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  • Alain de Benoist : « L’idéologie dominante est une idéologie universaliste qui exècre toute forme d’enracinement. »

     

    1251985609.jpgExcellente analyse d'Alain de Benoist sur l'idéologie dominante. Elle prolonge et approfondit nos publications d'hier sur « l'antiracisme » et le « multiculturalisme » qui finissent par se retourner en une pure et simple haine de soi.

    Manuel Valls vient d’annoncer la mise en place d’un nouveau programme de « lutte contre le racisme ». Plus qu’une mode, l’« antiracisme » semble en passe de devenir une nouvelle religion. Laquelle, assez logiquement, pratique aussi une nouvelle Inquisition. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

    L’idéologie dominante est une idéologie universaliste qui exècre toute forme d’enracinement. Ce qu’elle aime, c’est la mobilité, la flexibilité, le déracinement, le nomadisme, bref le programme de Jacques Attali : « L’acceptation du neuf comme une bonne nouvelle, de la précarité comme une valeur, de l’instabilité comme une urgence et du métissage comme une richesse »» (Le Monde, 7 mars 1996). Dans cette optique, l’accusation de « racisme » n’est rien d’autre que le procédé commode qu’elle a trouvé pour délégitimer les particularités concrètes, obstacles à faire disparaître pour mettre en œuvre la fusion rédemptrice, le salut par l’hybridité.

    « L’antiracisme » ne vise plus ceux qui défendent le racisme, mais ceux qu’on accuse de le professer en leur for intérieur même lorsqu’ils disent explicitement le contraire. Le « racisme » lui-même ne désigne plus tant la croyance en l’inégalité des races, qui a de nos jours (fort heureusement) presque disparu, ni même l’hostilité de principe envers une catégorie d’hommes, mais toute forme d’attachement à un mode de vie spécifique, à un paysage natal, à une identité particulière. Tout cela relèverait d’un mauvais penchant révélant une nature corrompue. Comme l’écrit Chantal Delsol dans son dernier livre, « quand des gens simples annoncent qu’ils préféreraient conserver leurs traditions plutôt que de se voir imposer celles d’une culture étrangère »», on en déduit « qu’ils sont égoïstes et xénophobes ». « Est-ce raciste, demandait récemment Jean Raspail, que de vouloir conserver ses traditions et sa manière de vivre, et ne pas les laisser dénaturer ? »

    Pour Lionel Jospin, la « menace fasciste » incarnée naguère par Jean-Marie Le Pen n’était finalement, à l’en croire, que du « théâtre ». Le « racisme » qu’on dénonce aujourd’hui ne serait-il pas aussi une comédie ?

    C’est surtout une imposture. Heidegger a maintes fois expliqué que se définir comme « anti »-quelque chose (antiraciste, anticommuniste, antifasciste) revient paradoxalement à ériger en norme, c’est-à-dire en critère de validité, ce à quoi l’on prétend s’opposer, ce qui amène finalement à penser comme lui. L’antiracisme contemporain n’échappe pas à la règle. Le culte actuel du « métissage » n’est en effet que le renversement du culte nazi de la « pureté ». Le « métis » est le modèle idéal comme l’était « l’Aryen » sous le IIIe Reich. Vanter la race blanche au nom de sa prétendue « supériorité » ou la fustiger comme faisant obstacle au « métissage » relève d’une même obsession de la race, d’une même surestimation de l’importance du facteur ethnique dans l’évolution des sociétés humaines. Xénophobie systématique et xénophilie systématique, c’est tout un. L’injonction au mélange a seulement succédé à l’appel à la pureté. Pour paraphraser ce que Joseph de Maistre disait de la Révolution, on pourrait dire que le contraire du « racisme », c’est un racisme en sens contraire.

    L’exaltation de l’Autre jusqu’à la négation de soi ayant succédé à l’exaltation de soi jusqu’à la négation de l’Autre, celui qui pense que le refus de soi n’est pas la meilleure façon de s’ouvrir aux autres peut ainsi être assimilé aux hallucinés de la « guerre raciale ». « Qu’untel se plaigne d’une trop forte proportion de Juifs, Noirs, Arabes ou Asiatiques, c’est du racisme ; mais que le même critique une trop forte proportion de Blancs – ainsi que l’a récemment fait Libération à propos des cabinets ministériels –, cela devient de l’antiracisme. Si un entrepreneur utilise l’origine des candidats comme critère de sélection au détriment des personnes d’origine étrangère, c’est une discrimination inacceptable ; mais s’il décide de faire jouer ce critère au détriment des “Français de souche”, c’est une louable action de lutte contre les discriminations », écrivait voici peu Stéphane Perrier dans la revue Le Débat.

    Viennent ensuite les inévitables contradictions. Comment nier l’existence des races tout en prônant le métissage ? Pour que le second survienne, il faut bien que les premières existent !

    Ceux qui veulent instaurer la parité partout sauf dans le mariage n’ont, en effet, pas encore compris que le « mariage forcé » (Pierre-André Taguieff) de la diversité et du métissage les condamne l’un et l’autre au divorce. La même schizophrénie se retrouve quand on veut l’égale représentation de groupes ethniques dont on nie par ailleurs l’existence, quand on se réclame à la fois de l’idéal normatif du pluralisme et de celui du « mélangisme », ou quand on déclare prendre acte du caractère « multi-ethnique » des sociétés contemporaines tout en réagissant toujours plus durement à toute manifestation d’altérité.

    Autrefois, on admirait la diversité des cultures mais on trouvait assez normal que les gens se ressemblent à l’intérieur de chacune d’elles. Aujourd’hui, c’est l’inverse : il faut à la fois toujours plus de « diversité » dans chaque pays et toujours plus de conformité à l’échelle planétaire. Toutes les différences sont admises à l’intérieur, mais à l’extérieur tous les États doivent communier dans l’idéologie des droits de l’homme et le culte de la marchandise. On espère ainsi faire naître un monde homogène de l’addition de sociétés toujours plus hétérogènes, unifier la planète et programmer l’hybridation généralisée. C’est la quadrature du cercle.   

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    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier - Boulevard Voltaire

  • Jacques Sapir : « Un abandon de souveraineté n’est pas définitif »

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    Jacques Sapir nous aide ici à faire le point sur les abandons de souveraineté de la France, essentiellement entre les mains des Etats-Unis et de l'Union européenne. Comme nous-mêmes, il ne croit pas à leur irréversibilité. Telle est, d'ailleurs, sa conclusion au terme de cet entretien. LFAR

    Économiste connu pour ses prises de position en faveur de l’abandon de la monnaie unique européenne, Jacques Sapir est aussi un essayiste réputé, auteur de livres de référence sur la démondialisation et sur le retour des nations. Des publications qui l’ont amené à défendre la souveraineté nationale, aujourd’hui fragilisée.

    Pour vous, quelle est la plus grande menace qui pèse sur la souveraineté française ?

    Sans aucun doute, celle qui provient de l’Union européenne qui se substitue de plus en plus aux gouvernements nationaux en négociant directement, en leur nom, des traités avec d’autres puissances étrangères. Le problème de souveraineté nationale qui se pose là est donc évident. D’autres menaces pèsent également sur les souverainetés des états. L’ingérence des Etats-Unis dans les affaires européennes par exemple, ou l’attitude de certains partis politiques nationaux, généralement ceux qui sont aux affaires, qui font souvent preuve d’une docilité coupable face aux injonctions bruxelloises.

    Ces défenseurs de l’UE aimeraient instiller une sorte de souverainisme européen. Est-ce crédible ?

     Les défenseurs de l’Union européenne adoptent généralement deux positions, distinctes l’une de l’autre. La première consiste à dire que la souveraineté politique n’est plus le fondement de la démocratie, elle-même réduite à la simple question de l’Etat de droit. Pour eux, la souveraineté est une question qui ne se pose même plus. La seconde prétend que l’Union européenne est le nouvel échelon de la souveraineté nationale. Autrement dit, la France étant trop petite, vive l’Europe ! Mais pour qu’il y ait souveraineté, il faut un peuple, une nation. Pour ma part, je ne vois rien de tel à l’échelon de l’Europe. Bien sûr, différents peuples y partagent une culture commune. Mais cela ne suffit à valider l’existence d’un peuple européen. L’idée d’une nationalité européenne me semble donc totalement illusoire.

    On taxe souvent les souverainistes de « populistes »…

    Ce sont pourtant deux notions très différentes. On peut être populiste sans être souverainiste et souverainiste mais pas populiste. En réalité, ces critères renvoient à des considérations très différentes. Il faut commencer par bien définir le terme. Qu’est-ce qu’on appelle les idées populistes ? Des idées populaires au sein du corps électoral ou des idées démagogiques ? Suivant la réponse, le sens change radicalement. En revanche, le terme « populiste » est pertinent si on le conçoit comme une notion relevant à la fois du « pouvoir charismatique » et du « pouvoir démocratique » pour reprendre la terminologie de Max Weber. Mais, sur la scène politique française, personne n’est en mesure de réaliser cette synthèse. Même parmi les souverainistes.

    Existe-t-il encore une souveraineté française ?

    On ne peut nier l’abandon de certains pans de souveraineté même s’il faut nuancer le jugement. Car, non seulement cet abandon reste circonscrit à certains domaines, mais, surtout, il n’est en rien définitif ! L’un des conflits qui oppose les souverainistes à la Commission européenne se cristallise ainsi sur cet aspect de la temporalité. En principe, si l’on suit les textes, une cession de souveraineté est toujours temporaire et susceptible d’être remise en cause si c’est la décision des peuples souverains. Or, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a récemment expliqué que ces cessions de souveraineté étaient définitives. C’est l’exemple d’un hiatus entre deux conceptions de la souveraineté au sein même des institutions européennes.

    La souveraineté est-elle compatible avec le droit d’ingérence qui a émergé ces dernières années ?

    Le concept de droit d’ingérence renvoie au drame de la Seconde Guerre mondiale. Si, avant 1939, les puissances occidentales avaient décidé d’intervenir en Allemagne pour non-respect des droits de l’homme ou pour les mesures discriminatoires prises dès 1933 par le IIIe Reich, n’aurait-on pas évité à l’humanité l’horreur du nazisme ? La réflexion sur le droit d’ingérence est née de cette interrogation, posée depuis plusieurs dizaines d’années déjà.

    En général, on admet que la souveraineté est le principe selon lequel chaque peuple est responsable de son destin. Au nom de quoi, si un gouvernement va à l’encontre des intérêts de son peuple, il perd sa légitimité démocratique, ce qui justifie une intervention extérieure. Il n’en reste pas moins que l’utilisation du droit d’ingérence reste sujet à caution. Notamment, depuis que se pose la question de savoir s’il n’a pas provoqué plus de problèmes qu’il n’en a résolus.

    L’ingérence a été en effet très largement utilisée ces dernières années, souvent au mépris des souverainetés nationales…

    Il a été appliqué en Serbie et au Kosovo dans les années 90 et, plus récemment, en Libye. En principe, il faudrait le feu vert du Conseil de sécurité de l’Onu pour ce type d’intervention militaire. Malheureusement, certains pays, je pense évidemment en particulier aux États-Unis, s’en sont trop souvent passés, avec les conséquences que l’on sait sur la scène internationale… En Libye, par exemple, l’intervention a eu lieu, sans mandat de l’ONU, pour des motifs qui restent obscures. Ainsi, sous prétexte du droit d’ingérence, on a déstabilisé toute une région dont on connaissait pourtant l’équilibre fragile.

