutes les formes de pollution, la destruction graduelle des écosystèmes et de tout l’équilibre de la vie sur terre, l’accentuation continue du réchauffement climatique, sont connus depuis au moins le milieu des années 1960. Depuis plus de quarante-cinq ans, les biologistes, zoologues, botanistes, ingénieurs écologues, géographes et climatologues, n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme et de nous démontrer, preuves à l’appui, que notre modèle économique ultralibéral, étendu au monde entier, hyper-connecté, ignorant les frontières et les distances, uniforme, dominé par la loi du profit et de la Bourse, caractérisé par la course effrénée aux bénéfices, une urbanisation démentielle, une industrialisation sans contrôle et des migrations sauvages, provoquait le gaspillage et l’épuisement des ressources, la destruction des espaces naturels et de leur équilibre, la perturbation du climat et une pollution en progrès constants et dangereuse, transformant ainsi peu à peu notre planète en enfer. Leurs avertissements n’ont servi à rien, ou presque. En 1989 encore, René Dumont expliquait que si, dans les dix ans à venir, aucune politique environnementale sérieuse n’était entreprise au niveau mondial, nous nous engagerions dans une spirale catastrophique irréversible pour plusieurs décennies, et dont nous aurions le plus grand mal à sortir, sans pouvoir éviter des désastres écologiques et climatiques importants et irrémissibles. Ce pronostic effarant est devenu réalité, une réalité dans laquelle nous vivons quotidiennement et qui s’aggrave chaque jour davantage.

    Le nouveau monde accouche d’une nouvelle préhistoire

    Nous inaugurons une mutation décisive de l’histoire de l’humanité en général et des nations en particulier. Jusqu’à présent les hommes vivaient une histoire marquée par les les guerres, les crises économiques, les oppositions de classes, les révoltes et révolutions suscitées par les inégalités sociales, les carences politiques et institutionnelles, les dictatures, etc. De nos jours, tout cela est passé au second plan, et les hommes sont confrontés non plus à leurs semblables et à leur système politique, économique et social, mais à des dangers et des désastres d’ordre épidémiologique, environnemental et climatique. Nous sommes revenus en des temps où les hommes avaient à lutter principalement contre la nature en général et contre les animaux en particulier pour survivre le plus longtemps et le moins mal possible. Notre civilisation exclusivement urbaine, démentiellement industrielle et technicienne, matérialiste, dominée par la loi du marché, nous a placés dans une situation préhistorique d’affrontement entre l’homme et la nature. Le nouveau monde, cher à notre président de la République, ressemble à une manière de néolithique. La nature prend sa revanche sur l’homme trop orgueilleux, qui se prenait pour Dieu. Elle nous inflige une terrible leçon. Vraisemblablement, la malédiction caractérisera non seulement l’année 2020, mais le XXIe siècle tout entier.

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    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

  • Le cynisme européiste d’Emmanuel Macron

    Le discours d'Emmanuel Macron à la Sorbonne

     

    Par François Marcilhac

     

    3466611312.jpg« Une Europe souveraine, unie, démocratique  »  : le titre du discours de Macron à la Sorbonne, le 26 septembre, suffit à prouver le tour de passe-passe, comme hier la «  fédération d’États-nations  » inventée par Jacques Delors – une fausse synthèse d’éléments inconciliables pour faire passer la pilule. Selon Delors, une Europe fédérale ne remettait pas en cause l’indépendance des nations, puisqu’elle préservait les États, ce qui était évidemment contradictoire  ; selon Macron, il convient d’attribuer à l’Europe les attributs de la nation  : la souveraineté, l’unité et un régime politique – la démocratie – reposant sur l’existence d’un imaginaire demos européen. Opposées en apparence dans leur formulation, les deux supercheries, aussi fédéralistes que ringardes, sont identiques. Macron regarde l’avenir dans le rétroviseur des «  pères fondateurs  ». Comme s’il s’était trompé d’époque. Comme s’il n’avait pas vu que l’Europe ne fait plus rêver des peuples qui, d’ailleurs, y ont toujours vu autre chose que leurs voisins  : pour les démocrates-chrétiens, surtout français, la garantie de la paix en sortant de l’histoire grâce à la constitution d’un ersatz de chrétienté  ; pour d’autres, notamment les Allemands, la possibilité de retrouver à plus ou moins long terme “leur” suprématie continentale – la «  destinée manifeste  » à la sauce germanique  ; pour d’autres encore, une assurance-indépendance contre un voisin – russe – jugé par nature menaçant. Et pour beaucoup, la possibilité d’appartenir à un club économique et monétaire permettant d’assurer leur développement, appartenance qui, ayant ses contraintes, peut se retourner en cauchemar car l’Europe est tout sauf solidaire – les Grecs l’ont appris à leurs dépens. Quant au Royaume-Uni, qu’il ait été dehors ou dedans (mais toujours à moitié), il est fidèle à la doctrine de Churchill  : le projet européen, c’est bon pour les nations continentales.

    Histoire, identité et horizon

    Macron a beau pérorer que l’Europe est «  notre combat  », «  notre histoire, notre identité, notre horizon  », il mêle là encore une platitude – l’Europe est en un sens «  notre histoire  » – à deux affirmations idéologiques. En quoi serait-elle «  notre combat  » – Quel «  citoyen  » européen serait prêt à mourir pour Gdansk davantage que pour Dantzig  ? – ou «  notre identité  »  ? Comme s’il existait une identité européenne préexistante aux identités nationales qui n’en seraient que les déclinaisons alors que, bien au contraire, l’identité européenne n’a jamais été que le carrefour des identités nationales. Non, évidemment, que ce dialogue n’ait eu d’incidence sur la culture de chacun des peuples qui y ont, inégalement du reste, participé dans l’histoire. Mais jamais ce dialogue n’a fini par constituer le brouet insipide d’une identité européenne. Enfin, en instituant l’Europe comme «  notre horizon  », Macron rétrécit singulièrement celui de nations historiques comme l’Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni (dont il justifie ainsi la sortie) ou évidemment la France, dont les horizons se confondirent toujours avec la terre entière – reculant, comme il se doit, au fur et à mesure que ces nations avançaient. «  Notre horizon  » ne saurait se limiter au «  petit cap du continent asiatique  » (Paul Valéry).

    Macron a évoqué les «  pères fondateurs  », eux qui, instrumentalisant le traumatisme de deux guerres mondiales dont les nations furent avant tout les victimes et à peine la cause occasionnelle, conçurent aussitôt leur projet comme un asservissement du politique à l’économique au plus grand profit de l’hégémonie américaine. Il est vrai que c’est de cette idéologie matérialiste que Macron est le héraut. Idéologie consumériste qui constitue le brouet insipide européen que nous évoquions à l’instant. C’est pourquoi, disciple de Monnet, il veut explicitement substituer le «  débat scientifique  » au «  débat politique  » et abandonner l’Europe aux «  experts  », c’est-à-dire aux lobbies.

    Un souverainisme de repli  ?

    Aussi, après Mitterrand à Strasbourg en 1995 – «  le nationalisme, c’est la guerre  » –, a-t-il beau dénoncer en «  continuateur  » plus qu’en «  révolutionnaire  » (Pierre-André Taguieff) «  nationalisme, identitarisme, protectionnisme, souverainisme de repli  », «  idées qui se présentent comme des solutions préférables  » auxquelles il avoue, deux lignes plus haut, préférer «  les bourrasques de la mondialisation  »  : ses propos n’en font que mieux ressortir son aveuglement et son cynisme. Aveuglement devant la résurgence, partout dans le monde, singulièrement en Europe, d’un besoin d’identité face, précisément, aux dégâts culturels, plus encore qu’économiques, du mondialisme. Car avant d’être des «  idées  », «  nationalisme, identitarisme, protectionnisme, souverainisme de repli  » traduisent un besoin de persévérer dans l’être auquel c’est le mondialisme, par ses ravages, qui risque de donner un visage peu amène – et le succès relatif de l’AFD en Allemagne n’est pas forcément pour nous réjouir. Il en est de même du faux nationalisme catalan, sur fond d’égoïsme économique  : que traduit-il sinon un “chacun pour soi” que le mondialisme favorise  ? Macron est dans le domaine des idées, ou plutôt de l’idéologie. Aux prétendues idées de repli, il oppose une Europe qui «  ne vivra que par l’idée que nous nous en faisons  ». Idée en l’occurrence sonnante et trébuchante, puisqu’elle consiste à faire de l’Europe un open space – parlons macronien – du mondialisme, comme le montre l’entrée en vigueur, avant même sa ratification par les parlements nationaux, du CETA, traité de libre-échange euro-canadien, auquel Macron a toujours été favorable. C’est là tout son cynisme. Faire servir, comme les «  pères fondateurs  », une idée apparemment généreuse à la mise en coupe réglée des peuples et des civilisations sous un impératif de primauté de l’économique cachant la volonté de puissance de l’Argent sans rivages. La souveraineté, l’unité et la démocratie dont il rêve, ce sont celles des marchés dictant leur loi à des peuples submergés, à l’identité éclatée. Il est vrai  : «  Moi je n’ai pas de ligne rouge, je n’ai que des horizons.  »

    C’est à Giscard, qu’il fait penser. “Jeune” président (plus jeune même), centriste et atlantiste, il mêle lui aussi, en libéral-libertaire assumé, volonté de faire éclater les cadres de la société (l’avortement et le divorce pour Giscard, la PMA et bientôt la GPA et l’euthanasie pour Macron) et dépassement du national au profit d’une Europe mondialisée. Giscard est l’instigateur de l’élection du Parlement européen au suffrage universel, du regroupement familial puis de la Constitution européenne, devenue le traité de Lisbonne. Pour Macron  : listes européennes transnationales, Europe à deux vitesses pour forcer le passage au fédéralisme, budget «  du cœur de l’Europe  », valorisation du «  défi  » migratoire. Et comme Giscard à l’époque, peut-être notre «  pionnier  » se pense-t-il trop jeune pour prendre sa retraite après deux mandats nationaux et se voit-il déjà le premier président de l’Europe. Mais il faut auparavant diluer la France dans le grand tout européen. Bien sûr, les Allemands, Merkel en tête, n’ont pas les mêmes projets, surtout en matière budgétaire. Les Français ont toujours été les seuls «  Européens  ». Alignement explicite sur le «  modèle allemand  », que viendra sanctionner un nouveau «  traité de l’Élysée  », en matière sociale (la «  convergence  »), monétaire (la dogmatique austéritaire) et migratoire, bradage des derniers fleurons de notre industrie au profit du capitalisme d’outre-Rhin (Alstom dernièrement)  : les Allemands se contentent de ramasser ce que Macron leur offre. Ils savent que la condition d’une Allemagne toujours plus forte est une France toujours plus «  européenne  », c’est-à-dire toujours plus faible.  

     

  • L’HEUREUX PENTANT ! par Guy Adain

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    Alger, Notre-Dame d'Afrique

     

    Il y a ceux qui ont fait la France, ceux qui l’ont agrandi, et ceux qui s’en repentent ! De quel droit d’ailleurs osent-ils juger nos « Morts pour la France » ?

    C’est déshonorer nos champs d’honneur !
    Chaque parcelle de terre ajoutée au « Pré carré » a été cimentée de sang Français, au prix de mille sacrifices, du sang, des larmes, de la sueur, de beaucoup d’Amour et d'Honneur !
    Mais que peuvent-ils comprendre à l’Amour d’une Terre que nous pensions avoir fait Française ? Que peuvent-ils comprendre de l’Honneur et du Respect de la parole donnée ?
    Boris Vian l’avait déjà dit : « j’irai cracher sur vos tombes ». 
    Nos repentants d’aujourd’hui le font ! 
    Nos âmes meurtries hurlent à la mort et les quelques vivants restants pleurent de rage et de honte !
    Et Non ! Messieurs les Repentants, nous ne voulons pas perpétuer des souvenirs de guerre et de désolation, la guerre est finie, nous respectons nos adversaires ; mais l’Histoire, notre Histoire ne doit pas être falsifiée : « les 132 ans d’Algérie Française »  sont et restent une fierté pour nous ! Notre Roi d’alors, Charles X, a été l’initiateur d’une grande oeuvre de civilisation, et de conquête bien sûr…Mais l’Amour s’y est mêlé et a fait le reste ! Vous ne pouvez pas comprendre !!!
    Alors de grâce, aujourd’hui gardez votre pouvoir d’achat pour ceux que vous aimez bien faire marcher et laissez nos morts en paix !
    Vous n'êtes pas capables d’intégrer les descendants de ceux qui ont vécu ces périodes glorieuses et difficiles ; laissez faire le temps et le bon sens populaire, les Français savent faire, oubliez un peu votre République des Droits et faites confiance à la France des Devoirs !
    En 132 ans, nous avions donné à la France une magnifique Terre Française, en 233 ans vous avez guillotiné la France, son Roi, sa Reine et laissé honteusement mourir leur enfant !

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    Vous voulez de la repentance ? 
    En voilà, et bien dégoulinante de sang Français !
    Ce serait noble et juste !
    Mais qui l’osera ?
  • La République s’apprête à traiter avec l’islam ...

     

    Par Philippe Mesnard
     

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    Le concordat inutile

    Droit public de l'islam. La République a été capable de casser tous ses liens avec l’Église catholique qui a façonné et accompagné l’histoire de France, au nom de la laïcité, et elle s’apprête à traiter avec l’islam en lui accordant pour assurer sa paix des privilèges exorbitants.

     

    La conclusion du Rapport de l’Institut Montaigne sur La fabrique de l’islamisme est claire : si l’on veut éviter le séparatisme islamiste, il faut arracher les musulmans de France à l’idéologie islamiste, imaginée, promue et financée par l’étranger ; il faut créer un islam de France, et cet islam de France doit avoir une structuration française et un financement français pour garantir son indépendance. « En France, une réorganisation du culte pour lutter contre l’islamisme est indispensable et se traduirait par la création d’une institution chargée d’organiser et de financer le culte musulman (formation et rémunération des imams, construction des lieux de culte, travail théologique et lutte contre l’islamophobie et l’antisémitisme) : l’association musulmane pour l’islam de France (AMIF) (1). Cette institution viendrait pallier les lacunes organisationnelles et les conflits d’intérêts des organes actuels. En effet, la place prépondérante laissée aux pays d’origine des familles musulmanes et la mauvaise gestion de l’argent lié au commerce du halal, du pèlerinage et des dons individuels empêchent l’émergence d’un islam géré en France par des Français en fonction des intérêts des musulmans de France ».

    Et qui mieux que les musulmans serait capable de porter cette structure, son discours ? Personne. L’État doit donc s’engager dans la voie concordataire, avec les musulmans de France, et déployer son action anti-islamiste, et donc pro-musulmane, dans toutes les dimensions de son pouvoir : culturelle, éducative, diplomatique. « Il convient aussi d’assurer avec l’Arabie saoudite que l’AMIF aura un rôle central dans l’organisation du pèlerinage […] Plus largement, une coopération religieuse avec le Maghreb et les pays du Golfe est à envisager sérieusement ».

    Le concordat théorique

    Le Rapport, dans sa conclusion, évoque les quartiers arrachés à la loi républicaine et la masse des musulmans modérés, inaudibles et invisibles : « [L’État doit] mettre en place des dispositifs et plans d’action interministériels de reconquête républicaine dans les quartiers où c’est nécessaire. Il doit enfin assurer un travail de communication intense, qui encourage les musulmans modérés, jusqu’ici trop silencieux, à s’emparer des débats qui agitent l’islam. ». Le Rapport examine assez brièvement quartiers et musulmans dans leur différentes qualifications dans le premier chapitre L’islamisme en France : de la communauté au communautarisme de la partie IV du rapport Situation de l’islamisme en Occident. Il constate la sécession de fait, la compare avec d’autres « quartiers » européens, démontre que le halal commercial est un outil de soupçon permanent par rapport à la pureté et la licéité des mœurs mais aussi des produits comme des agents de l’État ! Enfin il dénonce la manière dont les élus ont acheté une fragile paix sociale aux « grands frères » (ceux qui avaient engagé la guerre…). Dans son rapport de 2016, 28% des musulmans seraient des sécessionnistes, selon Hakim El Karoui : ces opposants « se définissent davantage par l’usage qu’ils font de l’islam pour signifier leur révolte que par leur conservatisme. […] 28 % des musulmans de France peuvent être regroupés dans ce groupe qui mélange à la fois des attitudes autoritaires et d’autres que l’on pourrait qualifier de “sécessionnistes”. » C’est un groupe composé à 50% de jeunes.

