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  • Le libéralisme est-il « une valeur de gauche » ?

     

    François-Xavier Bellamy analyse les propos d'Emmanuel Macron sur le libéralisme, « une valeur de gauche », selon le ministre de l'Économie. Il y voit une preuve supplémentaire des bouleversements idéologiques qui recomposent l'échiquier politique. Mais aussi « une occasion historique de clarifier les termes du débat politique ». Lesquels s'enracinent, comme on le verra, dans un débat métapolitique, anthropologique et culturel. Où les notions de transmission, d'héritage et, en définitive, de tradition retrouvent toute leur place. François-Xavier Bellamy va à l'essentiel. Bien au delà du souci électoraliste.  LFAR

     

    LE FIGARO - Emmanuel Macron affirme que « le libéralisme est de gauche ». S'agit-il d'une captation idéologique ?

    François-Xavier BELLAMY* - Ce n'est clairement pas une captation idéologique, puisqu'il y a une vraie tradition libérale de gauche ; mais c'est une mise au point, en ce sens qu'Emmanuel Macron valide par là le déplacement des plaques tectoniques du débat intellectuel et politique entamé avec la chute du mur de Berlin. Dans un monde bipolaire, le libéralisme était anticommuniste, et donc de droite. Aujourd'hui, après avoir porté des réformes de société très libérales sans les assumer comme telles, la gauche au gouvernement accepte enfin de revendiquer un libéralisme cohérent.

    Qu'est-ce que ce libéralisme de gauche ?

    On pourrait définir ce libéralisme de gauche par la volonté de déconstruire tout ce qui précède le choix des individus. Dans un entretien au Nouvel Obs, Manuel Valls présentait comme l'objectif final d'une politique de gauche «l'émancipation de l'individu». Emmanuel Macron le rejoint, par exemple, lorsqu'il critique le concept de «tabou». Sous ce nom, la gauche dénonce tous les interdits qu'elle veut briser ; il s'agit donc de défaire les héritages culturels, familiaux, spirituels, et même naturels, dans lesquels elle ne voit, selon les mots de Vincent Peillon à l'Assemblée nationale, que des déterminismes auxquels il convient d'arracher l'individu.

    Une part de la droite semble partager cette vision…

    De ce fait cette conception de la liberté a largement irrigué le paysage politique, et la droite s'est longtemps soumise à cette entreprise de déconstruction qui se présentait comme un progrès.

    La mandature Hollande peut-elle être qualifiée de libérale ?

    On peut dire qu'elle aura été marquée par la contradiction qui a longtemps marqué la gauche française, cette tension entre un libéralisme sociétal affirmé et la multiplication des freins à l'initiative individuelle en matière économique. Avec 57 % du PIB consacré à la dépense publique, la France est aujourd'hui encore très loin du libéralisme global qu'Emmanuel Macron appelle de ses vœux…

    Si la gauche est libérale, que peut être la droite ?

    Le piège serait pour la droite de se crisper maintenant dans un conservatisme étroit, au motif que la gauche revendique la liberté. La situation actuelle offre une chance historique de clarifier les termes mêmes du débat public. Ce que la gauche nous propose, quand elle nous parle de liberté, c'est, dans tous les domaines, l'atomisation individualiste ; et derrière la revendication de «droits» nouveaux, l'égoïsme décomplexé. Pour Emmanuel Macron, « tous les jeunes doivent rêver d'être milliardaires » ; proposons d'autres rêves à la génération qui vient, des rêves qui donnent toute sa consistance à l'idée de liberté ! La droite doit se saisir de ce travail et, au lieu de la solitude du consommateur, proposer une société d'acteurs libres, engagés et responsables.

    Le libéralisme est-il forcément révolutionnaire ? Existe-t-il une perspective « libérale conservatrice » ?

    La vraie révolution aujourd'hui consiste sans aucun doute à reconnaître, dans la crise d'adolescence collective que nous semblons traverser, que notre liberté n'est pas immédiate, et qu'elle suppose l'humilité qui reconnaît et reçoit l'enracinement qui la fait croître. La liberté se nourrit d'un héritage, d'une langue, d'une éthique, dont la déconstruction - qui a pourtant été opérée depuis cinquante ans au nom de l'émancipation individuelle - ne peut mener qu'à une aliénation définitive.

    La liberté de penser, d'agir, de juger ne sont pas des productions spontanées ; elles sont le résultat du travail patient de la culture. Dans la folie de ce déni où nous croyons trouver notre affranchissement, nous ne faisons que permettre la standardisation à grande échelle des comportements, des opinions, et des personnes. Inspirée par ce libéralisme individualiste, une mondialisation débridée rejoint les idéologies les plus coercitives pour produire de l'uniformité, de l'indifférenciation et de l'indifférence à grande échelle.

    Le clivage droite/gauche est-il encore pertinent ?

    La cohérence retrouvée de la gauche redonne à la droite sa pleine nécessité. La liberté au nom de laquelle une grande partie de la gauche revendique aujourd'hui la PMA, la GPA, l'euthanasie ou le suicide assisté se veut totale et irresponsable. La droite doit maintenant, en renouant avec son héritage intellectuel, montrer combien il est nécessaire de préserver les conditions éthiques d'une société authentiquement humaine, et pour cela de recevoir et de transmettre l'héritage culturel qui peut seul fonder notre avenir. Ainsi sera refondée pour les individus la perspective de relations réelles, par lesquelles ils puissent échapper à la solitude de l'intérêt pour vivre l'expérience d'une liberté totale, parce que responsable.

    Il y a aussi une gauche non libérale, celle de Michel Onfray…

    Dans cette recomposition idéologique, au-delà de toutes les étiquettes, il faut évidemment s'attendre à des convergences nouvelles.

    Le but ultime du libéralisme est-il la disparation de la politique ?

    Le libéralisme, en effet, a été dans l'histoire ce que Schmitt appelait «le mouvement ultime de dépolitisation et de neutralisation» de la société. En ce sens, les réformes sociétales de la gauche libérale, tout comme la vision économique défendue par Emmanuel Macron, tendent en même temps à la dérégulation, et à la déconstruction de l'État ramené au rôle de gestionnaire technique des interactions sociales. Mais il est clair, là encore, qu'il ne peut y avoir de liberté véritable sans qu'elle soit sous-tendue par une loi commune, dont l'ordre protège, éclaire et consolide les choix individuels. Quand la politique fait défaut - et c'est l'honneur d'une partie de la gauche de n'avoir cessé de le rappeler -, c'est toujours le plus faible et le plus fragile dans la société qui en paie le prix. 

    *Auteur des Déshérités (Plon, 2014).

    Entretien réalisé par Vincent Tremolet de Villers

                

  • Migrants : le putsch moral des éditorialistes, suivant Elisabeth Lévy

     

    Par une sorte de discrétion, plutôt que pour toute autre raison, nous avons rarement repris les textes d'Elisabeth Lévy dans ces colonnes, bien qu'ils fussent toujours fort intéressants et que Jean-François Mattéi nous en ait signalé l'importance, il y a de cela déjà quelques années... La progression de Causeur l'intéressait. Nous aussi.  Avec son style très libre, sa réflexion exempte d'interdits, ses questions iconoclastes et dérangeantes, Elisabeth Lévy pointe ici cette doxa des éditorialistes qui tente d'imposer à l'opinion le formatage qu'elle a par avance fixé et à nos dirigeants la politique qu'ils doivent conduire. Il s'en suit une soumission quasi universelle - mais plus tout à fait - qu'Elisabeth Lévy vient rompre ici avec pertinence. Et avec humour. Nos lecteurs apprécieront.  LFAR    

     

    sipa-1311899-jpg_1191852.jpgQu’un certain journalisme adore sermonner au moins autant qu’informer, ce n’est pas très nouveau. L’appel publié jeudi en « une » de Libération – et de onze autres journaux européens – ne m’a d’abord arraché qu’un haussement d’épaule. « Nous journaux d’Europe, nous unissons pour exhorter nos dirigeants à agir résolument pour gérer cette tragédie humanitaire et empêcher que d’autres vies ne soient perdues… »

    D’abord, on ne voit pas qui pourrait être contre ça. Qui voudrait que des vies humaines soient perdues ? Qui pourrait dire qu’il ne faut rien faire ? Rassurez-vous, pas moi. Mais on devrait avoir le droit de se demander quelle part de la misère du monde on veut accueillir et dans quelles conditions.

    Et puis, ce journalisme de grandes causes et de grandes consciences est une spécialité française, on s’habitue à son ronronnement satisfait qui nous dicte en toute occasion ce qu’il faut penser – sans grand effet du reste. Un peu de Zola, un peu de Malraux, une pincée de Kessel ou de Frantz Fanon, des accents héroïques ou pathétiques, des appels à la fraternité humaine – assortis de sentences d’exclusion de ladite fraternité à l’encontre de quiconque ne pense pas ce qu’il faut. Si on veut comprendre quelque chose à ce nouveau clergé, Régis Debray a dit l’essentiel depuis longtemps.

    C’était prévisible, la tragédie à laquelle nous assistons sans la voir et sans la comprendre a stimulé comme jamais les ardeurs prêcheuses de nos grands médias et de quelques autres. Des entreprises font leur com sans vergogne en organisant des appels aux dons, des mairies se déclarent candidates à l’accueil de migrants. Enfin, se réjouit Le Monde, « les artistes français sortent de leur réserve ». « Finie la colère rentrée », écrit la consœur sans rire. Ouf, je n’avais pas remarqué qu’elle était rentrée mais il fallait qu’elle sorte. Marrant, dans un tel brouhaha, tous ces gens qui prétendent briser le silence.

    D’éminents éditorialistes se réjouissent qu’une photo ait fait bouger les choses. Moi, ça me fiche plutôt la trouille que la politique de mon gouvernement soit dictée par une photo. Et puis, à mon avis, on devrait s’abstenir de faire parler les enfants morts. Parce qu’on finit par leur faire dire n’importe quoi. En l’occurrence, ce petit garçon serait, nous a-t-on serinés sans jamais prendre la peine de le démontrer, l’image de la culpabilité européenne. Des gentils, des méchants, on ne veut rien d’autre.

    À une situation complexe, les médias ont donc opposé une grille de lecture simple. Chercher à réfléchir, dire autre chose que les mots magiques « accueil », « ouverture », « générosité », c’est déjà être un salaud. Là où on aurait besoin de comprendre l’ensemble des causes qui ont amené ce petit garçon sur cette plage turque, on répétant que ce sont les nouveaux juifs fuyant le nouveau nazisme. Ce qui revient à interdire de penser. Depuis une dizaine de jours, ce chantage émotionnel (dont Slobodan Despot a fort bien décrit les ressorts) a atteint une intensité inédite. Égoïsme ou générosité, choisissez votre camp ! Chacun exhibe son émotion comme une médaille, alors que ce qui serait méritoire, ce serait d’y résister un peu, à cette émotion.

    Cela dit, des « J’accuse », la presse en publie tous les quatre matins et j’aurais oublié celui des douze journaux européens si Alain Finkielkraut n’avait pas attiré mon attention sur son caractère scandaleux. « C’est une prise de pouvoir ! », m’a-dit mon cher professeur.  De fait, cette alliance de douze journaux pour dicter leur politique à des gouvernements élus dont ils n’ont ni la légitimité, ni les responsabilités, traduit une curieuse conception de la répartition des rôles. « On attend d’eux qu’ils nous donnent le savoir nécessaire pour penser, mais ils ne veulent pas décrire, ils veulent prescrire », s’agace Finkielkraut.