    Clairement, nous sommes aujourd’hui face à une crise du droit d’ingérence. Nombreux sont les pays à le remettre ouvertement en cause et, dans cette perspective, ils cherchent à se doter d’armes de destructions massives pour obtenir la sanctuarisation de leur territoire. L’obtention de l’arme nucléaire confère au pays qui la détient une souveraineté absolue.

    La négociation en cours du Traité transatlantique, dont les grandes lignes sont désormais connues, inquiète beaucoup les souverainistes. Qu’en pensez-vous ?

    S’il est ratifié, ce traité entraînera d’importantes pertes de souveraineté pour les États-membres de l’Union européenne. Mais il est encourageant de voir que le gouvernement français va finalement le soumettre au vote du Parlement, ce qui n’était pas acquis au départ. Un débat public sera donc possible ; de plus, s’il est ratifié, le Traité transatlantique devra être inscrit dans la loi française. Une bonne nouvelle, puisque la juridiction nationale sera, en définitive, l’instance supérieure. En d’autres termes, ce qu’une loi va peut-être faire, une autre pourra le défaire. Répétons-le : aucun abandon de souveraineté n’est définitif ! Encore faut-il que les peuples le souhaitent. 

    Toutes les analyses de Jacques Sapir sur son blog : russeurope.hypotheses.org

    Entretien :  - Politique magazine

  • PARIS • Pprochaine conférence d'Yvan Blot, lundi 15 juin

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    Il y a toujours eu des pôles d’influence : avant 1914, un pôle révolutionnaire libéral, dominé par la France et le Royaume Uni, s’oppose au pôle « réactionnaire » dominé par l’Allemagne prussienne et l’Autriche. En 1939, trois pôles idéologiques s’opposent : le pôle libéral à l’ouest, le pôle fasciste au centre avec l’Allemagne et l’Italie et le pôle communiste dirigé par l’URSS. Après 1945, et la chute des régimes fascistes, le monde devient « bipolaire ». L’Amérique représente idéalement un pôle conservateur, libéral, anticommuniste, patriote, chrétien et pacifiste. L’URSS apparait comme révolutionnaire, totalitaire, communiste, internationaliste, antichrétienne et belliciste.   

    Aujourd’hui, tout est pratiquement inversé.  Les Etats-Unis sous l’influence de la révolution culturelle des années soixante, sont devenus individualistes libertaires (donc anti-conservateurs), égalitaristes, hostiles au patriotisme des autres, de plus en plus hostiles aux traditions chrétiennes, et bellicistes. 

    La nouvelle Russie est libre du politiquement correct, démocratique car patriote, non communiste, libérale au point d’adopter le « flat tax », conservatrice et chrétienne, et attachée à l’ordre international et à la paix.  

    L’Europe est requise par les Etats-Unis de faire son choix. Les Américains ne veulent pas d’un rapprochement entre la première Rome, celle de l’Occident catholique et la 3ème Rome orthodoxe issue de l’Empire byzantin. Elle cherche à imposer une nouvelle religion séculière de type juridique, celle des droits de l’homme, qu’elle veut imposer après l’échec des religions séculières communistes et fascistes. 

    Tout se passe comme si la tragédie antique « Rome contre Carthage » se reproduisait sous nos yeux. Les Etats-Unis autrefois très unifiés sous des valeurs communes chrétiennes comme le montrait Tocqueville, sont désormais fort divisés. Le livre « One nation, Two cultures » de Gertrude Himmelfarb, montre l’Amérique divisée entre une oligarchie gauchisante, égalitariste style « mai 68 » représentée notamment par Mme Hillary Clinton, qui fait la politique étrangère, et un petit peuple resté très conservateur et chrétien, mais qui n’a pas son mot à dire sur la place du pays dans le monde (courant « isolationniste »).   

    Les Etats-Unis oligarchiques, alliés aux oligarchies européennes, défendent le modèle antique des phéniciens contre Rome. La Russie, défend le modèle romain en quelque sorte. Qu’est-ce-à-dire ? 

    Le modèle phénicien, qui inspira de grandes cités antiques comme Tyr ou Carthage, est fondé sur la primauté des valeurs marchandes, de la domination des mers, de l’artisanat et du droit. Les dirigeants étaient des juges, les « suffètes » élus par des assemblées oligarchiques dans un climat de corruption. La politique et le droit se confondent, les valeurs religieuses et militaires sont marginalisées. La morale pharisienne est mise en avant, ce qui n’empêche pas un lucratif commerce d’esclaves et le culte orgiaque et féministe d’Astarté avec ses hétaïres. L’Amérique, protestante  religieusement, est sensible à ce juridisme politique proche de l’Ancien testament. Le modèle européen serait plutôt Rome : une tradition aristocratique met l’armée en valeur et remet l’esprit mercantile à sa place. Le droit est important mais la religion le transcende totalement. Le modèle éducatif du kalos kagathos, de l’honnête homme ou du gentleman, l’emporte sur l’avidité financière du parvenu. Le conflit Amérique/ Russie où l’Europe devra un jour faire son choix n’est pas qu’un conflit politique mais un conflit entre deux modèles de civilisation. Un sociologue allemand, Werner Sombart, avait déjà montré cette opposition dans son livre « Händler und Helden » : les marchands et les héros, où il opposait l’idéal du businessman anglo saxon matérialiste à celui de l’aristocrate prussien idéaliste. Pour lui, c’était le sens véritable de la guerre de 1914/1918. Sombart regrettait que la France se soit alliée à l’époque à l’Angleterre.  

    Les phéniciens ou l’Empire romain : voilà le choix qui nous est offert à nouveau aujourd’hui. Le monde du « Gestell » de Heidegger avec ses idoles, l’ego, l’argent, les masses et la technique ou le monde de la tradition centré sur Dieu, le sens de l’honneur, la personne humaine et le culte des racines. La Russie a fait son choix au moment où l’Amérique, subvertie par les valeurs des années soixante, pétries d’égalitarisme et de freudisme, se tourne contre son héritage européen. Cette destinée américaine était annoncée dans le poème d’Emma Lazarus, qui se trouve sur le socle de la statue de la Liberté à New York : le poème jette l’opprobre sur le faste des vieilles civilisations aristocratiques (l’Europe est visée) et appelle les foules déracinées à suivre la Lumière du flambeau qui éclaire « la porte d’or » (sic). La Statue de la liberté érige la liberté comme moyen suprême pour se tourner vers le culte de Mammon, le culte de l’or ! Face à ce matérialisme, nous opposerons la statue de la Mère patrie à Volgograd, érigée sur les lieux où l’armée nazie fut vaincue. Cette statue n’appelle pas à gagner de l’argent mais à sacrifier sa vie en héros pour défendre la mère patrie. La statue de New York a été inspirée par un modèle égyptien rigide. La statue de Volgograd est une réplique de la déesse de la victoire chez les anciens Grecs (Niké). Deux façons de voir l’existence !    

    Au 15 juin ! Amicalement 

    Ivan Blot

     

  • Alain de Benoist : « La paix est une chose fragile, et ne sera jamais l’état naturel d’une société… »

     

    Un entretien, sur Boulevard Voltaire, où, une fois encore, Alain de Benoist rappelle une vérité élémentaire ...

    Il y note que la guerre est une constante de l'Histoire, qu'elle n'est naturellement pas abolie parce qu'il est impossible d'en faire disparaître les causes; qu'enfin - ce que Maurras expliquait déjà en termes presque identiques - « l’abolition de l’État-nation n’y changerait rien : au sein d’un "État mondial", les guerres étrangères seraient seulement remplacées par des guerres civiles. »   LFAR  

     

    1530443371.jpg« Cette fois, c’est la guerre », titrait Le Parisien au lendemain des attentats du 13 novembre. « Nous sommes en guerre », a, lui aussi, déclaré Manuel Valls. C’est votre avis ?

    Bien sûr. Mais pourquoi le dire si c’est évident ? Toute la question est là : nous sommes en guerre, mais beaucoup de Français ne le comprennent pas. Aux attentats du 13 novembre qui, à la différence de ceux de janvier dernier, ne visaient personne en particulier, mais tout le monde indistinctement, ils répondent en des termes convenus qui ressortissent principalement au registre humanitaire (« tristesse, horreur »), lacrymal (« ayons une pensée pour les victimes ») et maternel (« protégez-nous des méchants »). Ils observent des minutes de silence et allument des bougies comme ils le feraient à l’occasion d’une tuerie perpétrée par un fou dans une école, d’une catastrophe aérienne ou d’un tremblement de terre meurtrier. Ils proclament « même pas peur », quitte à détaler comme des lapins à la moindre fausse alerte. Peur, insécurité, psychose. En fin de compte, les attentats se ramènent à un déchaînement de violence incompréhensible dont sont responsables « ceux qui aiment la mort » et dont sont les victimes « ceux qui aiment la vie ». Ce vocabulaire, cette attitude, ces réactions ne sont pas ceux de gens qui ont compris ce qu’est la guerre. Les attentats ont frappé des hommes et des femmes qui n’avaient pas le sentiment d’être en guerre ou d’en vivre une.

    Il n’est jusqu’au terme de « kamikazes » qu’on voit maintenant employé partout, alors qu’il est totalement inapproprié. Les pilotes kamikazes (« vent divin ») étaient des soldats japonais qui sacrifiaient leur vie en allant frapper des objectifs militaires, pas des fanatiques qui allaient se faire exploser pour tuer des civils !

    Comment expliquer cette incompréhension ?

    D’abord parce que cette guerre est d’un genre particulier, puisqu’elle combine guerre conventionnelle sur le terrain et terrorisme, et que l’ennemi se recrute en partie chez nous. Ensuite, parce qu’on n’a jamais vraiment expliqué aux Français pourquoi nous avons choisi de nous y engager. Devions-nous prendre part aux côtés des Américains au conflit qui, à l’heure actuelle, oppose les sunnites et les chiites ? Et pourquoi nous acharnons-nous à refuser toute collaboration avec la Syrie et l’Iran, qui combattent Daech les armes à la main, tout en continuant à faire la cour aux dictatures pétrolières du Golfe, qui soutiennent directement ou indirectement les djihadistes ? Un tel manque de clarté ne favorise pas la compréhension.

    La vraie raison, cependant, est ailleurs. En dehors des guerres liées à la décolonisation (Indochine, Algérie), la France est en paix depuis 70 ans. Cela veut dire, non seulement que les jeunes générations n’ont jamais connu la guerre, mais – cas unique depuis des siècles – que leurs parents ne l’ont pas connue non plus. Dans l’imaginaire collectif de la majorité des Européens, la guerre, c’est fini. Ou plus exactement, c’est fini chez nous.