    Il faut donc, d’après le rapport, réintégrer les sécessionnistes et donner une voix aux musulmans sécularisés, ces 46% qui sont « soit totalement sécularisés, soit en train d’achever leur intégration dans le système de valeurs de la France contemporaine ». Hubert Champrun remarquait alors, dans Monde & Vie, que les sécularisés étaient quand même réputés, de l’aveu même du Rapport, « faire évoluer [les valeurs républicaines] par leurs spécificités religieuses. » La solution concordataire permettrait donc d’homogénéiser toute la population musulmane en continuant à lui laisser développer ses spécificités : l’islam de France sera un islam en France, organisé et financé par les musulmans de France sous le contrôle diplomatique de l’État en charge de coordonner les discussions théologiques avec les autres grands pays musulmans, autrement dit de réguler le flux intellectuel qui justifiera l’évolution douce des mœurs françaises ! Comme il est dit ailleurs, il n’est pas certain que c’est de ce genre de concordat qu’a besoin la France.

    Le concordat de fait

    5ee60b3_9335-1nwkyvp.jpgMais ce concordat à la mode AMIF est inutile… car il existe déjà un concordat de fait. La France n’a pas jugé bon de procéder comme le Canada à d’officiels accommodements raisonnables ; elle s’est contentée de promulguer des lois tout en incitant à ne pas les faire respecter. Si Redoine Faïd a pu rester caché trois mois en se déplaçant en burqa, dont le port dans l’espace public est illégal, c’est que personne ne contrôle, verbalise, arrête les femmes en burqa – parce que la hiérarchie conseille de ne pas contrôler, comme en témoignent les policiers. Si Gérard Collomb parle de deux populations « côte à côte » (tout en laissant son successeur face à face avec ce problème), c’est que tout a été fait pour que la population musulmane, sécularisée ou non, puisse se constituer de manière autonome. Manuel Valls parlait d’apartheid, ce qui avait effarouché les bons esprits). D’une part, en refusant tout traitement statistique qui aurait pu alerter officiellement sur les mutations démographiques en cours. D’autre part, en favorisant l’afflux d’immigrés musulmans, le sommet de l’absurdité étant atteint avec la Fraternité comme principe d’absolution des passeurs qui introduisent illégalement des immigrés (cf. Politique Magazine n° 172). Tout l’appareil judiciaire fonctionne en permanence dans la validation des mœurs islamistes, voile ou burkini par exemple, en amont et en aval, dans l’installation de zones de non-droit par le laxisme des jugements prononcés et des peines effectuées, les juges refusant de considérer et la lettre de la loi et le contexte sécessionniste des infractions. Les procédures sont compliquées à loisir et détournées à l’envi sans que jamais elles soient modifiées dans un sens efficace. Même le combat intellectuel est mené par la Justice contre les adversaires de l’islamisme, comme en témoigne le procès Bensoussan : non seulement le parquet avait jugé recevable la première plainte, mais il a fait appel du jugement de relaxe ! Et a laissé plaider le CCIF, pourtant irrecevable… Le CCIF et le PIR instrumentalisent une justice qui leur aplanit toute difficulté.

    L’islamisme a gagné

    Plus le péril est avéré, moins les politiques suivent, plus les discours de tolérance sont gravement pontifiés aux tribunes officielles. L’examen du budget prouve qu’aucun moyen n’est réellement dégagé pour les expulsions ; la police et la gendarmerie crient famine ; et Muriel Pénicaud, ministre du Travail, débloque 15 millions pour l’intégration professionnelle des « réfugiés »… terme dont on sait qu’il ne veut plus rien dire. Tout le discours politique, sans parler du monde des médias et de la culture, sur les bienfaits économiques de l’immigration, sur les bienfaits culturels de la diversité et du multiculturalisme, n’est qu’une justification de la constitution d’une « nation islamiste », aux niveaux local, régional et national. C’est fait.

    Dans ces conditions, pourquoi un concordat ? Quels bénéfices réels la France tirerait-elle d’une population musulmane constituée en bloc officiel, les activistes libérés de leurs pénibles devoirs de besogneuse infiltration ou de harcèlements judiciaires, les indécis encouragés à basculer dans la revendication identitaire ; et la majeure partie des musulmans qui n’ont que faire d’un islam de France, car ils sont bien prêts de se laisser dissoudre dans la société telle qu’elle est – curieuse vertu de ses défauts, puisqu’elle dissout tout ! –,découragés et assignés à une soumission labellisée par l’État ?

    Le concordat arrimerait irrémédiablement les Français musulmans et les musulmans résidant en France à l’islam sans détacher le prétendu islam de France de la communauté des croyants, rattachés à leurs commandeurs saoudien ou marocain ou leurs califes. Le concordat ferait de la France une « terre de fidèles », avec ce que cela signifie, dans le fantasme et la règle islamiques, comme droits nouveaux et possibilités nouvelles.  

    Philippe Mesnard
  • Bicentenaire... Patrice Gueniffey : « Waterloo a déterminé tout le XIXe siècle »

    Waterloo, aujourd'hui, la reconstitution du siècle

     

    À l'occasion du bicentenaire de Waterloo, l'historien Patrice Gueniffey*, spécialiste de Napoléon, a analysé pour Figarovox, les enjeux de cette bataille (18 juin 1815). Par delà les aperçus historiques fort intéressants, les lecteurs de Lafautearousseau, relèveront les points forts - très actuels - du paragraphe de conclusion : « Notre pays n'a pas été uni par le consensus mais par l'autorité et par l'État (longtemps monarchique). (...) L'histoire de France est l'histoire de ses divisions. Mais le problème a empiré depuis 1792 car la monarchie était un verrou, un principe d'unité qui s'opposait aux forces centrifuges. Aucun régime n'a été tout à fait légitime depuis. (...) Aujourd'hui encore, si la République n'est plus contestée, elle ne suscite pas forcément d'adhésion active. » Il s'agirait, en effet, pour la France d'aujourd'hui de réinstaurer un Pouvoir qui soit légitime - et perçu comme tel. LFAR

     

    Peut-on dire que la bataille de Waterloo a déterminé le destin de l'Europe ?

    Patrice GUENIFFEY. - Les contemporains l'ont perçu d'emblée. Tout contribuait au caractère dramatique de cette bataille. Napoléon est dos au mur. Il n'a pas de réserves. Ses ennemis le savent. C'est la première fois que les armées des deux principales puissances de l'époque, la France et la Grande-Bretagne, se retrouvent face à face pour un affrontement de cette ampleur. Le choc a lieu sur un terrain de quelques kilomètres carrés seulement. La visibilité sur le théâtre d'opération est faible. C'est une bataille brève, violente et incertaine.

    Pour la mémoire nationale, elle fut bien sûr une humiliation terrible, mais aussi une défaite glorieuse. L'Europe tout entière avait dû se liguer contre la France seule pour pouvoir la vaincre. De Musset à Stendhal, de Chateaubriand et Dumas à Victor Hugo, les écrivains français du XIXe ne vont cesser de magnifier Waterloo. Ils méditeront sur le génie du grand homme, la gloire nationale, la laideur et la grandeur de la guerre. Il reste que la défaite de Napoléon signe la vraie fin de la Révolution française. L'événement clôt le cycle politique commencé en 1789. La Révolution appartenait pleinement au XVIIIe siècle par ses idées et par les hommes qui les avaient incarnées. Waterloo, c'est le premier jour du XIXe siècle, comme le 1er août 1914 est le premier jour du XXe siècle.

    En quoi Waterloo décide-t-il des grands traits du XIXe siècle en Europe ?

    La défaite et l'exil de l'Empereur ouvrent une ère de paix sans précédent pour le Vieux Continent. La Grande-Bretagne, la Prusse, l'Autriche et la Russie sortent renforcées d'une épreuve qui a failli les perdre. À court terme, la réaction antifrançaise a partout raffermi le sentiment national et les monarques qui l'incarnent. Pour autant, parmi les idées de la Révolution française, celles en accord avec l'état de la civilisation européenne se sont diffusées à la faveur des guerres. Le Code civil a été appliqué dans tout l'Empire, dont la Belgique et une partie de l'Italie faisaient alors partie. Les sociétés des pays occupés par Napoléon sont sorties de cette épreuve modernisées et plus libérales. La tension entre le principe monarchique et les idées démocratiques devient palpable partout en Europe. Au Congrès de Vienne, Londres, Berlin, Vienne, Saint-Pétersbourg et la France de Louis XVIII vont convenir de s'allier contre les mouvements libéraux et nationaux. Des réunions périodiques de souverains sont instituées pour régler les crises du moment. La neutralité de certaines parties de l'Europe est proclamée (la Suisse, le Rhin). Le Congrès de Vienne va permettre d'éviter une guerre générale en Europe pendant un siècle. Certes, il y aura des conflits, mais limités. La civilisation européenne du XIXe a été le sommet de l'histoire du Vieux Continent. C'est la plus brillante du point de vue du progrès, des sciences, des arts et des lettres. Le XIXe siècle a pourtant mauvaise réputation. Il est sous-estimé et peu aimé, victime de son image de siècle « bourgeois ».

    Quel regard portent les Britanniques sur les Français au XIXe siècle ?

    Waterloo marque la victoire de la Grande-Bretagne sur la France pour l'hégémonie mondiale. C'est la fin d'un conflit en trois étapes qui a opposé les deux pays des années 1750 à 1815, entrecoupées de simples trêves.

    La première manche, la guerre de Sept Ans, a été gagnée par les Anglais. La France a pris sa revanche pendant la guerre d'indépendance américaine. Et, au terme d'un conflit très long et incertain, les Anglais l'ont finalement emporté en 1815. Waterloo consacre la puissance britannique pour un siècle. Désormais, la Grande-Bretagne contrôle les routes du commerce international. Au XIXe siècle, Londres va rester fidèle à sa politique d'équilibre. Dans les années 1840, les Britanniques se rapprochent de la France, qui n'est plus une menace pour eux, et lancent «l'Entente cordiale». L'expression naît à cette époque, sous la monarchie de Juillet. Louis-Philippe a favorisé ce rapprochement. Il avait vécu en Angleterre pendant l'émigration et était resté anglomane. Le symbole de cette réconciliation, c'est le retour de la dépouille de Napoléon en France, en 1840, qui donne lieu à une cérémonie grandiose. Après Louis-Philippe, Napoléon III puis la IIIe République ne feront que poursuivre cette politique d'entente avec Londres. Certes, il y eut des moments de tensions (sur la question d'Orient vers 1840, à Fachoda plus tard) où le patriotisme blessé des Français se réveille. Mais l'entente entre les gouvernements l'emportera.

    Quels sont les sentiments des Allemands envers la France au XIXe siècle ?

    Napoléon a bouleversé et simplifié la carte de l'Allemagne. De l'occupation napoléonienne de l'Allemagne est née la possibilité de l'unification du pays sous l'égide de la Prusse. En 1806, Napoléon écrase les Prussiens lors d'une campagne éclair de trois semaines. Berlin décide alors de collaborer avec Napoléon tout en reconstituant son armée pour préparer la revanche: cette politique portera ses fruits en 1813. Dans l'intervalle, les Français avaient une nouvelle fois traversé l'Allemagne, en 1809, cette fois pour attaquer l'Autriche. Ces manœuvres furent ressenties comme une humiliation et c'est à ce moment que le nationalisme allemand prend vraiment son essor. Discours à la nation allemande(1807) de Fichte en avait marqué la naissance; il s'épanouira au cours de ce que les Allemands appellent « la guerre de libération nationale » (1813) contre l'occupant français.

    Au soir de Waterloo, Wellington était enclin à ne pas poursuivre l'armée française en déroute. Mais le Prussien Blücher, lui, insiste et s'emploie à massacrer autant de soldats français que possible les jours suivants. Il y avait là une haine antifrançaise - dont les populations civiles souffrirent elles aussi - qui pèsera lourd en 1870 et lors de la Première Guerre mondiale. Or, sous la monarchie de Juillet et le Second Empire, les milieux dirigeants français n'avaient nullement conscience de l'hostilité des Prussiens envers notre pays. Il faut dire que les intellectuels français du XIXe siècle - Renan, Taine, Cousin - étaient fascinés par l'Allemagne. Ils considéraient ce pays comme la patrie de la philosophie, de la science, de la culture et des valeurs libérales, telle que l'avait décrite Madame de Staël dans De l'Allemagne (1810). D'où l'ahurissement qu'a représenté la guerre franco-allemande de 1870-1871.

    Quel est le bilan des pertes humaines des guerres de la Révolution et de l'Empire pour la France ?

    La France comptait entre 28 millions et 30 millions d'habitants en 1789. Et le bilan probable des vingt-trois ans de guerre qu'a connus la France de 1792 à 1815 est d'environ 1 500 000 morts. Cette évaluation additionne les pertes des guerres civiles pendant la Révolution (Vendée, insurrection fédéraliste), des campagnes de la Révolution de 1792 à 1799 et des conflits du Consulat et de l'Empire. Les deux tiers des tués le furent pendant l'Empire. À partir d'Eylau (1807), les batailles de Napoléon sont de plus en plus meurtrières. En cause, notamment, l'intervention de plus en plus massive de l'artillerie. Le bilan humain de ces guerres est donc lourd. Cette époque marque le début du ralentissement de la croissance démographique. La stagnation de la démographie dans notre pays sera un des traits majeurs du XIXe siècle.

    Waterloo a-t-il condamné par avance l'expérience de la monarchie constitutionnelle en France ?

    Waterloo l'a compromise. Lors de la première Restauration, en 1814, le rejet de l'Empereur était réel et Louis XVIII avait agi avec habileté. Une réconciliation nationale n'était pas à exclure à moyen terme. Mais en mars 1815, lorsqu'il débarque de l'île d'Elbe, Napoléon revient « à gauche ». Il se présente comme le bouclier de la Révolution et réveille l'esprit jacobin, minoritaire dans le pays mais vivant. Son retour était une folie, directement contraire à l'intérêt de la France. Après sa deuxième abdication, la Terreur blanche et la Chambre introuvable, dominée par les ultras, sont une réaction aux Cent-Jours. Les bonapartistes et les républicains les plus radicaux fonderont bientôt des sociétés secrètes. Un climat de guerre civile larvée est perceptible jusqu'en 1830 et même au-delà, chez les déçus des Trois Glorieuses.

    Dans quelle mesure le souvenir de Napoléon Ier va-t-il dicter les choix de son neveu, Napoléon III, empereur de 1852 à 1870 ?

    Le nom de Bonaparte fait partie de ses titres à la légitimité. Le prince Louis-Napoléon, président de la République de 1848 à 1851 puis empereur des Français, se présente comme celui qui va garantir, à l'intérieur, l'ordre et le progrès et, au-dehors, affirmer la grandeur nationale et réparer les traités de 1815. Contrairement à son oncle, qui a perpétré un coup d'État sans victimes ni proscrits le 18 Brumaire (1799), Napoléon III prend le pouvoir dans le sang le 2 décembre. Il traînera ce handicap pendant tout son règne.