    Il est vrai que ce texte ne semble pas avoir soulevé les masses ni ému plus que de raison les gouvernements tchèque, hongrois et autres réfractaires à l’accueil de masse. Quant à nos gouvernants à nous, ceux de la vieille Europe, ils tentent de louvoyer entre les attentes de leurs électeurs et les diktats des médias – et comme ils sacrifient souvent les premiers pour complaire aux seconds, ils finissent par perdre. En attendant, les ministres de l’Intérieur vont bien devoir traduire toute cette émotion en action – ce qui commencera ce lundi à Bruxelles par un vaste marchandage sur le mode « j’en prends tant et toi tant » qui nous emmènera assez loin des grands mots et des grands principes. Reste que ce brouhaha humanitaire ne peut qu’encourager ceux qui hésitent, dans les camps de réfugiés de Turquie ou de Jordanie, à tenter l’aventure européenne pendant que les opinions sont dans de relativement bonnes dispositions. De tout cela, mes estimables confrères se lavent les mains : leur rayon c’est la conviction, pas la responsabilité. C’est pourquoi on peut au moins parler d’une tentative de putsch moral.

    Il y a tout de même un aspect presque comique, dans cette crise dramatique, c’est que la France s’empaille sur des questions qui ne se posent pas. On peut se demander s’il faut accueillir des réfugiés, et combien ou comment. L’ennui, c’est qu’il va falloir les obliger parce que, décidément, ils ne veulent pas venir chez nous. On invoquera les routes migratoires traditionnelles, les emplois allemands, le chômage français. D’accord, mais ils préfèrent même l’Angleterre et le coût de la vie à Londres. Alors, une pensée affreuse me vient : et si la France était vraiment trop sortie de l’Histoire, même pour des gens qui essaient de lui échapper ? 

    Elisabeth Lévy

    *Photo: Sipa. Numéro de reportage : SIPAUSA30133408_000009.

  • ÉDUCATION : QUELLE PLACE POUR L'ÉTAT ?

    On doit au marquis de Condorcet l'invention de la matrice de l'Éducation nationale actuelle.

     

    PAR JEAN-BAPTISTE DONNIER

     

    J.B. DONNIER 1.JPGMYTHES ET MENSONGES... L'invocation incantatoire des « enfants de la République » ne pourra empêcher indéfiniment de poser la question de la mission éducative de l'État. Appartient-il à l'État d'éduquer les enfants ?.La question devra un jour être posée sérieusement dans le débat politique.

    La situation de tout ce qui relève de ce que Claude Allègre avait si justement nommé le « mammouth » de l'Éducation nationale est tellement catastrophique qu'elle ne peut plus être occultée ; la réalité est là, palpable, mesurable, visible. Gabegie budgétaire, naufrage intellectuel, féo-dalisation de l'appareil bureaucratique, le bateau ivre de la rue de Grenelle ressemble de plus en plus au Gosplan de la fin de l'époque soviétique. Mais, plus encore que les marques de la déréliction qui finissent par affecter toutes les créatures plus ou moins monstrueuses, c'est surtout le mensonge institutionnalisé qui rapproche le « mammouth » de son frère siamois soviétique. À l'instar du Gosplan annonçant régulièrement des chiffres mirobolants de production de biens que personne n'a jamais vus, l'administration de l'Éducation nationale publie chaque année des résultats tout aussi mirobolants d'un baccalauréat dont il n'est plus possible de feindre de croire qu'il signifie encore quelque chose. La machine, devenue folle, ne produit plus que sa propre justification.

    UN FORMIDABLE OUTIL DE MANIPULATION

    Ce constat, que chacun peut faire et qui n'est plus sérieusement contesté, est le résultat somme toute naturel d'une histoire singulière. L'Éducation nationale imaginée par Condorcet sous la Terreur, rendue possible par Bonaparte et instrumentalisée par les différents pouvoirs qui y ont vu un formidable outil de manipulation des consciences, constitue dès son origine un projet contre-nature. Il tend à arracher l'enfant aux liens naturels de la famille qui l'a fait naître pour en faire le citoyen d'un État considéré comme la seule réalité sociale. L'éducation se trouve de la sorte artificiellement séparée de la génération pour être confiée à l'État qui, de ce fait, se veut le véritable « géniteur » des enfants qu'il prétend éduquer ; le mythe des « enfants de la République », auquel se réfèrent à l'envie les ministricules du moment, est en parfaite cohérence avec le projet même d'Éducation nationale. Mais ce projet, étant contraire à la nature des choses, nécessite des moyens toujours plus considérables pour pouvoir plier la réalité à l'idéologie, sans jamais y parvenir entièrement car, totalitaire dans son essence, l'Éducation nationale est en pratique marquée par une contradiction qui la mine.

    La visée initiale du projet éducatif révolutionnaire, mis en place par la Convention et institutionnalisé par Bonaparte, s'est voulue émancipatrice. Il s'agissait d'arracher l'enfant, à travers sa famille, à l'emprise de la religion catholique pour le « libérer » et lui permettre de devenir le citoyen autonome d'un État prétendant tirer sa légitimité du Peuple. Or, ce faisant, l'État « éducateur » impose une conception de la place de la religion dans la vie humaine qui est nécessairement une conception religieuse. La « laïcité » de l'enseignement, proclamée dès l'origine et définitivement instaurée à partir de la IIIème République, n'est rien d'autre qu'une forme de religion paradoxale qui entend exercer une sorte de magistère supérieur sur les dogmes des autres religions et juger de leur compatibilité ou non avec les « valeurs de la République ». De même qu'elle s'est appropriée les lieux où est célébré un culte qu'elle ne reconnaît pas, la République s'est emparée de l'éducation pour y imposer sa propre conception de la religion sous couvert de l'affranchissement de toute religion. Il y a là une contradiction interne qui a pu, par des ambiguïtés réciproques, s'accommoder du christianisme, mais qui explose littéralement dès lors que le système se trouve confronté à un islam de masse pour lequel la notion de « laïcité » est totalement étrangère et n'est susceptible, dès lors, d'aucune interprétation ambiguë qui rendrait possible une forme de modus vivendi. 

    REDÉFINIR LE RÔLE DE L'ÉTAT DANS L'ÉDUCATION 

    Cette contradiction pourrait bien être fatale au projet républicain d'Éducation nationale et rendre ainsi possible une redéfinition du rôle de l'État en matière éducative, car elle manifeste, pour la première fois sans doute de manière aussi nette, la vanité politique de ce projet. Ce qui a assuré la pérennité de la prétention éducative de l'État depuis la Révolution est l'idée qu'il est possible par l'école de former des « citoyens » qui adhèrent, dans leur ensemble, à des « valeurs » fondatrices, qui ont pu varier selon les régimes, mais sans lesquelles l'État moderne, coupé de toute transcendance religieuse, ne saurait subsister. Toutes les luttes pour la maîtrise de l'Université napoléonienne qui ont émaillé le xixe siècle jusqu'à la victoire finale des républicains, s'expliquent par cette conviction partagée par tous. Or, l'Éducation nationale ne répond plus, aujourd'hui, à cet objectif qui, depuis l'origine, en constituait la véritable raison d'être. Mettant en évidence ce changement majeur, le Figaro titrait récemment, à propos des difficultés de mise en oeuvre des mesures éducatives annoncées après les attentats du début de l'année : « Éducation : les leçons oubliées du n janvier ». L'outil est cassé. L'instrument d'endoctrinement par lequel les régimes successifs ont cru, depuis la Révolution, pouvoir se rendre acceptables, ne fonctionne plus. La République ne parvient plus à imposer ses « valeurs » à l'école qui n'est plus, selon la formule de François-Xavier Bellamy, que le lieu du « choc des incultures ».

    Dans ces conditions, il est peut-être enfin permis d'espérer que, n'y trouvant plus d'intérêt pour sa propre conservation, l'État ou plutôt ceux qui s'en sont emparés, en viennent à se désintéresser de l'école, ouvrant la voie à une lente libération d'une emprise qui menace d'engloutir, comme 'dans un trou noir, la nation tout entière. Cette libération ne serait cependant pas sans dangers. Le premier qui vient à l'esprit est évidemment le risque de voir d'autres pouvoirs prendre la place désertée par l'État à des fins qui risqueraient de mettre gravement en péril la cohésion nationale. Mais il en est un autre, plus sournois 'mais au fond sans doute plus inquiétant. L'emprise étatique sur l'ensemble des « personnels de l'Éducation nationale », y compris dans les établissements privés et jusque dans les universités, a créé une forme de servitude volontaire qui risque de laisser désemparés bien des professeurs qui ont pris l'habitude de tout recevoir d'une Administration omniprésente, de leur traitement au contenu de leur enseignement ou à l'organisation interne de leurs établissements. Soljénitsyne nous a appris qu'on ne sort des révolutions que par une lente convalescence ; peut-être est-il temps de commencer la nôtre en refaisant de nos écoles, de nos collèges et de nos universités des lieux d'apprentissage d'une liberté recouvrée. •

     

  • Migrants : la passion française pour le sermon

     

    Une analyse de Guillaume Perrault 

    Les Français ne cessent de recevoir des leçons de morale sur les migrants. Comment expliquer ce sermon permanent ?, s'interroge Guillaume Perrault, grand reporter au Figaro. Outre que sa réflexion nous paraît parfaitement pertinente, il a selon nous raison de faire remonter à la Révolution l'avènement de cette nouvelle cléricature dont il critique l'emprise. Et qui ne vaut certainement pas l'ancienne, quels que soient les défauts qu'elle a pu avoir. Emprise dont on voit bien qu'elle s'exerce sur les peuples mais aussi sur les gouvernements. D'où l'abaissement désastreux du Politique et le caractère erratique des décisions que les gouvernements tentent de prendre. A moins qu'ils ne renoncent tout simplement à agir.  LFAR 

     

    carte-blanche-guillaume-perrault__1__400x400.jpgRarement les Français auront été aussi tancés qu'au cours des dix jours qui ont séparé la diffusion de la photo de l'enfant kurde retrouvé mort sur une plage de Turquie et la décision d'Angela Merkel de rétablir les contrôles à la frontière avec l'Autriche. La quasi-totalité des commentateurs, des personnalités politiques, des artistes et des universitaires qui ont accès aux médias se sont fait un devoir de morigéner leurs concitoyens, coupables, les premiers jours, de se dire en majorité opposés à l'accueil de nouveaux demandeurs d'asile. Les plus indulgents jugeaient nécessaire de « faire de la pédagogie » envers les Français, comme un professeur qui s'adresserait à des élèves en difficulté. Les autres se drapaient dans les grands principes pour expliquer que le président de la République devait savoir tenir tête à l'opinion publique et ses bas instincts, dès lors que la morale était en jeu.

    Ces directeurs de conscience autoproclamés se font une bien piètre idée des Français. Pourquoi décrire ses concitoyens comme des êtres immatures et sans cœur qu'il faudrait protéger contre eux-mêmes ? De quel droit s'estimer investi d'une mission de surveillance et d'un droit de remontrance à leur égard ? Certes, la propension des détenteurs de la notoriété à donner des leçons de morale à leurs concitoyens n'est l'apanage d'aucun pays. On la constate dans toutes les nations occidentales. L'emprise de la télévision sur l'esprit public favorise partout le goût de la pose. Nulle part, cependant, cette passion du prêche ne s'exprime aussi ingénument qu'en France.

    C'est là un paradoxe. Comment expliquer qu'un pays qui a fait de l'égalité sa vertu cardinale accepte que certains de ses citoyens se considèrent comme des intercesseurs entre la vérité et le bon peuple ? L'héritage catholique de la France n'y est pas étranger. Jusqu'au XVIe siècle, l'Église blâmait la lecture directe de la Bible, dont l'interprétation était la mission du prêtre en chaire. Et l'autorité conférée par l'état ecclésiastique pouvait se muer en abus de pouvoir. Or, à partir de la Révolution, le titulaire de la cléricature n'a fait que changer. Au XIXe siècle, le prêtre a été supplanté par l'écrivain engagé comme autorité chargée de guider le peuple. Aujourd'hui, la figure du grand intellectuel a disparu. Mais, aux yeux des médias, les peoples ont hérité d'une version dégradée de son magistère.