    En dépit des événements qui ont ravagé l’ex-Yougoslavie, et de ce qui se passe actuellement en Ukraine, ils ont le sentiment qu’en Europe, la guerre est devenue impossible. Ils s’imaginent que la construction européenne a créé un état de paix qui ne peut que durer (en réalité, c’est l’inverse : l’Europe n’a pas empêché la guerre, c’est la fin de la guerre qui a permis de créer l’Europe). Bien sûr, ils savent que l’armée française poursuit des « opérations » dans certains pays, comme le Mali, mais tout cela leur apparaît comme quelque chose qui ne les concerne pas, d’autant que les théâtres d’opérations sont lointains.

    C’est aussi la raison pour laquelle ils parlent de « scènes d’apocalypse » pour désigner des attentats qui ont fait 130 morts. Quels mots emploieraient-ils pour désigner ces périodes de la Première Guerre mondiale où les combats faisaient plus de 20.000 morts par jour ? Il leur reste à apprendre que la paix est une chose fragile, et qu’elle ne sera jamais l’état naturel d’une société. Y compris en Europe.

    Le vieux rêve de « faire disparaître la guerre » n’en reste pas moins présent dans les esprits… même s’il n’y a jamais eu autant de guerres dans le monde que depuis que la guerre a été officiellement abolie !

    Surtout dans l’esprit des pacifistes qui veulent « faire la guerre à la guerre », sans même s’apercevoir du caractère contradictoire de ce slogan. Mais le pacifisme n’est pas la paix, c’est même le contraire. Lorsqu’en 1795, Emmanuel Kant publie son Projet de paix perpétuelle, qui s’inscrit dans le sillage de l’abbé de Saint-Pierre (Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe, 1712-1713), il se contente de faire de la « paix perpétuelle » une exigence de la raison pratique : « La raison moralement pratique énonce en nous son veto irrévocable : il ne doit pas y avoir de guerre. » On voit par là qu’il s’agit d’un vœu pieux, car s’il était possible de réaliser en pratique ce qui ne peut relever que du domaine de la raison pure, la distinction entre l’empirique et le métaphysique n’aurait plus de raison d’être. Le projet kantien postule en réalité la domination du droit par la métaphysique et la morale, et l’affirmation de la souveraineté de la métaphysique sur la pratique.

    La paix ne se conçoit pas sans la guerre, et le contraire est également vrai. La guerre restera toujours une possibilité, parce qu’on ne pourra jamais faire disparaître ce qui la provoque, à savoir la diversité virtuellement antagoniste des aspirations et des valeurs, des intérêts et des projets. L’abolition de l’État-nation n’y changerait rien : au sein d’un « État mondial », les guerres étrangères seraient seulement remplacées par des guerres civiles. On ne fait pas disparaître un ennemi en se déclarant « pour la paix », mais en se montrant plus fort que lui. 

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    Entretien réalisé par Nicolas Gauthier - Boulevard Voltaire

     

  • L'état d'urgence, cette « divine surprise » de la République...

     

    par Jean-Philippe Chauvin

     

    arton8470-7b8cd.jpgNotre société de communication a tendance à ne pas toujours savoir hiérarchiser les informations, au risque de « distraire » des véritables sujets et débats importants : ainsi, la vague récente d’attentats, désormais bien instrumentalisée par le gouvernement et par le président lui-même à leur profit politique et électoral, a failli nous faire oublier que, durant l’état d’urgence, les problèmes persistent et, même, peuvent trouver dans l’actualité des raisons de prospérer, tandis que les grands dossiers, eux, subsistent malgré l’indifférence à leur égard en ces heures particulières… 

    Ainsi, du chômage : même s’il reste, a priori, le premier souci de nos concitoyens, il semble désormais passer au second plan des préoccupations de nos gouvernants et des partis, comme s’il s’inscrivait un peu plus dans une « normalité » qui rassurerait presque en ces heures agitées. Vous croyez que j’exagère ? Alors, lisez la presse écrite, réécoutez les bulletins d’informations de ces dernières semaines, et vous pourrez aisément constater par vous-mêmes cette étrangeté ! Pourtant, la lutte contre le chômage est sans doute un des moyens de donner une moindre prise aux discours des islamistes qui se nourrissent aussi, mais pas seulement, du ressentiment social des déclassés et des populations délaissées. Un emploi ne préserve pas de la tentation totalitaire, mais il peut l’éloigner, par la simple satisfaction de l’utilité sociale personnelle. 

    Autre victime collatérale des attentats et de l’état d’urgence, la question régionale qui, pourtant, aurait dû être au centre des débats électoraux de l’automne, autour des élections qui se dérouleront dans quelques semaines en France. La réforme bâclée de la carte des régions et de leurs attributions, ces dernières années, aurait mérité une vaste contestation et l’ouverture d’un « front » des régionalistes (au sens large du terme, et non seulement des partisans du régionalisme) sur les questions linguistiques, celles des pouvoirs régionaux et de leurs compétences, celles aussi des responsabilités de l’Etat et de son idéologie dominante dans la mauvaise gestion de l’aménagement du territoire et des terroirs. Mais rien de tout cela ne sera évoqué et seul le score du Front National semble intéresser et « inquiéter » avec gourmandise les médias, quand la revendication du rattachement de Nantes à la Bretagne, par exemple, n’arrive plus à traverser le rideau de brouillard des journaux locaux et nationaux… 

    Est-il nécessaire d’ajouter à cette liste la question environnementale et climatique qui, en prévision de la COP 21, devait être l’occasion de forums, de marches et de manifestations, parfois contestataires, et dont les nombreux débats se résument aujourd’hui à l’évocation de grands principes sans beaucoup de risques d’application concrète ? L’interdiction de toute activité de rue et, donc, de toute manifestation sur la voie publique jusqu’au 30 novembre (avant une nouvelle prolongation ?), évite au gouvernement de la République la crainte d’une remise en cause de son hypocrisie sur ce sujet pourtant majeur pour les décennies et les générations qui viennent. 

    Je ne dirai pas que les attentats ont servi la République dans ses organes institutionnels et je ne méconnais pas la réelle émotion du Chef de l’Etat devant la tragédie du vendredi noir, ni ne la remets en cause. Néanmoins, je ne suis pas loin de penser que l’état d’urgence proclamé au soir du drame est désormais vu par certains, y compris au gouvernement, comme « une divine surprise » qui permet de limiter, sinon l’esprit critique, du moins l’affirmation trop visible ou bruyante de celui-ci… 

    Que l’on ne se méprenne pas : je suis partisan de ne rien céder au terrorisme du moment, et je comprends bien la prudence nécessaire de l’Etat et, au-delà, de la nation toute entière face aux risques de nouvelles poussées de violence djihadiste. Mais je ne pense pas que l’état d’urgence soit la seule réponse et la mieux adaptée à la situation actuelle : c’est chaque jour que notre société doit répondre aux défis lancés par la terreur totalitaire, non par le coup de menton, mais par la valorisation de ce qu’est, historiquement et sentimentalement, la France et de ce qui fait son unité profonde, à travers ses racines diverses et ses fleurs originales. Au-delà, il faudra bien, aussi, poser la question de la meilleure réponse institutionnelle politique à cette diplomatie de la terreur de l’Etat Islamique et de ses épigones, et mesurer combien un Etat digne de ce nom, symbole de l’âme de la France et de l’unité de ses communautés comme de ses citoyens, pourrait être le meilleur moyen d’affronter les tempêtes, contemporaines comme futures, qui s’abattent ou qui s’annoncent sur notre terre, sur ce « royaume de France » qu’évoquait Charles Péguy à la veille de 1914, et qui attend, encore et toujours, son Prince français… 

    Le blog de Jean-Philippe Chauvin

     

  • Erdogan à Saint-Pétersbourg : « Poutine pousse son avantage »

     

    Par Alexis Feertchak           

    ENTRETIEN - Jean-François Colosimo - essayiste, théologien et éditeur - décrypte ici avec sa science et son réalisme coutumiers - les enjeux de la rencontre de Saint-Pétersbourg entre les présidents russe et turc [LE FIGARO, 9.08]. Peut-être a-t-il tendance à évaluer avec quelque optimisme la supériorité de la position russe. La Turquie, grand Etat héritier d'un empire, ne manque pas d'atouts dans ce nouveau et fragile partenariat. Jean-François Colosimo esquisse en fin d'entretien ce que pourrait être - et ne sera sans-doute pas - la politique de la France. Il rejoint sur l'essentiel l'article de Mathieu Slama que nous avons publié le 11.08, lorsque - élargissant son propos - il écrit excellemment : « l'actuel conflit planétaire est d'abord culturel en ce qu'il porte sur l'historicité de la condition humaine ».  LFAR

      

    XVM395dab50-54b8-11e6-91e4-fb78b463148e.jpgAprès un an de glaciation entre Moscou et Ankara, Vladimir Poutine et Recep Erdogan se rencontrent ce mardi à Saint-Pétersbourg. Quels sont les grands enjeux de cette détente ?

    Ils sont à la fois partagés et inégaux. Tous deux ont en commun la volonté de rompre leur isolement, de limiter leurs fronts extérieurs, de stabiliser leurs difficultés intérieures. Ils entendent aussi mieux diluer, ensemble, les pressions occidentales qui s'exercent sur chacun d'eux. Mais cela, c'est l'écume. Car il y a un gagnant et un perdant. Erdogan, un moment enclin à l'anti-russisme pour complaire à Washington, se rend à Canossa pour troquer son rêve défunt de puissance régionale contre un contrat incertain d'assurance-vie au Proche-Orient. La stratégie offensive de Moscou a bouleversé la donne là où les manœuvres déguisées d'Ankara ont échoué. Poutine pousse son avantage en ambitionnant de neutraliser l'ancestral rival turc dans ces marches indispensables au désenclavement de la Russie : la Crimée pour les voies maritimes du commerce ; le Caucase pour les routes terrestres de l'énergie ; le Levant pour l'accès à la Méditerranée et à l'océan Indien ; l'Asie centrale pour les liens avec l'Iran, l'Inde, la Chine. Rien de bien neuf depuis la première confrontation entre les empires tsariste et ottoman au XVIe siècle.

    La Russie, qui compte une importante minorité musulmane, est aussi touchée par l'islamisme. Poutine joue-t-il ici avec le feu ou fait-il preuve de réalisme ?

    L'islam russe, endogène historiquement et encadré institutionnellement, professe un loyalisme pragmatique à l'égard de l'État. Il en va autrement en Ciscaucasie (Ingouchie, Tchétchénie, Daghestan) et dans les républiques turcophones (Azerbaïdjan, Turkménistan, Ouzbékistan, Kirghizstan et Kazakhstan), vecteurs de l'expansion de l'islamisme auprès des Ouïghours de Chine. Mais là compte la convergence active entre Moscou et Pékin.

    En Syrie, Moscou soutient l'axe chiite et Ankara l'axe sunnite. Qu'est-ce qui a changé pour que ce différend n'affecte plus de façon rédhibitoire les relations russo-turques ?

    C'est tôt, dès sa réémergence à la fin des années 1970, que le Kremlin a su voir dans l'arc chiite une force évolutive au sein du monde musulman. Ce qui n'empêche pas Poutine de soutenir activement, dans le conflit qui agite aujourd'hui le pouvoir saoudien, le camp de la normalisation désireux de réfréner la dérive wahhabite et de réformer le sunnisme. Le tout sans porter atteinte à la relation privilégiée que Moscou entretient avec Israël à la faveur de l'importante immigration russophone. Face à ce dispositif complexe, le projet d'Erdogan de s'imposer comme le calife d'une internationale des frères musulmans ressort aussi pauvre que vain. Il est surtout caduc depuis que l'apprenti-sorcier doit faire face au retournement de Daech, affaibli par les bombardements des Sukhoï.