    Pour autant, le neveu ne manquait ni de projets ni d'idées pour la France. À partir de 1804, une fois le pays remis en ordre, Napoléon Ier avait tourné le dos à la France, il s'était consacré avant tout à la guerre et à la politique étrangère. Ce n'est pas le cas de Napoléon III. Le bilan intérieur du Second Empire est loin d'être négligeable: croissance économique, industrialisation, amélioration des conditions de vie. De surcroît, à la différence de son oncle, il libéralise son régime dans les années 1860. Sans la catastrophe de Sedan, l'empire aurait pu s'enraciner et la couronne passer à l'héritier du trône impérial. Une synthèse de la monarchie et de la démocratie, c'est la formule que cherchaient à tâtons les Français depuis 1789. Malheureusement, Napoléon III a fait oublier son bilan intérieur par sa politique étrangère aventureuse et chimérique. Il a été écrasé par son nom. La personnalité de Napoléon III reste difficilement déchiffrable.

    Quel regard la IIIe République porte-t-elle sur Napoléon Ier ?

    La IIIe République se fonde contre le régime qui l'a précédée. Déjà, Michelet, ardent républicain, considérait que Napoléon Ier avait confisqué la Révolution. Michelet aimait ce mot du révolutionnaire Anarchasis Cloots: «France, guéris-toi des individus!» Le mot «individu» signifie ici «sauveur». La quête de l'homme providentiel est un legs de la monarchie: Robespierre, Napoléon Ier, Napoléon III… Michelet voyait dans l'engouement périodique des Français pour les «sauveurs» un signe d'immaturité. De même, pour Jules Ferry, Napoléon, c'est le despotisme, l'aventure personnelle, la guerre permanente. Mais la préoccupation principale de ce grand lecteur de l'historien Edgar Quinet reste de dissocier l'idée républicaine de toute complaisance envers la Terreur, très perceptible encore en 1848. Ce sera la tâche des historiens républicains, de Lavisse à Aulard. Dans la mémoire collective, toutefois, Napoléon demeure une gloire nationale, tantôt héritier de la Révolution, tantôt principe d'ordre, et toujours «professeur d'énergie» comme disait Barrès.

    D'où vient cette hantise du déclin qui s'exprime dans notre pays depuis Waterloo ? L'idée de «La France qui tombe», pour reprendre le titre d'un essai à succès, correspond-elle à une réalité ?

    Ce sentiment du déclin se développe surtout après la défaite de 1870-1871. Le traumatisme de l'invasion et de la Commune est profond. Bouvard et Pécuchet, c'est, pour Flaubert, une façon de s'interroger sur les causes du désastre. Taine écritLes Origines de la France contemporainepour répondre à cette question, et Renan La Réforme intellectuelle et morale. La rupture de 1870-1871 ouvre une période de conflits intérieurs permanents: République contre monarchie, crise boulangiste, affaire Dreyfus, séparation de l'Église et de l'État. Après la parenthèse de la Grande Guerre et de l'Union sacrée, les querelles intestines reprennent de plus belle, dans les années 1930 comme pendant la guerre froide. Après 1945, Bernanos écrit que les Français ont renoncé à tout et que c'est fini. La France connaît une crise permanente et le sentiment d'être arrivée au bout de son histoire.

    La France souffre-t-elle d'un « surmoi napoléonien » qui l'épuise?

    La France est une civilisation brillante, « mieux qu'un peuple, une nation », disait Bainville, mais sans aucune cohésion politique. Notre pays n'a pas été uni par le consensus mais par l'autorité et par l'État (longtemps monarchique). D'où la prédilection nationale pour les grands hommes, de Jeanne d'Arc à de Gaulle, qui, dans les temps de crise, lui confèrent une unité qu'il n'a pas. La France n'est pas l'Angleterre, unie autour de ses droits et de ses libertés, ni l'Allemagne, unie par sa langue et sa culture. Ce trait culturel a toujours existé. L'histoire de France est l'histoire de ses divisions. Mais le problème a empiré depuis 1792 car la monarchie était un verrou, un principe d'unité qui s'opposait aux forces centrifuges. Aucun régime n'a été tout à fait légitime depuis. 1830 et 1848 sont davantage des émeutes que des révolutions. Le pouvoir cède très vite. Aujourd'hui encore, si la République n'est plus contestée, elle ne suscite pas forcément d'adhésion active. Il n'y a pas de consensus profond autour d'un projet politique pour la France. C'est l'une des «exceptions françaises» qui étonnent tant nos voisins. 

     

    * Grand historien de la Révolution française et de l'Empire, Patrice Gueniffey, ancien élève de François Furetest, est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Il a également dirigé le Centre de recherches politiques Raymond-Aron. Son dernier ouvrage, «Bonaparte» (Gallimard, 862 p., 30 €), a reçu le grand prix de la biographie historique 2013. Parmi ses ouvrages qui ont le plus marqué figurent La Politique de la Terreur. Essai sur la violence révolutionnaire, 1789-1794 (Fayard, 2000) et Le 18 Brumaire (Gallimard, collection Les journées qui

  • Robert Redeker : « Le but de la politique est la continuation de la nation dans la durée »

     

    Par Alexis Feertchak

    Le mot de « valeur » est prisé à gauche comme à droite. Le philosophe Robert Redeker dénonce dans l'entretien qui suit l'usage de ce terme galvaudé qui dissimule une faillite de la politique et le triomphe du vide idéologique [Figarovox, 16.12]. Sachons reconnaître que lorsque nombre d'intellectuels qui publient, s'expriment dans les grands médias, ont une audience importante, tiennent le discours qu'on va lire, s'insurgent à ce point contre la pensée dominante, lui opposent une contre-culture cohérente et forte, l'on a bien affaire à cette percée idéologique dont parle Buisson. Et dont il dit avoir la certitude qu'elle portera ses fruits. Notre avis est que c'est là un espoir qui - pour cette fois - n'est pas illégitime.  Lafautearousseau   

     

    Le mot « valeur » est partout en politique. On parle sans cesse des valeurs de la République. Qu'y a-t-il derrière l'omniprésence de ce mot ?

    Pas grand-chose de consistant. Les valeurs ne sont ni des idées, ni des concepts, ni des principes. L'invocation politique rituelle des valeurs est une mode très récente. Plongez-vous dans la littérature politique d'il y a une trentaine d'années seulement, écoutez les discours d'alors, vous constaterez l'absence de ce recours obsessionnel aux valeurs. Au lieu de révéler ce que l'on pense, le mot valeur le dissimule. Pourquoi ? Parce qu'il est aussi vague qu'abstrait. Il peut aussi cacher que l'on ne pense rien du tout, que l'on n'a pas de conviction arrêtée, justifier tous les revirements. Le même Premier ministre peut au nom des valeurs user et abuser du 49.3 avant de mettre à son programme présidentiel la suppression de ce 49.3 pour honorer ces valeurs !

    De trop nombreux politiciens sombrent dans l'illusion suivante : les valeurs sont les buts de l'action politique. Pourquoi faire de la politique ? Pour les valeurs ! C'est-à-dire pour du vide ! Funeste erreur ! On fait de la politique pour la nation, pour la France, pour le peuple, pour le social, pour l'histoire, jamais pour des valeurs. Les valeurs ne constituent ni la réalité d'un peuple ni un projet de société, ces objets de la politique. Elles sont trop inconsistantes pour définir un projet de cette nature. Les valeurs ne sont que le cadre à l'intérieur duquel la politique peut se déployer. Elles ne sont pas un programme, elles sont des bornes. Les valeurs sont hors politique, elles sont extrapolitiques. Loin d'avoir affaire aux valeurs, la politique rencontre les projets, les réalités et, par-dessus tout, la nation et le souci du bien commun.

    À gauche particulièrement, ce mot est dans toutes les bouches...

    La rhétorique creuse des valeurs est le linceul dans lequel a été enveloppé le cadavre de la gauche. C'est une thanatopraxie, le maquillage du cadavre. Cette fatigante psalmodie sur les valeurs évoque les récitations funéraires. C'est parce qu'elle est morte, parce qu'elle n'a plus rien à dire, plus rien à proposer pour l'avenir à partir de son passé (le socialisme), que la gauche se gargarise, de tréteaux en tribunes, avec les valeurs. Les valeurs fournissent la matière d'une péroraison se substituant aux défuntes promesses de socialisme (le progrès social, l'émancipation dans et par le travail). La thématique des valeurs est le dispositif que la gauche a bricolé pour basculer de la défense des classes populaires (« les travailleurs » comme, elle disait d'un mot que symptomatiquement elle n'emploie jamais plus) vers celle des minorités sexuelles et ethniques. La gauche a abandonné son projet social (réaliser la justice économique) pour lui substituer un projet anthropologique (l'exaltation des différences sexuelles et culturelles). Le discours sur les valeurs a permis de prendre ce virage. Autrement dit, l'invocation des valeurs est le moyen trouvé par la gauche pour abandonner les classes populaires. L'extrême-droite récupère la mise. Dernier point : ce discours sur les valeurs est aussi l'instance qui la dispense la gauche du devoir d'inventaire. La ridicule prestation de Ségolène Royal aux obsèques de Fidel Castro est, à cet égard, pleine d’enseignements : la gauche ne parvient pas à condamner totalement certaines dictatures sanguinaires, donc à liquider l'inventaire, parce que celles-ci ont prétendu s'appuyer sur les idéaux (l'égalité, la justice, le partage, etc.…) dont elle se veut le bras armé.

    Lors de la primaire de la droite, les électeurs étaient invités à signer la charte des valeurs de la droite et du centre. Pour exprimer leur souhait que la droite retrouve son identité, beaucoup évoquent la « droite des valeurs ». Est-ce le bon chemin que la droite emprunte ?

    Je réponds en trois temps. D'une part, la droite s'est laissé imposer par une gauche pourtant en coma dépassé l'obligation d'en appeler sans cesse aux valeurs. Par la reprise de cette thématique, la droite se croit obligée de répliquer aux accusations permanentes d'anti-républicanisme et au soupçon larvé de racisme, de fascisme, voire d'inhumanité, que la gauche fait peser sur elle. Nous avons dans ce soupçon et dans la propension de la droite à y répondre, l'ultime résidu de feu l'hégémonie idéologique de la gauche. Mieux : la dernière métastase de l'antifascisme. D'autre part, évoquer des « valeurs de droite » revient à les relativiser. Le relativisme pointe le bout de son nez dès que l'on latéralise politiquement les valeurs. Si des valeurs existent, elles sont universelles. Il est plus pertinent de parler d'idées et de programmes de droite ou de gauche.

    À ces deux remarques il faut ajouter une précision. Les valeurs ne sont pas le contenu de l'action politique, mais ses frontières. Elles ne disent rien de positif, elles tracent des limites. Elles définissent un intérieur et un extérieur. La laïcité, par exemple, que l'on hisse au statut de valeur, est une telle frontière : elle exprime une limite à ne pas dépasser dans l'expression publique d'un sentiment religieux. À l'image de toutes les valeurs elle fonctionne comme le démon de Socrate : une voix intérieure qui dit non. Ainsi de toutes les valeurs. Ces frontières s'imposent à la droite comme à la gauche.

    Une civilisation est-elle définie par des valeurs, des coutumes, des attachements ?

    Pas uniquement. Les aspects dont vous parlez procurent à l'existence collective d'un peuple sa couleur, sa particularité. Si on se limite à ces aspects, on parlera plutôt d'une culture. La culture, toujours particulière, toujours bornée, toujours nationale, est le terreau à partir duquel une civilisation peut germer et se développer. Une civilisation se définit par ce qu'elle donne au monde, et qui est pourtant marqué du sceau de la culture qui la nourrit. La France donne au monde, entre autres choses, Molière et Stendhal, dont les œuvres n'auraient pu voir le jour ailleurs. Elle donne au monde son architecture, sa musique, ses savants, et même sa gastronomie… C'est le don irremplaçable, insubstituable, qui définit une civilisation plutôt que seulement ses valeurs et coutumes.

    La référence aux valeurs va souvent de pair avec le discours « droits-de-l’hommiste ». N'y a-t-il pas un paradoxe entre des valeurs qui peuvent impliquer une forme de relativisme et des droits de l'homme qui sont considérés comme naturels et objectifs, dépassant les volontés humaines ?

    Les droits de l'homme, devenus les droits humains, sont une invention métaphysique du XVIIIe siècle. Ils sont suspendus dans les nuées. Ils servent de principes structurant l'action politique, et non, comme les valeurs, de frontières. Ils sont affirmatifs, positifs, et non limitatifs, négatifs. La différence est alors celle-ci : posés au départ, les droits de l'homme ne sont pas déduits, ils sont une hypothèse politique, tandis que les valeurs sont un résultat, une construction politique. Plutôt que de paradoxe, je parlerai de jeu, comme d'un roulement à billes « qui a du jeu » : une valeur comme la laïcité trace la frontière que la liberté de penser et de croire, comprise dans les droits de l'homme, ne peut dépasser. Néanmoins il faut éviter d'être la dupe de ces droits de l’homme : ils n'ont rien d'évidents ni de nécessaires, ils sont une illusion métaphysique propre à une certaine civilisation. Ils n'auraient pu être inventés ailleurs que dans l'Europe chrétienne et rationaliste. Ils sont enfants d'une certaine civilisation, la nôtre. Ils ne sont pas universels, mais universalisables.

    L'histoire est faite de mots comme la nation ou la République qui sont davantage des êtres voire des personnes morales et fictives que des concepts ou des idées. Diriez-vous que l'abus du mot « valeur » traduit une certaine impuissance du politique, qui n'est plus en prise avec le réel ?

    Guettée par le relativisme, souvent thanatopraxique, la péroraison sur les valeurs fait oublier l'essentiel, qui est ceci : le but de la politique est d'assurer la survie d'un peuple dans la durée malgré les vicissitudes et selon le souci du bien commun. La République est une structure politique, qui dans notre histoire s'est appelée tantôt monarchie, tantôt empire, ou tantôt « république » (au sens de démocratie). La nation est l'âme de cette structure. C'est une âme qui survit à chaque vie individuelle qu'ainsi qu'aux différents états de la République (les régimes politiques). C'est aussi une âme fragile, qui peut disparaître si on ne la nourrit pas (par la transmission). Qu'est-ce que l'éducation publique sinon une forme de transmigration de cette âme, la nation, qui renaît de génération en génération ? L'éducation est bel et bien une métempsychose politique. Le but final de la politique est la continuation de la nation dans son originalité irremplaçable par-delà l'existence et les intérêts de chacun. C'est de cela bien plus que des valeurs que gauche et droite doivent parler. 

    « La culture, toujours particulière, toujours bornée, toujours nationale, est le terreau à partir duquel une civilisation peut germer et se développer »

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    Professeur agrégé de philosophie, Robert Redeker est écrivain. Il a notamment publié Le soldat impossible (éd. Pierre-Guillaume de Roux, 2014) ; Bienheureuse vieillesse (éd. du Rocher, 2015) et dernièrement L'École fantôme (éd. Desclée De Brouwer, 2016). 

    Alexis Feertchak  

  • Livres • La traque de Mohamed Merah

     

    par Anne Bernet

     

    938307326.pngPersonne n’a oublié l’affaire Merah. D’abord traités avec une désinvolture par les médias et la classe politique, focalisés sur les prochaines élections présidentielles, les assassinats, début mars 2012, dans la banlieue toulousaine et à Montauban, de quatre soldats des régiments parachutistes, commencèrent d’intéresser quand on s’avisa que, toutes d’origine nord-africaine ou antillaise, les victimes auraient pu être la cible d’un tueur raciste et, de préférence, d’extrême-droite, thèse bonne à exploiter tandis que s’accentuait dans les sondages la poussée du Front National. L’atroce massacre perpétré la semaine suivante dans la cour d’une école juive de Toulouse, qui tua un jeune enseignant, ses deux petits garçons et une fillette, les autres enfants devant miraculeusement la vie à une défaillance de l’arsenal du criminel, en commotionnant à juste titre l’opinion, parut pain béni pour discréditer la droite nationale. Jusqu’au moment où la police, officiellement lâchée sur les traces d’un monstre fasciste, remonta la piste d’un terroriste islamiste, ce qui faisait moins bien dans le tableau …

    Conseiller spécial de Claude Guéant, alors Ministre de l’Intérieur, Hugues Moutouh, dans ce récit sans surprises – tout ayant déjà été dit – des événements, tient beaucoup à convaincre que cette fausse piste relevait de la haute stratégie destinée à tromper Merah, non d’un sordide calcul électoraliste, et que s’acharner à traquer des militants du Bloc Identitaire plutôt qu’un « loup solitaire » djihadiste ne contribua pas à permettre l’attaque de l’école juive. Allez savoir pourquoi, ce plaidoyer pro domo, comme d’ailleurs tout le reste du livre, sonne faux, vide et creux… 

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    168 heures chrono ; la traque de Mohamed Merah, de Hugues Moutouh, Plon, 193 p., 16,90 €.