    Le legs du jacobinisme se fait aussi sentir. Lors de la Révolution, le Club des Jacobins se voulait l'aiguillon et le censeur de la Convention, pourtant élue au suffrage universel. Toute expression d'un désaccord était alors présentée comme un crime contre la nation. Le Club de Robespierre s'apparentait à une fabrique d'orthodoxie et imposait un unanimisme que répétaient ensuite les sociétés affiliées dans les départements. Assurément, les temps ont changé. Mais la démocratie, sous sa forme institutionnelle et juridique, conserve, en France, des racines moins profondes et moins solides qu'en Grande-Bretagne ou aux États-Unis. L'argument d'autorité, asséné de haut en bas de l'échelle sociale, demeure beaucoup plus facilement admis dans notre pays que de l'autre côté de la Manche ou de l'Atlantique. Ce n'est pas l'indice d'un esprit civique parvenu à maturité.

    Revendiquer le devoir, pour les dirigeants, de s'opposer au vœu de la majorité des citoyens pose enfin une question de principe. Poussé à son terme, ce raisonnement reviendrait à limiter au maximum le pouvoir de décision du peuple sur ce qui le concerne le plus. Cette ambiguïté existe depuis l'invention de la représentation nationale. « Le peuple m'a envoyé pour exposer mes idées, non les siennes », déclarait Condorcet à l'Assemblée législative (1791-1792).

    À l'époque, on considère que le peuple ne peut exercer directement la souveraineté, non seulement pour des raisons matérielles, mais aussi parce que le peuple est incapable de se gouverner lui-même. Aujourd'hui encore, cette idée n'a pas disparu. C'est pourquoi, à la différence de la moitié des États des États-Unis, de la Suisse ou de l'Italie, la France a toujours refusé les procédures de démocratie semi-directe comme le référendum d'initiative populaire, qui garantirait le dernier mot au suffrage universel.

    On éprouve une sincère admiration pour les Français anonymes qui ont décidé d'accueillir un demandeur d'asile chez eux. Mais la vraie vertu fuit la publicité, comme on l'apprenait jadis à l'école dans les manuels de morale de la IIIe République. C'est pourquoi les prédicateurs que nous avons dû subir sur les ondes et les écrans méritent, eux, un jugement sévère, tant ils n'éprouvaient aucune empathie pour le Français moyen et ses inquiétudes. Jean-Jacques Rousseau avait tout dit dans l'Émile : «Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d'aimer ses voisins.» 

     

    Guillaume Perrault est grand reporter au Figaro et à FigaroVox. Maître de conférences à Sciences Po, il enseigne l'histoire politique française et les institutions politiques. Il est l'auteur de trois ouvrages, et a notamment coécrit Les présidents de la République pour les nuls (First).

    Retrouvez Guillaume Perrault sur Twitter

    https://twitter.com/GuilPerrault

  • Aymeric Patricot : « Le communautarisme est inéluctable » par Grégoire Arnould

     

    1943113734.jpgAymeric Patricot a été professeur dans une banlieue dite « difficile ». Dans Les petits Blancs (éd. Plein jour, 2013), il mène l’enquête dans cette « France d’en-bas » où le fait d’être désigné ou de se ressentir comme blanc est une réalité plus ou moins bien vécue. Un sujet tabou à la mesure de la fracture identitaire qui ne cesse de s’élargir dans notre pays.

    Qu’est-ce qu’un « petit Blanc » ?

    à l’instar du « white trash », son épigone américain, le « petit Blanc » se caractérise socialement par sa pauvreté et ethniquement par la blancheur de sa peau. Il habite généralement un quartier défavorisé où il est minoritaire en tant que Blanc. Ce sont les autres qui le renvoient à sa condition. Une condition – il faudrait dire une différence –, qu’il vit plus ou moins bien car il a conscience de faire partie d’une minorité au sein d’une majorité multiethnique. Racisme ou haine de soi et du monde sont des tentations auxquelles il peut s’abandonner. Sans horizon, il lui faut en plus apprendre à vivre avec l’image méprisable que lui renvoie la société médiatique pour qui le « petit Blanc », c’est Dupont-Lajoie : un « beauf » inculte et xénophobe.

    N’est-ce pas alors une condition lourde à porter ?

    J’ai rencontré beaucoup de « petits Blancs », homme ou femme, pour écrire mon livre. S’il y a une chose dont je me suis aperçu c’est que l’éventail des sentiments, quant à la façon dont on se perçoit soi-même en tant que « petit Blanc », est très large. Je pense, par exemple, à cette ancienne femme battue qui a conscience d’être une « petite Blanche ». Mais cela ne lui pose aucun problème, car sa vie de « cabossée », dit-elle, l’a rendue plus proche de « l’autre ».
    à l’inverse, j’ai rencontré un professeur vacataire d’anglais qui m’a raconté les difficultés de sa vie en HLM où, je cite, « les Arabes nous insultent, nous crachent au visage [...] nous traitent de porcs… ». Cette jeune femme a nourri une véritable rancœur contre ceux qui la renvoyait ainsi violemment à sa condition de « petite Blanche » minoritaire. Elle a fini par rejoindre des groupuscules d’extrême-droite, avant de s’en éloigner. Aujourd’hui, elle ne rêve que d’une chose : quitter le pays.

    Du coup, peut-on parler de fracture identitaire ?

    Une « question blanche » se pose indéniablement dans notre pays mais, au prétexte de ne pas faire le jeu du racisme, elle est mise sous le boisseau par nos élites politiques et médiatiques. Pour elles, l’expression « Français de souche » serait ainsi une injure faite à nos compatriotes d’origine étrangère. Les mêmes qui nient l’altérité, expliquent pourtant à quel point il est formidable de vivre dans une société multiethnique ! Nier la réalité n’a jamais été la meilleure façon de résoudre les problèmes. Ces gens devraient aller faire un tour dans ces « territoires perdus de la République » où ils ne vont jamais : ils verraient combien la question ethnique y est prégnante et problématique.

    En fait, personne ne semble se soucier du sort du « petit Blanc »…

    C’est bien le problème ! Le « petit Blanc » n’intéresse en effet personne. Il est trop blanc pour la gauche et trop pauvre pour la droite. On sait que le PS a délibérément abandonné son ancien électorat ouvrier pour celui des minorités ethniques. Quant à l’UMP, elle n’a rien à lui proposer. La nature ayant horreur du vide, c’est désormais le FN qui s’adresse le mieux à cette catégorie de la population. Le programme protectionniste du parti de Marine Le Pen la vise directement.

    La stratégie du PS semble risquée, non ?

    Un des grands paradoxes auquel doit faire face le Parti socialiste, est le comportement électoral des musulmans. à 90 %, ces derniers votent pour le PS en raison de son discours traditionnellement favorable à l’immigration. Mais la communauté musulmane est fondamentalement conservatrice, par exemple sur les sujets du mariage homosexuel ou du voile. à terme, et c’est le coup de génie de Houellebecq dans son dernier roman (Soumission), le PS peut tout perdre ! Si on se laisse aller à la politique-fiction, il pourrait y avoir, d’ici quelques années, un vote ethnique, en tout cas chez les minorités, pour des candidats qui en seront issus. Les Blancs, eux, seront partagés. Ceux qui veulent garder « bonne conscience » voteront à gauche, les autres à droite.

    La société française est-elle destinée à la communautarisation ?

    C’est déjà le cas dans de nombreux quartiers de villes françaises ! Pour une raison qui relève de la simple logique : plus des personnes d’appartenances ethniques différentes cohabitent sur un même territoire, plus les individus se regroupent en fonction de cette appartenance. Il faut se garder des préjugés : qu’on le veuille ou non, les couleurs de peau existent et les ressentiments qui y sont liés également.

    Est-ce le grand sujet de société de demain en France ?

    Tout dépend des territoires. En Normandie, par exemple, où la population est homogène, les gens ne sont pas encore sensibles à cette question. En revanche, la fracture identitaire et/ou ethnique est béante à Marseille ou dans certains quartiers d’une ville comme Grenoble. En somme, là où le communautarisme existe déjà. L’histoire nous enseigne que chaque génération doit affronter une question sociétale d’envergure. Nos grands-parents ont affronté la guerre et ses conséquences. Nos parents ont vécu la décolonisation. La fracture identitaire est celle de notre génération : il faudra bien arriver, d’une façon ou d’une autre, à la surmonter… 

    A lire : Les petits blancs, éditions Plein jour, 168 p., 17 euros.

    Politique magazine

  • La pensée française et le sentiment de la fin d'un monde ... Par Mathieu Bock-Côté*

     

    Nous avons déjà cité Matthieu Bock-Côté, figure, nous dit-on,  de la vie intellectuelle québécoise, attaché, comme nous-mêmes, à la cause de la diversité des peuples. Il ne s'oppose dans le texte qu'on va lire à aucun des trois auteurs dont il traite. Simplement, il donne quelques raisons de bon sens de ne pas perdre confiance avant l'heure dans le devenir de notre civilisation, si malade soit-elle. Pourquoi ne pas l'en remercier ?  Lafautearousseau   

    La formule avait quelque chose de crépusculaire sans pour autant être morbide. Michel Onfray, au terme d'un entretien avec François-Xavier Bellamy récemment paru dans Le Figaro, a annoncé la fin de notre civilisation. Il l'a fait sans drame mais avec une forme de droiture antique teintée de mélancolie. Notre monde tombe. Il importe moins de le sauver que de se tenir droit, de ne pas flancher. La formule frappe: « Le bateau coule, restez élégant. Mourez debout ». C'est ce qu'on pourrait appeler la dignité des vieux Romains. Onfray, et cela rajoute une noblesse tragique à son propos, se rallie finalement à cette civilisation au moment de sa perte.

    Les mauvais esprits pourraient voir dans cette déclaration une pose littéraire. N'est-il pas commode de disserter sur la fin d'un monde en philosophe, et peut-être aussi en esthète. Ne faut-il pas pleurer, secrètement peut-être, la civilisation dont nous sommes les héritiers ? On rétorquera qu'il y a peut-être là une forme de lucidité supérieure, qui n'est pas sans grandeur, à la différence de ceux qui sont incapables de penser le déclin et ne veulent voir dans ses symptômes que des évolutions n'agaçant que les grincheux professionnels. Elle vaut mieux aussi qu'une fascination morbide devant notre déclin.

    Une chose est certaine : le sentiment de la fin d'un monde traverse aujourd'hui la pensée française. D'un livre à l'autre, Houellebecq y revient, avec le sentiment que la civilisation occidentale rêve tout simplement de s'abolir, qu'elle n'est plus capable d'assumer le fardeau de l'histoire. Éric Zemmour, quant à lui, a cru voir dans les quarante dernières années un suicide français, même si certains ont dit son livre qu'il faisait le récit d'un assassinat. On a assimilé cette inquiétude, il y a quelques années, au déclinisme, comme s'il suffisait de changer de perspective pour apercevoir une France radieuse. Encore heureux qu'on n'ait pas parlé de déclinophobie.

    Que faire ? La question peut sembler simpliste, exagérément prosaïque, mais elle ouvre pourtant un vaste champ de possibilités à quiconque ne se résigne pas à être le témoin d'une triste agonie. Dans L'écriture du monde et La croix et le croissant, deux livres magnifiques, François Taillandier se l'est posée, en méditant sur la fin de Rome et la naissance de l'Europe chrétienne. « Les hommes véritablement utiles sèment ce qu'ils ne verront pas fructifier. L'arbre qu'ils ont planté donnera de l'ombre à leurs descendants, ils le savent, et se résignent de gaieté de cœur, ayant labouré et semé, de n'être plus là quand viendra le temps des moissons ».