    Depuis le coup d'État manqué, les relations entre la Turquie et les États-Unis sont tendues. Sa rencontre avec Erdogan est-elle pour Poutine un moyen d'endiguer l'Otan ?

    La guerre froide légitimait l'existence de l'Alliance atlantique et l'intégration en son sein de la Turquie kémaliste et de ses 500 km de frontières avec l'URSS. Ce théâtre et ses acteurs ayant disparu, l'Otan se perpétue en reconduisant obstinément les amis et les ennemis d'hier, quitte à confondre aujourd'hui les uns et les autres. Pourquoi Poutine, attentif aux seuls rapports de force, manquerait-il une telle occasion de semer la discorde dans ce bloc qui se manifeste toujours plus adverse et se dévoile toujours plus fissuré ?

    En décembre 2014, les deux dirigeants s'étaient rencontrés pour sceller une grande alliance. Cette volonté qui refait surface n'est-elle pas contradictoire avec des siècles de confrontation entre les Empires russe et ottoman ?

    Entre 1568 et 1918, on peut dénombrer jusqu'à quinze guerres russo-turques, suivies d'autant de traités de paix. L'héritage disputé de Byzance explique cette récurrence. Le seul résultat probant de ce dernier rapprochement devrait interdire à Erdogan de refaire de Sainte-Sophie une mosquée comme il s'y apprêtait. Un gain symbolique ? Oui, et donc en rien anecdotique car l'actuel conflit planétaire est d'abord culturel en ce qu'il porte sur l'historicité de la condition humaine.

    Comment l'Europe pourrait-elle se positionner face aux deux «démocraties autoritaires» qui forment les marches géopolitiques du continent ?

    Bruxelles qui se plaisait naguère à dénoncer la démence tyrannique de Poutine et à louer la modération démocratique d'Erdogan criera demain à la coalition des dictatures. L'impuissance européenne est terminale. Seule la France, forte de son expérience de ce double Orient que constituent les Est slave et arabe, pourrait initier un salutaire contournement tactique. Mais elle ne le fera pas. Avec le repli de Washington qu'actera probablement la prochaine présidentielle américaine, il nous faut nous préparer à payer le prix fort d'une diplomatie de vassalité irréaliste et irresponsable. 

    * Dernier ouvrage paru : « Les hommes en trop : la malédiction des chrétiens d'Orient » (Fayard, 2014). 

    Alexis Feertchak           

    A lire aussi dans Lafautearousseau

    POUTINE ET ERDOGAN A SAINT-PETERSBOURG ou la revanche de Carl Schmitt

  • Béziers, 29 mars, 19 h : Jacques Trémolet de Villers parle du procès de Jeanne d'Arc. C'est aujourd”hui !

     

    Conférence de 

        Jacques Trémolet de Villers
    Avocat à la Cour d’appel de Paris
        auteur de l’ouvrage qu’il dédicacera :

        « Jeanne d’Arc - Le procès de Rouen »

        le mercredi 29 mars 2017 à 19 h
        au restaurant Maria Thérésa à Béziers
        Entrée : 54 avenue du 22 août ou 23 rue Solferino

    La soirée se déroulera de la manière suivante :

    •  19 h :      Accueil. Un apéritif sera servi.
    •  19 h 30 : Conférence.
    •  20 h 30 : Pour ceux qui le désirent, dîner sur place avec le conférencier qui continuera à répondre aux questions (Prix 15 € : entrée, plat, dessert, vin en sus – Salle privatisée).

     

    Tremollet J.jpgLe 21 février 1431 s'ouvre l’un des plus fascinants et décisifs procès de l’Histoire : celui de Jeanne d’Arc.

    Cette jeune fille de 19 ans, prétendue analphabète, hallucinée, hérétique, sera en moins de cent jours condamnée à être brûlée vive.
    Dès le premier interrogatoire, les juges, Cauchon en tête, assènent les coups. Ils sont abbés, docteurs en théologie, familiers du droit canon, décidés à la faire plier.

    Dès sa première parole, Jeanne, seule à la barre, déjoue les pièges des hommes d’Église et de loi. Elle fait preuve d’un ton libertaire, habile et plein d’humour qui les déstabilise par la force de sa sincérité.
    Les voix, puisque c’est là l’essentiel, portent.

    Cent jours durant, va se jouer, en cette froide salle d’audience, l’éternel combat de la vérité.

    Tout procès se conclut dès la première audience. Jacques Trémolet de Villers, plaideur des plus importants procès politiques de ces dernières décennies, décrypte les paroles échangées et nous livre, en voix off, son commentaire jour après jour. Il introduit son lecteur dans la salle, lui fait comprendre les convictions des parties, et surtout lui fait saisir le courage sensible du personnage de Jeanne, jusqu’à craindre l’issue…

    ll y a du bon dans la procédure. Elle conserve, comme des pierres précieuses dans une châsse, un véritable trésor, et demeure en dernière analyse la seule raison sérieuse d’organiser la justice des hommes. Le texte intégral du procès, seul témoignage à faire véritablement entendre Jeanne, a été élaboré, de façon minutieuse, à partir des actes authentiques (les minutes conservées en latin et en français), vérifiés aux meilleures sources et complétés par les dépositions du procès d’annulation.

    Jacques Trémolet de Villers a plaidé de nombreuses affaires civiles et pénales à caractère politique, idéologique et médiatique. Écrivain, il a publié une biographie du célèbre avocat du XIXe siècle Pierre-Antoine Berryer, Aux marches du palais, de même que Heureux qui comme Ulysse, commentaire de son anthologie de la poésie française Vingt-quatre poèmes que nous devrions savoir par coeur pour les dire à nos enfants. Il poursuit son travail avec cet « Évangile selon Pilate » qu’est le procès de Jeanne d’Arc.

    Source : Le Midi Blanc

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    QU'EN DIT LA PRESSE ?

    Le résultat est saisissant.
    Famille chrétienne - 13/02/2016

    Voici un livre à lire de toute urgence.
    Le Figaro littéraire - 28/01/2016

    Précieux document historique, ce beau livre est aussi une leçon politique et spirituelle...
    Le Figaro magazine - 29/01/2016

    Lues et commentées par un avocat, les minutes du procès de Jeanne d'Arc sont l'occasion d'une méditation sur le bien commun, la justice et l'iniquité des procès politiques.
    Le Figaro Histoire - 01/02/2016

    La leçon est de grande portée, et d'une brûlante actualité.
    Politique magazine - 01/02/2016

    Jacques Trémolet de Villers ne refait pas le procès, il le vit.
    Livres Hebdo - 08/01/2016

    Me Trémolet de Villers l'éclaire (le procès) pour nous en expert et en amoureux, par une lecture limpide et lyrique.
    Valeurs actuelles - 03/03/2016

    C'est la première fois qu'un homme de métier commente pas à pas le procès.
    La Croix - 25/02/2016

    La belle étude que publie maître Trémolet de Villers, en effet, apporte à ces textes si souvent lus et commentés, le regard, les connaissances, l'expertise du juriste, et surtout l'expérience, précieuse, de l'avocat...
    NRH - 01/05/2016

    Jacques Trémolet de Villers (...) est revenu sur ce procès avec le regard neuf d'un avocat qui découvre un dossier pour la première fois.
    lefigaro.fr - 30/05/2016

  • Mathieu Bock-Côté : « Macron, c'est la globalisation et le gauchisme culturel »

     

    Par Mathieu Bock-Côté 

    Figarovox résume ainsi cette chronique [22.02] : « Le macronisme est une synthèse de tout ce dont la France veut s'extirper, estime Mathieu Bock-Côté. Pour le sociologue, "  le mondialisme à outrance et le gauchisme culturel sont en contradiction avec les aspirations qui viennent des profondeurs du pays "». Il y a plus de deux ans qu'article après article, lus dans Le Figaro, Causeur, ou les médias québécois auxquels il collabore,  nous avons mesuré et signalé la proximité des analyses de Mathieu Bock-Côté, de sa pensée profonde, avec les nôtres, celles de notre tradition, de notre école. Et ce tant dans leur fond - le corpus doctrinal qui les sous-tend, que dans leur appréciation des faits d'actualité, de la situation française et européenne en tant que telles, dont Mathieu Bock-Côté a une parfaite connaissance.  Cette analyse du phénomène Macron dit ici, en profondeur, tout l'essentiel.   Lafautearousseau      

     

    1985674552.3.jpgLa victoire de Benoît Hamon a d'ailleurs confirmé la validité des caricatures les plus sévères du Parti socialiste, comme si ce dernier, à défaut de se maintenir au pouvoir, se repliait sur sa base la plus étroite, en contemplant dans l'entre-soi militant une utopie régressive. On s'imaginait donc Macron s'imposer au premier tour en laissant de côté une gauche folklorique et en recevant l'appui de cette frange de la droite étrangère au conservatisme, déçue de l'échec d'Alain Juppé. Ce néo-giscardisme annonçant une France enfin heureuse dans la mondialisation car libérée du souvenir de sa gloire perdue n'était pourtant pas étranger au fameux programme de Terra-Nova, prétendant rassembler en une même coalition la France prospère des métropoles et celle des banlieues.

    Se présentant avec culot comme un candidat antisystème alors qu'il était adoubé par les grands médias, et promettant une révolution sans prendre la peine de donner le programme l'accompagnant, Emmanuel Macron s'est revendiqué d'une pensée complexe, faisant éclater les clivages, alors qu'il ne fait qu'assumer une forme de mondialisme correspondant aux nouveaux clivages engendrés par notre époque. Ses appels répétés à l'innovation, son style à la fois prophétique et managérial, son usage revendiqué de l'anglais pour s'adresser aux Européens, reflète bien la psychologie des élites mondialisées qui réduisent la politique à un exercice d'adaptation à un monde en mutation. On assistait à la grande revanche des élites mondialisées ! On aurait tort, pourtant, de ne pas voir son flirt de plus en plus poussé avec la gauche idéologique.

    Le fondateur d'En marche, on le sait, a d'abord décrété l'inexistence de la culture française. Mais ce qui peut sembler une aberration effrayante aux yeux du commun des mortels est conforme à la vulgate universitaire qui au nom du pluralisme identitaire, fait éclater toute référence possible à la nation. Il n'y a plus d'identité culturelle partagée et d'œuvres exemplaires témoignant du génie d'une civilisation : il n'y a plus qu'un no man's land juridique. L'histoire de France ne raconte plus l'histoire d'une nation mais celle d'une population qu'on ne saurait unifier sans faire violence à sa diversité. À quoi intégrer les immigrés, si la France n'est plus qu'un grand vide ? Qu'est-ce que les voyageurs du monde entier viennent chercher en France, si elle n'existe pas ?