  • Tristan Mendès-France : un adversaire peu convaincant des opposants au masque, par Yves Morel.

    Source : https://www.politiquemagazine.fr/

    Ou comment un prétendu sociologue est érigé en sévère spécialiste des déviants qui refusent l’ordre macronien.

    L’heure est à la distanciation sociale et au port obligatoire du masque. Cette dernière mesure est la plus symbolique, la plus contraignante et, donc, logiquement, celle qui suscite le plus de controverses et d’oppositions.

    Bien que l’on nous répète à qui mieux mieux, sur toutes les chaînes de télévision et dans tous les journaux, qu’elle est bien accueillie ou plutôt bien acceptée par la population, et que, à l’appui de ces dires, on ne nous montre pratiquement, interrogées dans le rue, que des partisans du masque ou des personnes dociles soucieuses de ne pas sortir du rang des moutons, surtout devant une caméra, elle est, en fait, ressentie comme une contrainte physique (en particulier, elle nous prive d’air et embarrasse donc sérieusement notre respiration), une contrainte sociale et politique et une atteinte à la liberté individuelle par de nombreux Français qui n’osent se rebeller, et sont intimidés par les arguments invoqués par le corps médical et les pouvoirs publics à l’appui de son application. L’intimidation, le conformisme, le manque de franchise et de courage jouent à fond, puissamment confortés par le politiquement correct et le terrorisme intellectuel.

    Le déchaînement médiatique contre l’opposition au port obligatoire du masque

    Pourtant l’opposition au masque et aux mesures restrictives de liberté commence à se faire jour dans notre pays. Elle  est hétéroclite, disparate, contradictoire, parfois déraisonnable, et certains de ses arguments portent à faux…  mais pas tous, loin de là. Bref, un mouvement « anti-masques » se fait jour en France.

    Il n’en faut pas plus pour que se déchaînent contre lui les médias. Il faut tuer dans l’œuf ce mouvement naissant, avant qu’il ne prenne quelque ampleur. Voilà comment on entend la liberté d’opinion en France, dont les habitants, réputés si souvent pour leurs individualisme anarchisant et leur inclination naturelle à la révolte, sont en fait d’un conformisme et d’un suivisme on ne peut plus déroutants.

    Un prétendu spécialiste du mouvement anti-masque consacré par les médias

    Cependant, le déchaînement médiatique ne suffit pas ; il importe que le mouvement soit dénigré par un homme reconnu comme une autorité intellectuelle en la matière. En l’occurrence, cet homme, c’est Tristan Mendès France, TMF, pour nous.

    Celui-ci est  couramment présenté, par les présentateurs des JT et autres émissions d’information, comme un « sociologue », maître de conférence associé à Paris VII,. Et cette double qualité lui vaut d’être considéré comme éminemment compétent pour traiter du mouvement d’opposition au port obligatoire du masque. D’aucuns pourraient même croire qu’il est LE spécialiste de ce mouvements, le connaissant parfaitement et seul habilité à le juger, dans la mesure où il est l’unique intellectuel invité par les chaînes de télévision à s’exprimer sur ce sujet. Les téléspectateurs fidèles aux JT de TF1, France 2, France 3, BFMTV ou autres chaînes de télévision inclinent donc tout naturellement à penser que si Monsieur Tristan Mendès France émet un jugement négatif et réprobateur sur le mouvement d’opposition au masque, c’est que ce dernier est, à n’en pas douter, un groupement de gens ignorants, irresponsables, sottement individualistes, menés par des hommes et des femmes systématiquement hostiles à l’État et à toute autorité, d’extrême gauche, ou, bien pire encore (et plus certainement) d’extrême droite, adeptes de théories « complotistes », et prompts à faire dangereusement sombrer dans les registres du passionnel, de l’idéologie et de la politique partisane, la question du masque et de la distanciation sociale, laquelle relève de mesures de salut public intéressant la vie des Français, et de la seule compétence des médecins et microbiologistes.

    Quand Monsieur Tristan Mendès France parle, on ne discute plus. Il ne vient à l’idée de personne que les mouvements hostiles au masque pourraient avoir raison, au moins en partie, qu’ils ne correspondraient pas à l’idée et à l’image que Monsieur Mendès France donne d’eux, et que ce même Monsieur puisse se tromper et n’avoir aucune compétence particulière en la matière. Les titres de Monsieur Mendès France, sociologue, maître de conférence à Paris, ses passages fréquents sur toutes les chaînes, attestent de sa compétence, d’uns solidité d’acier trempé, et étincelante comme les diamant le mieux travaillé.

    Une qualité d’universitaire largement usurpée

    Mais, à l’examen, le diamant apparemment le plus travaillé peut se révéler du toc, de la verroterie. Et, pour la plus grande déception des téléspectateurs qui l’écoutent, admiratifs et soumis, nous craignons que la prétendue compétence de Monsieur Mendès France soit du toc.

    En premier lieu, contrairement à la définition que donnent de lui les journalistes, Tristan Mendès France n’est pas sociologue (c’est l’appellation que lui donne régulièrement le sous-titre de présentation de sa personne, à chacune de ses apparitions à l’écran). Du point de vue professionnel, il apparaît comme un spécialiste des techniques modernes de communication et d’information (spécialement d’Internet et des réseaux sociaux), ce qui n’est pas du tout la même chose, et est beaucoup plus restreint que la sociologie. Il n’a reçu aucune formation de sociologue. Quant à ses titres universitaires, ils n’ont rien d’impressionnant, à moins dire. Enfin, ses travaux de chercheur, sont on ne peut plus modestes.

    Né en 1970 à Bordeaux, Tristan Mendès France a d’abord effectué des études de droit à l’université de Paris I, où il a obtenu une maîtrise de droit public en 1995. Il a ensuite entrepris des études de doctorat en science politique, au sein de la même université, sous la direction de Lucien Sfez, juriste connu. Mais, après l’obtention du diplôme d’études approfondies (DEA), en 1996, il a abandonné l’élaboration de sa thèse. Car, chemin faisant, il s’est découvert une passion nouvelle, différente de la science politique : l’étude des techniques modernes de communication, justement. Mais, dans cette nouvelle spécialité, il n’a pas poursuivi d’études et n’a obtenu aucune qualification universitaire. Ce qui fait que le diplôme universitaire le plus élevé de Tristan Mendès France est son DEA de science politique, obtenu en 1996.

    Normalement, cette sous-qualification aurait dû lui interdire l’accès à des fonctions de maître de conférences, puisque celles-ci exigent la possession d’un doctorat (lettres, sciences) ou d’une agrégation spécialisée (droit, science politique, sciences économiques, médecine, pharmacie).

    Mais aucune porte ne se ferme devant un Mendès France, fils d’un mathématicien universitaire (Michel Mendès France) et petit-fils de Pierre Mendès France, président du Conseil sous la IVe République, gloire politique du parti radical et de toute la gauche française durant des décennies. Et, ainsi, grâce à cet efficace viatique et à ses relations, notre Tristan devint assistant parlementaire du sénateur socialiste Michel Dreyfus-Schmidt (1998-2008), puis « intervenant » à l’École des hautes études en sciences de l’information et de la communication-CELSA, de 2008 à 2018,  poste qui lui servit de tremplin pour accéder à celui de maître de conférence associé (en sciences de la communication et techniques numériques) à l’université Paris VII-Denis Diderot, en 2018, sa fonction actuelle. Il est vrai qu’il n’est que maître de conférence associé. Tristan Mendès France est donc entré à l’Université par la bande, par la périphérie, et par le seul jeu de sa naissance et de ses relations, malgré des titres universitaires des plus modestes, et a accédé à une fonction d’enseignant-chercheur de rang magistral au mépris des exigences de diplômes requises pour celle-ci. Son titre d’universitaire, quoique légal, est donc largement usurpé, et son obtention relève du copinage, du passe-droit et du privilège indu. Or, c’est sur lui que repose son crédit intellectuel et moral auprès des téléspectateurs. Sur lui plus que ses autres « références ». Car TMF a d’autres activités, surtout  sur le web, a un blog et a participé à quelques émissions culturelles.

    Certains nous reprocheront de pinailler sur de basses questions de titres universitaires, et nous feront observer que TMF s’est peut-être distingué par des travaux personnels en sociologie, en sciences de la communication ou sur d’autres sujets. Las ! Là encore, ses admirateurs déchanteront : la production écrite de notre héros n’a rien d’époustouflant. Citons ses ouvrages connus, à ce jour : Une tradition de la haine : figures autour de l’extrême droite, Paris, Paris-Méditerranée, coll. « Documents, témoignages et divers », 1999 (en collaboration avec Michaël Prazan, un documentariste), La Maladie numéro neuf : récit historique d’après le Journal officiel du 3 décembre 1920, Paris, Berg international, 2001 (avec le même collaborateur), Docteur la mort : enquête sur un bio-terrorisme d’État en Afrique du Sud, Lausanne-Paris, Favre, 2002., Gueule d’ange : nationalité : Argentin ; activité : tortionnaire ; statut : libre, Lausanne-Paris, Favre, 2003. Tout cela ne relève nullement de la recherche, mais du simple militantisme, et n’atteste donc d’aucune compétence de type scientifique. En outre, ces écrits sont étrangers à la question de la crise sanitaire que nous connaissons actuellement.

    Tristan Mendès France est donc un universitaire recruté dans des conditions discutables, au mépris des exigences de titres requis pour sa fonction, et un militant, un essayiste et un blogueur dont les productions sont dénuées de valeur scientifique.

    Un spécialiste qui ne nous apprend rien sur le mouvement qu’il dénigre

    Il est vrai que c’est surtout par la parole qu’il a pris position contre les adversaires du port obligatoire du masque. Ses propos, à ce sujet, sont-ils éclairants, riches d’enseignement, propres à stimuler la réflexion ou à emporter la conviction ?

    Pas du tout ; ils se révèlent d’une banalité confondante. Notre homme ne nous apprend rigoureusement rien sur le mouvement qu’il dénigre. Il n’est que d’écouter ses propos enregistrés sur Twitter le 27 juillet dernier. TMF parle, à très grands traits (on devrait dire « à très gros traits ») de la naissance et du développement du mouvement d’opposition au port obligatoire du masque, dans le monde.  Il déclare : « il [le mouvement] a d’abord incubé, il a mûri aux Etats-Unis. Il est passé en partie par le Canada francophone qui a francisé, entre guillemets, les argumentaires, les thèmes, les visuels. [?] » Que M. Mendès France nous excuse, mais ces propos ne nous éclairent  guère : tous ceux qui écoutent les JT et font quelque modeste recherche sur Internet, qui lisent tant soit peu la presse écrite, n’ont pas eu besoin de lui pour connaître les origines américaines et québécoises du mouvement anti-masques. TMF, ensuite, caractérise ainsi ce mouvement : « C’est un regroupement hétéroclite d’individus qui sont tout simplement contre le port du masque pour des raisons parfois assez farfelues. Les anti-masques peuvent aller du ʺ je ne suis pas confortable avec ʺ  à ʺ je crois que ça ne marche pas ʺ  et ça peut aller jusqu’à des délires complotistes complètement dilatés [?]. » Le mouvement anti-masques, il est vrai, manque d’unité, de cohérence. Tristan en profite pour lui attribuer l’adjectif péjoratif d’ « hétéroclite », qui sous-entend nettement un manque de sérieux. Et il balaie d’un revers de main les objections des opposants au masque. Il note que les uns se plaignent de l’inconfort, de la gêne que leur occasionne le masque, sous-entendant, là encore qu’il s’agit d’une raison peu sérieuse. Or, l’on sait que le masque rend la respiration très difficile, privant d’air son porteur, provoque en lui une sensation d’étouffement et de chaleur, et qu’il est, de fait, extrêmement pénible à supporter. Il suffit d’interroger les gens pour s’en rendre compte ; mais nos télévisions ne daignent nous montrer que des personnes satisfaites ou résignées à une mesure qu’elles estiment « nécessaire » parce que les médias le leur ont chanté sur tous les tons et les ont abreuvées ou matraquées de cette idée. Donc, pour TMF, ceux qui se plaignent de cette gêne physique du masque sont des gens difficiles, trop délicats, capricieux et inciviques. D’autres affirment que « ça ne marche pas », selon TMF. Notre prétendu sociologue note ce fait sans daigner examiner les raisons que ces gens peuvent avoir de penser cela. Donc, pour lui, leur opinion est tout à fait gratuite, et dénuée de tout argument, autrement dit de tout sérieux. Enfin, il observe que  certains donnent dans des « délires complotistes ».

    Un prétendu danger, purement fantasmatique

    Décidément, ces anti-masques sont des têtes légères incapables d’étayer leur opposition sur des arguments pertinents, dépourvues d’idées sérieuses, et qui, en tant que tels, ne valent pas la peine que l’on s’intéresse à eux. Pourtant, ils représentent, sans même en avoir conscience, un danger social majeur, qu’il importe de conjurer. Sinon, vous pensez bien que M. Tristan Mendès France n’interviendrait pas dans ce débat, et qu’on ne le dérangerait pas pour rien.

    Le refus du masque, procédant d’un délire complotiste, « peut-être mortel », nous assène TMF. Rien que ça. Et notre spécialiste de présenter ainsi l’argumentaire anti-masque : « C’est un phénomène extrêmement grave, parce que c’est un discours anti-science, un discours anti-santé publique alors qu’on en a véritablement besoin aujourd’hui plus que jamais. »Pas moins. Les opposants au port obligatoire du masque sont des délirants, hostiles à la science, et qui n’ont cure de la santé de leurs compatriotes ; ce sont des fous, des égoïstes irresponsables (puisque fous), et dont l’action risque de compromettre les efforts de nos dirigeants et de nos vaillants médecins pour enrayer l’actuelle pandémie coronovirale. TMF ne le dit pas, mais la conclusion qui s’impose est que ces gens doivent être combattus sans pitié, et surtout sans que leurs arguments – in essentia absurdes, voire nuls et non avenus – soient examinés. On ne saurait discuter avec des gens qui sont à la fois contre la science et contre la santé de la population. D’autant plus que pour ces désaxés, la question du masque est secondaire : en fait, ils s’opposent systématiquement à tout ce qui se présente comme une obligation : « Aujourd’hui, c’est le masque, demain, ce sera le vaccin. », nous assène TMF, qui donne à cette attitude l’explication suivante : « tout cela est les symptômes (sic), en gros, du discrédit de la parole publique en général et notamment du fait que les gens s’informent mal, et notamment lorsqu’ils s’informent via les réseaux sociaux. »

    L’épouvantail de l’extrême droite

    Mais qui sont donc ces anti-masques ? Réponse de TMF : « On trouve des gens politisés qui ont un agenda politique ; on trouve ça plutôt à l’extrême droite, on a des groupuscules qui cherchent véritablement à tirer profit de cette contestation, de cette indignation autour du masque. » Ainsi, le mouvement anti-masque serait l’émanation de « groupuscules » politisés, d’extrême droite surtout qui cherchent, par ce truchement, à émerger sur la scène politique. Leur opposition est donc bassement politicienne… et maudite, l’ extrême droite représentant l’horreur absolue. TMF se garde bien de dire ce qui lui permet d’affirmer que l’extrême droite représente une composante importante, voire déterminante du mouvement anti-masques.