    Autrement dit, la cité qui meurt n'emporte pas tout avec elle. Sa part la plus précieuse peut être conservée par des hommes renonçant au prestige social et politique pour conserver dans les marges de la cité certains trésors précieux. Encore faut-il avoir une certaine idée de la transcendance pour transmettre au fil du temps ce que l'on croit sacré. Mais cette réponse exige aussi une forme de renoncement civique: l'homme de savoir n'entend plus féconder le monde commun des principes fondamentaux et des œuvres vitales. Il entend les mettre à l'abri de la destruction pour qu'un jour, ils contribuent à une renaissance.

    Il y a une grandeur admirable dans ce choix. Mais le commun des mortels peut-il vraiment se satisfaire de cette stratégie de l'arche ? Chose certaine, on sent la politique ordinaire de plus en plus traversée par cette angoisse existentielle, que peinent à traduire les partis, lorsqu'ils ne se contentent pas d'y voir une peur irrationnelle. Certains évoquent l'insécurité culturelle, d'autres se désolent de l'identité malheureuse ou d'un pays qui se morcelle. En fait, c'est l'existence même du monde commun qui semble compromis. De mille manières, on souhaite se déprendre de l'alternance devenue aliénante entre sociaux-libéraux et libéraux-sociaux.

    À sa manière, le peuple appelle au secours. Il sent bien qu'il fera les frais de cet effondrement. Il a le sentiment intime de ce déclin historique. Si ce terme n'était pas aujourd'hui à peu près proscrit, il parlerait peut-être même de décadence. Il cherche alors l'homme providentiel ou se laisse tenter par la révolte populiste. À travers cela, il espère qu'une volonté immense puisse renverser le cours des choses. Il entend moins du politique qu'il n'adoucisse le déclin de nos sociétés qu'il ne restaure les cadres politiques et culturels sans lesquels la cité n'est plus protectrice, sans lesquels, en fait, elle se retourne contre l'homme.

    On en revient au point de départ. C'est une chose de craindre la fin de la civilisation occidentale. C'en est une autre de la décréter inéluctable. Mais la chute du communisme nous rappelle qu'un monde trop en contradiction avec les aspirations profondes de l'homme peut s'affaisser sans prévenir. Après coup, chacun dira avoir prophétisé la chute. Mais avant qu'elle ne survienne, qui s'y serait vraiment risqué ? Ne peut-on dire la même chose de la société actuelle qui déracine les peuples, brouille les repères de civilisation, enraye les mécanismes de la transmission culturelle et condamne le politique à l'impuissance ?

    Il se pourrait que le vieux monde fasse encore valoir ses droits. 

     

    * Mathieu Bock-Côté est sociologue. Il est chargé de cours à HEC Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal ainsi qu'à la radio de Radio-Canada. Il est l'auteur de plusieurs livres, parmi lesquels « Exercices politiques » (VLB, 2013), « Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois » (Boréal, 2012) et «L a dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire » (Boréal, 2007).

    FigaroVox

  • Zemmour à propos de « Qui est Charlie ? » d'Emmanuel Todd : Le terminus du prétentieux ...

     

    Le brûlot anti-Charlie d'Emmanuel Todd fait hurler ses pairs de la gauche antiraciste. Et si Todd lui aussi posait de bonnes questions mais donnait de mauvaises réponses ? C'est ce que pense Eric Zemmour dans l'analyse qui suit. Analyse qui nous aide à forger notre propre point de vue sur la pensée complexe de Todd. (Le Figaro, 14.05.2015).

     

    XVM402b58a2-f955-11e4-8e65-09fb11469bfa-300x440.jpgCharlie est un salaud. Un xénophobe, un islamophobe, un raciste. Charlie est un minable. Marche mais ne sait pas vers où et dit le contraire de ce qu'il pense ; défend la liberté pour mieux combattre l'égalité ; clame « pas d'amalgame » pour mieux écraser l'Arabe. Comme naguère David Vincent dans la série Les Envahisseurs, Emmanuel Todd sait. Devine tout, comprend tout, révèle tout. Emmanuel Todd est un universitaire, un anthropologue, un historien. Il est la Science. L'homme se croit libre, mais il est dans la main de Todd.

    Notre savant a reconnu dans les foules du 11 janvier les groupes sociaux qui avaient voté oui au référendum sur Maastricht. Il sait lire une carte, Todd ; mais n'est pas le seul à avoir remarqué que les pays de l'ouest et de l'est de la France, autrefois catholiques et antirévolutionnaires, avaient été les plus fervents européistes. Et que les classes populaires qui votent pour le Front national sont issues des terres historiquement révolutionnaires. Philippe Séguin ne l'avait pas attendu pour deviner que « 1992 serait l'anti-1789 ». Partant de cette intuition juste, Todd règle ses comptes avec la gauche européiste sans mesure ni rigueur scientifique. Bien sûr, la caste se cabre. On compte les coups en attendant que les deux boxeurs s'épuisent.

    Todd estime depuis longtemps que les modèles familiaux déterminent le positionnement politique. Et que les vagues d'immigration ne changent rien à l'affaire. On est de son pays avant que d'être de ses origines. « La terre, elle ne ment pas ». Mais Todd est aussi un homme de gauche, un progressiste, qui croit que chaque individu peut s'émanciper de ses déterminismes. Il jongle depuis toujours avec cette contradiction originelle au gré de ses besoins et de ses engagements politiques, avec une mauvaise foi teintée d'arrogance. Pour Charlie, sa religion (!) est faite: « Le droit au blasphème sur sa religion ne doit pas être confondu avec le droit au blasphème sur la religion d'autrui. Blasphémer de manière répétitive, systématique, sur Mahomet, personnage central de la religion d'un groupe faible et discriminé, devrait être, quoi qu'en disent les tribunaux, qualifié d'incitation à la haine religieuse, ethnique ou raciale. »

    Todd s'en prend à Charlie pour mieux défendre l'islam. Il réclame que la République accepte des « accommodements » avec l'Islam. Qu'elle évite l'affrontement à tout prix. Car elle n'en a pas les moyens. Au diable la laïcité et la liberté, pourvu qu'on ait la paix ! Todd renoue ainsi avec la traditionnelle litanie pacifiste qui traverse l'histoire de France et en particulier de la gauche. « Plutôt Allemand vivant que Français mort », disait Giono dans les années 1930, obsession pacifiste qui conduira nombre d'hommes de gauche dans la collaboration.

    La double imposture

    Mais Todd n'en démord pas: « Nous devons accorder à l'islam ce qui a été accordé au catholicisme. » C'est le cœur du livre ; et de sa double imposture. D'abord, la IIIe République (et on ne parle même pas de la Terreur et de la Vendée!) n'a pas été tendre avec l'Église. Toujours méfiante, féroce même sous le petit père Combes, entre « mise à jour des inventaires » par l'armée et officiers catholiques fichés. Mais surtout, l'égalité mise entre le catholicisme et l'islam est inique historiquement. Le catholicisme a forgé la nation française. Todd oublie que les confessions minoritaires, judaïsme et protestantisme, ont, elles, accepté de reconnaître la prééminence culturelle du catholicisme (édifices religieux discrets, prénoms choisis dans le calendrier composé de saints catholiques, etc.). C'est cette sujétion culturelle que refuse l'islam ; et cette résistance islamique que Todd et d'autres utilisent comme un bélier pour détruire les derniers reliquats de la christianisation de la France. Ils sonnent ainsi la revanche historique de l'extrême gauche, devenue islamo-gauchiste, sur Briand et Jaurès qui, lors de l'élaboration de la loi de 1905, avaient contenu leurs assauts antichrétiens, en limitant leur combat au seul cléricalisme.

    Nostalgique impénitent de « la bonne vieille lutte des classes », il veut la ressusciter en sonnant l'alliance « contre Charlie » des deux « universalismes égalitaires » des classes populaires françaises et immigrées. Todd n'invente rien de neuf, et ne fait que reprendre les chimères qui vont de l'extrême gauche à l'extrême droite. Seul le nom de l'ennemi diffère: quand Besancenot cible les « sionistes », Mélenchon « l'Allemand », Soral parle du « juif », Todd évoque pudiquement « Charlie ». Todd est un Soral gourmet.

    Un personnage de Houellebecq

    Mais le catholicisme est lui aussi le produit d'une inspiration universaliste et égalitaire. Comme la Révolution. Et comme l'islam. Ces trois universalismes sont des rivaux inextinguibles ; ils ne peuvent être que des alliés de circonstance. Le Code civil ne tolère pas une religion qui ait des prétentions législatives et politiques (Napoléon l'avait fait savoir au judaïsme autant qu'au catholicisme) et l'islam - sous toutes ses variantes - refuse de se concevoir comme une religion confinée au privé. C'est bien pour cela que catholicisme et islam se sont affrontés depuis plus de mille ans. Et que Daech cible la France en souvenir et des croisades et de la Révolution.

    Pour fonder son alliance, Todd fait le malin avec des chiffres de mariages mixtes mirifiques. Que la démographe Michèle Tribalat conteste. Todd reconnaît lui-même que depuis 1992 cette tendance se retourne ; mais c'est la faute à Maastricht, bien sûr ! Mais quelle est la réalité d'un mariage « mixte » lorsque l'époux français - se mariant avec une étrangère issue d'un pays du Maghreb - est lui-même un Français issu de parents venus du même bled ? Quand le footballeur Ribéry épouse une jeune femme algérienne, qu'il se convertit à l'islam, et chante partout son adoration pour son « pays d'adoption », l'Algérie?

    « Hésitant entre une belle exotique et un boudin national, l'universaliste fera en général le bon choix…» À la fin de son livre, Todd ressemble à l'universitaire inventé par Houellebecq dans Soumission : il finit par se convertir à l'islam pour goûter aux délices de la polygamie.

    « La France redeviendra elle-même quand Paris sera devenue la ville où auront fusionné des représentants de tous les peuples du monde, une nouvelle Jérusalem »… Longtemps, Todd nous a asséné son optimisme méprisant. L'homme avoue désormais son doute. « Il est déjà certain que ma génération ne verra pas la terre promise.» Todd se prenait pour le nouveau Moïse d'une « humanité libérée de tout sentiment racial ». Todd le prophète s'avère un Docteur Folamour. Dans ses éprouvettes, c'est avec notre peau qu'il joue. 

     

    Qui est Charlie ? Emmanuel Todd, Seuil, 243 p., 18 €

     

  • CIVILISATION • Philippe de Villiers : « La barbarie va nous faire redécouvrir notre civilisation »

     

    Par Philippe De Villiers

    Dans une tribune donnée au Figaro, Philippe de Villiers réagit aux attentats du vendredi 13 novembre. Selon lui, de cette tragédie pourrait naître un sursaut salutaire. Nous n'avons rien à y ajouter. LFAR 

    Dans mon dernier livre [1], je l'avais écrit en toutes lettres: « Nous allons devoir affronter la guerre que nous ne voulons pas nommer. Et la classe politique va connaître le chaos. »

    Nous y sommes : la guerre est là. Et le chaos va suivre. Les fautes sont trop lourdes. L'imputation sera terrible. Comment les élites mondialisées pourraient-elles en effet s'exonérer de leur responsabilité devant l'histoire, d'avoir installé chez nous, depuis les années soixante-dix, une colonisation à rebours, préparant ainsi les prodromes d'une nouvelle guerre de religion inouïe depuis le XVIème siècle.