    Macron s'est aussi permis de nazifier implicitement l'histoire de la colonisation, en l'associant à un crime contre l'humanité. Rares sont ceux qui aujourd'hui, entretiennent une mémoire heureuse de la colonisation, ce qui se comprend. La fameuse pensée complexe est rarement revendiquée en la matière. Mais si plusieurs intellectuels s'étaient déjà permis cette simplification grossière de l'histoire coloniale, aucun homme politique ne s'était permis une formule aussi brutale, qui heurte non seulement de grands pans de la population mais aussi le simple bon sens historique, comme si chaque expérience négative devait être rabattue sur celle des grands crimes du vingtième siècle.

    Plusieurs se sont demandés s'il s'agissait simplement d'une stratégie pour gagner le vote des banlieues. L'immigration massive a constitué dans les banlieues une population qui se sent étrangère à la France et qui répond favorablement à ceux qui entretiennent cette identité victimaire, d'autant qu'elle est cultivée par une mouvance islamiste qui s'oppose à toute forme d'assimilation. Macron avait déjà invité la France à assumer sa part de responsabilité après les attentats de novembre 2015, comme si elle était finalement coupable des crimes dont elle était victime. Chose certaine, il adhère sans état d'âme au multiculturalisme. On peut croire aussi que Macron, au-delà de tout calcul, a témoigné de l'état d'esprit d'une jeunesse qui ne comprend tout simplement plus l'histoire occidentale autrement que dans le langage de la repentance.

    Macron a aussi embrassé les grandes revendications sociétales qui sont aujourd'hui jugées comme des symboles de progrès pour les différentes minorités dans lesquelles la gauche croit trouver les nouvelles catégories sociales à émanciper. C'est une forme de libéralisme sociétal décomplexé qui prétend toujours étendre les droits de l'individu en le détachant de tout ancrage anthropologique. On chante la souveraineté de l'individu : à terme, il devrait pouvoir circuler librement à travers le monde en connaissant autant de mues identitaires qu'il le voudra, comme s'il n'était rien d'autre qu'un nomade flottant dans un monde sans le moindre point fixe. Le libéralisme sociétal et le gauchisme culturel, lorsqu'ils s'accouplent, dynamitent toute forme d'appartenance héritée.

    On ne saurait jouer au devin et annoncer qui remportera la présidentielle de 2017. Mais une chose semble à peu près certaine : c'est une forte poussée conservatrice qui s'est fait sentir en France depuis près de cinq ans, et pour peu qu'on s'intéresse à ses origines intellectuelles et politiques, on constatera qu'elle s'enracine dans un malaise par rapport à l'hypermodernité qui s'est déployé sur près de deux décennies. Le macronisme semble être une synthèse de tout ce dont la France veut s'extirper. Le mondialisme à outrance et le gauchisme culturel sont en contradiction avec les aspirations qui semblent venir des profondeurs du pays. Pour cela, certains voient déjà la candidature de Macron se désintégrer. Ce n'est pas inimaginable. Il serait étrange que la France reconnaisse un sauveur dans un homme qui finalement, semble la dédaigner.  

    « Le libéralisme sociétal et le gauchisme culturel, lorsqu'ils s'accouplent, dynamitent toute forme d'appartenance héritée. »

    Mathieu Bock-Côté

    4047151000.jpgMathieu Bock-Côté est docteur en sociologie, chargé de cours aux HEC à Montréal et chroniqueur au Journal de Montréal et à Radio-Canada. Ses travaux portent principalement sur le multiculturalisme, les mutations de la démocratie contemporaine et la question nationale québécoise. Il est l'auteur d'Exercices politiques (éd. VLB, 2013), de Fin de cycle : aux origines du malaise politique québécois (éd. Boréal, 2012) et de La dénationalisation tranquille (éd. Boréal, 2007). Son dernier livre, Le multiculturalisme comme religion politique, vient de paraître aux éditions du Cerf.

  • Vous avez dit légitimité ?

     

    Par Hilaire de Crémiers

     

    2771589182.jpgPendant que le monde est en train de se transformer sous les coups de boutoir du terrorisme et des impératifs nationaux, la France officielle s’amuse dans les guéguerres des « peuples de gauche » et des « peuples de droite ».

    Y-a-t-il encore un peuple de France ? Il y a, paraît-il, « un peuple de droite » ; les primaires de la droite se sont chargé de nous l’apprendre. Et il y a « un peuple de gauche » ; les primaires de la gauche en ce mois de janvier vont tenter de le rassembler. Cependant ces deux peuples sont loin de regrouper tout leur monde. Les primaires sont trompeuses. Certes, elles facilitent la tâche des candidats qui éliminent ainsi leurs concurrents ; elles structurent en apparence l’élection présidentielle, mais elles provoquent des dégâts considérables dans l’électorat ; elles le fragmentent et l’émiettent à l’excès.

    Manuel Valls qui joue aujourd’hui le rassembleur, parlait, il y a six mois encore, de « deux gauches irréconciliables ». Tellement irréconciliables, de fait, que la « France insoumise » de Jean-Luc Mélenchon dont la violente insolence n’est qu’habileté politicienne, refuse de participer aux primaires des socialistes et qu’Emmanuel Macron qui se qualifie de progressiste et qui revendique sa jeune impétuosité, ne veut absolument pas se plier à cet examen de passage. Avec les socialistes de la primaire, ça fait au moins trois gauches sans compter les autres… Il n’est pas dit, d’ailleurs, que le vainqueur de la primaire socialiste aura, de ce fait, plus de poids que ses deux futurs rivaux dans la présidentielle qui ne se priveront pas de faire sentir leur importance en l’écrasant sur les deux côtés. L’écrabouillage sera d’autant plus implacable que la primaire socialiste aura elle-même fait apparaître plus de fractures dans la gauche qu’il n’y aura même de protagonistes, tant chacun ne pense qu’à lui-même et à sa propre partition. Belle cacophonie en perspective et qu’on prétend par enchantement démocratique ramener à l’harmonie dans un mouvement final que chacun des partenaires n’imagine triomphal que pour lui-même. Le parti socialiste se relèvera-t-il d’un tel ridicule ? 

    Droite qui sera droite ou gauche ?

    À droite et au centre, la primaire est passée mais les remous électoraux agitent toujours autant le monde politicien. Au centre, n’en parlons pas tant il y a de chapelles et d’ambitions particulières, la chasse aux places étant la règle et les antagonistes se jetant à la figure des invectives homériques qui rappellent la parodie du Lutrin de Boileau.

    Quant aux Républicains, ils sont si divisés, même et surtout après la primaire, que Fillon et son directeur de campagne et homme de confiance, Patrick Stefanini, ne savent qu’inventer comme organigramme pour contenter et, du même coup, diluer tant de composantes d’une droite éclatée qui va de Sens commun, dont les exigences déjà diminuées seront nécessairement revues à la baisse, aux juppéistes, tels Gilles Boyer ou Vincent Le Roux, mis désormais à des postes-clefs dans la direction, et à Nathalie Kosciusko-Morizet qui est bien décidée, comme Laurent Wauquiez de l’autre côté, à faire valoir sa différence. Conseil stratégique pléthorique qui sera voué aux discussions oiseuses et destructrices, conseil politique plus ramassé mais où se côtoient des personnalités aussi opposées et aux vues aussi discordantes que François Baroin et Jean-Frédéric Poisson, enfin pôles de réflexion où, sujet par sujet, le programme du candidat, au prétexte d’être enrichi et nuancé, sera passé à la moulinette. Le travail est déjà bien entamé, sur tous les points consistants du premier programme du candidat. Qu’en sera-t-il du reste ? Or la légitimité de François Fillon lui est survenue – comme malgré lui – de ce qu’il a paru répondre efficacement et possiblement à l’attente d’une partie notable des Français, composée essentiellement de familles, en manque d’autorité forte, juste et digne, tout autant que de libertés – au pluriel et non de licence –, ces deux impératifs étant liés selon les lois les plus ordinaires de la sociologie traditionnelle. Ainsi, n’en déplaise à tous les esprits faux de l’idéologie dominante, s’impose comme régulièrement dans notre histoire l’évidence du seul programme qui vaille pour la France qui dure et veut durer : restauration de l’autorité, déploiement ordonné des libertés. La modernité n’y change rien ; elle en accentue encore la nécessité. 

    La quête de légitimité

    Si Fillon perd dans d’obscures compromissions politiciennes ce petit éclat de légitimité qui l’a soudain éclairé, jailli non de lui-même mais du plus profond de l’âme française, alors son destin sera remis en cause. Peut-être réussira-t-il grâce à des louvoiements à l’emporter à l’élection présidentielle, mais il se privera de tout moyen et de toute volonté de redressement. Ordonnances et référendums n’y changeront rien. Les Français – ceux qui font marcher la France et la font vivre – seront une fois de plus déçus. Les professionnels de l’opposition, eux, se sentiront d’autant plus forts. L’échec est assuré. Il aura bradé pour un vulgaire plat de lentilles la seule et vraie légitimité qui justifie un pouvoir national fort en France, la légitimité historique, celle qui relie les siècles et définit l’identité française.

    Le Front national court vers la même épreuve. Si, sous prétexte de complaire à des fragments d’électorat disparates, la licence des mœurs, la décomposition sociale, l’étatisme facile et l’assistanat généralisé sont promus au même titre que la nation, il déshonorera son esprit de résistance, il se fourvoiera dans les recettes politiciennes, il se déconsidérera auprès des meilleurs de ses troupes. Comment pourra-t-il réussir ?

    Les Français ont pris de si mauvaises habitudes d’esprit de républicanisme qui leur est inculqué comme une religion, qu’ils ne savent plus ce qu’est « la chose publique » en elle-même, la République au sens étymologique et vrai du terme comme l’employaient nos anciens légistes royaux. Les politiciens en ont fait leur chose privée en usant de théories constitutionnelles ineptes et qui sont aujourd’hui totalement désuètes : François Hollande en est le type achevé ; il finit sa carrière en ectoplasme. L’État n’est plus à sa place et n’a plus  sa véritable place, proprement régalienne, celle qui le mettrait en symbiose avec le peuple de France, le vrai, celui qui essaye de vivre et de survivre. Il n’y a donc plus de légitimité. Or, sans légitimité, il est impossible d’opérer un redressement. C’est l’unique problème français. Qui le dira ?   

    Politique magazine, janvier 2017

  • Robespierre a-t-il « théorisé » à la limite du racisme ?...

     

    Mur-bleu gds.jpgC'est le 7 mai 1794 que Robespierre fit adopter par la Convention le Culte de l'Être suprême. Comme souvent, pris par l'actualité la plus immédiate - qui prime, évidemment - nous ne sommes pas tout à fait en phase avec le calendrier commémoratif, dans ces Grains de sel, en rappelant certains faits de notre Histoire, qui méritent pourtant très largement de l'être, comme celui qui va nous occuper aujourd'hui...