    Qui est complotiste, qui délire ?

    Selon TMF, ce sont les réseaux sociaux qui font de ce mouvement un danger pour la santé publique et la démocratie. Écoutons-le : « Les réseaux sociaux sont une chambre d’écho naturelle pour ce type de contestation complotiste. Ça leur permet d’avoir un écho qui va bien au-delà de la réalité de ce qu’ils représentent. Une force de frappe qui va au delà de la réalité sociale qu’ils représentent. » Les anti-masques sont donc une toute petite minorité d’irresponsables, de complotistes délirants, d’individualistes forcenés et de militants extrémistes (de droite, principalement), fous, ignorants, obscurantistes et sans intelligence, mais ils peuvent tout de même devenir dangereux de par leur propagande sur les réseaux sociaux, qui leur servent de caisse de résonance. Et TMF d’exprimer ainsi ses craintes pour l’avenir : « Mon inquiétude est que ce discours autour du masque se politise sur la scène publique française et que le masque devienne un enjeu de combat politique. C’est le cas déjà aux Etats-Unis, et ça a des conséquences dramatiques sur la politique de santé publique américaine. Mon inquiétude, aujourd’hui, évidemment, c’est que cette question du masque devienn

  • Gravité de la Crise : L'heure de la politique... par Hilaire de Crémiers.

                Toutes les solutions possibles et imaginables pour sortir de la crise sont mauvaises. Et, de toutes façons, ne résoudront pas cette crise, au fond.

                La solution est donc politique, au sens fort et premier du terme, donc institutionnelle...

                C'est ce que pense Hilaire de Crémiers, qui l'écrit dans son article paru dans Politique Magazine - Juillet/Août 2010 (n° 87) :

                L’heure de la politique - Il n’est pas sûr que les Français sachent ce qui les attend, ni ce que devrait être une politique française....

    L’heure de la politique

    Il n’est pas sûr que les Français sachent ce qui les attend, ni ce que devrait être une politique française.

                Nul ne peut plus y échapper : la rigueur est maintenant …de rigueur. C’est un changement de mentalité qui va devoir s’imposer. Pendant des décennies, une, puis deux générations d’hommes de nos pays occidentaux, essentiellement dans les classes dirigeantes, ont cru au progrès indéfini que rendait possible le prodigieux développement des sciences et des techniques. Et ils pensaient que la croissance économique qui en était le fruit, serait également indéfinie. Dans leur esprit, il suffisait de toujours la doper par des procédés habiles pour obtenir les résultats escomptés.

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    Le mythe

                Et comme, dans leurs croyances, cette croissance était la fin de toutes choses, le seul but recherché de l’activité humaine, l’unique conclusion de tous leurs raisonnements, en quelque domaine que ce fût, la politique elle-même n’était plus qu’un outil subordonné. Les hommes politique, en somme, n’étaient plus chargés que d’organiser la société des loisirs, de l’abondance, du bonheur, au fond d’assurer la répartition des richesses. C’était les thèmes des campagnes électorales. Certes, il était reconnu que cette machinerie économique provoquait des dégâts sociaux et environnementaux ; il était même concédé que ces dégâts pouvaient être dramatiques, mais il suffisait d’intégrer un souci écologique, une préoccupation sociale dans les programmes électoraux pour justifier l’utilité de l’action politique. Le devoir de l’homme politique était, en fait, d’atténuer les inconvénients du système,  d’améliorer la qualité de vie, de créer des filets sociaux pour rattraper les laissés-pour-compte de la merveilleuse croissance, de la mirifique mondialisation.

                Les regards étaient détournés de la dégradation morale et sociale de quartiers entiers, de zones de plus en plus nombreuses et lépreuses, des effroyables conséquences humaines d’une immigration incontrôlée, mais aussi bien, et sans doute encore plus gravement, des fractures profondes d’une société qui ne se reconnaissait plus dans les principes qui l’avaient constituée. Peu importait : il fallait avancer toujours dans la même direction.

                Les disputes sérieuses n’éclataient que sur des questions de pilotage de la société, la plus essentielle étant de savoir qui la piloterait ! Lui, elle, ou moi ! Question primordiale !

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    Une classe politqiue qui, insensiblement mais inexorablement, s'éloigne de plus en plus des préoccupations immédiates des Français...
    Qui pilotera : lui, elle ou moi ?...

                En France, les 35 heures, la retraite à 60 ans participaient de cette croyance. L’Etat pourvoyait et continuerait à pourvoir à tout. Pour tous.

                La gauche faisait son beurre des progrès économiques et les transformait en acquis sociaux. La droite ne revenait jamais sur ces avancées ; elle ne faisait que les aménager. Le slogan de Nicolas Sarkozy en 2007 était « travailler plus » : c’était « pour gagner plus ». Il n’était jamais dit que c’était tout simplement nécessaire.

                L’essentiel des débats de fonds portaient sur les choix dits sociétaux : affirmation indéfiniment répétée du droit imprescriptible de dire et de faire n’importe quoi, de sa vie, de la vie des autres, avec pour seule norme morale et politique de ne jamais enfreindre les règles du « politiquement correct » qui servent d’armature à cette société politique en déliquescence.

                Tout cela a été admirablement dit et décrit par quelques philosophes sociaux, insuffisamment écoutés parce que leurs propos dérangeaient : des Jean-François Mattéi, des Chantal Delsol, pour ne citer qu’eux.

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     "...avec pour seule norme morale et politique de ne jamais enfreindre les règles du « politiquement correct » qui servent d’armature à cette société politique en déliquescence..."

    …et la réalité

     

                Et puis voilà que la réalité aujourd’hui, explose. Et cette réalité ne correspond plus au schéma habituel. Il est instructif de voir l’attitude des gouvernants français. Ils voient…et ils ne voient pas ; ils savent…et ils ne savent pas. C’est comme un refus d’examiner la réalité qu’ils sont cependant dans l’obligation d’examiner.

                Qui ne se souvient de Nicolas Sarkozy qui, au début de cette année 2010 si tragique, voulut rencontrer des Français sur un plateau de télévision pour répondre publiquement à leurs questions : oui, disait-il, « ça » allait mal ; mais « ça » irait mieux, question de volontarisme. La croissance allait reprendre, la chère croissance, et le chômage baisser et tout s’arranger ; l’épreuve serait de courte durée !

                Impossible de tenir pareil discours aujourd’hui ! Et pourtant, en ce début d’été, les calculs gouvernementaux s’accrochent encore à des hypothèses de croissance de 2,5 % pour les années à venir. C’est que le gouvernement a besoin de ce chiffre pour que son compte soit bon : rentrées de recettes fiscales, amélioration des comptes sociaux ; 35 milliards, grâce à cette prévision, arriveraient dans les caisses de l’Etat, lesquels s’ajouteraient à 65 milliards récupérés sur les restrictions budgétaires, les niches fiscales, l’arrêt des crédits de relance. Et voilà, croit-on, les 100 milliards atteints qui sont nécessaires au rééquilibrage des comptes de la nation et à la réduction des déficits qui est exigée tant par les marchés que par les instances européennes et mondiales !

                Mais si…Oui, si…si « ça » ne se passe pas ainsi, comme, étant donné la crise, c’est plus que prévisible…Si les manettes qu’on s’imagine tenir, ne fonctionnent plus, si la croissance se dérobe, si la baisse des recettes fiscales se poursuit, si les déficits du coup s’aggravent, si la dette devient de plus en plus chère, ce qu’elle est en passe de devenir, si les taux s’élèvent dangereusement, si la situation n’est plus tenable, si…

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     "Mais si…Oui, si…si « ça » ne se passe pas ainsi, comme, étant donné la crise, c’est plus que prévisible…Si... si... si..."

                La France a cru échapper à la rigueur ! Ne pas employer le mot, ne pas imaginer la chose est tout à fait caractéristique d’un certain état d’esprit. Mais voici que le spectre de cette rigueur abhorrée se profile à l’horizon de la rentrée : elle s’annonce en même temps que la réforme des retraites, car les déficits sociaux de 35 milliards qui ne peuvent aller, eux aussi, qu’en augmentant, ne permettent plus d’atermoyer ou de tergiverser. En même temps, le gel des dépenses frappera tous les ministères. Il a été question du gel des salaires des fonctionnaires. L’Etat n’assurera plus – et de loin – les dotations dont les collectivités territoriales ont besoin pour assumer toutes les charges dont les compétences leur ont été transférées, surtout en matière sociale. Ces mêmes collectivités territoriales sont endettées et, pour beaucoup, chargées de mauvaises dettes aux taux qui ne font qu’empirer, impossibles à gérer, que l’imprévoyance politicienne a laissé s’accumuler.

                Tout arrive en même temps : c’est dit, c’est  non dit. Quelques hauts fonctionnaires voient… quelques hommes politiques, extrêmement rares… Claude Guéant a voulu signifier à la communauté financière dans un entretien au Financial Times à la mi-juin que la France avait quelque conscience du drame qui se jouait.

                La Commission européenne dans ses recommandations du mois de juin souligne l’insuffisance des ajustements français qui sont fondés, dit-elle, « sur un scénario macro-économique beaucoup trop optimiste » ; la croissance ne sera pas à 2,5 %, mais au mieux à 1,5 %. Et le commissaire Olli Rehn, chargé des affaires économiques et monétaires, d’insister sur les risques relatifs à de fausses hypothèses de croissance et de rentrées fiscales.  Les conséquences de la crise et les décisions prises vont peser sur l’endettement français qui atteindra les 88 ou 89 % du PIB en 2011, et sans doute plus en 2012, si des corrections ne sont pas apportées. Plus de 100 % ?

                Autant dire que le plan Fillon, comme la plupart des plans, ne correspond déjà plus à la situation.

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     "...le commissaire Olli Rehn "voit" des prévisions françaises basées "sur un scénario macro-économique beaucoup trop optimiste ; la croissance ne sera pas à 2,5 %, mais au mieux à 1,5 %..."

     La politique à l’heure de vérité

     

                Au mois d’avril dernier, Papandréou avait tenu aux Grecs un discours d’union nationale. Il affirmait gravement que c’était l’avenir même de la Grèce qui était en jeu. Mais ce discours était tenu trop tard : la tempête due à l’irresponsabilité démocratique et à l’endettement massif ne pouvait plus être détournée.

                La crise sonne l’heure de la politique responsable. L’économie et les finances, aussi importantes soient-elles, sont subordonnées à la décision politique. C’est ce à quoi s’essaye Barak Obama, malgré ses propres préjugés, en affirmant, autant qu’il le peut, une autorité souveraine face au défis du monde : sauver les Etats-Unis, sauver la nation, voilà la règle. À l’heure de la marée noire et des risques financiers majeurs, c’est une évidence. La Chine dans sa volonté de puissance ne connaît que ce seul but national et c’est la raison de toutes ses décisions, y compris d’ajustement monétaire.

                La chancelière allemande, malgré sa situation politique difficile, s’est fixé pour objectif, comme toute son équipe gouvernementale, de tirer l’Allemagne de la crise, de défendre ses intérêts. Elle sera implacable. Elle a imposé sa loi à l’Europe sur les budgets, sur les règles, sur les plans, sur les sanctions. L’Allemagne ne garde, ne gardera l’euro qu’à ces conditions. Elle a décrété son propre plan d’économies de 80 milliards sans prévenir personne. Nicolas Sarkozy se trouve refait sur ses prétentions à une gouvernance économique européenne dont l’Allemagne ne veut pas plomber son redressement. Elle sait où sont ses intérêts et ses zones d’influence. N’a-t-elle pas la suprématie en Europe, même dans l’agro-alimentaire où, maintenant, elle efface la France ?

                David Cameron et son chancelier de l’Echiquier, George Osborne, ont présenté leur projet de « budget d’urgence » qui est le plan d’austérité le plus stricte qu’ait connu la Grande-Bretagne depuis la Seconde Guerre mondiale : 88 milliards de livres (106 Mds d’euros) sur les quatre ans qui viennent, dont 34 milliards de livres (41 Mds d’euros) dès la première année. Réduction drastique de toutes les dépenses , augmentation de tous les impôts…C’est qu’il faut absolument éviter une dégradation de la notation de la dette souveraine. L’Angleterre en est là, mais elle le sait. Et l’Angleterre ne pense qu’à l’Angleterre et tant pis, même pour les Etats-Unis qui ne s’y retrouveront pas.

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    Au G 20 de Toronto.
    Anglais, Chinois, Allemands, Etats-Uniens... pensent à eux, et à eux seuls.
    Et la France ?
    "Ce qu’elle semble vouloir sauver, c’est l’euro, la zone euro, la gouvernance européenne…la gouvernance mondiale…et son système de retraite par répartition !"

                L’Espagne, l’Italie, le Portugal n’arrivent pas à donner la même impression d’énergie. L’Espagne est terriblement grevée par l’état de ses banques et par les actifs douteux du secteur immobilier. Les taux de ses obligations d’Etat à 10 ou 30 ans ne cessent d’augmenter ; la barre des 5 % est ou est sur le point d’être franchie ; et il lui faut trouver 110 milliards d’ici la fin de l’année.

                Et la France ? Terrible question. Ce qu’elle semble vouloir sauver, c’est l’euro, la zone euro, la gouvernance européenne…la gouvernance mondiale…et son système de retraite par répartition !

                Au G20, à Toronto les 26 et 27 juin, elle prétend briller et imposer ses vues. Mais ses partenaires décideront sans elle, y compris sur les taxes bancaires et les régulations financières, en fonction de leurs intérêts : ce sera déjà fait quand ce magazine paraîtra.

                La BCE, dans son bulletin mensuel de juin, a signalé le risque d’une insolvabilité de plusieurs grosses banques européennes : « La probabilité d’un défaut simultané d’au moins deux groupes bancaires importants et complexes de la zone euro a fortement augmenté le 7 mai à des valeurs plus hautes qu’au lendemain de l’effondrement de Lehman Brothers… ». Autant dire que la crise est devant nous. A bon entendeur, salut.

                Dans de telles circonstances il faudrait un gouvernement français qui ne pensât qu’à la France. La politique française retrouverait quelque grandeur.

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  • La Fabrique du crétin. 2e livraison, par Jean-Paul Brighelli.

    Apprentissage de la lecture à Clamart, 2006. SIPA. 00537617_000005

    Jean-Paul Brighelli partage avec nous l'introduction de son prochain livre. 2e livraison

    Chers lecteurs, je profite de ces vacances pour écrire mon dernier livre sur l’état de l’Ecole, à paraître en janvier prochain. L’idée m’est venue de vous en soumettre les chapitres essentiels, afin de tenir compte de vos réactions. Aujourd’hui, La question de la langue, 1ère partie. Bonne lecture et n’hésitez pas à commenter, même avec férocité, cette analyse dernière, après 45 années passées dans un système éducatif désormais exsangue.

    5.jpgQuand on entre dans le corps principal de bâtiment rue de Grenelle, un escalier s’offre à vous, sur votre gauche. Montez quelques marches, et sur le mur sont accrochés les portraits de tous les ministres de l’Education depuis les débuts de la IIIème République. On y conserva longtemps le portrait de l’infâme Abel Bonnard, avant que François Bayrou ne le fasse décrocher et renvoyer aux poubelles de l’Histoire.

    Le bras armé du ministère

    De tous ces visages qui vous regardent monter, il est bien difficile d’en identifier plus d’une quinzaine — même pour un spécialiste de l’Education. C’est un ministère où l’on est rarement nommé pour ses compétences spécifiques. Qui se souvient par exemple de Lucien Paye (1961-1962), de Pierre Sudreau (d’avril à octobre 1962), ou même de Christian Fouchet (1962-1967) ? Qui se rappelle qu’Alain Peyrefitte, passé de l’Information à l’Education, était rue de Grenelle en 1968 — et que François-Xavier Ortoli lui succéda durant deux mois, le temps d’expédier les affaires courantes avant l’arrivée d’Edgar Faure, qui ne resta qu’un an mais marqua réellement de son empreinte la vie éducative ?