    Les gens qui se sont succédé au pouvoir depuis l'ère giscardienne et maastrichtienne ont failli. La France officielle qui a importé au cœur de notre pays, une autre nation, a vécu sur deux principes : un «espace sans frontière», au nom de l'hubris européen ; et une « société multiculturelle », au nom de l'idéologie mondialiste.

    On nous a expliqué, pendant vingt ans, que « les frontières étaient inutiles ». Aujourd'hui, il y a 5000 kalachnikovs qui, après un long voyage, dorment sagement dans les caves des « territoires perdus de la République ». Personne n'en a contrôlé l'entrée. On y trouvera bientôt des stocks de gaz sarin. Il y a aussi 3000 kamikazes - selon nos services de renseignement - qui vont et viennent sans souci pour aller chercher en Belgique ou en Syrie leurs ceintures explosives.

    Et voilà que soudain, on nous dit « On va fermer les frontières ». Il faut se pincer pour être sûr d'avoir bien entendu. Le salto arrière est impressionnant. Aucun mea culpa. La médiacaste éberluée s'extasie : « va pour les frontières ! Chapeau l'artiste ! ». Il faudra des années pour reconstituer une infrastructure douanière. Que de temps perdu !

    De la même manière, depuis vingt ans, au nom du multiculturalisme, on a voulu en finir avec la fameuse « assimilation » des étrangers. C'était un «concept désuet ». Il fallait « insérer », « intégrer ». Et on a désintégré et assimilé à  l'envers les petits Français de souche au mode de vie hallal.

    Ainsi a-t-on changé le visage de la France ! Dans certains quartiers, dans certaines villes, il suffit de descendre dans la rue : il y a des voiles partout. On a inscrit dans nos paysages, avec la « mixité sociale », la « politique de la ville », un damier communautaire.

    Les hommes politiques savent que, selon la loi de l'islam, l'humanité entière est destinée à se reconnaître musulmane, à se soumettre au Dieu du Coran. La bipartition du monde impose le Djihad: il y a le monde islamisé - le Dar El Islam - « la maison de la paix ». Et il y a le monde à islamiser - le Dar El Harb - « la maison de la guerre ». Pour les « jeunes Croyants », imprégnés de sourates, et ceinturés d'explosifs, qui ont frappé à Paris, depuis Molenbeek et la Syrie, la France doit être islamisée puisqu'elle fait partie du Dar El Harb.

    Il y a un autre mensonge qui vient d'expirer sous nos yeux dans le Paris ensanglanté : nos élites ont voulu nous faire croire que la « laïcité droit de l'hommiste » était une réponse suffisante - et même la seule réponse convenable - à la gangrène djihadiste. Or on voit bien ce qui se passe aujourd'hui : les laïcards font le vide et les islamistes le remplissent. Ils nous frappent parce qu'ils nous méprisent. Le nihilisme occidental, prenant congé d'une chrétienté flageolante, s'exprime comme une neutralisation religieuse de l'espace public.

    Il faut rendre le pays à ses fiertés. Et sortir aussi la France du protectorat américain où elle s'abîme. Nos élites sont veules. Elles obéissent à Washington où elles vont chercher consignes et argent de poche. A cause de l'Amérique, nous avons lâchement abandonné les Chrétiens d'Orient. Il faut un renversement d'alliance : sortir de l'OTAN et ouvrir un partenariat avec les Russes, faire la grande Europe de l'Atlantique à l'Oural, l'Europe des chrétientés charnelles.

    Quelle tristesse ! Le bain de sang, le grand deuil… Tant de larmes… Et puis la torpeur… l'incompréhension, parfois la prostration. Tant de gens qui ont cru à la fable du « vivre ensemble » et au slogan « L'islam, religion de paix », ainsi qu'à l'impératif catégorique à l'intention des islamo-sceptiques : « Pas de stigmatisation! Pas d'amalgame ! ».

    La France pleure. Nos cœurs saignent. Nous pleurons sur les Français et sur la France. Sur ce pauvre pays si cher, qui enterre les victimes d'une religion de conquête et que nos politiciens n'ont pas su protéger, par lâcheté, par inconséquence et par une détestation hystérique de la France chrétienne. Au surlendemain des attentats [2], le président des maires de France, M. Baroin, a demandé qu'on expulse de l'espace public les crèches de Noël. Et pourtant, dans les noirceurs de cette tragédie, s'est allumée une petite lumière. Bientôt émergera le carré de la dissidence. Un jour viendra - peut-être un jour prochain - où des milliers de mains vont se tendre les unes vers les autres. Des mains qui ne se connaissent pas. Fragiles, hésitantes. Celles des jeunes branchés du vendredi soir, agressés les premiers et dont la colère les portera vers la vérité. Leurs parents soixante-huitards leur avaient dit : « il n'y aura plus jamais de guerre ». Maintenant, ils savent. Un peu plus loin, il y a d'autres jeunes, qui vivent tapis dans les banlieues et qu'on appelle les « petits blancs ». Ceux-là n'en peuvent plus de baisser la tête et de longer les murs. Ils regardent aujourd'hui les terrasses ensanglantées, ils se sentent frères de détresse sinon de mode de vie avec les morts du Bataclan. Eux aussi vont se redresser en criant: « On est chez nous ! ».

    Et puis il y a tous ces jeunes veilleurs de la Manif Pour Tous qui ont passé quelques nuits au poste et ont compris que la gent politicienne les avait manipulés. Ils savent que notre civilisation est mortelle. Ils sont entrés en dissidence, dans la grande catacombe. Enfin, il a les jeunes ruraux, qui se sentent abandonnés par la fameuse « politique de la Ville » et qui voient arriver dans les campagnes le flot des migrants où se glissent quelques terroristes syriens.

    Toutes ces jeunesses vont se lever et opérer leur jonction. Ils porteront des lucioles, comme celles qu'ils ont déposées dans les rues de Paris. Ils les brandiront au nom de l'Âme Française. Toutes ces petites Marseillaises qui viennent de partout signalent déjà ces fiertés bourgeonnantes. Les événements en auront fait - eux, les fils de consommateurs compulsifs - des combattants instinctifs de notre identité patrimoniale.

    Alors, peut-être qu'avec le recul, dans quelques années, on pensera : ce premier acte de guerre des islamistes à Paris, qui a semé la terreur et la panique, ce fut en fait la première faute stratégique du Califat. Car il a réveillé les Français - les jeunesses françaises -. et les a arrachés à leurs somnolences et crédulités.

    Avec les prochains attentats, hélas prévisibles, nous allons connaître le point de retournement. La France est en dormition mais elle n'est pas morte. La barbarie va nous faire redécouvrir notre civilisation. Les yeux vont s'ouvrir. Et peut-être aussi les âmes. 

    Philippe De Villiers            

  • Alain de Benoist : « La paix est une chose fragile, et ne sera jamais l’état naturel d’une société… »

     

    Un entretien, sur Boulevard Voltaire, où, une fois encore, Alain de Benoist rappelle une vérité élémentaire ...

    Il y note que la guerre est une constante de l'Histoire, qu'elle n'est naturellement pas abolie parce qu'il est impossible d'en faire disparaître les causes; qu'enfin - ce que Maurras expliquait déjà en termes presque identiques - « l’abolition de l’État-nation n’y changerait rien : au sein d’un "État mondial", les guerres étrangères seraient seulement remplacées par des guerres civiles. »   LFAR  

     

    1530443371.jpg« Cette fois, c’est la guerre », titrait Le Parisien au lendemain des attentats du 13 novembre. « Nous sommes en guerre », a, lui aussi, déclaré Manuel Valls. C’est votre avis ?

    Bien sûr. Mais pourquoi le dire si c’est évident ? Toute la question est là : nous sommes en guerre, mais beaucoup de Français ne le comprennent pas. Aux attentats du 13 novembre qui, à la différence de ceux de janvier dernier, ne visaient personne en particulier, mais tout le monde indistinctement, ils répondent en des termes convenus qui ressortissent principalement au registre humanitaire (« tristesse, horreur »), lacrymal (« ayons une pensée pour les victimes ») et maternel (« protégez-nous des méchants »). Ils observent des minutes de silence et allument des bougies comme ils le feraient à l’occasion d’une tuerie perpétrée par un fou dans une école, d’une catastrophe aérienne ou d’un tremblement de terre meurtrier. Ils proclament « même pas peur », quitte à détaler comme des lapins à la moindre fausse alerte. Peur, insécurité, psychose. En fin de compte, les attentats se ramènent à un déchaînement de violence incompréhensible dont sont responsables « ceux qui aiment la mort » et dont sont les victimes « ceux qui aiment la vie ». Ce vocabulaire, cette attitude, ces réactions ne sont pas ceux de gens qui ont compris ce qu’est la guerre. Les attentats ont frappé des hommes et des femmes qui n’avaient pas le sentiment d’être en guerre ou d’en vivre une.

    Il n’est jusqu’au terme de « kamikazes » qu’on voit maintenant employé partout, alors qu’il est totalement inapproprié. Les pilotes kamikazes (« vent divin ») étaient des soldats japonais qui sacrifiaient leur vie en allant frapper des objectifs militaires, pas des fanatiques qui allaient se faire exploser pour tuer des civils !

    Comment expliquer cette incompréhension ?

    D’abord parce que cette guerre est d’un genre particulier, puisqu’elle combine guerre conventionnelle sur le terrain et terrorisme, et que l’ennemi se recrute en partie chez nous. Ensuite, parce qu’on n’a jamais vraiment expliqué aux Français pourquoi nous avons choisi de nous y engager. Devions-nous prendre part aux côtés des Américains au conflit qui, à l’heure actuelle, oppose les sunnites et les chiites ? Et pourquoi nous acharnons-nous à refuser toute collaboration avec la Syrie et l’Iran, qui combattent Daech les armes à la main, tout en continuant à faire la cour aux dictatures pétrolières du Golfe, qui soutiennent directement ou indirectement les djihadistes ? Un tel manque de clarté ne favorise pas la compréhension.

    La vraie raison, cependant, est ailleurs. En dehors des guerres liées à la décolonisation (Indochine, Algérie), la France est en paix depuis 70 ans. Cela veut dire, non seulement que les jeunes générations n’ont jamais connu la guerre, mais – cas unique depuis des siècles – que leurs parents ne l’ont pas connue non plus. Dans l’imaginaire collectif de la majorité des Européens, la guerre, c’est fini. Ou plus exactement, c’est fini chez nous.

    En dépit des événements qui ont ravagé l’ex-Yougoslavie, et de ce qui se passe actuellement en Ukraine, ils ont le sentiment qu’en Europe, la guerre est devenue impossible. Ils s’imaginent que la construction européenne a créé un état de paix qui ne peut que durer (en réalité, c’est l’inverse : l’Europe n’a pas empêché la guerre, c’est la fin de la guerre qui a permis de créer l’Europe). Bien sûr, ils savent que l’armée française poursuit des « opérations » dans certains pays, comme le Mali, mais tout cela leur apparaît comme quelque chose qui ne les concerne pas, d’autant que les théâtres d’opérations sont lointains.

    C’est aussi la raison pour laquelle ils parlent de « scènes d’apocalypse » pour désigner des attentats qui ont fait 130 morts. Quels mots emploieraient-ils pour désigner ces périodes de la Première Guerre mondiale où les combats faisaient plus de 20.000 morts par jour ? Il leur reste à apprendre que la paix est une chose fragile, et qu’elle ne sera jamais l’état naturel d’une société. Y compris en Europe.

    Le vieux rêve de « faire disparaître la guerre » n’en reste pas moins présent dans les esprits… même s’il n’y a jamais eu autant de guerres dans le monde que depuis que la guerre a été officiellement abolie !