    En effet, personne n'en parle, bien sûr, dans la doxa dominante, où il serait indécent de critiquer - et à fortiori de mettre en doute leur existence - ces fameuses « Valeurs de la République » dont on nous rebat les oreilles, avec d'autant plus d'insistance qu'elles n'existent pas, comme le dit fort justement Denis Tillinac : « ...les “valeurs républicaines”, ça n’existe pas. On confond indûment valeur et principe... »

    Mais les faits sont têtus et comme le dit l'adage latin Verba volant scripta manent : les paroles s'oublient, les écrits demeurent. Comment Robespierre a-t-il fait « passer » sa ridicule trouvaille de l'Être suprême, aussi vite oubliée qu'imposée ? Evidemment, par un discours fleuve, car Robespierre, avocat, était un discoureur impénitent, un de ces « bourgeois diserts » dont la Révolution fut prodigue (la formule est de Madame de Coislin, citée par Chateaubriand), atteint d'une logorrhée incurable. Et le 18 floréal, an II de la république, le cher Maximilien prononça un de ces discours ampoulés dont il avait le secret, au milieu duquel il glissa tout de même cette assertion, qui pose problème, comme dit aujourd'hui le jargon :

    « ...Le peuple français semble avoir devancé de deux mille ans le reste de l'espèce humaine ; on serait tenté même de le regarder, au milieu d'elle, comme une espèce différente* ».

    Mais, qu'est-ce-à dire, « une espèce différente » ?

    Certes, nous n'allons pas accuser Robespierre d'avoir comparé « le peuple français»  (tiens, tiens, il existe, « le peuple français » , monsieur Eric Besson ?) à un peuple supérieur aux autres (comme un Hitler regardait la « race aryenne » comme supérieure aux autres), mais il faut bien avouer qu'il y a, dans ce contentement de soi, cette exaltation d'un peuple en particulier, cette façon de le mettre en avant, en hauteur, en état pour ainsi dire de supériorité de fait par rapport aux autres, quelque chose de nauséabond, comme on dit aujourd'hui, toujours dans le jargon.

    Car, de toute évidence, le fait d'être « comme une espèce différente » est évidemment envisagé par Robespierre dans un sens positif, prétendument favorable au peuple français comparé aux autres. C'est parce qu'il a quelque chose de plus, quelque chose en plus par rapport aux autres peuples qu’ « on serait tenté de le regarder même... comme une espèce différente » .

    Surtout à l'époque et dans le contexte de xénophobie exacerbée qu'a ouvertement produit, attisé et assumé la Révolution : n'oublions pas que la reine de France n'était appelée que « l’autrichienne », et encore, quand ce n'était pas bien pire...

    Que recouvre donc cette propension a être tenté de regarder le peuple français « comme une espèce différente » alors que l'on pratique ouvertement, allègrement, quotidiennement la xénophobie la plus virulente ? Alors, danger : si Robespierre n'a pas franchement franchi la ligne rouge, disons qu'il l'a tutoyée, et même un peu chevauchée, non ? Et puis, bien sûr, en creux, il y a ce sentiment de supériorité inavoué ; ce mépris non-dit, cette arrogance et ce dédain, cette commisération aussi, vis-à-vis des autres, des pauvres autres...

    La conclusion nous semble s'imposer d'elle-même : s'il n'a pas littéralement « théorisé » le racisme, la supériorité d'un peuple sur les autres, Robespierre s'en est approché très, très près ; trop près.  

    « Je ne puis rien nommer, si ce n’est par son nom. J’appelle un chat un chat, et Rollet un fripon » (Boileau, Première Satire, 1666). Oui, vraiment, un texte pareil, pour parler français : ça pue !

    Anecdote de clôture, pour garder le sourire et ne pas perdre le moral : le 7 mai 1794, Robespierre est à l'apogée de sa puissance ; deux mois et demi après, le 27 juillet, il est mort... Un anonyme, avec talent, a rédigé la célèbre épitaphe que tout élève devrait apprendre : « Passant, ne pleure pas sur ma mort : si je vivais tu serais mort ! »  

    * Source :

    https://fr.wikisource.org/wiki/%C5%92uvres_de_Robespierre/Sur_le_rapport_des_

    id%C3%A9es_religieuses_et_morales_avec_les_principes_r%C3%A9publicains_

    et_sur_les_f%C3%AAtes_nationales,

    Le passage cité forme le huitième paragraphe de cette logorrhée

     

    Lire aussi dans Lafautearousseau ...

    L'imposture des valeurs républicaines (Denis Tillinac - 26 février 2015)

  • L’entreprise de racolage de Macron dézinguée par Finkielkraut

     

    Par Nicolas Gauthier

    Au moment où nous rédigeons ces lignes s'est achevé le débat indigne et sans qualité ayant infligé deux heures et demie d'écoute dégradante et inutile à des millions et des millions de Français. Achèvement de la plus insane des campagnes présidentielles qui ait existé sous nos cinq républiques. Il paraît radicalement impossible qu'un Chef de l'Etat digne de gouverner comme il convient un grand pays comme la France, puisse jamais sortir de telles procédures  - qui laissent le spectateur sidéré, abattu, dégoûté.  Epuisement du régime ? Autres exemples : les deux sujets de cette nouvelle excellente chronique, comme souvent celles de Nicolas Gauthier, parue dans Boulevard Voltaire, hier, 3 mai. Sans autres commentaires.  LFAR  

     

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    La campagne de second tour d’Emmanuel Macron ? Après le grotesque – la récupération de ceux qui font le show –, l’ignoble : l’instrumentalisation des victimes de la Shoah.

    Le grotesque, pour une fois, n’est pas totalement de son fait, mais de celui d’artistes pétitionnaires – au nombre de cent – appelant (quelle surprise) à faire « barrage à Marine Le Pen ». Inutile, chez ces gens, de chercher les têtes d’affiche de leurs arts respectifs, s’agissant plutôt de têtes de gondole destinées aux soldes de printemps ; bref, de troisièmes ou quatrièmes couteaux jouant à se faire peur avec une possible Nuit des petits canifs.

    Leur texte est grotesque à double titre. Par sa formulation hasardeuse, déjà : « Le Front national ne cesse de tirer à boulets rouges sur l’art contemporain, c’est-à-dire sur les formes de l’art sans précédent » [définition pour le moins sujette à caution, NDLR]. C’est pourtant là que réside l’éminente fonction de l’art qu’est la subversion, qui va du léger déplacement au renversement scandaleux. La liberté de penser et de créer, la liberté d’inventer et d’affirmer, la liberté d’interpréter et de critiquer le monde comme il va ou ne va pas, sont choses précieuses, ô combien ! »

    Aussi précieuses que leurs subventions publiques, soit l’argent du contribuable ? Nos anarchistes d’État ne le précisent pas.

    Pis : ces mutins de Panurge, incapables d’aller au bout de leur logique, n’appellent même pas à voter pour Emmanuel Macron, puisqu’il est reproché à ce dernier de vouloir privilégier « mécénat et partenariat privé ». Nos chers zartistes ne devraient pourtant pas faire la fine bouche, à en juger du goût de latrines de milliardaires tels que Bernard Arnault, jamais avare de prébendes. Surtout lorsque distribuées avec un mauvais goût très sûr aux tenants d’un art « conceptuel » aux concepts plus que flous, art volontiers « dérangeant », mais ne dérangeant finalement plus personne : le bourgeois contemporain, au même titre que l’antifâchiste classique, donne aujourd’hui d’indéniables signes de fatigue.

    Après le grotesque, l’ignoble. Et là, les récentes déclarations d’Emmanuel Macron ne prêtent plus à rire, au contraire de la très distrayante pétition plus haut évoquée. 

    Ainsi, ce dimanche 30 avril, après une visite à Oradour-sur-Glane, le jeune Trogneux était-il en marche vers le mémorial de la Shoah, dans le IVème arrondissement parisien, histoire de rendre hommage à « toutes ces vies fauchées par les extrêmes ». Suivez le regard appuyé et l’œil en coin. Les extrêmes ? Le Pen ou Mélenchon ? Quel cadavre planqué dans l’armoire en caleçon à croix gammées ? Ce n’est pas pour rien que sa Brigitte lui a enseigné le théâtre ; de boulevard, semble-t-il. 

    Puis, toujours en roue libre, le même d’assener : « Nous avons aujourd’hui un devoir qui est double, le devoir de mémoire. Nous avons aussi le devoir que cela n’advienne plus jamais, en acceptant en rien l’affaiblissement moral qui peut tenter certains, le relativisme qui peut en tenter d’autres, le négationnisme dans lequel certains trouvent refuge. »

    S’il avait poursuivi de ses assiduités sa prof d’histoire plutôt que celle de français, Emmanuel Macron aurait su que l’un des premiers à s’être historiquement « réfugié » dans le négationnisme n’était autre que Jean-Gabriel Cohn-Bendit, frère de Dany Cohn-Bendit, l’un des premiers soutiens du micro-parti En marche ! Comme quoi « l’affaiblissement moral » se niche aussi dans les meilleures familles, entre aîné révisionniste et cadet appréciant les mains enfantines dans sa braguette…

    Cette visite aux allures de racolage sur des lieux de mémoire a provoqué la sainte colère d’Alain Finkielkraut qui, ce dimanche, sur les ondes de RCJ (Radio communauté juive), lors de l’émission hebdomadaire « L’Esprit d’escalier », présentée par Élisabeth Lévy, s’insurge de la sorte : « C’est le fils de déporté en moi qui hurlait. On ne peut pas faire de l’extermination des Juifs un argument de campagne. Les morts ne sont pas à disposition. Le devoir de mémoire dont on parle tant consiste à veiller sur l’indisponibilité des morts. »

    Pour ce philosophe, dont une grande partie de la famille est morte en déportation, de tels comportements paraissent, à juste titre, relever plus encore de l’obscénité que de l’ignominie : « La question du négationnisme demande tout autre chose qu’une halte rue Geoffroy-l’Asnier [adresse parisienne du mémorial en question, NDLR] pour mobiliser l’électorat juif contre Marine Le Pen, car ce ne sont pas des jeunes militants du FN qui rendent impossible l’enseignement de la Shoah dans les écoles ou qui vont chercher des faits alternatifs aux camps de la mort. De cette terrible réalité, je ne vois guère d’écho dans la campagne d’Emmanuel Macron. Il ne cesse de faire des clins d’œil aux jeunes des banlieues et réserve ses coups à la bonne vieille bête immonde. »

    Il n’empêche qu’à reculons et du bout des doigts, Alain Finkielkraut déposera néanmoins un bulletin Macron dans l’urne ce dimanche prochain, tout en se désolant de la sorte : « Marine Le Pen sera peut-être battue, mais comment se réjouir d’une victoire du faux ? » Il y a, décidément, des pas qu’Alain Finkielkraut peine à franchir, posant de bonnes questions tout en y apportant de mauvaises réponses, tel qu’affirmait jadis Laurent Fabius à propos d’un certain Jean-Marie Le Pen. 

    Journaliste, écrivain
  • Société & Actualité • Non, la moitié de la France n’est pas « fasciste »

     

    Jean-Paul Brighelli dresse ici [Bonnet d'âne, 3.05] un tableau réaliste de la situation politique et sociale française à la veille du second tour de cette présidentielle. Sa réaction est globalement la nôtre - en tout cas, elle est non-conformiste et courageuse - même si nous pouvons ne pas être d'accord sur tel ou tel point particulier. On lira cette chronique comme on prend un grand bol d'air frais et sain . Sur le dégoût qu'inspire cette présidentielle nullissime et pestilentielle, nous sommes à l'unisson avec une large majorité de Français. Et avec Jean-Paul Brighelli, bien-sûr.  LFAR   

     

    164510964.jpgLes noms d’oiseaux volent bas depuis quelques jours. Voter MLP, ce serait donc voter fasciste. Ou mieux : nazi. À point Godwin, point Godwin et demi. Et voter blanc c’est tout pareil — un demi-point de mieux !