    Et d’ailleurs, quelle importance ? Le bras armé du ministère, là où se fait vraiment le travail, c’est la DGESCO — Direction Générale de l’Enseignement Scolaire. Une Direction que l’on ne connaît guère, mais qui assure l’essentiel du travail, quand le ministre — et cela est souvent arrivé — se cantonne dans des activités de représentation. Par exemple sous le règne de Najat Vallaud-Belkacem, c’est Florence Robine, ex-professeur de Physique, qui fut le bras armé du ministère. ON la récompensa en la nommant rectrice de l’Académie de Nancy-Metz, puis ambassadeur de France en Bulgarie — elle avait enfin atteint son niveau d’incompétence, comme dit Peter Lawrence…

    Quelle langue française ?

    De 1962 à 1965, c’est un certain René Haby, ex-instituteur et agrégé d’Histoire, qui la dirigeait, et qui assura la continuité des services sous trois ministres aussi peu compétents les uns que les autres. Le même qui sera Ministre de l’Education sous Giscard, de 1974 à 1978. Le collège unique, la promesse de la « réussite pour tous », c’est lui. Mais pas seulement.

    Pendant que De Gaulle défendait le France et le franc, soutenait le Concorde et faisait des misères au grand frère américain, René Haby lança deux commissions qui visaient l’une et l’autre à étudier une importante question : quelle langue française voulait-on transmettre aux enfants dans les écoles de la République ?

    Comment, me direz-vous ? Il n’y en a pas qu’une ?

    Tout dépend du point de vue. On avait gardé longtemps les mêmes programmes de Français — en 1945 on reprit les programmes de 1923, très normatifs, qui consacraient à l’apprentissage de la grammaire, étudiée en soi, de larges créneaux horaires. Vers la fin des années 1950, l’arrivée en Primaire de la première fournée du baby-boom et la prolongation de la scolarité obligatoire, décrétée par le ministre Berthoin (qui ça ?) en 1959, amenèrent le ministère à reconsidérer (prudemment) la question. On chargea donc un Inspecteur général, Marcel Rouchette, de diriger une Commission pour réfléchir à la question : quelle langue voulait-on / devait-on enseigner aux élèves ? On a appelé cette période la Rénovation. A posteriori, le mot a quelque chose de profondément ironique. Il s’agissait, pratiquement, d’une subversion de la langue et de son apprentissage.

    La commission Rouchette travaille donc la question de 1963 à 1966. Une ère d’expérimentation s’ouvre en 1967 — jusqu’en 1972. Les Instructions officielles sont publiées à la fin de cette dernière année. Pompidou, qui lorsqu’il était Premier ministre avait sérieusement freiné les ambitions réformatrices, n’est déjà plus en état de s’y opposer.

    Dès le début, deux conceptions s’affrontent. Pour Michel Lebettre, directeur des enseignements élémentaires et complémentaires, la fonction de l’école primaire est de fournir des bases solides pour la poursuite de la scolarité en renforçant les deux disciplines fondamentales, le français et les mathématiques. L’enseignement de la grammaire est central et presque autonome car il permet d’aborder l’apprentissage du latin qui commence au collège. C’est une approche logique de la langue qui vise l’efficacité et repose sur la mémorisation, prélude à toute activité d’expression orale et écrite. Ainsi, on acquiert les connaissances en français en répétant et en appliquant les règles, comme le rappelle Michel Lebettre dans sa circulaire : « Il est donc recommandé instamment aux maîtres des classes élémentaires de consacrer tous leurs efforts à fixer de manière durable, dans ces diverses matières [les disciplines fondamentales, français et calcul], les connaissances prévues par les programmes. Ils n’y parviendront qu’au prix de répétitions fréquentes et d’exercices nombreux. La réhabilitation du rôle de la mémoire, qu’amorçaient déjà les instructions du 20 septembre 1938, devra donc être reprise car il n’est pas douteux que, pour de jeunes enfants, le « par cœur » ne soit la forme la plus authentique et la plus durable du savoir. »

    Traduisons. Rien ne remplacera jamais le « par cœur » ; la grammaire et l’orthographe doivent être étudiées en soi et pour soi — l’apprentissage de la langue est donc normatif ; et la formation reçue en Primaire doit préparer à l’excellence au lycée — rappelons que les sections « classiques », avec latin, sont alors préférées aux sections « modernes ». Lebettre s’inscrit donc dans la lignée exacte des Instructions de 1923 à 1938, les dernières à avoir été visé par Jean Zay, ministre (de gauche) de l’Education depuis juin 1936 — et assassiné en juin 1944 par des miliciens venus le quérir dans sa prison de Riom où l’avait enfermé la justice de Pétain — aménageant une peine initiale de condamnation au bagne, comme Dreyfus.

    Je précise cela à l’intention de ceux qui s’imaginent que la Gauche a toujours été du côté des « réformateurs ». Franc-maçon, Jean Zay a fait des études de Droit, il a adhéré jeune aux Jeunesses laïques et républicaines, il est à l’aile gauche du Parti Radical. Il a déjà prolongé l’obligation scolaire de 13 à 14 ans. Et l’une de ses circulaires interdit le port par les élèves de tout signe politique ou religieux. « L’enseignement public, dit-il, est laïque. Aucune forme de prosélytisme ne saurait être admise dans les établissements. » On mesure ce qui s’est perdu, à gauche et plus généralement dans la société française, avec nos débats actuels sur le voile, le burkini et les horaires dissociés pour les femmes musulmanes dans les piscines.

    Construire son savoir tout seul

    À la conception traditionnelle de Lebettre s’oppose la conception « novatrice » des partisans de la pédagogie Freinet, soutenus au ministère par Roger Gal, chef de la recherche pédagogique à l’Institut Pédagogique National, qui sera toujours le fer de lance des réformistes — ou le ver dans le fruit, comme vous voulez.

    L’idée est que grammaire et orthographe sont communs à toutes les disciplines, et n’ont pas à être étudiées en soi. « Refusant la seule mémorisation des règles, la commission réclame un apprentissage reposant sur « l’activité intelligente des élèves », c’est-à-dire proposant des observations des faits de langue », résume très bien Marie-France Bishop dans un article publié dans Le Télémaque en 2008. Ou si l’on préfère, c’est à l’élève de relever les règles et les particularités de la langue, au hasard de ses lectures. De cette opposition naîtra un peu plus tard l’affrontement entre les partisans de la grammaire de phrase, qui s’appuient sur un apprentissage systématique des règles, et ceux de la grammaire de texte, où l’on fait de la grammaire à l’occasion de la lecture, mais jamais en soi. Et où les élèves découvrent par eux-mêmes les règles qui régissent les mots qu’ils lisent. Ils construisent déjà leurs savoirs tout seuls…

    Le rapport remis à René Haby en 1963 concluait pourtant à « consolider l’acquisition des trois connaissances fondamentales : lecture, écriture, calcul. » Mais le directeur des services d’enseignement ne l’entend pas de cette oreille. Il veut réformer « les programmes et les horaires », mais aussi « les méthodes et l’esprit même qui anime cet enseignement. »

    Arrêtons-nous un instant sur ce lien entre « horaires » et méthodes ». Rien de gratuit ni de fortuit, jamais, dans les décisions ministérielles. Ce qui se dessine dans les instructions de René Haby, c’est la possibilité, qui sera exploitée à partir des années 1980, de réduire drastiquement des horaires dédiés au français sous prétexte que c’est la langue utilisée en maths ou en Histoire, et que donc on peut considérer que tout ce qui se dit ou s’écrit en français est… du français : de ce qui était l’étude systématique de la langue on fera donc une discipline transversale. On pourra donc, à partir de cette observation fallacieuse, diminuer les horaires consacrés à la discipline, et, partant, les postes d’enseignants. La commission Rouchette transforme l’apprentissage du Français en apprentissages des situations de communication. D’où l’accent mis sur l’oral — c’est pratique, on n’y voit pas les fautes d’orthographe — et spécifiquement la langue orale des élèves. Se faire comprendre (« Moi Tarzan… Toi Jane… ») l’emporte désormais sur la qualité de l’expression.

    Le bon usage

    On parlait alors de « démocratisation ». Plus tard on utilisera le mot « massification ». Le quantitatif détrône le qualitatif. On ouvre la chasse à l’élitisme, bête noire des pédagogies de masse. Ce n’est pas anecdotique. Notre langue est traversée depuis l’origine par la question du « bon usage » — ce n’est pas par hasard que le dernier des grammairiens normatifs, Maurice Grévisse, intitule ainsi sa Grammaire en 1936 — et régulièrement mise à jour dans les décennies suivantes. L’expression vient de Vaugelas, qui en 1650, dans ses Observations sur la langue française, notait que le bon usage était « la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d’écrire de la plus saine partie des auteurs du temps. » Il entendait proscrire le « gascon », comme on appelait uniformément tous les patois, et les bizarreries et créations verbales osées par certains littérateurs. En 1650, le « bon français » est parlé par cent mille personnes, tout au plus, sur 12 millions d’habitants. Aujourd’hui, quel serait le pourcentage de gens s’exprimant avec une vraie correction, sur 67 millions de Français ?

    Il s’agissait donc de décomplexer les nouveaux arrivants en Sixième, en baissant drastiquement le seuil d’exigences. Un exemple entre mille : le mot « réaction » disparaît des programmes, replacé par celui d’« expression écrite », qui est tout autre chose. L’oral, en bon français, est encore de l’écrit. Mais l’expression écrite suggère d’inverser les termes, de façon à faire de l’écrit un mime de l’oral le moins maîtrisé. À terme, c’est la prépondérance du « français banlieue » dont nous voyons aujourd’hui la déferlante. La montée en puissance, dans les années 1960, de la linguistique dans les études universitaires explique les choix faits par la commission — et les options ultérieures. La linguistique saussurienne met en avant la communication, considérée comme la principale fonction du langage. Et la linguistique transformationnelle chomskienne, qui déboule à l’orée des années 1970, explique les délires de « génétique de la langue » qui amèneront des maîtres un peu dépassés à imposer aux élèves des « arbres » germinatifs et génératifs censés expliquer le fonctionnement de la phrase.

    Atout supplémentaire et non négligeable pour les idéologues qui s’imposent alors : les parents, peu au fait du langage et du fonctionnement de ces modèles linguistiques, ne pourront pas aider leurs enfants — ce qui égalise les chances, paraît-il. De même les « maths modernes » sont incompréhensibles pour des « géniteurs d’apprenants » qui avaient appris les maths « à l’ancienne ». Et parmi les méthodes d’apprentissage du Lire / Ecrire, la méthode dite « idéo-visuelle » (improprement appelée « semi-globale », elle consiste à associer une image et un mot) est préférée au B-A-BA qui avait fait ses preuves depuis deux siècles, parce qu’elle permet aux classes défavorisées d’augmenter rapidement leur sac de mots — sac que les privilégiés avaient empli en famille. Le souci permanent, en ces années réformatrices, est l’égalisation des conditions — ce qui ne fera que renforcer leurs différences.

    Un plafond de verre… opaque

    Parce qu’il faut être clair. En se livrant à cette inversion des valeurs, le ministère choisissait, sous prétexte de « démocratisation », la mise à l’écart des Français appartenant aux couches les plus populaires, et préservait ceux qui étaient issus des classes les plus favorisées. Si l’on cesse d’apprendre le « bon » français à ceux qui n’en savent rien, on les condamne de fait à rester dans leur médiocrité, alors même qu’ils pouvaient s’en extraire. Sous prétexte d’uniformiser, on a réalisé ce qui, chez Bourdieu et Passeron, n’était encore qu’une prédiction : la conservation des « héritiers », leur « reproduction », et à terme la prédominance de la « noblesse d’Etat » telle qu’elle se perpétue à travers les grandes écoles — qui avaient pourtant permis, entre les années 1940 et 1970 au petit Bourdieu, fils de paysans ( et reçu à l’ENS-Ulm en 1951) et au petit Brighelli, de souche tout aussi humble (reçu à l’ENS-Saint-Cloud en 1972) d’aller au plus haut de leurs capacités. Les disciples de Bourdieu et Passeron (les Héritiers remonte à 1964, c’était l’actualité des membres de la commission Rouchette) ont œuvré en toute innocence, je préfère le croire, à contrarier les tendances lourdes dénoncées par les deux sociologues — et ce faisant, ils les ont renforcées. En 1972, la proportion d’élèves des Grandes Ecoles issus des classes défavorisées ne dépassait pas 10%. Elle est aujourd’hui, après tous les programmes de discrimination positive et d’aide aux boursiers, de moins de 2%.

    Pourquoi ?

    Parce qu’on a cessé de donner aux déshérités les codes du bon langage et de la culture bourgeoise (et si j’en crois Marx, il n’y en a pas d’autre, parce que la culture est celle de la classe au pouvoir : parler de « culture jeune » ou de « culture banlieue est une sordide plaisanterie). Parce que le plafond de verre qui les empêchait souvent d’accéder aux emplis supérieurs s’est opacifié. Et la décision de supprimer l’épreuve de culture générale dans divers concours a renforcé la sélection sociale : il faut être singulièrement ignorant de la langue pour croire qu’on ne repère pas instantanément, à sa façon de parler, un élève qui ne sort pas de la cuisse de Jupiter. La sélection sociale, qui était réelle, s’est renforcée dès lors qu’elle est devenue diffuse, et non sanctionnée par des épreuves spécifiques. On a lentement épuré le système de tous les exercices qui en constituaient l’ossature — ainsi la dissertation française, remplacée en 1998 par le « résumé-discussion », qui impliquait plus

  • Notre-Dame de Paris, prochaine victime de l’idéologie du dépoussiérage

    Une tribune de Bérénice Levet

    blue-wallpaper-continuing-background-wallpapers-bigest-images - Copie.jpg Les progressistes qui nous gouvernent sont incapables de concevoir que les chefs-d’œuvre du passé comme la cathédrale de Paris sont en avance sur nous, s’alarme ici Bérénice Levet*. [Le Figaro, 24.04]. Cette tribune consacrée à « Emmanuel Macron et Notre-Dame de Paris », nous a vivement intéressés. Elle ne manquera pas de retenir l'attention des lecteurs de notre site. C'est, dans le trouble et l'émotion qui ont suivi l'incendie de Notre-Dame « une cure d'altitude mentale ».   Lafautearousseau. 

     

    XVMfc375418-65cd-11e9-886f-2e1105865bd6-250x250.jpgDécidément, depuis quelques mois, quoi qu’il advienne, le président Emmanuel Macron est rappelé à cette vérité, cruelle pour lui : il n’est pas à la tête d’une start-up nation mais d’un peuple, c’est-à-dire d’une communauté, historiquement constitué, héritier d’une longue, d’une très longue histoire. Et à laquelle il est infiniment attaché.

    L’émoi, l’ébranlement, l’anxiété qui ont saisi les Français lorsqu’ils ont découvert, lundi dernier, la cathédrale Notre-Dame de Paris en proie aux flammes, l’a une fois encore vérifié.

    Cette nuit-là, pour paraphraser Paul Valéry, Notre-Dame n’a pas péri, mais s’est sentie périr. Venue d’une autre rive temporelle, Notre-Dame de Paris nous dit l’épaisseur des siècles dont nous sommes les héritiers et les débiteurs. Elle nous rappelle que nous ne sommes pas que des hommes du XXIe siècle, et c’est bien pourquoi nous ne devons jamais la conjuguer au présent.