    Surtout dans l’esprit des pacifistes qui veulent « faire la guerre à la guerre », sans même s’apercevoir du caractère contradictoire de ce slogan. Mais le pacifisme n’est pas la paix, c’est même le contraire. Lorsqu’en 1795, Emmanuel Kant publie son Projet de paix perpétuelle, qui s’inscrit dans le sillage de l’abbé de Saint-Pierre (Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe, 1712-1713), il se contente de faire de la « paix perpétuelle » une exigence de la raison pratique : « La raison moralement pratique énonce en nous son veto irrévocable : il ne doit pas y avoir de guerre. » On voit par là qu’il s’agit d’un vœu pieux, car s’il était possible de réaliser en pratique ce qui ne peut relever que du domaine de la raison pure, la distinction entre l’empirique et le métaphysique n’aurait plus de raison d’être. Le projet kantien postule en réalité la domination du droit par la métaphysique et la morale, et l’affirmation de la souveraineté de la métaphysique sur la pratique.

    La paix ne se conçoit pas sans la guerre, et le contraire est également vrai. La guerre restera toujours une possibilité, parce qu’on ne pourra jamais faire disparaître ce qui la provoque, à savoir la diversité virtuellement antagoniste des aspirations et des valeurs, des intérêts et des projets. L’abolition de l’État-nation n’y changerait rien : au sein d’un « État mondial », les guerres étrangères seraient seulement remplacées par des guerres civiles. On ne fait pas disparaître un ennemi en se déclarant « pour la paix », mais en se montrant plus fort que lui. 

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    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier - Boulevard Voltaire

     

  • Pour une réaction de fond !

     

    Hormis la vision concrète de l'horreur, la vague terroriste qui vient de submerger Paris ne nous a rien appris que nous ne sachions déjà. Rien, ni sur le nombre des victimes, ni sur le mode opératoire des terroristes, qui n'ait été prévu, analysé, annoncé. L'on savait que de nouveaux attentats se préparaient. On le sait aujourd'hui aussi pour demain, ou après-demain... Qu'ils puissent prendre une encore plus grande ampleur, mettre en œuvre des moyens plus terrifiants encore que ceux utilisés hier, on le sait aussi. Et que cette guerre, fût-elle asymétrique, ou précisément parce qu'elle l'est, soit faite pour durer, qu'elle ait la possibilité d'enrôler pendant longtemps encore de nouveaux combattants à travers le vaste monde islamique, qu'elle puisse donc s'étaler sur plusieurs décennies, n'est hélas pas une hypothèse absurde.

    La France est-elle humainement, moralement, intellectuellement, techniquement, militairement et politiquement - nous voulons dire institutionnellement - armée, pour la mener, la soutenir, y triompher ? Comment ne pas se poser ces questions de fond lorsqu'on observe la société française, la vie politique française ? C'est à dire, en bref, lorsqu'on constate notre extrême fragilité ? Quelques jours de sursaut, quelques discours martiaux, lorsque tout semble s'effondrer, ne peuvent cacher le vide sidéral du continuum politique et social français.

    Si l'on n'a pas conscience de cette question de fond, rien n'est possible. On pourra toujours attendre et réclamer de nos dirigeants des actes forts, un regain d'autorité, une inflexion majeure de notre politique étrangère, ou de notre politique d'immigration, comme Nicolas Sarkozy l'a fait hier matin, le passage à l'acte se fera attendre, sera d'apparence, sera fait de demi-mesures.

    Réclamons donc sans illusion cette réaction de l'immédiat. Acceptons-en l'augure improbable. Tout ce qui pourra être décidé de positif pour la sécurité de la France et des Français sera malgré tout bon à prendre.

    Mais tentons surtout d'envisager ce que pourrait, devrait être une réaction de fond. Sur le double plan moral et politique.

    Au lendemain des attentats de janvier, la préoccupation du pays légal tout entier - politique et médiatique - fut d'abord de préserver la communauté musulmane de toute réaction hostile. On s'est dits Charlie et l'on ne s'est pas battu pour la France, pour le peuple français, mais pour une très contestable et, au sens plein, dérisoire liberté d'expression. La réaction nationale qui était possible fut ainsi fourvoyée. Ce fut l'esprit Terra Nova qui nous a valu presque un an de matraquage permanent, multiculturaliste, universaliste, antiraciste (c'est à dire anti-blancs), immigrationniste, sansfrontiériste, etc. Ce corpus idéologique, utopique et destructeur, où l'identité nationale est moquée, la fierté nationale tournée en ridicule, l'Histoire de France oubliée, la repentance, la culpabilisation érigées en méthode pédagogique, ce corpus idéologique omniprésent doit être pourchassé, combattu, abandonné, si l'on veut avoir quelque chance de gagner la guerre qui nous est faite. On ne mène pas à la bataille, encore moins à la victoire, un pays dont on sape le moral, les racines, la fierté, l'identité. Nous savons que toute identité évolue, s'approprie, s'enrichit d'apports extérieurs pour les incorporer à ce qu'elle a de substantiel et de pérenne. Il sera temps, secondairement, de chanter les louanges des dits apports extérieurs. L'urgence est aujourd'hui, prioritairement, de rendre aux Français le sens et la fierté de leur identité pérenne. Ce pourrait être la mission, d'ailleurs déjà heureusement entreprise, de ce courant d'intellectuels qui s'opposent aujourd'hui avec  pertinence - mais encore trop faiblement - à la déconstruction du pays, de sa culture, de son essence. Nous pensons en particulier à ce courant de journalistes, écrivains, historiens, universitaires et politiques, que l'on nomme néo-réacs ou néo-conservateurs.  De nombreux Français, aujourd'hui, attendent beaucoup de leur action.   

    Au delà de la lutte idéologique pour le moral français, pour l'identité française, la seconde question essentielle qui se pose est celle de la validité ou non de notre Système politique et institutionnel, de son adaptation ou inadaptation aux temps dangereux dans lesquels nous sommes entrés. Quelques jours d'union nationale cèderont vite la place dans le monde politicien aux obsessions électorales, à l'esprit de parti. Aux grands enjeux nationaux, oubliés aussitôt le danger passé, vite oublié lui aussi, succèdera l'obsession des échéances électorales, les régionales, qu'elles aient lieu ou non à la date prévue, la présidentielle de 2017 et, pourquoi pas ?, de 2022. L'existence de la nation se retrouvera sacrifiée aux intérêts de parti et à l'ambition des personnes. L'activité politique se ramènera à leurs jeux et à leurs luttes. La question du régime a été posée à de multiples reprises ces derniers mois dans la presse, dans le débat public. Par de nombreuses personnalités. Y compris par un ministre de la République en exercice. L'un des principaux. Le plus jeune et le plus brillant. Oui, notre devoir de Français responsables est de poser, de rouvrir la question du régime qu'il faudrait à la France.

    C'est cela qu'en d'autres temps eût proposé la grande voix de l'Action Française. C'est cela qu'à notre plus modeste échelle, nous proposons aujourd'hui.

     

    Lafautearousseau

     

  • FAILLITES RÉPUBLICAINES

     

    Par François Marcilhac 

    Pour ce dernier éditorial de l’année politique, nous aurions préféré pouvoir simplement souhaiter à ceux de nos lecteurs qui ne les auraient pas encore prises de bonnes vacances bien méritées ! Malheureusement, l’actualité ne nous en laisse pas le loisir.

     
    Ou, plutôt que l’actualité, car il faut toujours désigner les choses et les causes — c’est le même mot en latin — par leur nom : la république !

    Les « choses », ce sont, en l’occurrence, ces multiples faillites auxquelles nos compatriotes assistent en cette fin de mois de juillet. Les causes, quant à elles, se résument à une principale : la République, non seulement dans son incapacité à répondre aux enjeux de notre temps mais plus encore dans son incurie et son idéologie, qui sont à la source de nombreux problèmes.

    Tout d’abord la faillite bien concrète de dizaines de milliers d’éleveurs, confrontés à une baisse catastrophique des prix, qu’il s’agisse de la viande, ou encore du lait à la suite de la disparition des quotas. Comme l’a déclaré Périco Légasse au Figaro, ce 22 juillet, « la puissance financière de la grande distribution et sa collusion avec la classe politique conduisent au massacre économique et social que l’on constate quotidiennement. Nos gouvernants, de “droite” comme de “gauche” — tout cela ne veut plus rien dire — ont tellement peur d’aller dans le sens contraire de l’histoire, entendez celui des marchés financiers, en réglementant les pratiques commerciales abusives et déloyales, que la grande distribution dicte leur conduite aux pouvoirs publics. » Sans compter une politique européenne favorisant, notamment à travers la pratique des travailleurs détachés, une concurrence déloyale en matière de main d’œuvre qui profite essentiellement à l’Allemagne, sur fond d’une libéralisation des échanges que la signature promise, par l’Europe, du traité transatlantique ne fera qu’aggraver encore. C’est bien la destruction de l’agriculture française qui est délibérément recherchée tant par les instances européennes sous contrôle allemand que par les Etats-Unis — une agriculture française que le carcan européen étouffe depuis plusieurs décennies avec la complicité active des dirigeants français, au nom d’une politique agricole commune dont nos paysans ont été les dindons de la farce ! Ne les a-t-on pas forcés, pour mieux les asservir et les conduire à la faillite, à vivre non plus de leur travail mais de subventions versées avec une prétendue générosité par l’ « Europe » — mensonge éhonté puisque la France est contributrice nette du budget européen ? Le tout en imposant un modèle agricole qui empoisonne les terres et les paysans eux-mêmes ! Oui, la république a fomenté la faillite de l’agriculture française.

    Faillite, ensuite, des collectivités territoriales : Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France, a ainsi déclaré aux Echos le 26 juillet que de « un à cinq départements risquent de se déclarer en faillite d’ici à la fin de l’année si rien n’est fait. » Pourquoi ? Parce « l’Etat n’a pas compensé l’intégralité des versements que nous faisons pour son compte aux prestataires sociaux. Nous avons calculé qu’à fin juillet, le reste à charge cumulé pour les départements est de 8 milliards d’euros. » Joli tour de passe-passe d’une république qui ne « décentralise » apparemment que pour fuir ses responsabilités ! Et laisser les collectivités — par ailleurs trop contentes de s’instituer en féodalités politiques — dans l’incapacité de répondre à des contraintes financières décidées à Paris. Oui, la république est bien dans l’incapacité de faire vivre sainement les différents échelons administratifs tout simplement parce qu’elle a tué, dès l’origine, une organisation territoriale où l’économique, le culturel et le social peuvent se compléter harmonieusement. Il sera toujours possible de ponctionner le pays réel !

    Faillite également du « vivre-ensemble », cet OPNI (objet politique non identifié) dont l’incantation magique est proportionnelle à la dissolution de la société française. Là encore, la république est pleinement responsable d’un état de fait où les agressions au nom de préjugés barbares, étrangers à notre vieille civilisation chrétienne qui est la chair de notre identité nationale, deviennent monnaie courante — récemment encore dans un parc de Reims —, suscitées par une politique, elle aussi, menée conjointement depuis plusieurs décennies par nos gouvernants, de “droite” comme de “gauche”, puisque tout cela, en effet, ne veut plus rien dire. La justice et l’intérieur ont beau mentir effrontément pour dissimuler le caractère « culturel » de ces agressions : des Français de souche ou des immigrés pleinement assimilés en sont devenus les victimes quotidiennes. L’invasion migratoire, ordonnée par les instances européennes et que nos dirigeants organisent de manière préméditée, déstabilisent la société française en imposant la préférence étrangère. Il en est ainsi de la récente loi Cazeneuve sur les nouveaux droits des immigrés — de préférence en situation irrégulière : les chouchous des socialistes —, loi qui, en élargissant les procédures d’accès à la nationalité française, crée, selon le Républicain Guillaume Larrivé, « une sorte de régime du droit du sol hors sol ». Mais les Républicains — ex-UMP — sont-ils les mieux placés pour dénoncer une politique qu’ils ont eux-mêmes allègrement pratiquée lorsqu’ils étaient au pouvoir ? Et comment Sarkozy, qui fut le champion du déferlement migratoire durant cinq ans et le serait encore s’il revenait au pouvoir, ose-t-il déclarer vouloir remettre en cause Schengen ? Assez de mensonges !