    Claude Rochet, qui a fait une brillante carrière dans le privé et dans le public, professeur des universités et vieux spécialiste du fascisme français, a beau expliquer dans une tribune rigoureuse ce qu’est le fascisme, et comment le vrai fascisme a toujours été du côté des puissances économiques, c’est sur Marine Le Pen que l’on s’acharne. Et mieux que cela : sur tous ceux qui n’appellent pas à voter pour son adversaire. Mélenchon, tu n’as pas honte d’être fasciste ?

    Pourtant, comme le souligne mon ami Jacques Sapir analysant le programme de MLP, « la décence devrait obliger cette même meute de reconnaître qu’il n’y a rien de « fasciste » ni dans son programme ni dans le comportement de son mouvement. Où sont donc les milices armées qui tiendraient les rues ? Depuis des années, elles viennent d’une toute autre mouvance que le FN. A prétendre que le FN est « antirépublicain » on s’expose de plus à une contradiction évidente : si ce mouvement fait courir un danger à la République, il devrait être interdit et ses responsables emprisonnés. Si tel n’est pas le cas, c’est que ce parti n’est pas un danger pour la République. A vouloir se draper dans l’Histoire, cette meute journalistique et écrivassière se prend les pieds dans le tapis. Le programme défendu par Mme Marine le Pen est un programme populiste, avec ses bons mais aussi ses mauvais côtés. C’est un programme souverainiste, même s’il n’est pas exempt de dérapages, comme sur la question du droit du sol et de la protection sociale. On peut le contester, on peut même le réprouver. Mais, en faire un épouvantail est d’un ridicule achevé. Non, nous ne sommes pas dans l’Allemagne de 1933. Nous ne sommes même plus dans la France de 2002. Les choses ont profondément changé, sauf peut-être l’inconscience crasse de cette meute bavante qui nous rejoue la même partition qu’elle nous avait jouée lors du référendum de 2005. Et, il faut le souligner, elle avait été battue à l’époque ! »

    Je suis loin d’approuver moi-même tout le programme de Marine Le Pen. Par exemple, ne pas vouloir scolariser aux frais de la République les enfants de migrants est une grosse bourde : il faut les sur-scolariser, et deux fois plutôt qu’une, et leur apprendre la langue française qui sera leur vraie patrie, et à travers eux scolariser leurs parents. Mais ce sera facile, dans les classes dédoublées que nous promet Macron. 

    Que je sache, ce ne sont pas les fascistes qui, le 1er mai, tentent de faire brûler les policiers — et s’en réjouissent. C’est une section CGT — désavouée par Martinez, légèrement débordé par ses troupes. À noter que Hollande ne s’est pas rendu au chevet du policier le plus gravement atteint — il a trop à faire à exhorter ses troupes à voter Macron. Le marionnettiste est sorti de son cagibi élyséen.Oui, le vrai fascisme a toujours été du côté des puissants — il n’est populiste que dans ses moyens. Aude Lancelin a dressé un état enfin lucide de la presse française, sidérée, chère âme, de ce que la quasi-totalité des médias soutienne Toufriquet. Ce qui met la France, au palmarès de Reporters sans frontières, au 45ème rang, « quelque part entre le Botswana et la Roumanie », ajoute la journaliste. Et de préciser: « Le tout à cause, contentons-nous de citer l’organisme international sur ce point, « d’une poignée d’hommes d’affaires ayant des intérêts extérieurs au champ des médias qui ont fini par posséder la grande majorité des médias privés à vocation nationale. » Jamais une situation pareille de mainmise quasi totale sur la presse ne s’était vue en France depuis 1945. »

    Oui, le vrai fascisme n’est pas dans une résurgence d’Auschwitz — il faut toute la rhétorique échevelée d’Arno Klarsfeld pour oser le dire —, mais un enfant inavoué, quoique vigoureux, du néo-libéralisme qui a fait des médias son bac à sable préféré. Ceux qui ont célébré le mieux la première place de Macron au soir du 1er tour, ce sont les boursiers qui se sont rués dès le lendemain sur les actions des banques — entre + 8 et + 10% en moyenne.

    Alors, si vous êtes banquier, ou grand industriel, ou gros propriétaire terrien ; si vous participez peu ou prou au dernier cercle du pouvoir — particulièrement du pouvoir bruxellois ; si vous êtes dans les petits papiers de Jacques Attali ou de Jean-Pierre Jouyet ; si vous complotez gaîment avec l’Institut Montaigne ou prenez vos ordres à l’Union des Organisations Islamiques de France — alors oui, votez Macron. Il est votre homme. Il est, comme le résume très bien Onfray, le paquet de lessive qui lavera plus blanc vos petits et vos grands bénéfices.

    Mais dans tous les autres cas…

    Et cela fait du monde.

    La loi nous fait obligation de ne plus rien publier de politique à partir de vendredi 20 heures. Je vous prépare donc pour cette date un joli article sur l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites — ou quelque chose d’approchant. En attendant, bonne lecture — et pensez de temps en temps à moi, qui signe de mon nom ces chroniques du temps présent. 

    Bonnet d'âne

  • LECTURES • « Quelle histoire pour la France ? » Et : « Esthétique de la liberté » ....

    Ces deux recensions de deux ouvrages importants, en particulier dans le contexte actuel, sont reprises des toujours excellentes - aussi bien qu'abondantes - notes de lecture de Georges LEROY, dans chaque livraison du Réseau Regain. Ici, celle de février 2015. Nous en recommandons la lecture.  

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    Quelle histoire pour la France ?

    Dominique Borne

    Gallimard, 350 p., 22,50 €. 

    Certains annoncent la mort de l’histoire de France. En ces temps de mondialisation, et surtout d’arrivée massive de populations issues de pays anciennement colonisés, le récit purement national serait à mettre au rebut. D’autres voudraient le retour d’un âge d’or, avec ses histoires saintes, monarchiques ou républicaines. 

    Dans cet essai qui peut faire débat, l’auteur, inspecteur général de l’Éducation nationale, propose de dépasser l’une et l’autre attitudes. À le suivre, il est possible de (re)construire une histoire à partir de moments d’histoire. Ces récits portaient en eux une espérance eschatologique qui a déserté quand la  croyance au progrès s’est enfuie.

    Faut-il pour autant abandonner toute histoire de France ? Ce livre répond par la négative : « Le besoin d’histoire nationale, dit l’auteur, est d’autant plus grand que les incertitudes contemporaines sont nombreuses. »

    Une telle histoire, pluraliste et discontinue, serait tissée avec celle de l’Europe et du monde et prendrait en compte toutes les composantes de la société. Se prêtant lui-même à l’exercice, l’auteur en propose quelques facettes qui redessinent un paysage national, suggèrent de possibles héros et donnent même des raisons d’espérer en l’avenir.   

     

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    Esthétique de la liberté

    Philippe Nemo

    PUF, 200 p., 18 €. 

    Il y a comme un arrière-goût dandy dans ce titre. En effet, quel rapport entre l’esthétique et la liberté ? En quoi la liberté pourrait-elle être esthétique ou pas ? Comment créer du lien entre l’esthétique et la liberté ? Est-ce un pur exercice intellectuel réservé à un homme de grande science ou bien en quoi cela peut-il concerner les millions de petits bourgeois français en cet hiver 2014 ? Livre de circonstance, petit plaisir, livre de fond ? 

    Dans la fable de La Fontaine « Le chien et le loup », la vie du loup est présentée comme plus belle que celle du chien, parce que l’un est libre, alors que l’autre est attaché. Le propos du livre est de savoir si La Fontaine a raison. Beauté et liberté sont-elles indissociables ? Si tel est le cas, quelles conclusions politiques peut-on en tirer ? Existe-t-il un enjeu plus profond, métaphysique, dans l’alternative d’être « chien » ou « loup» ?

    Le livre esquisse d’abord les contours d’une anthropologie philosophique où les places respectives de la beauté et de la liberté dans la structure de l’esprit humain sont précisées sont interrogés à cet égard de nombreux auteurs, de Platon à Plotin, de Grégoire de Nysse à Pic de la Mirandole, de Kant à Proust. 

    On voit que beauté et liberté sont « des idéaux qui doivent être cherchés de façon inconditionnelle », à l’instar de « la vérité et du bien ». Ainsi « le lien entre liberté et beauté a été formellement affirmé dans l’histoire des idées et des arts ». Pour les Grecs, « excellence physique et excellence morale sont donc étroitement mêlées et que l’on passe facilement de kalos à agathos ». Ce qui est beau est bon. Pour les Grecs, « beauté veut dire noblesse et l’aristocrate par excellence est un homme libre ». À l’inverse, le christianisme reconnaît un Dieu qui sonde les reins et les coeurs et donc « notre valeur objective n’est ni augmentée ni diminuée par le regard positif ou négatif que les autres portent sur nous ; il n’en pas ainsi chez les Grecs anciens. Leur souci, c’est ce que les autres pensent d’eux ». 

    Le lien entre société de liberté et beauté morale est établi au moyen des vertus théologales que sont la foi, l’espérance et la charité, mais aussi d’autres vertus chrétiennes comme la justice, la véracité, la libéralité, l’esprit de paix, la tolérance, la prudence, la tempérance, la force et l’orientation positive des activités. 

    Puis il montre comment la servitude enlaidit les existences humaines, ce qui n’est pas vrai seulement de la servitude absolue des totalitarismes, mais aussi de la demi-servitude instaurée par les socialismes dits modérés. 

    Il examine enfin ce qu’est une vie libre et créatrice de beautés, en soulignant le rôle qu’y jouent la contingence, l’imprévu, et la possibilité qu’y survienne du nouveau, comme dans un voyage. Sur ces bases, il montre que seule une vie libre peut avoir un sens. Le voyage permet de découvrir les facettes du monde qui lui était inconnue, de se découvrir lui-même. Il en appelle à Balzac pour le voyage social, mais aussi à Baudelaire dans son célèbre poème des Fleurs du mal. 

    En conclusion, nous sommes invités à « revivre en oeuvre d’art » notre propre existence. Ce livre est donc une magnifique médiation sur l’invitation au voyage que suppose une vie libre dans une société librequi repose elle-même sur la propriété privée d’une part, et la mise en action des vertus chrétiennes, au premier rang desquelles se trouve la charité, don gratuit, qui n’est rien d’autre que la beauté d’un geste libre.

     

  • L’islam au cinéma : Qu’Allah bénisse la France – L’Apôtre – Timbuktu ... Par Danièle Masson*

     

    Qu’Allah bénisse la France : L'acteur principal Marc Zinga et le réalisateur Abd Al Malik. Source : Own work, auteur : Georges Biard

     

    A9R54B0.jpgL’islam, vocable interdit puisque ceux qui ont crié « Allah Akbar », « on a vengé le prophète », « ne sont pas des musulmans » (Joseph Macé-Scaron) et que « le terrorisme n’a pas de religion» (Jamel Debbouze), se répand généreusement au cinéma.