    « Ce que nos pères nous ont dit », c’est le titre que le maître de Proust en matière d’art, John Ruskin, devait donner à la série d’ouvrages qu’il projetait de consacrer aux cathédrales après l’écriture de sa Bible d’Amiens. En vertu de leur pérennité, de leur potentielle immortalité, - qui tient à leur essence, au fait de n’être ni des produits de consommation, ni de simples objets d’usage, car si la cathédrale a bien une fonction religieuse, sa magnificence ne s’explique que par sa destination, elle est bâtie ad majorem gloriam dei - avec les œuvres d’art, les monuments composent ce que Hannah Arendt appelait « la patrie non mortelle des êtres mortels ». Monde commun des vivants et des morts.

    Les cathédrales renvoient aux fondements de notre civilisation, à ses fondations en un sens très concret, à ce qu’on acceptera d’appeler les racines chrétiennes de la France, pourvu qu’on y entende monter la sève qui irrigue et inspire et non ce qui immobilise, fixe et fige. Les bâtisseurs des cathédrales sont d’abord les bâtisseurs d’une civilisation - à laquelle nous ne tenons plus que par des fils ténus. Et si nous avons tant tremblé au cours de la nuit du 15 au 16 avril, hantés par la perspective d’un éboulement complet de Notre-Dame, c’est que sa disparition eût été comme l’indice d’un fil qui se rompait, d’une page qui se tournait.

    Aussi longtemps que ces témoins du passé demeurent fièrement debout, nous ne pouvons pas tout à fait oublier qui nous sommes. « Ce n’est pas le curé de l’église voisine qui a converti nos enfants et nos frères, écrivait Emmanuel Levinas, c’est Pascal, c’est Bossuet, c’est Racine, ce sont les bâtisseurs des cathédrales de Chartres et d’ailleurs. » Les cathédrales nous sont une inlassable piqûre de rappel de ce que l’histoire de la France ne commence pas avec nous, non plus avec la Révolution et la Déclaration des droits de l’homme, qu’une patrie n’est pas qu’ensemble de valeurs ou alors des valeurs incarnées à la fois par des hommes et précisément par ces chefs-d’œuvre de pierre qui disent l’âme d’un peuple.

    Or, dès le lendemain de la catastrophe de Notre-Dame, le 16 avril au soir, Emmanuel Macron a tenu à prendre la parole. Et la tonalité de son « adresse aux Français », ainsi qu’il l’a présomptueusement qualifiée, fut celle d’un chef d’entreprise obsédé de « positive attitude », galvanisant ses troupes à grand renfort de formules managériales - « devenir meilleurs que nous ne le sommes » - et cédant, nous y sommes accoutumés, à ce verbiage destiné à satisfaire en même temps progressistes et conservateurs. À l’attention de ces derniers, le président ne manque pas d’évoquer la « continuité qui fait la France », cette « France spirituelle ». Volontarisme de surface pour mieux dissimuler ses manquements, et le mot est faible, en matière de politique patrimoniale.

    Enfant gâté trépignant d’impatience, avant même qu’un état des lieux n’ait été établi, Emmanuel Macron fixait une échéance : « Je veux que ce soit achevé d’ici cinq années. » Attitude qui témoigne d’un esprit consumériste qui a pénétré jusqu’au sommet de l’État : tout, tout de suite ! Depuis, la question agite les médias : cinq années, est-ce réalisable ? Cette question est hors de propos et étrangère à l’esprit des bâtisseurs de cathédrales.

    Loin de la compassion que Simone Weil promettait aux choses qui se découvrent à nous « belles, précieuses, fragiles et périssables » - et c’était bien ce que l’incendie venait de nous révéler : l’altière et souveraine Notre-Dame de Paris, qu’on voulait croire éternelle, pourrait ne plus être -, le tour que prend la reconstruction de Notre-Dame fait songer au philosophe Gunther Anders décrivant la psychologie des modernes : « Tout pouvant être reconstruit, l’anéantissement n’est pas si grave et peut même être une chance. » Non seulement reconstruit mais, chance plus grande encore, remplacé. Dans le monde des progressistes, « plus de perte, plus de deuil - ce mot si humain », commente magnifiquement mais tristement le philosophe. Et c’est ce que nous devions apprendre le lendemain. Les vivants, les contemporains étaient appelés à remplacer les morts.

    Dès le 17 avril, Edouard Philippe annonçait en effet le lancement d’un concours international pour reconstruire la flèche afin de trancher la question de savoir si on la reconstruisait à l’identique selon les plans de Viollet-le-Duc ou bien si l’on prenait le parti de « doter la cathédrale d’une nouvelle flèche adaptée - mot talisman des progressistes - aux techniques et aux enjeux de notre présent ». L’Élysée annonçait que le président souhaitait qu’un « geste architectural contemporain puisse être envisagé ». Traduisons : l’incendie qui a détruit la flèche nous offre enfin l’occasion de dépoussiérer Notre-Dame, de la mettre au goût du jour.

    On notera l’ingratitude à l’égard de Viollet-le-Duc qu’une telle décision implique : profiter ainsi de l’incendie qui a détruit son œuvre pour le faire lui-même flamber dans un grand feu grégeois est d’une extrême brutalité. Comment ne pas songer à T.S. Eliot dénonçant « le provincialisme non de l’espace mais du temps ; pour lequel le monde est la propriété des seuls vivants, propriété où les morts n’ont pas de place » ?

    Ainsi après Molière, Racine, Mozart, après le Louvre et sa galerie Médicis investie par le ver de terre de Jan Fabre rampant au pied des Rubens, après Versailles colonisé par le « vagin de la reine » d’Anish Kapoor, la place Vendôme défigurée par le « plug anal » de McCarthy, Notre-Dame risque-t-elle bien d’être la prochaine victime de cette redoutable esthétique du dépoussiérage et de l’actualisation. Anne Hidalgo proposera peut-être d’y percher le bouquet de tulipes de Jeff Koons accepté par la Ville de Paris mais dont personne ne sait réellement que faire ?

    L’homme cultivé, disait Hannah Arendt, se reconnaît à ce que nous pouvons compter sur lui pour prendre soin des œuvres d’art. Cela vaut pour une nation. S’il est un domaine où il faut redevenir conservateur, c’est bien, avec l’école, celui de la culture. Si notre président tient absolument qu’à quelque chose malheur soit bon, ce ne peut être qu’à instaurer une politique patrimoniale digne de ce nom. La charge symbolique de Notre-Dame est assurément incommensurable mais l’identité de la France au sens le plus charnel du terme, sa physionomie dépend intensément de la pérennité de ses églises, de ses clochers, de la persistance de ce « blanc manteau d’églises » dont s’est tôt revêtue la France.

    « Alors oui, nous rebâtirons la cathédrale, plus belle encore », s’est enthousiasmé Emmanuel Macron. Parole par excellence de progressiste, incapable de concevoir que le passé puisse avoir quelque avance sur nous et assuré qu’aujourd’hui ne peut qu’être supérieur à hier. Invitons notre président à méditer, devant le vitrail de la cathédrale de Chartres les illustrant, les célèbres paroles de Bernard de Chartres : « Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants. Nous voyons ainsi davantage et plus loin qu’eux, non parce que notre vue est plus aiguë ou notre taille plus haute, mais parce qu’ils nous portent en l’air et nous élèvent de toute leur hauteur gigantesque. »    

    * Bérénice Levet est docteur en philosophie et professeur de philosophie au Centre Sèvres. Elle vient de faire paraître Libérons-nous du féminisme !  aux éditions de l'Observatoire, 2018. Elle avait publié précédemment « Le Crépuscule des idoles progressistes » (Stock, 2017) et « La Théorie du genre ou Le Monde rêvé des anges », préfacé par Michel Onfray (Livre de poche, 2016). 
  • Journal d’été, par Hilaire de Crémiers (I/II)

    hilaire[1].jpg(Directeur de Politique magazine, Hilaire de Crémiers propose également, sur son Blog, de courtes vidéos dans lesquelles, en 4 à 5 minutes, il explique et commente l'actualité nationale et internationale (politique, économique, religieuse, "sociétale"...); ainsi que des analyses fouillées sur l'oeuvre de Charles Maurras; et des textes ou des vidéos sur la crise, la politique, la politique religieuse...)

    Voici ses réflexions, intitulées "Journal d'été", qui paraîtront dans le prochain numéro de La Nouvelle Revue universelle...

    Quels sont les événements importants de ces derniers mois d’été ? En dehors des nouvelles ordinaires qui ornent de leur banalité la médiocrité de notre quotidien politique, économique et social, et en dehors des faits divers tragiques qui suscitent l’intérêt éphémère de l’univers médiatique, le temps de compter les morts et les blessés, juste le temps de compter !

    Le Pape François ou la parole libérée.

    pape_francois_vatican.jpgLes politiciens en quête de gloire éphémère et de popularité évanescente n’y peuvent rien. Malgré toute leur communication, la vedette sur l’affiche leur a encore été ravie. Le pape, toujours et encore le Pape ! Le nouveau comme ses prédécesseurs l’emporte en prestige, en audience et, par-dessus tout, en qualité de discours et d’écoute sur tout ce qui peut se proclamer et s’annoncer dans le monde. Et il l’emporte de beaucoup ; et, encore plus, de très haut !

    Ce que le successeur de Pierre, revêtu d’humilité et enveloppé de la seule aura christique et ecclésiale, dit en toute simplicité à trois millions de jeunes rassemblés sur la célèbre plage de Rio, aucun chef de parti à travers le monde n’en est capable, n’en a même l’idée. Ce lui est impossible, hors de portée. Et heureusement !

    Les politiciens ne savent plus, et depuis longtemps, que parler argent, répartition de richesses qu’ils ne créent pas, idéologie à la mode, sauce socialiste ou libérale, c’est du pareil au même, aussi factice que totalitaire, et tandis que les droits les plus élémentaires des personnes sont bafoués, ils promeuvent à coup de discours démagogiques le droit de n’importe qui à n’importe quoi, une sorte de droit de tous à tout sauf au vrai, au bien et au beau ; ce que les politiciens savent le mieux faire et le plus efficacement, c’est, en invoquant l’évolution de la société qu’eux-mêmes provoquent, favoriser les vices qui offrent à de pauvres gens qu’ils frustrent des vrais biens spirituels, les compensations misérables d’un matérialisme niais et pervers qui achèvent de les tuer moralement et physiquement. Que veulent dire au juste ces innombrables « il faut », « on doit » qui scandent leurs discours en leur donnant une allure morale : des prescriptions de quatre sous qui n’ont rien de moral, des obligations qui n’en sont pas, des impératifs catégoriques à prétention économique et sociale qui n’engagent personne et surtout pas eux. C’est toujours l’argent des autres qui payent les générosités de leur fallacieuse et dispendieuse solidarité. Rien de plus hypocrite !

    En face le Pape – et François sait que son discours est de portée politique – parle aux jeunes de foi, d’espérance et de charité, et son langage est immédiatement pratico-pratique. La générosité à laquelle il appelle, est effective ; elle exige le don total de soi, don non à soi-même, non à sa carrière – fût-elle ecclésiastique, il l’a précisé – ni à l’argent ni au pouvoir, mais au Christ et pratiquement à l’autre. Un ordre social pourrait alors renaître où la justice ne serait plus un vain mot ni la charité qui s’en distingue, une satisfaction de compensation à une injustice fondamentale.

    Ainsi l’évêque de Rome – c’est le titre qu’il revendique et qui, en effet, le spécifie – délivre-t-il son enseignement aussi simple que direct, sans besoin d’autre appareil – pas même ecclésial, pas même curial – que l’affirmation de sa foi qui fonde sa légitimité. C’est bien ainsi et mieux que toutes les combinaisons de partis et d’appareils, fussent-ils, répétons-le, ecclésiastiques ! 

    pape francois jmj copacabana.JPG

    Largement plus de trois millions de jeunes sur la plage de Copacabana : avec celle des JMJ de Manille, autour de Jean-Paul II, la plus grande foule de l'histoire de l'humanité... 

     

     

    La révolution franciscaine.

    Il est allé très loin. S’en est-on rendu compte suffisamment ? Il a osé dire aux jeunes d’être « révolutionnaires », de se « révolter » contre le faux ordre mondial – et qui se veut « moral » – que les hommes (et les femmes !) de pouvoir et d’argent des oligarchies qui nous gouvernent, prétendent imposer à l’encontre des lois de la nature, de la vie, de la conscience, à l’encontre des conditions mêmes du vrai bonheur qui ne saurait s’établir sur les débris de la réalité. « Révoltez-vous », a lancé le Pape. Et il a précisé : « Allez à contre-courant » d’une société de mort. Bravo ! Voilà ce qui s’appelle réagir.

    Il a tout dit en quelques mots : « Cette civilisation mondiale est allée au-delà des limites ». Il s’est expliqué : « Dans cet humanisme économiste qui nous a été imposé dans le monde, s’est développée une culture du rebut… » Et il répète ce qu’il dit depuis le début de son pontificat : « Tout est soumis au culte du dieu argent ». La société moderne élimine tout le reste, enfants à naître, jeunes, vieillards, pauvres et exclus en tous genres. Et évidemment le Christ. L’homme n’est plus qu’un sujet et un objet de consommation, jetable comme le reste, « au nom de l’efficacité et du pragmatisme ».

    Il faut y opposer la foi, « mettre la foi » en nous et dans le monde. Et la foi « ne se passe pas au mixeur » ! Quelle parole ! Une révolution copernicienne est à opérer, « celle qui nous enlève du centre et met Dieu au centre. ». Car « la foi est révolutionnaire et moi je demande à chacun de vous aujourd’hui : es-tu prêt, es-tu prête à entrer dans toute cette onde révolutionnaire de la foi ». Dans un autre discours, le pape François s’est exclamé : « Ayez le courage d’aller à contre-courant de cette culture ! » Et il propose comme modèle le combat des Maccabées. C’est clair, non ? C’est ce qui s’appelle une entrée en résistance. Et au nom de la Vérité qui est le Christ. Il tiendra le même langage de fermeté aux évêques, aux prêtres, aux religieux, aux séminaristes. « Il faut vaincre l’apathie en donnant une réponse chrétienne aux inquiétudes sociales et politiques ».

    Il s’agit d’un véritable engagement que propose François, presque en son nom personnel : il n’y a pas à « regarder la vie du balcon »…Et voici ce qui résume finalement le mieux tout son message : « Dans la culture du provisoire, du relatif, beaucoup prônent que l’important, c’est de jouir du moment, qu’il ne vaut pas la peine de s’engager pour toute la vie, de faire des choix définitifs « pour toujours », car on ne sait pas ce que nous réserve demain. Moi, au contraire, je vous demande d’être révolutionnaires, je vous demande d’aller à contre-courant, oui, en cela je vous demande de vous révolter contre cette culture du provisoire. »

    Telle est la théologie de la libération du Pape ! Se libérer du péché d’adhésion, de ralliement à des structures qui peuvent être dites justement structures de péché, de ce système qui nous emprisonne malgré son apparence libéralo-libertaire et qui est le pire de tous les « meilleurs des mondes ».

    La vérité se trouve au bout de cette rébellion qui ne peut être que permanente, contre ces structures d’oppression mentale et de misère morale autant que matérielle dont les lois impies enserrent les peuples qui n’en peuvent mais, en ne leur dispensant dès la petite enfance que des programmes de mort et de haine, en ne cherchant qu’à détruire et supprimer tout ce qui relève de la vie : le mariage, la famille, l’enfance, la vieillesse, l’éducation, le patrimoine vrai et réel, la vie sociale, les mœurs, les métiers, les simples bonheurs des gens, les nations, les héritages spirituels et moraux des peuples. Comme le Pape a raison ! Que cette dénonciation est juste !