    Faillites et mensonges, également, s’agissant de l’école, que nos gouvernants, de “droite” comme de “gauche”, puisque, là encore, tout cela ne veut plus rien dire, se sont ingéniés à détruire pour mieux couper les Français de leurs racines et empêcher les néonationaux de les acquérir, en vue de favoriser la dissolution de l’identité nationale, l’idéologie pédagogiste, partagée par toute la classe politique républicaine, continuant parallèlement son travail de sape de la transmission des savoirs.

    Oui, c’est avec la conscience de ces multiples faillites, dont la liste est loin d’être exhaustive, et de ces mensonges éhontés d’un pays légal sans vergogne, que les patriotes doivent partir en vacances. Pour nourrir leur détermination. Et recouvrer leurs forces. Toutes leurs forces. Car dès la rentrée le pays en aura besoin ! 

    L’AF 2000

     

  • Crise des migrants : et si on relisait Lévi-Strauss ?

     

    Réflexions sur la crise migratoire par Mathieu Slama* 

    Nous avons publié, le 12 aout, un premier article de Mathieu Slama qui traitait de deux visions du monde qui s'entrechoquent : « la démocratie libérale et universaliste » côté européen et de l'autre « la nation souveraine et traditionaliste, », celle, selon lui, de Vladimir Poutine**. Les réflexions qui suivent s'inscrivent comme un diptyque avec les premières. Il s'agit ici de la crise migratoire que nous vivons et, de nouveau, de l'universalisme des nations occidentales. Mathieu Slama éclaire cette crise migratoire - qui pose des questions centrales en matière d'identité - à travers la réflexion de Claude Lévi-Strauss. Ce qui le conduit à une analyse, voire à des conclusions, dont nous ne pouvons qu'approuver et partager, sinon le détail en totalité, du moins le fond. LFAR

    La crise migratoire met en jeu, pour reprendre les mots du Pape François, notre conception même de la dignité humaine. Les images de ces hommes fuyant la misère ou la souffrance pour une autre misère et souffrance un peu plus supportables ne peuvent qu'ébranler notre conscience au plus profond d'elle-même.

    De façon plus politique, cette crise nous oblige aussi à reposer la question de l'universel. Deux positions s'affrontent en effet : d'un côté celle qui considère que les migrants font partie de la même humanité que la nôtre et qu'il faut donc les accueillir ; de l'autre celle qui soutient que l'accueil des migrants met en péril la singularité culturelle des nations européennes (une position défendue récemment par Viktor Orban). L'universalisme d'un côté, qui suppose la subordination des nations à des règles universelles communes à chaque homme (les fameux « droits de l'homme ») ; le traditionalisme de l'autre, qui fait de chaque homme le produit d'une histoire particulière, d'une culture et d'un passé. L'Homme n'existe pas, affirmait Joseph de Maistre dans sa célèbre apostrophe, mais il y a des Français, des Italiens, des Suédois etc.

    Sous l'impulsion du moment révolutionnaire de 1789 et de ses illustres penseurs, l'option universelle a progressivement emporté la bataille en Europe. Elle a conduit, par ses dérives, au malaise européen contemporain qui touche la majorité de nos nations : disparition du sentiment national, primauté des droits individuels sur la dimension spirituelle héritée de la tradition, dilution du patrimoine culturel national sous les coups d'une immigration excessive (dont une partie de la responsabilité incombe, soulignons-le, aux crimes colonialistes européens et plus récemment à l'ingérence occidentale au Moyen-Orient).

    L'ouverture des frontières nous a jetés dans une angoisse insaisissable mais en même temps très réelle. Le fait que la question migratoire soit devenue, devant le chômage, l'inquiétude principale des Européens est à cet égard extrêmement révélateur.

    L'anthropologue Claude Lévi-Strauss nous aide à mettre des mots sur ce phénomène. De façon prophétique, il avait mis en garde contre les conséquences de l'effritement des frontières au nom d'un universalisme et multiculturalisme destructeur: « La fusion progressive de populations jusqu'alors séparées par la distance géographique, ainsi que par des barrières linguistiques et culturelles, marquait la fin d'un monde qui fut celui des hommes pendant des centaines de millénaires, quand ils vivaient en petits groupes durablement séparés les uns des autres et qui évoluaient chacun de façon différente, tant sur le plan biologique que sur le plan culturel ». Et Lévi-Strauss de s'en prendre au « mouvement qui entraîne l'humanité vers une civilisation mondiale, destructrice de ces vieux particularismes auxquels revient l'honneur d'avoir créé les valeurs esthétiques et spirituelles qui donnent son prix à la vie et que nous recueillons précieusement dans les bibliothèques et dans les musées parce que nous nous sentons de moins en moins certains d'être capables d'en produire d'aussi évidentes ». Pour l'anthropologue, « toute création véritable implique une certaine surdité à l'appel d'autres valeurs, pouvant aller jusqu'à leur refus, sinon même leur négation. Car on ne peut, à la fois, se fondre dans la jouissance de l'autre, s'identifier à lui, et se maintenir différent » . Cette réflexion, d'une grande radicalité mais aussi particulièrement lucide, lui fut durablement reprochée à une époque où l'antiracisme et le « sans-frontiérisme » régnaient en maîtres.

    La position de Lévi-Strauss, que nous défendons ici, est pourtant authentiquement antiraciste. Elle découle de la haute idée que nous nous faisons des cultures qui ne sont pas les nôtres. Pour « être soi » et ainsi préserver la diversité du monde (et donc sa richesse culturelle), il faut non pas rejeter l'autre mais accepter une certaine séparation, car « pour être soi » il faut nécessairement « ne pas être l'autre ». «On doit reconnaître», conclut Lévi-Strauss, « que cette diversité [du monde] résulte pour une grande part du désir de chaque culture de s'opposer à celles qui l'environnent, de se distinguer d'elles, en un mot d'être soi: elles ne s'ignorent pas, s'empruntent à l'occasion, mais pour ne pas périr, il faut que persiste entre elles une certaine imperméabilité ».

    Faut-il pour autant renoncer, au nom de la préservation de ce qui subsiste de notre originalité culturelle, à porter secours aux migrants ? Cette position est difficilement soutenable au regard du devoir de charité qui incombe à chacun d'entre nous. Mais ce devoir ne peut impliquer d'accueillir, pour le long terme, un nombre important de migrants dans un pays et un continent déjà minés par le délitement culturel (sans parler du chômage de masse). Le cas des réfugiés - notamment venus de Syrie - doit faire l'objet d'un traitement particulier, évidemment. Il ne s'agit pas d'intolérance et encore moins de repli sur soi, mais de préservation du peu qui nous reste à conserver - à moins qu'il ne soit déjà trop tard.

     

    *  Mathieu Slama spécialiste de la communication de crise chez Publicis Consultants.

    ** Vladimir Poutine contre l'universalisme occidental

     

  • Chine, la puissance inquiète ... Il n’y a pas que la Grèce, dans le monde…*

     

    Nous avons publié cet article le 21 juillet dernier, il y a donc un peu plus d'un mois. Sous le même titre. Août et sa torpeur ont passé. Et voici que l'actualité rattrape notre sujet. Nous croyons utile de le remettre en ligne, de vous proposer de le lire ou relire. On nous accordera d'avoir visé juste et d'avoir posé de bonnes questions !  

    Cet article - de Jean-Luc Gréau, dans Causeur - nous a vivement intéressés. Il ouvre notre regard et notre réflexion non seulement à l'existant mais aussi à des possibles futurs, fussent-ils inquiétants et en contradiction avec ce que, jusqu'à présent, il a été convenu de penser. Ainsi de la Chine, comme puissance, ou même hyperpuissance de demain. De façon naturellement inélectable. Il suffit de prolonger les courbes, n'est-ce pas ?  

    Mais ici, nous n'avons jamais cru à la théorie de la fin de l'Histoire, ni au primat de l'Economie, ni que la mondialisation, réalité d'aujourd'hui, soit nécessairement le fait devant donner forme au monde de demain, ni qu'elle doive supprimer les peuples, les nations, leurs rivalités et leurs différences, ni qu'elle doive apporter à tous égale prospérité, niveaux comparables de développement et la paix universelle. Peut-être même est-ce tout le contraire.

    Le grain de sable grec a grippé pour longtemps - peut-être définitivement - la machinerie européenne. Qu'en sera-t-il si, démentant le conformisme des prévisionnistes, le géant chinois devait entrer en crise ? Economiquement, on peut l'imaginer. Mais d'autres domaines qui y sont corrélés, devraient appeler l'attention. Par exemple le surarmement dans lequel se sont lancées les puissances asiatiques (Chine, Inde et aujourd'hui Japon). Nous ignorons si Jean-Luc Gréau nous suivrait dans de telles considérations extra-économiques. Qu'il veuille bien nous en excuser. En tout cas, son analyse - qui plus est fort bien écrite - nous a amenés à y réfléchir.  LFAR  

     

    « La Chine m’inquiète » disait la duchesse de Guermantes dans Du côté de chez Swann. Le propos, dérisoire mais divertissant, a fini par devenir vrai quand la Chine a atteint récemment le statut de premier producteur mondial aux côtés et au grand dam des Etats-Unis, après avoir trente cinq années durant élargi et renforcé sa capacité économique.

    En juin cependant, tandis que l’imbroglio grec faisait perdre leur latin aux Européens, les bourses de Shanghai et de Pékin ont offert le spectacle d’un krach qui n’était attendu par aucun des économistes spécialisés. L’effondrement des cotes, de plus d’un tiers en deux semaines, a touché toutes les valeurs et la peur s’est emparée des entreprises qui étaient cotées ou voulaient se faire introduire en bourse.

    Il y avait deux façons d’aborder l’évènement. La première consistait à prendre le mouvement comme une profonde correction survenant après cinq mois de folie qui avaient vu, depuis janvier, les cotes s’élever de 55% environ. Il aurait fallu alors attendre la stabilisation spontanée du marché revenu à plus de réalisme. La seconde consistait à s’alarmer des répercussions du mouvement qui ont eu lieu dans sa foulée : report de toutes les introductions en bourse, report de toutes les augmentations de capital, à commencer par celles envisagées par les entreprises surendettées pour renforcer leur solvabilité. C’est ainsi qu’ont réagi les autorités de Pékin.

    D’abord, en injectant de la monnaie directement vers les brokers à partir des guichets de la banque centrale, ensuite en faisant intervenir un organisme public de marché, le Chinese Finance Securities Corp, ensuite encore en mettant en action les banques commerciales d’Etat, pour un montant de plus de 200 milliards de dollars, enfin en interdisant toute vente durant six mois aux détenteurs d’au moins 5% des actions. Le caractère massif de l’intervention en dit long sur l’inquiétude du pouvoir de Pékin.

    Un mois après la baisse initiale, la perplexité s’est installée. Personne ne sait si la hausse de la cote obtenue grâce aux mesures publiques de soutien du marché va déboucher sur une stabilisation durable. Nous pouvons dire cependant que cette stabilisation sera considérée comme acquise si le mouvement d’introductions et d’augmentations de capital reprend.