    Avec des traitements différents. Nous avons dû nous contenter d’un DVD pour L’apôtre, de Cheyenne-Marie Caron; faire 35 kilomètres pour voir Timbuktu, d’Abderrahmane Sissako; mais Qu’Allah bénisse la France, d’Abd al Malik, était visible dans nos cinémas dès le jour de sa sortie.

    Avec quand même un avertissement, à l’entrée : « N’hésitez pas à nous prévenir s’ils chahutent ». La salle n’était occupée que par des « jeunes des quartiers » qui ont observé un silence de cathédrale pendant la projection, et chaleureusement applaudi àla fin.

    Si Allah a poursuivi sa course sans encombre, le Centre national du Cinéma a refusé de financer L’apôtre. Cheyenne a dû faire appel au mécénat privé, et son film n’a été projeté que dans une poignée de salles. En outre, la projection a été annulée à Nantes, à la demande de la DGSI, « cette projection pouvant être perçue comme une provocation par la communauté musulmane » ; quant à Timbuktu, il a été provisoirement retiré du cinéma municipal par le maire UMP de Villiers-sur-Marne « par peur des débordements après les attentats»; la compagne de Coulibaly étant originaire de Villiers. Comme quoi la liberté d’expression est à géométrie variable et le slogan « même pas peur » une autothérapie peu fiable.

     

    Qu’Allah bénisse la France

     

    Au cœur des films de Cheyenne Caron et d’Abd al Malik il y a une conversion. Régis Fayette Mikano, enfant d’immigrés noirs, grandit avec ses frères et sœurs, et sa mère, catholique, dans une cité HLM du quartier de Neuhof à Strasbourg. Très doué, il est poussé par son professeur de philo à intégrer une hypokhâgne puis l’université dans un double cursus philosophie et lettres classiques. Mais sa vocation musicale – mélange de rap, de jazz, de slam – l’entraîne, avec sa bande de frères et d’amis, pour financer ses débuts, au vol à la tire et au trafic de drogue. Le salut lui vient de l’amour de Nawel … et de sa conversion à l’islam.

    Il choisit le nom d’Abd al Malik, Malik étant la traduction arabe du latin regis : roi, et rappelant le nom prestigieux d’un calife omeyyade. Sa conversion ne pose aucun problème, le pacifie, assouvit son désir de s’en sortir par le haut, met en valeur une autobiographie hagiographique. Alors que plusieurs de ses amis meurent d’overdose, ce qu’évoque un plan fixe sur des jeunes présents à un enterrement, dont certains s’effacent de l’image, avec des noms qui apparaissent et la raison de leur mort, Malik, avec son groupe « Planète rap », s’en sort quasiment seul, grâce à Allah et à ses talents. La caméra suit quatre amis qui veulent devenir des stars, et qui traversent en file indienne, comme les Beatles, un passage piéton. Mais le spectateur comprend plus tard qu’un seul est arrivé de l’autre côté de la rue.

    Malik nous propose un modèle exemplaire d’intégration : lui-même ; mais pas d’assimilation. Nawel explique à Régis l’intégration telle qu’elle la conçoit : « On ne doit pas se sentir étranger dans notre pays, et notre pays c’est la France ». Abd al Malik confirme : « je suis une partie de la mosaïque qu’est la France». Ils ne sont pas des hôtes en France ; la France, c’est eux. D’où le caractère provocateur du titre du film : Allah pouvait-il bénir une terre non musulmane ?

     

    L’apôtre

     

    Lapotre-AffichedefHD1.jpgComme si elle était déjà terre musulmane, la France accueille aisément, malgré sa mère catholique, la conversion de Régis. Celle d’Hakim au christianisme, sur une terre jadis chrétienne, est autrement plus douloureuse, et Cheyenne Caron prend d’infinies précautions pour la faire accepter sans offenser l’islam et ses acteurs musulmans. D’ailleurs Fayçal Safi, interprète de Hakim, fait un éloge ambigu du film : « je suis musulman, la réalisatrice, une chrétienne convaincue […] Le message est fort […]

    A ma petite échelle, je parle des chrétiens martyrisés […] Avec ce film engagé, je dénonce le caractère déviant de certains extrémistes qui jouent de l’islam à des fins perfides ». L’acteur interprète donc le film comme une défense de l’islam contre le dévoiement des islamistes.

    C’est la clé des inconséquences des questions-réponses à l’oncle Rachid, qui est aussi imam, dans la salle de prière : « Peut-on épouser une non musulmane ? » Rachid passe du oui au non : juifs et chrétiens sont « gens du Livre ». Un mariage avec une non musulmane est donc licite. Mais les chrétiens sont des associateurs, et l’imam rappelle la sourate 2,217 : « L’association est plus grave que le meurtre ».

    N’empêche. Cheyenne-Marie traduit superbement la spécificité du christianisme : le pardon, l’amour désintéressé d’autrui – qui n’apparaissent jamais dans le Coran. C’est un fait réel qui a suscité le film, et la conversion d’Hakim. Un prêtre dont la sœur a été assassinée par son voisin musulman décide de rester auprès de ses parents, «pour les aider à vivre ».

    Cet acte de charité gratuite est incompréhensible pour un musulman. Même si le prêtre tente des passerelles entre islam et christianisme - « pardonne-leur et oublie leurs fautes, car Allah est bienveillant et bienfaisant », il sait que la bienveillance est à usage interne. Pour le prêtre, « la charité c’est voir Dieu dans son prochain». Pour l’imam Rachid, ce n’est pas reconnaître l’autre, mais le même : « la charité est obligatoire, dit-il, c’est un des cinq piliers de l’islam; c’est l’aumône de la rupture du jeûne, la zakat, elle est réservée à tes frères musulmans. On ne peut pas aimer qui nous fait du mal ».

    Quand Hakim annonce à sa mère (une irrésistible actrice juive) sa conversion, elle éclate de rire : « tu ne peux pas, ta mère, ta grand-mère sont musulmanes»: on naît musulman, c’est une question d’identité, où ni la liberté ni la grâce n’interviennent.

    Cette liberté des enfants de Dieu, le dénouement l’éclaire, mais demande à être décodé. Tabassé aux cris d’Allah Akbar parce qu’il est devenu apostat, Hakim détourne son frère Youssef de la vengeance, « qui ne guérit pas ». Plus tard, ils tombent dans les bras l’un de l’autre. Réconciliation fraternelle ? Mais priant chacun à sa manière, Hakim récite le Notre Père, et Youssef, en arabe, la Fatiha, première sourate du Coran: « guide-nous dans le droit chemin, le chemin de ceux que tu as comblés de faveurs, non pas de ceux qui ont encouru ta colère – les juifs – ni des égarés – les chrétiens».

    Ainsi résonnent ensemble le pardon des offenses et l’anathème, avant un « amen » à deux voix qui scelle l’ambiguïté.

     

    Timbuktu<

  • Qui sème le vent… par Pierre CHALVIDAN *

    Pierre CHALVIDAN.jpgCe n’est pas aux provocations de Charlie Hebdo que l’on pense en évoquant cette formule même si elle pourrait leur être appliquée. Mais il est clair que ces provocations, quelles qu’elles aient pu être, ne peuvent en rien justifier l’acte barbare qui vient d’être commis. 

    Non, ce à quoi on pense – car après le recueillement, il faut bien penser – c’est aux racines mêmes de cette barbarie. Car enfin, il faudra peut-être un jour se décider à aller au fond des choses et cesser de brandir ce voile de l’islamisme qui nous permet si facilement de ne pas voir que nous, Européens, sommes peut-être les premiers responsables de cette barbarie. Avec au premier rang de ces premiers responsables… les premiers Indignés d’aujourd’hui. 

    Dans l’alchimie intellectuelle de terrorisme musulman, mettons qu’il y ait un tiers d’Islam, mais c’est un petit tiers. S’y ajoute un bon tiers d’excitation médiatique, la drogue mortelle de la Modernité. Et enfin – et c’est celui-ci que l’on tend à occulter – un gros tiers de formatage idéologique : l’idéologie de la violence, de la révolution, de la lutte des classes sans cesse réinventée. 

    On ne remontera pas, ici, aux Pères fondateurs de cette idéologie, mais pensons à toutes ces petites mains (sanglantes) dont on a, pendant des lustres, fait briller l’étoile aux yeux des « Damnés de la terre », selon le titre du célèbre ouvrage de Frantz Fanon. 

    Le « Che », par exemple, pour n’en citer qu’un de mémoire encore fraîche : «  la haine intransigeante de l’ennemi qui pousse au-delà des limites naturelles de l’être humain, qui en fait une efficace machine de guerre à tuer, violente, sélective et froide… Nos soldats doivent être ainsi… etc. ». (Œuvre révolutionnaire – Maspero ­ 68 II, p. 285). 

    Ou bien ce Frantz Fanon que je citais dont le livre fut, pendant des décennies, la bible des « colonisés » : « Seule la violence paye, c’est la mitraillette qui libère et non le rêve religieux des anciens cultes qui fournissent tout au plus un exutoire… etc. ». Un livre dont la première édition fut honorée de la préface du Maître-penseur du moment, un certain Sartre, dans sa période maoïste, où il expliquait qu’en tuant un colon, le colonisé faisait  d’une pierre deux coups : « Abattre un Européen, c’est supprimer un oppresseur et un opprimé. Restent un homme mort et un homme libre ». Le même expliquant par ailleurs (« Actuel », février 1973) qu’il était « partisan de la peine de mort politique » : « un régime révolutionnaire doit se débarrasser d’un certain nombre d’individus qui le menacent et je ne vois pas, là, d’autre moyen que la mort. On peut toujours sortir d’une prison. Les révolutionnaires de 1793 n’ont probablement pas assez tué (sic !) et ont ainsi inconsciemment servi un retour à l’ordre, puis la Restauration… etc ». 

    Telles sont, concluait le regretté Jean Brun qui le cite, les exigences des « chemins de la liberté » ! [1] 

    La liberté, voilà bien justement une seconde question de fond à reprendre, car lorsqu’on lit la plupart des commentaires publiés ces jours-ci autour de la liberté d’expression, on est effaré par cet absolutisme de la liberté qui nous a saisis. 

    Ainsi, pour exemple à nouveau, celui-ci cueilli sous la plume d’une chroniqueuse habituellement mieux inspirée : « nous avons tous compris dans notre chair et dans notre âme ce que nous pressentions jusque là : la liberté sans la provocation ce n’est pas ce que nous appelons la liberté » [2]. 

    Si c’est cela que nous avons retiré des évènements, c’est pauvre et cher payé ! 

    Une valeur – la liberté incluse – n’a pas de valeur par elle-même. Elle tire sa valeur de la tension qu’elle entretient avec des valeurs de valeur égale. Qu’est-ce que la liberté sans la responsabilité et les vertus qui vont avec : modération, prudence, respect… ? Réponse : une forme de terrorisme. 

    Combien nous faudra-t-il de morts pour le comprendre ?  

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    [1] In « Vérité et Christianisme » - Librairie Bleue 1995, p. 65.

    [2] G. JURGENSEN – La Croix 10-11 janvier 2015 

     

    * Pierre CHALVIDAN est Docteur en Droit, diplômé de Sciences Politiques, licencié en Théologie.