    ARGENT.JPGPratiquement, comment faire ? D’abord il n’y a aucun compte à tenir et surtout dans sa vie personnelle, au plus intime de soi, de cette législation de mort, de ce pouvoir de corruption, stigmatisé comme tel par le Pape François à de nombreuses reprises, pouvoir dont il dit qu’il est né de la corruption et qu’il ne puise sa force que dans la corruption. Premier devoir : rompre spirituellement avec « ça ». La vraie liberté, elle est là. Là, le salut de demain. Se débarrasser, d’abord intérieurement, puis ensuite extérieurement de cette superstructure, mentale autant que politique, qui s’est imposée presque, pour ainsi dire, comme norme universelle, où argent – le malhonnête argent – et pouvoir – le malhonnête pouvoir – font bon ménage, où hommes d’argent – du malhonnête argent – et hommes de pouvoir – du malhonnête pouvoir – se retrouvent partout et toujours de connivence pour déverser sur les électeurs, dits citoyens, indéfiniment la même mortelle logomachie dans les mêmes forums, s’autorisant des mêmes institutions nationales et internationales qui sont devenues des machines partisanes à leur service puisque leurs appareils les ont entièrement envahies pour les transformer en relais de pouvoir. Oui, d’abord pour soi, pour sa propre hygiène mentale et morale, faire comme si ce monde de perversité n’existait pas, penser et agir dans sa vie autrement comme si le prétendu pouvoir de ces oligarchies n’avait aucune influence sur nous, voilà le premier pas et ce premier pas est immense.

     

    La leçon pour la France.

    C’est exactement le sens qu’il convient de donner au mouvement qui a dressé une saine partie du peuple de France contre la stupidité du mariage dit pour tous et les effroyables conséquences sur la moralité publique et sur la conception même de la filiation et de l’humanité qui en seront l’inéluctable suite. Les hommes et les femmes de gouvernement et leurs sbires qui ont fait passer une telle loi, sont littéralement indignes de gouverner. Qu’ils imposent leurs fantasmes à leurs pareils si ça leur chante, mais pas au peuple de France en tant que tel. C’est un abus et même une usurpation de pouvoir. Quelle est leur autorité pour légiférer sur ce qui ne saurait relever de leur juridiction ? à moins qu’ils ne se prennent pour des dieux ! C’est devenu une loi de la République, clament les parangons du système. Et voilà prêts à céder des hommes politiques qui pourtant n’étaient point favorables à une telle loi, mais qui sont tout à coup timorés devant la violence du système, voilà prêts à se rallier une fois de plus des évêques- pas tous heureusement, loin de là ! – sans force morale, complices de la confortable bien-pensance officielle et entraînés par la facilité de la prétendue adaptation au monde, à l’encontre même des paroles de Benoît XVI et de François qui affirment hautement que « la première urgence » dans le corps épiscopal, « c’est le courage » ! « Le courage de contredire les orientations dominantes est aujourd’hui particulièrement urgent pour un évêque ». Alors, qu’est-ce que cette couardise ?

    republique ideologique.JPGEt puis, la République est-elle donc une déesse ? Faut-il y sacrifier ? La mettre au-dessus du bon sens, de la conscience, du droit, de la justice et, enfin, pour les croyants, de Jésus-Christ ? Le problème, en France, est là. Qu’est-ce que cette République ? La république, en bon latin, c’est la chose publique. Ce ne devrait pas être une idéologie. Il y a là une conception totalitaire qui n’a fait et ne fait que du mal à la France réelle. Comment ne pas le voir ? L’idéologie qui se couvre du mot « République » en est-elle pour autant plus digne de croyance ? « Je dois tout à la République », disent certains. Mais non, vous devez tout à vos parents et à vos éducateurs et aux honnêtes gens que vous avez rencontrés.

    Cahuzac aussi était un homme de la République ; c’en était même un grand-prêtre ; il avait tous ses grades maçonniques, il tenait le langage convenu des hommes de pouvoir ; et qui peut dire que les motifs de son action n’étaient pas parfaitement républicains ? Qui pourrait en jurer ? Il est à noter qu’il n’est pas en prison, alors qu’un autre qui ne présenterait pas les mêmes estampilles, y serait jeté illico, et pour bien moins que ce que l’ex-ministre du budget a commis. Alors, ce républicain de Cahuzac, fallait-il le croire au motif qu’il incarnait la République ? Car il l’incarnait fort bien, avec le verbe haut, le menton énergique, la vertu dans les tripes. Et les autres du même acabit, particulièrement ses anciens comparses, amis, congénères ? Tous ceux qui se sont ligués, hommes d’argent et de pouvoir, pour mettre cette loi du prétendu mariage pour tous en priorité du programme hollandais ?

    D’ailleurs, cette loi n’est jamais qu’une loi et quelle autorité si extraordinaire faut-il accorder à des lois que des majorités changeantes font et défont au gré des circonstances, comme les lois sur les retraites par exemple ? À moins que cette loi-là précisément soit à part. En fait, oui. Elle a été votée dans l’esprit même que le Pape François a si vivement critiqué et condamné ; c’est l’esprit d’une certaine oligarchie qui a décidé de refaçonner le monde à l’image de ses fantasmes financiers, « sociétaux », idéologiques dont elle fait une question de pouvoir. Une question essentielle et existentielle pour elle ! (suite et fin lundi...).

  • Retour sur le dernier livre de Pierre Manent : apprendre à vivre avec l'islam ?

     

    Nul ne conteste la qualité, l'intelligence des travaux de Pierre Manent. Nous en traiterons avec respect. Toutefois son dernier petit livre, Situation de la France, soulève, comme il l'avait lui-même prévu, de nombreuses et fortes réserves. La courte recension qu'en a fait Anne Bernet, publiée dans Lafautearousseau le 8 novembre dernier, a été suivie de substantiels commentaires, desquels nous dégageons celui de Jean-Louis Faure qui a été, à juste titre, qualifié de remarquable et réjouissant de lucidité. Qu'en pensons-nous, nous-mêmes ? Comme nombre d'intellectuels catholiques, avec différentes nuances (Frédéric Rouvillois, François Huguenin...), Pierre Manent tente ce qui nous apparaît comme une improbable et périlleuse conciliation entre identité française et accueil de l'Islam. Y croit-il vraiment lui-même ? En tout cas, il ne (se) cache pas la difficulté de l'entreprise, cette sorte de ligne idéale qu'il définit et qu'il propose. « ... Dans un pays de marque chrétienne… c’est un chef d’œuvre d’imagination et de modération qu’il est demandé aux uns et aux autres de réaliser … c’est cette opération suprêmement délicate que nous avons à conduire ensemble … ».  Nous craignons simplement que la recherche d'un idéal si improbable fasse surtout courir au pays un risque supplémentaire, n'accrédite des illusions sans lendemain mais non sans conséquences et n'affaiblisse notre volonté identitaire. Dirons simplement que nous partageons sur l'essentiel l'analyse de Jean-Louis Faure, reproduite ci-après. LFAR    

    Le commentaire de Jean-Louis Faure 

    Donc Mme Bernet est tombée sous le charme. Une phrase pour dire qu’il n’existe pas encore de peson pour mesurer l’intelligence …

    Ce que je lis chez Pierre Manent :

    L’explication-valise d’une Europe intellectuellement diminuée par l’assassinat industriel des juifs. Ce qui est à peine excusable chez le pseudo historien Paxton au café du commerce, est inacceptable sous la plume d’un grand historien des idées politiques tel que Manent. L’assassinat industriel de populations fut une méthode de gouvernance du léninisme et du stalinisme, dans des proportions jamais vues dans l’Histoire, sauf en Vendée sous la terreur jacobine (voir Nicolas Werth, « la route de Kolyma » ; et « l’ivrogne et la marchande de fleurs »).

    La colonne vertébrale de ce petit travail est toute dans cette remarque: « … nous observons l’extension et la consolidation du domaine des mœurs musulmanes plutôt que son rétrécissement ou son attiédissement dans notre pays. Ce fait social est aussi le fait politique majeur que nous avons à prendre en compte. Le prendre en compte, c’est d’abord consentir à admettre que sur ce fait nous n’avons que très peu de pouvoir. Nos concitoyens musulmans sont désormais trop nombreux, l’islam a trop d’autorité, et la République, ou la France, ou l’Europe trop peu d’autorité pour qu’il en soit autrement. Je soutiens donc que notre régime doit céder, et accepter franchement leurs moeurs puisque les musulmans sont nos concitoyens. Nous n’avons pas posé de conditions à leur installation, ils ne les ont donc pas enfreintes … ».

    Tout est dit, À HURLER. « … compromis avec les musulmans français en vue de leur intégration complète dans notre société politique … ». Comment peut on se bercer d’une telle utopie ? De Lois, point de mention. Quant à appeler les catholiques à l’aide, c’est un gag que malheureusement plusieurs évêques dispensent volontiers.

    Intérêt de cet opuscule ? Alimenter un débat lâchement passé sous le tapis par un personnel politique qui a trahi sa mission, représenter le peuple.

    Michèle Tribalat a longuement détaillé pourquoi l’intégration à la française est un échec. Les musulmans n’ont que faire du respect des lois, tout en s’enfermant dans leur communauté par un réflexe endogame. Partant, tout parallèle avec un Français de souche est une pure provocation, comme les musulmans en usent dans un État faible, devenu évanescent. Ceux qui préfèrent se coucher ne manquent pas, et n’ont jamais manqué, hélas, parmi nos évêques. La dhimitude a de beaux jours devant elle.

    Quant à la raison au pays de l’islam, le pape Benoit XVI a dit à Ratisbonne ce qu’il fallait en penser. Manent cultive la posture intellectuelle de l’école de Raymond Aron, merveilleuse pour passer des diplômes de philosophie mais souvent loin du réel. C’est le cas ici. Le summum de l’obscurantisme est quand la discussion sur le sujet dérape en opposition droite – gauche. Comme s’il s’agissait d’une question politique. En dernière analyse, c’est le ressenti du peuple qui s’impose, ce fut toujours le cas dans l’Histoire.

    Pierre Manent écrit dans le cadre de sa fonction, analyse philosophique de la politique et de la société. Pure théorie donc, qui a un intérêt intellectuel patent, indéniable. Mais totalement coupé de la réalité, avec une construction de ce que pourraient être les temps futurs. C’est charmant mais réservé à ses agrégatifs. 

    Je persiste à croire et à savoir que l’on ne négocie pas avec l’islam. Ce corpus n’est pas intégrable dans la liturgie judéo-chrétienne de l’Europe. En suivant Manent nous partons vers des contresens qui vont nous couter cher. Dans une conférence récente, Bernard Lugan mettait en garde contre le contresens autour du mot «réforme». Chez les adeptes de l’islam, il s’agit d’un retour à la pureté des textes du Coran, des hadiths, et non d’une remise en cause comme purent la conduire Luther et Calvin. Manent n’est pas orientaliste.

    Quant à la laïcité est il nécessaire de revenir sur le sujet ? Les analyses sur ce que fut cette démarche strictement française et strictement politique, sont copieuses, didactiques et complètes. Rien à ajouter aujourd’hui, sinon que la situation de 1900 était sans rapport avec celle des années 2000 …

    Le Figaro des 13 et 14 octobre nous a proposé en deux parties un échange de haute tenue entre Manent et Finkielkraut. A l’instar de plusieurs autres critiques de ce petit travail AF pointe plusieurs assertions totalement inacceptables. A vrai dire on termine ces 170 pages en ressortant frustrés, l’impression d’être trompés sur la marchandise. Manent use (et abuse ?) de sa position de grand intellectuel français reconnu de l’école de Raymond Aron pour embrasser beaucoup de notions tel un inventaire à la Prévert en trop peu de pages, sous le titre ambitieux «Situation de la France». Avec selon nous de nombreuses approximations, sinon erreurs. Mais le plus sidérant est de parler de l’islam en Europe et en France tout au long du livre, sans jamais venir à ce qu’est l’islam. Son histoire, son corpus, ses dogmes, son organisation, et en définitive le totalitarisme consubstantiel à cette doctrine. Il revient à plusieurs reprises sur la séparation de César et de Dieu, en oubliant que cette préoccupation est très ancienne dans l’histoire de l’Humanité. L’illumination du Gautama Boudha, 500 ans avant notre ère fut d’écarter les Bramanes de la gestion de la cité. Ce conflit permanent entre deux des trois fonctions identifiées par Dumézil se régla autant dans un calme relatif (cas du boudhisme) que par le feu et le fer. Il ne se pose pas en islam car la doctrine religieuse dirige toute la société, sa structure, sa morale, ses tribunaux, la cellule familiale, l’obligation du patronyme. Et donc disserter sur l’islam en France sans convoquer dans la discussion, le principal intéressé est surréaliste.
    Les dizaines d’ouvrages d’exégètes sur la nature de la doctrine rendent vaine la tentative de l’assimiler. C’est l’islam qui donne le tempo et qui à terme règnera en maitre. Naïveté ou dangereuse rêverie ? Ce sont nos églises que l’on démolit, et c’est Boubakeur qui réclame 2.000 mosquées. C’est la totalité du corps médical qui est confronté au mépris de la Loi et de l’hygiène. C’est la provocation permanente qui s’est installé dans l’éducation dite nationale, c’est le Code Civil qui est en permanence foulé aux pieds. C’est une société en totale régression qui prospère désormais sous nos yeux. Nous partageons la réserve de Manent sur la laïcité, et l’évidence de son inutilité. Notion « à la française » qui n’a aucune signification dans aucun autre pays, et dont les fondements avaient éventuellement un sens à la fin du XIXème siècle au Palais Bourbon. Imagine-t-on aujourd’hui la lettre de Jules Ferry aux instituteurs ? Dans un débat organisé par Finkielkraut chez France Culture, la réponse que firent les deux invités, d’abord Jacques Julliard, ensuite Dominique Reynié, est un modèle du genre. Pas une seule fois le mot islam ou musulman n’est prononcé tout au long de leur absconse logorrhée.

    A vrai dire, cette lecture inspire les pires inquiétudes. Dans une première partie Pierre Manent décrit la rencontre entre un pays faible et l’islam fort. Une langue riche mais compliquée pour nous parler d’un islam rigoriste et dominateur, ce que savent tous les orientalistes. Les ouvrages savants sur l’islam ne manquent pas dans les bibliothèques françaises.. Où l’on y découvre très vite que les cinq piliers (jamais cités) ne se discutent pas. Et plus loin Pierre Manent poursuit, toujours dans une langue tarabiscotée pour nous dire que la laïcité ne règle rien, ce que sait tout orientaliste ayant vécu en pays arabo-musulman, dès lors que religion et séculier sont indissociables, et que la première dirige le second.

    Nous partageons son analyse que cette religion très sectaire (c’est moi qui le dis) s’implante dans une Europe qui est devenue un désert spirituel, et la France en particulier. Pierre manent nous décrit une 3ème République comme un état fort, mais à aucun moment ne fait mention de la Loi et du Droit. Ne regarder la place de l’islam dans notre société que sous un angle philosophique ou sociologique sans évoquer l’obligation d’entrer dans le corps des Lois, nous expose au minimum à un développement séparé, à supposer que les autochtones, les Français de souche, l’acceptent. Loin de l’assimilation, plutôt une vague intégration (la nuance est faite par Michèle Tribalat). Dans une incantation qui nous laisse sans voix, Manent termine par « … Trouver leur place dans un pays de marque chrétienne … c’est un chef d’œuvre d’imagination et de modération qu’il est demandé aux uns et aux autres de réaliser … c’est cette opération suprêmement délicate que nous avons à conduire ensemble … ».

    Ce qui s’appelle rêver éveillés ! 
     

    Quelques liens critiques sur le travail de Pierre Manent

    http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/10/05/31003-20151005ARTFIG00304-pierre-manent-islam-de-france-mode-d-emploi.php

    http://www.wukali.com/Situation-de-la-France-l-essai-non-marque-de-Pierre-Manent-2235#.Vhk0c_-hfIU

    http://www.slate.fr/story/107855/compromis-musulmans-france-manent

    Et une analyse du livre très intéressante, car simple et claire de Pierre Le Vigan publiée dans Polemia.

    http://www.polemia.com/situation-de-la-france-de-pierre-manent/?utm_source=La+Lettre+de+Pol%C3%A9mia&utm_campaign=444b2e572c-lettre_de_polemia&utm_medium=email&utm_term=0_e536e3990e-444b2e572c-57836697