    A la faveur de l’épisode, la Chine a cessé de produire l’image d’une puissance orgueilleuse, dominatrice et sûre d’elle-même. Paraphrasant la duchesse de Guermantes, on dira « La Chine s’inquiète ». Elle s’enracine sans doute dans le fait central du surendettement qui touche d’innombrables entreprises liées aux secteurs du logement et des infrastructures. Entre 2008 et 2014, l’endettement global des Chinois a rejoint des niveaux « occidentaux », passant de 140% à 250% du PIB. L’endettement nouveau s’est concentré dans les entreprises et les collectivités locales.

    L’énoncé du problème économique chinois est désormais le suivant : ou bien les autorités de Pékin parviennent à réduire graduellement la croissance, sans la casser, pour contenir la dette des entreprises ; ou bien ils acceptent une fuite en avant consistant à doper sans cesse l’économie du pays, pour repousser l’échéance d’un « crash landing » dont le krach boursier de juin n’aurait été qu’un signal précurseur.

    Il n’y a pas que la Grèce dans le monde, il y a aussi la Chine. 

     

    Jean-Luc Gréau - Causeur

    *Photo : Zhengyi Xie/REX Shutter/SIPA/Rex_Stocks_Soar_China_4900402B//1507101258

  • Royaliste, Emmanuel Macron ? Ce qu'en pense Bertrand Renouvin

     

    Bertrand Renouvin a donné dans son blog une analyse pertinente des déclarations d'Emmanuel Macron. « Royaliste, Emmanuel Macron ? » Sa réponse n'est naturellement pas en tous points ce que serait la nôtre. Notamment sur quelques points d'histoire. Mais son commentaire est tout à fait intéressant pour qui persiste à croire - comme lui, sans doute, et comme nous - en un avenir du royalisme français. La conclusion de son billet est, au fond, une forme d'interrogation : « Il sera du plus haut intérêt d’observer comment Emmanuel Macron mettra sa carrière personnelle en accord avec ses conclusions politiques. » Mais n'est-ce pas là l'enfermer dans une sorte de gageure ? Pour réaliser cet accord entre ses conclusions politiques et sa carrière personnelle, sans-doute faudrait-il qu'il en sorte ... Mieux vaut, peut-être, faire confiance à l'avenir : qui nous dit quelles conséquences plus larges qu'elles n'ont aujourd'hui ces déclarations, cette réflexion, pourraient faire germer si les circonstances d'une hypothèse monarchique venaient à se créer, à se réunir ? Dans ce sens, en effet, Renouvin a raison : elles sont à prendre au sérieux. LFAR 

     

    Renouvin.jpgLes propos d’Emmanuel Macron sur « la figure du roi » suscitent maints commentaires narquois ou indignés. Elle est à prendre au sérieux. Emmanuel Macron dit fort justement que la démocratie ne se suffit pas à elle-même : « Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. »

    Un entretien accordé à la presse n’est pas aussi médité qu’un écrit théorique et je m’en voudrais de reprocher à Emmanuel Macron ses raccourcis. Sans doute reconnaîtrait-il sans difficulté que Napoléon n’a rien à voir avec de Gaulle pour cette simple raison que l’Empire n’a pas comblé ce qui manque à la démocratie mais s’est établi sur sa négation. Sans doute reconnaîtrait-il également que Louis XVIII et Louis-Philippe ont rempli leur fonction symbolique (incarner la nation, garantir paisiblement le lien social) en permettant l’institution progressive du régime parlementaire. Il aurait pu ajouter que le général de Gaulle comprenait si bien l’absence de roi qu’il souhaitait que le défunt comte de Paris puisse lui succéder à la présidence de la République dès lors que cette solution serait acceptée par le peuple souverain.

    Ces précisions ne diminuent en rien la force du propos d’Emmanuel Macron : en référence aux théorèmes d’incomplétude de Gödel*, il affirme que le système démocratique a besoin pour fonctionner d’un principe extérieur à lui-même : le thème du « roi absent » ne signale pas un royalisme de regret mais un point décisif de la logique politique qui porte à considérer la monarchie royale comme puissance instituante de la démocratie – ce qu’elle fut effectivement dans maintes nations européennes.

    Plus surprenant : la manière dont Emmanuel Macron actualise sa réflexion. Après avoir constaté que la démocratie française ne remplit pas l’espace, il poursuit : « On le voit bien avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu. » Bon lecteur de Pierre Rosanvallon, de Marcel Gauchet, de Jean-Pierre Dupuy, de Claude Lefort, le ministre de l’Economie et des Finances affirme donc que le président de la République n’existe pas. En d’autres termes, François Hollande, homme de chair et d’os, est un néant politique comme le fut Nicolas Sarkozy. Nous avons fait ce constat depuis belle lurette mais ce qui pouvait apparaître comme une impudence militante est aujourd’hui magistralement attesté.

    Il sera du plus haut intérêt d’observer comment Emmanuel Macron mettra sa carrière personnelle en accord avec ses conclusions politiques.

    * Une théorie qui permet de démontrer les théorèmes de base de l’arithmétique est nécessairement incomplète car elle utilise des énoncés ni démontrables, ni réfutables ; une théorie est cohérente si elle utilise des énoncés qui n’y sont pas démontrables. Gödel a fait l’objet de débats nourris dans les années quatre-vingt, auxquels participèrent Jean-Pierre Dupuy et Régis Debray.

    Le blog de Bertrand Renouvin

     

  • Société • Flics, présomption de culpabilité - Théo : l’aristocratie des ghettos aura-t-elle le dernier mot ?

     

    Par Jean-Paul Brighelli 

    Une chronique façon Brighelli - tel qu'on l'aime - parue dans Bonnet d'âne [17.02] et où l'essentiel est dit sur la lamentable situation que le régime a laissé s'installer et, même, qu'il aggrave par sa démagogie. L'idéologie, la préférence immigrationniste apparaît pour ce qu'elle est aux yeux des Français : la honte de cette République. Et son discrédit grandissant. LFAR

     

    2304514035.jpgIl y a quelques jours, dans le questionnaire que devait remplir une étudiante pour postuler à Kedge Business School, on demandait : « Quel est l’évènement majeur, de ces derniers mois, qui vous a marqué(e) ? »

    Et la jeune fille, une Marseillaise issue, comme on dit, de l’immigration, de répondre : « Le viol du jeune Théo… » Empathie maximale. Sans doute s’y est-elle vue.

    Il m’a fallu des trésors de diplomatie pour lui conseiller de prendre un autre exemple. Pour expliquer que les flics ont droit, comme les autres citoyens, à la présomption d’innocence — même si les faits sont clairement établis, ce qui n’est pas vraiment le cas. Et qu’en tout état de cause, même si le policier incriminé se révélait finalement coupable, il est quelque peu délicat de juger prématurément d’une affaire en cours d’instruction. C’est même carrément illégal.

    Comme c’est une fille intelligente, elle a obtempéré. De bon cœur ? C’est une autre histoire.

    D’autant que rien dans l’actualité ne l’engage à faire preuve de modération. Les temps sont au lynchage préventif — et Internet est un merveilleux champ de lapidation sans examen. Des « people » n’ont-ils pas écrit dans Libé une tribune exemplaire assimilant tout porteur d’uniforme à un violeur en puissance ? Le directeur général de la police nationale s’en est ému. Tous racistes ? Tous violeurs ? Allons donc ! Quand je les vois fermer les yeux sur les trafiquants de dope et de clopes du Marché des Capucins, ou renoncer à verbaliser une femme voilée des pieds à la tête, je les trouve même drôlement coulants — et globalement polis.

    Au passage, qui sont ces « people » qui éructent dans Libé ? Des « gens », si je comprends bien l’anglais : quelle expertise ont-ils des affaires judiciaires ? Le fait d’appartenir à un tout petit monde artistico-littéraro-de gauche leur donne-t-il une quelconque autorité ? Nous vivons sous la dictature de la Pensée unique et du Camp du Bien…

    Il fut un temps — en 68 — où le slogan était plus politique : Flics ! Fascistes ! Assassins ! Après tout, ils étaient au service d’un pouvoir (De Gaulle) qui ressemblait un peu à une monarchie.

    Violeurs, ça vous a une autre gueule que fasciste. On est passé en quarante ans de l’épithète cérébrale à la dénomination libidinale. Le niveau baisse — en dessous de la ceinture.

    Et les politiques ont embrayé avec volupté — voir Benoît Hamon, par exemple, qui condamne les « actes inadmissibles » des policiers — sans doute y était-il. Sauf François Fillon, qui en a profité pour proposer un abaissement de l’âge de la majorité pénale à 16 ans (il faudra en discuter avec les gardiens de prison, trop peu nombreux, trop peu formés), et Marine Le Pen, qui a déclaré que « par principe, elle soutient la police, sauf démonstration par la justice que des actes en violation de la loi aient pu être commis » : la présomption d’innocence n’est pas à géométrie variable. Tant qu’un délit (ou un crime, dans le cas d’un viol) n’est pas prouvé, tant que les faits n’ont pas été établis, il n’y a pas de raison de condamner préventivement. On peut plaisanter sur les conclusions provisoires de l’IGPN, mais elles sont justement provisoires.

    D’autant qu’il n’y a pas de limite au pig-bashing, comme j’écrirais si je parlais anglais. Une semaine après Aulnay, voici que Mohamed K. affirme dans l’Obs qu’il a été passé à tabac par le même policier : et d’exhiber son visage tuméfié, ce qui a entraîné l’ouverture d’une seconde enquête. Allez, parions que d’ici peu, tout individu qui se sera fait casser la gueule incriminera un policier. Tous violeurs, tous assassins. Surtout quand on est bronzé. Pas tibulaire, mais presque, disait Coluche. Délit de sale gueule. Les belles âmes devraient de temps en temps sortir de Paris et visiter les « quartiers », comme on dit, pour voir à quoi ressemble l’aristocratie des ghettos. Ou s’intéresser aux statistiques des prisons françaises, telles qu’elles ont été rassemblées et commentées par le Washington Post — et analysées par le Monde pour les non-anglicistes. Ce n’est pas être raciste que de constater que la misère et la ghettoïsation produisent immanquablement les mêmes dérives — et que c’est sur le front des dérives qu’opèrent les flics. Pas à Paris VIIème (Matignon ou le Ministère de l’Education) ou VIIIème (Elysée et Place Beauvau) arrondissements, où la délinquance n’est pas tout à fait la même…

    C4FDcwvWMAE0RWk.jpg-small.jpgLes manifestants de 1968 voulaient changer le monde — mince, c’est raté ! Ceux d’aujourd’hui veulent juste casser du flic, et être sur le selfie : chacun fait avec les moyens de ses ambitions. Ils ont fait de leur mieux, ces derniers temps — mais le policier grièvement brûlé dans sa voiture en octobre a disparu des radars, d’autant que François Hollande n’est jamais allé le voir, celui-là. Alors qu’il s’est précipité au chevet de Théo et a déclaré que le jeune homme avait « réagi avec dignité et responsabilité ». Qui a dit « deux poids, deux mesures » ? Que pèsent les flics français, quantitativement parlant, face au public cible de Terra Nova ? Mais non, il ne peut pas y avoir de calculs aussi bas, surtout pas en période électorale !

    Je sens que je vais me faire allumer, à tenir de pareils propos. Déjà, il y a quelques jours, expliquer que Roman Polanski n’avait jamais été inculpé de quoi que ce soit en France m’a valu une volée de bois vert. Mais vous savez quoi ? Frankly, I don’t give a damn, comme dit le beau Rhett à la jolie Scarlett.   

    Jean-Paul Brighelli
    Enseignant et essayiste, anime le blog Bonnet d'âne hébergé par Causeur.